Régression complète d’une tumeur myofibroblastique inflammatoire de vessie après antibiothérapie

Régression complète d’une tumeur myofibroblastique inflammatoire de vessie après antibiothérapie

Rec¸u le : 5 septembre 2015 Accepte´ le : 3 mars 2016 Disponible en ligne 18 avril 2016 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com ...

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Rec¸u le : 5 septembre 2015 Accepte´ le : 3 mars 2016 Disponible en ligne 18 avril 2016

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com



Fait clinique

Re´gression comple`te d’une tumeur myofibroblastique inflammatoire de vessie apre`s antibiothe´rapie Complete resolution of inflammatory myofibroblastic tumor of the bladder after antibiotic therapy E. Alezraa,b,*, X. Delforgea, P. Buissona, A. Gourmelc, C. Cordonnierd, J. Ricarda, E. Harauxa a Service de chirurgie pe´diatrique, CHU Amiens-Picardie, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France b Service d’urologie et de transplantation re´nale, CHU Amiens-Sud, Salouel, avenue Laennec, 80054 Amiens, France c Service d’oncologie pe´diatrique, CHU Amiens-Picardie, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France d Service d’anathomopathologie, CHU Amiens-Picardie, place Victor-Pauchet, 80054 Amiens, France

Summary

Re´sume´

Inflammatory myofibroblastic tumors (IMT) are rare benign tumors, most commonly arising in the lungs and urinary bladder. Many etiologic factors are suspected in their development, but none have been formally demonstrated. Conventional treatment for bladder IMT is complete surgical resection by partial cystectomy or transurethral resection. We report the case of an 8-year-old girl with documented bladder IMT that resolved completely after antibiotic therapy. ß 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (TMI) de vessie sont des tumeurs rares et be´nignes de l’enfant. De nombreux facteurs e´tiologiques ont e´te´ avance´s sans qu’aucun ne puisse eˆtre formellement identifie´. La re´section chirurgicale comple`te fait re´fe´rence mais une surveillance ou une corticothe´rapie peuvent eˆtre propose´es. Nous rapportons le cas d’une fillette de 8 ans avec une authentique TMI de vessie ayant re´gresse´ comple`tement apre`s antibiothe´rapie. ß 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

1. Introduction

2. Observation

Les tumeurs myofibroblastiques inflammatoires (TMI) de la vessie sont des tumeurs rares, survenant le plus souvent chez l’enfant. Elles se pre´sentent ge´ne´ralement sous la forme de masses solides intrave´sicales he´te´roge`nes qui font e´voquer en premier lieu le diagnostic de rhabdomyosarcome embryonnaire. Leur mode de re´ve´lation le plus fre´quent est l’apparition d’une he´maturie macroscopique isole´e [1]. Le traitement conventionnel est une re´section chirurgicale comple`te [1,2]. Nous rapportons un cas ayant re´gresse´ sous antibiothe´rapie.

Cette enfant de 8 ans sans ante´ce´dents me´dicochirurgicaux a consulte´ aux service d’accueil des urgences pour une he´maturie macroscopique survenue depuis 10 j et associe´e a` une dysurie, des bruˆlures mictionnelles et de la fie`vre. La palpation de la re´gion hypogastrique e´tait douloureuse sans qu’une masse soit perc¸ue et il n’y avait pas d’ade´nopathie pe´riphe´riques suspectes. L’examen des urines a` la bandelette s’est ave´re´ positif au sang et aux leucocytes et l’examen cytobacte´riologique (ECBU) a re´ve´le´ la pre´sence de Staphylococcus aureus re´sistant a` la me´thicilline (SARM). Une antibiothe´rapie par cotrimoxazole a e´te´ prescrite pour une dure´e de 10 jours. Le bilan biologique objectivait au de´part

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (E. Alezra). http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2016.03.007 Archives de Pe´diatrie 2016;23:612-615 0929-693X/ß 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.

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[(Figure_1)TD$IG]

Tumeur myofibroblastique inflammatoire ve´sicale

Figure 1. Imagerie par re´sonance magne´tique abdominale avec injection de produit de contraste : masse intrave´sicale he´te´roge`ne de 45 mm prenant le contraste.

une e´le´vation des marqueurs de l’inflammation (taux se´rique de prote´ine C re´active (CRP) a` 64 mg/L et hyperleucocytose a` 11 400/mm3). L’e´chographie abdominale a re´ve´le´ une masse solide intrave´sicale localise´e sur la face late´rale droite incluant une calcification centrale de 6  4 cm. L’imagerie par re´sonance magne´tique (IRM) abdominale (fig. 1) a objective´ une masse he´te´roge`ne endove´sicale se rehaussant apre`s une injection de gadolinium faisant e´voquer un rhabdomyosarcome. La tomographie par e´mission de positron et le scanner thoracique n’ont pas montre´ de localisation a` distance. Les marqueurs tumoraux (antige`ne carcino-embryonnaire [ACE] et alpha-fœto-prote´ine) et la cytologie urinaire se sont ave´re´s ne´gatifs. La cystoscopie a retrouve´ la masse polyploı¨de de la

[(Figure_2)TD$IG]

face late´rale droite et du fond ve´sical sans envahissement du me´at ure´te´ral droit ; 5 biopsies ont e´te´ re´alise´es (fig. 2). L’analyse histologique (fig. 3) a re´ve´le´ la pre´sence d’un infiltrat inflammatoire, associant des cellules lymphoı¨de et une composante myofibroblastique exprimant en immuno-histochimie des marqueurs e´pithe´liaux, tels que la cytoke´ratine, l’actine musculaire lisse et la prote´ine P53, mais ne´gative pour l’ALK-1 (anaplastic lymphoma kinase 1). L’ensemble de ces arguments e´taient en faveur d’un TMI. Le bilan e´tiologique a e´te´ poursuivi a` la recherche d’une cause infectieuse : la recherche de bacilles acido-alcoolo-re´sistants (BAAR), de Nocardia et d’Actinomyces est reste´e ne´gative 3 j de suite. Les se´rologies virales (virus d’Epstein-Barr [EBV], herpes

Figure 2. Cystoscopie : masse polypoı¨de proche du me´at ure´te´ral droit.

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E. [(Figure_3)TD$IG] Alezra et al.

Figure 3. Aspect histologique des biopsies ve´sicales : cellules fusiformes au sein d’un infiltrat inflammatoire exprimant fortement la cytoke´ratine.

simplex virus [HSV], le cytome´galovirus [CMV] et herpe`s virus humain type 8 [HHV-8]) se sont e´galement ave´re´es ne´gatives. E´tant donne´ le contexte d’infection urinaire aigue ¨, une antibiothe´rapie efficace avec surveillance clinique et radiologique a e´te´ initialement choisie plutoˆt qu’un traitement chirurgical imme´diat. Les signes cliniques se sont rapidement amende´s et les parame`tres biologiques se sont normalise´s en quelques jours. L’IRM de controˆle a` 2 mois a montre´ une re´gression comple`te des le´sions et les e´chographies de controˆle a` 6 et 12 mois ont e´te´ normales.

3. Discussion Les TMI sont des tumeurs solides rares, le plus souvent be´nignes, principalement observe´es chez l’enfant et l’adulte jeune. Elles peuvent se de´velopper au de´pens de tous les organes mais leurs deux localisations pre´fe´rentielles sont les poumons et la vessie [1]. La TMI de vessie se de´couvre le plus souvent a` l’occasion d’un tableau d’infection urinaire basse, associant he´maturie, bruˆlures mictionnelles et pollakiurie. Certains patients peuvent e´galement pre´senter une masse sus-pubienne douloureuse justifiant la re´alisation d’un examen comple´mentaire d’imagerie [1,2]. Dans notre observation, aucune masse abdominale n’e´tait perc¸ue mais la douleur suspubienne, la fie`vre et les perturbations du bilan biologique avaient motive´ la re´alisation d’une e´chographie abdominale. Cet examen montre ge´ne´ralement une masse polypoı¨de he´te´roge`ne avec une large base d’implantation [3], mimant le tableau d’un rhabdomyosarcome embryonnaire [4] qui est la plus fre´quente des tumeurs malignes de vessie chez l’enfant. Une IRM ou un scanner abdomino-pelvien injecte´

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Archives de Pe´diatrie 2016;23:612-615

peuvent eˆtre re´alise´s pour pre´ciser la topographie de la masse, rechercher une prise de contraste pathologique et e´valuer l’extension locore´gionale. Cependant, le diagnostic de´finitif est difficile : il s’agit toujours d’un diagnostic d’e´limination et il reste obligatoirement anatomopathologique. En effet, les TMI constituent une entite´ anatomopathologique bien de´finie a` diffe´rencier des pseudo-tumeurs inflammatoires (PTI) meˆme si certains auteurs utilisent encore ces deux termes comme des synonymes. Ho ¨hne et al. ont bien insiste´ sur la diffe´rence de ces deux entite´s au travers d’une revue de la litte´rature regroupant 938 cas. Ils diffe´renciaient explicitement : les TMI qui sont le fruit d’une prolife´ration tumorale de cellules myofibroblastiques et les PTI qui repre´sentent, plus qu’une formation tumorale, une re´action inflammatoire importante mimant le de´veloppement d’une tumeur [5]. L’analyse anatomopathologique montre ge´ne´ralement un infiltrat inflammatoire avec des cellules fusiformes et surtout l’absence de cellules malignes. Les TMI expriment fre´quemment l’actine musculaire lisse, la vimentine, la caldesmine et la P53 [2]. L’ALK-1 est un marqueur assez spe´cifique lorsqu’il est associe´ a` l’aspect d’infiltrat inflammatoire avec des cellules fusiformes. Il est pre´sent dans 8 a` 63 % des cas de TMI selon les e´tudes. Il s’agit d’un re´cepteur des tyrosine-kinases anormalement exprime´ dans les lymphomes a` grandes cellules et dans les carcinomes bronchiques. Son roˆle dans la pathogene`se des TMI est maintenant clairement e´tabli et son expression en immuno-histochimie est un argument de poids dans le diagnostic de TMI [6,7]. Certains auteurs ont avance´ la possibilite´ d’un roˆle pronostic d’ALK-1 pour pre´dire le risque de re´cidive ou e´ventuellement dans de tre`s rares cas de localisations secondaire [1,6]. En effet, 20 % [1] a` 40 % [6] des formes re´cidivantes ou invasives de TMI, principalement de localisation initiale pulmonaire, expriment ALK-1. Les re´cidives surviennent ge´ne´ralement entre 2 et 12 mois apre`s traitement [1]. Dans notre observation, l’absence d’ALK-1 a e´te´ un des arguments pour de´cider d’une surveillance plutoˆt qu’une re´section chirurgicale. De nombreux facteurs e´tiologiques ont e´te´ avance´s comme les infections bacte´riennes ou virales (BAAR, Nocardia, Actinomyces, EBV(7), HSV-1 et HSV-2) [1,3], les traumatismes ou des me´canismes auto-immuns [3]. Dans le cas de´crit, une infection urinaire a` SARM e´tait pre´sente et nous avons observe´ une disparition comple`te des le´sions deux mois apre`s une antibiothe´rapie efficace. Cette re´gression comple`te de la tumeur apre`s antibiothe´rapie sugge`re une cause infectieuse probable. Le traitement classiquement pre´conise´ pour les TMI de vessie est la re´section chirurgicale comple`te [1,2,8]. Chez l’enfant, les deux options possibles sont la cystectomie partielle et la re´section trans-ure´trale si la tumeur n’envahit pas la graisse pe´rive´sicale. Dans le cas de notre observation, la tumeur e´tant proche du me´at ure´te´ral droit, une exe´re`se chirurgicale aurait e´te´ difficile et aurait probablement ne´cessite´ une

Tumeur myofibroblastique inflammatoire ve´sicale

re´implantation ure´te´ro-ve´sicale en plus de la cystectomie partielle [9]. Certains auteurs ont propose´ une corticothe´rapie de 4 a` 6 semaines. La revue de la litte´rature nous a permis d’identifier 2 cas de TMI pulmonaires re´gressives apre`s corticothe´rapie [10] et 1 cas de TMI de vessie ayant partiellement re´gresse´ sous une corticothe´rapie pre´ope´ratoire [11]. Cependant, aucun cas de re´gression comple`te de TMI de vessie sous corticothe´rapie n’a e´te´ rapporte´. Fletcher et al. ont rapporte´ le cas d’une TMI de vessie ayant re´gresse´ apre`s 6 semaines d’antibiothe´rapie par amoxicilline-acide clavulanique en l’absence d’infection urinaire a` l’ECBU [12].

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4. Conclusion [6]

Dans le cas que nous rapportons, la TMI de vessie s’est re´ve´le´e par une infection urinaire basse et a totalement re´gresse´ apre`s une antibiothe´rapie adapte´e. Aucun lien certain ne peut eˆtre de´montre´ entre cette TMI et l’infection a` SARM mais un tel lien paraıˆt possible vue la re´gression comple`te apre`s antibiothe´rapie. Nous n’avons pas observe´ de re´cidive tumorale apre`s 12 mois de suivi et aucun cas de re´cidive ou de me´tastases n’a e´te´ de´crit dans la litte´rature pour les TMI de localisation ve´sicale [1].

De´claration de liens d’inte´reˆts Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.

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[10]

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Re´fe´rences [12] [1]

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