Annales de chirurgie plastique esthétique (2014) 59, 424—428
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Rhinoplastie standard de réduction Standard rhinoplasty J. Bardot a, Y. Jallut b, P.-S. Nguyen a,* a
ˆ pital de la Conception, 147, boulevard Baille, 13005 Marseille, France Service de chirurgie plastique, ho Cabinet de chirurgie plastique, immeuble Convergence, ZI courtine Ouest, 50, rue Berthy-Albrecht, 84000 Avignon, France
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MOTS CLÉS Rhinoplastie ; Bosse ostéocartilagineuse ; Voie d’abord dissimulée ; Voie d’abord externe
KEYWORDS Rhinoplasty; Dorsal hump removal; Closed approach; External approach
Résumé La plupart des patients qui consultent en vue d’une rhinoplastie ne désirent pas une transformation radicale de leur nez, mais plutôt une réduction de volume de l’ensemble de la pyramide nasale et la correction d’un élément précis jugé par eux spécialement disgracieux, le plus souvent la bosse ostéocartilagineuse. L’intervention que nous qualifions de « standard » va enlever la bosse ostéocartilagineuse, diminuer les dimensions du septum et réduire la taille des crus latérales des cartilages alaires. Bien que les gestes techniques soient simples, il faut que leur enchaînement soit cohérent, avec quelques règles de base simples mais rarement expliquées pour éviter les défauts liés à des excès ou au contraire des insuffisances de corrections. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Most patients who consult a surgeon for rhinoplasty do not want a radical change in their nose. They seek a reduction in the volume of the nasal pyramid and correction of a precise element that they judge to be ungainly — most often an osteocartilaginous hump. The procedure that we qualify as ‘‘standard’’ will eliminate the osteocartilaginous hump, decrease the dimensions of the septum and reduce the size of the alar crus of the alar cartilage. Although the required technical maneuvers are simple, their sequence must be coherent with a few basic rules that are simple but rarely explained in order to avoid defects linked to excessive, or on the contrary, insufficient corrections. # 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction La plupart des patients qui consultent en vue d’une rhinoplastie ne désirent pas une transformation radicale de leur
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (P.S. Nguyen). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2014.07.017 0294-1260/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
nez, mais plutôt une réduction de volume de l’ensemble de la pyramide nasale et la correction d’un élément précis jugé par eux spécialement disgracieux, le plus souvent la bosse ostéocartilagineuse. Il s’agit de cas où les angles naso-frontal
Rhinoplastie standard de réduction et naso-labial sont en place et proches de la normale, et où la pointe du nez ne nécessite pas de geste chirurgical complexe. L’intervention que nous qualifions de « standard » va enlever la bosse ostéocartilagineuse, diminuer les dimensions du septum et réduire la taille des crus latérales des cartilages alaires. Cet enchaînement décrit par Joseph [1] et bien d’autres comme Aufricht [2], Jost [3] ou Rees [4] est devenu classique et accepté par tous les auteurs. Bien que les gestes techniques soient simples, il faut que leur enchaînement soit cohérent, respectant des règles de base rarement expliquées en détail, ceci afin d’éviter les défauts liés à des excès ou au contraire des insuffisances de corrections. Ce type d’intervention peut être mené par voie endonasale par la plupart des chirurgiens qui en ont l’habitude. La voie externe expose mieux les structures concernées mais nécessite de reconstituer le soutien et l’harmonie de la pointe, ajoutant de la complexité à l’intervention. La connaissance des deux abords reste néanmoins nécessaire pour tout rhinoplasticien qui recourt à l’un ou l’autre en fonction des difficultés rencontrées et de ses habitudes [5,6]. Dans une majorité de cas, la demande du patient est de corriger un défaut de son nez sans risquer de changer de physionomie. La personne veut alors harmoniser les proportions de son nez, soit entre elles, soit avec le reste de son visage. Il y a dans cette demande fréquente des « points clés » et des règles de base simples que nous tenterons de résumer dans l’article et déséquilibre facial ne s’oppose à une rhinoplastie de réduction qui aura pour but de réduire l’ensemble de la pyramide nasale dans sa projection et sa largeur. Souvent cette intervention permettra d’insister plus particulièrement sur tel ou tel défaut plus marqué, le plus souvent la bosse ostéocartilagineuse. Examen clinique et analyse photographique s’assurent du bon positionnement des angles naso-frontal et naso-labial, ainsi que de l’absence de disproportion majeure entre les différentes composantes du nez.
425 La voie d’abord de base est l’incision intercartilagineuse qui permet ainsi un double abord sur les cartilages de la pointe et le dorsum, en accord avec la plupart des auteurs [8—11].
Déroulement de l’intervention Le bon déroulement d’une opération impose une planification des différents temps opératoires obéissant à une certaine logique chirurgicale et à un examen préopératoire précis. Il est évident que chaque cas doit être reconsidéré mais deux régions sont incontournables : le dorsum et la pointe. Commencer par la pointe [9,10] ou par l’arête [7,11] ? Il paraît plus logique de corriger la pointe du nez puis d’adapter l’arête nasale. La difficulté vient du nécessaire contrôle de la région supra-apicale ou « supra-tip ». À ce niveau existent, pour donner la largeur et le niveau de la jonction de l’arête et de la pointe, plusieurs éléments qui sont, de haut en bas (Fig. 1 et 2) : l’extrémité inférieure ou caudale des cartilages triangulaires : ils font corps avec le septum. Lorsque la cyphose nasale est importante, leur extrémité inférieure s’enfonce en coin entre les alaires, pousse la pointe vers le bas et en augmente la largeur ; le volume, la situation et la forme des cartilages alaires, extrêmement variables ; la qualité des téguments et l’épaisseur des tissus sous cutanés. Commencer par la correction de l’arête suppose donc de laisser en place un léger excès de septum cartilagineux et de cartilages triangulaires que l’on pourra adapter en fin d’intervention en fonction du résultat de la réduction alaire.
Voie d’abord Pour un geste simple et couramment pratiqué, toutes les voies d’abord peuvent convenir. Les voies d’abord endonasales se prêtent bien à ce type d’intervention. Rapides à effectuer, elles créent un minimum de décollements et de cicatrices dans le tissu conjonctif nasal. Les suites opératoires sont écourtées par la disparition rapide de l’œdème. D’après Constantian [7], « la rhinoplastie n’est pas rendue plus facile par une incision plus large mais plutôt par une analyse judicieuse du problème chirurgical et une adhésion à une stratégie qui prend en compte les processus physiologiques pré-existants ». La voie d’abord externe est de plus en plus utilisée par les jeunes chirurgiens qui préfèrent avoir un contrôle visuel direct de leur geste. Les chirurgiens plus aguerris y recourent également en fonction de leurs habitudes et de leur expérience. La meilleure exposition se paye par la nécessité de reconstruire par des sutures et des greffes cartilagineuses les structures conjonctives de la pointe du nez qui ont été disséquées pour aborder le septum et l’arête.
Figure 1 A et B. Vue de face de la pyramide nasale avec schématisation des structures cartilagineuses du tiers moyen (1) et de la pointe (2). Le dorsum fait saillie sous la peau et plonge en bas entre les cartilages alaires, les dômes sont bien dessinés et repoussés en dehors par la partie basse du septum et des cartilages latéraux supérieurs.
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J. Bardot et al.
Figure 2 Vue de trois quart (A) et vue latérale (B) de la pyramide nasale avec visualisation des rapports entre les os propres et les cartilages latéraux supérieurs responsables avec le septum de la bosse ostéocartilagineuse (1). Les cartilages alaires et la peau, épaisse à ce niveau déterminent la forme de la pointe. La situation de la pointe (projection) dépend des deux structures à la fois (setpum et cartilages alaires).
Réduction de la saillie de l’arête ostéocartilagineuse Le patient voulant le plus souvent un « nez droit », il faut tout à la fois ne pas laisser d’excès osseux tout en évitant les risques d’ensellure. Il parait logique de proposer les repères suivants : commencer la résection des triangulaires en emportant leur extrémité caudale et poursuivre la chondrotomie parallèlement au septum et à l’arête cartilagineuse jusqu’au bord inférieur de l’os propre (Fig. 3) ; la chondrotomie du bord antérieur du septum chemine ensuite à un ou deux millimètres en arrière de la voûte cartilagineuse jusqu’à atteindre le contact du bord inférieur de la pyramide osseuse ; l’ostéotome va reposer sur le bord antérieur du septum et le tranchant est au contact du bord inférieur des OPN (Fig. 4) ; la pulpe de l’index de l’opérateur est fermement appuyée dans l’angle naso-frontal et sert à repérer en haut le niveau où l’ostéotomie doit se terminer pour n’emporter que la partie saillante de la bosse ostéocartilagineuse. Les ostéotomies latérales, développées dans un autre article, ne seront pas reprises ici. Chaque équipe, chaque opérateur a ses préférences et l’important est surtout de les faire à l’endroit escompté. Le tracé « low to low » est plus agressif mais laisse plus de possibilités de reprise. À l’inverse le tracé « low to high » est élégant et naturel mais laisse des déformations visibles sur les faces latérales du nez en cas d’imperfection.
Réduction « standard » du volume des cartilages alaires Quels sont les critères d’analyse de la projection de la pointe ? De nombreux essais de classification ont été proposés mais le
Figure 3 Vue de face du tiers supérieur et moyen de la pyramide nasale : schématisation des chondrotomies paramédianes des cartilages triangulaires avant résection de la bosse ostéocartilagineuse. La section emporte l’extémité inférieure des cartilages puis chemine parallèlement au septum en évitant d’emporter trop de cartilage latéralement. Les résections complémentaires sont faites en fin d’intervention en fonction du recul du septum.
plus simple est de considérer la position de la pointe par rapport au dorsum. La pointe peut simplement être en avant définissant une démarcation (supra-tip break), dans le prolongement du dorsum (nez droit) ou en arrière (pointe rétruse) [12]. Lorsque la pointe ne présente pas de défaut majeur, la simple réduction de hauteur de la crus latérale du cartilage alaire suffit (Fig. 5). Ce geste est mené par voie inter ou transcartilagineuse dans la majorité des cas en cas de voie endonasale. Il se fait sous contrôle direct de la vue en cas de voie externe. La résection cartilagineuse respecte : en avant la continuité du dôme ; en arrière la queue du cartilage alaire et les sésamoïdes qui contribuent à assurer la stabilité inspiratoire des parties molles de la face latérale du nez. L’importance de la résection cartilagineuse est évidemment variable en fonction de l’analyse préopératoire. Quelle que soit la qualité de cette analyse, des asymétries peuvent exister. L’opérateur est alors surpris par une différence
Rhinoplastie standard de réduction
427 gestes complémentaires importants pour assurer une réduction cohérente de l’ensemble de la pyramide nasale (Fig. 6) :
Figure 4 Vue latérale de la pyramide nasale : résection de la bosse ostéocartilagineuse à l’ostéotome droit. Le doigt de l’opérateur appuie fermement dans l’angle naso-frontal. L’ostéotome est calé au bord inférieur des os propres en direction de l’angle naso-frontal et vise l’extrémité de la pulpe de l’opérateur. 1. Doigt de l’opérateur. 2. Chondrotomie du cartilage triangulaire. 3. Bosse cartilagineuse. 4. Septum antérieur réséqué. 5. Cartilage latéral supérieur. 6. Cartilage septal.
de volume de résection entre les deux côtés. Ces asymétries, bien visibles en voie externe, seront traitées au cas par cas. Lorsque la voie d’abord est dissimulée, la règle est de juger du résultat en peropératoire et de chercher plutôt la symétrie du résultat peropératoire que la symétrie des pièces de résection.
Harmonisation de l’ensemble arête—septum—pointe :
au niveau septal, le bord caudal doit être rehaussé de deux mm en moyenne pour permettre l’ascension des crus mésiales des cartilages alaires et la rotation céphalique de la pointe ; l’angle septal antéro-inférieur, devenu très saillant, est alors réséqué ; enfin, la palpation du dorsum doit laisser percevoir un recul très discret, palpable mais non visible, de l’arête septale par rapport au relief des os propres du nez (prévention du bec de Corbin cartilagineux) ; le bord antérieur des cartilages triangulaires, au niveau de la chondrotomie initiale, peut être retouché à ce stade de l’intervention : il repose idéalement sur le bord antérieur du septum, retrouvant un angle et des rapports proches de ceux de la valve nasale en préopératoire ; au niveau septal, résection du bord caudal associée ou non à une diminution de l’épine nasale antérieure à exécuter en fonction des besoins [7]. La totalité des résections est alors terminée (Fig. 7).
Sutures et contention Il est rare d’avoir à procéder à des sutures cartilagineuses en rhinoplastie dite « standard ». En cas de voie externe la suture les dômes sur la ligne médiane est habituelle. Les sutures muqueuses se font au fil résorbable et les décollements muqueux sont réappliqués par des mèches grasses ou par des sutures transfixant le septum jusque dans l’angle septo-triangulaire. Les mèches ont deux avantages : assurer le maintien interne des os propres en cas d’instabilité et éviter la formation de
À ce stade de l’intervention, l’essentiel des résections osseuses et cartilagineuses a été effectué. Il reste à faire quelques
Figure 5 Vue latérale de la pyramide nasale avec schématisation de la résection de la partie céphalique de la crus latérale. La chondrotomie conserve une hauteur cartilagineuse d’au moins 5 mm. La continuité du dôme est respectée ainsi que la queue de la crus latérale.
Figure 6 Résections septales complémentaires. Vue latérale des os propres du nez et du septum nasal après résection de la bosse ostéocartilagineuse et réalisation d’une ostéotomie basse dite « low to low » (1). Résection d’une baguette cartilagineuse destinée à obtenir un léger recul du bord céphalique du septum par rapport à celui des os propres du nez (2). Résection du bord caudal du septum (3) puis résection de la partie saillante de l’angle septal antéro-inférieur (4).
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J. Bardot et al. irrégularités ou asymétries peuvent apparaître sous les téguments amincis. Ces défauts mineurs, qui apparaissent très progressivement au fil des ans sont en général bien tolérés par les patients et peu remarqués par leur entourage. En cas de résections cartilagineuses importantes au niveau triangulo-alaire, ou lorsqu’existent des brides muqueuses, la disparition de l’élasticité de la peau et des tissus de soutien peut être à l’origine d’une dégradation du résultat initial.
Conclusion
Figure 7 Vue latérale de la pyramide nasale, les résections effectuées sont illustrées par des couleurs à l’exception de la résection des cartilages triangulaires qui n’est pas représentée. Cette vue résume l’étendue et la situation des différentes résections osseuses et cartilagineuses effectuées tout au long de l’intervention. Les pièces cartilagineuses colorées en brun se projettent les unes sur les autres sur cette vue latérale, le cartilage alaire devant être imaginé en transparence. 1 : résection de la bosse osseuse. 2 : résection du bord antérieur du septum. 3 : résection d’une portion céphalique de la crus latérale. 4 : résection de l’angle septal antéro-inférieur. 5 : résection caudale du septum.
croûtes sur les points de suture. Elles empêchent par contre la ventilation nasale en postopératoire immédiat. Le capitonnage de la muqueuse par des points trans-septaux permet de conserver le flux respiratoire nasal. L’immobilisation par plâtre ou en matériau thermoformable sera conservée entre cinq et huit jours.
Suites opératoires À l’ablation du plâtre, l’essentiel du résultat est présent. L’œdème de l’angle naso-frontal et de la pointe se résorbe en quelques semaines, il persistera plus longtemps au niveau de la pointe en cas de voie externe. Il est rare que des troubles de la sensibilité ou des douleurs persistent au-delà de quelques mois. On peut considérer le résultat définitif acquis à un an.
Évolution à long terme L’amincissement des parties molles lié à l’âge va faire évoluer le nez opéré : l’arête devient plus visible et les
Il n’y a pas de rhinoplastie standard car chaque intervention est un cas particulier, adapté au mieux à l’anatomie et à la demande du patient. Nous avons voulu, dans cet article, résumer les grandes étapes qui rythment une rhinoplastie et insister sur l’indispensable cohérence de l’ensemble des gestes pratiqués.
Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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