Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 654-7 A case of hip rotator cuff tear revealed by refractory gluteus medius tendinosis – Joint Bone Spine 2001; 68: 360-3 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001001533/SCO
FAIT CLINIQUE
Rupture de coiffe de la hanche. À propos d’un cas de rupture du moyen fessier révélée par une tendinite rebelle Jean-Marie Berthelot1*, Frédéric Potaux2, Christophe Alliaume1, Alain Prost1, Yves Maugars1 1 Service de rhumatologie, Hôtel-Dieu, CHU Nantes, 44093 Nantes cedex 01, France ; 2cabinet de chirurgie orthopédique, 2, rue du Bocage, 44000 Nantes, France
(Reçu le 20 septembre 2000 ; accepté le 13 décembre 2000)
Résumé – Nous rapportons un cas de rupture de la lame tendineuse du moyen fessier associée à de vives douleurs trochantériennes pendant 11 mois. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) et l’échographie n’avaient pas permis d’affirmer la rupture, ne montrant qu’un épaississement inflammatoire du tendon et une bursite d’accompagnement. L’infiltration de celle-ci sous scopie n’avait pas soulagé les douleurs, pas plus que trois infiltrations du tendon. La chirurgie a authentifié une rupture de 2 cm × 4 cm du tendon du moyen fessier droit et la réfection partielle du tendon a entraîné une amélioration rapide et durable des douleurs, en conformité avec les quelques données de la littérature sur ce thème. Cette rareté des publications contraste avec la fréquence des ruptures indolores de coiffe de la hanche lesquelles concerneraient au moins 10 % des sujets de plus de 60 ans selon certaines données peropératoires dans les fractures du col. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS coiffe / hanche / moyen fessier / rupture / tendon Summary – A case of hip rotator cuff tear revealed by refractory gluteus medius tendinosis. We report a case of gluteus medius tear in a patient who presented with an 11-month history of severe trochanteric pain. Neither magnetic resonance imaging nor ultrasonography visualized the tear, the only findings being inflammatory thickening of the tendon and bursitis. A glucocorticoid injection into the bursa under fluoroscopic guidance and three glucocorticoid injections at the contact of the tendon failed to relieve the pain. At surgery, a 2- by 4-cm tear was found in the tendon of the right gluteus medius muscle. Partial tendon reconstruction was followed by prompt and lasting pain relief, in accordance with the few similar reports in the literature. This paucity of publications is in sharp contrast with hip fracture surgery findings suggesting that at least 10% of patients older than 60 years of age may have painless hip rotator cuff tears. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS cuff / gluteus medius / hip / tear / tendon
*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail :
[email protected] (J.M. Berthelot).
Rupture de coiffe de la hanche
Même si les fonctions des hanches et des épaules se sont mises à diverger depuis l’adoption de la bipédie par l’espèce humaine, ces deux groupes articulaires se ressemblent assez pour établir des parallèles entre les muscles qui les guident. Le muscle iliopsoas peut ainsi être rapproché du sous-scapulaire, le long biceps du tendon réfléchi du droit antérieur, et les sus- et sous-épineux des muscles petit et moyen fessiers [1]. Alors que les ruptures de coiffe de l’épaule sont connues de longue date, les ruptures de la « coiffe » de la hanche (essentiellement le moyen fessier) n’ont fait l’objet de publications que depuis peu [1-4]. Pourtant ces ruptures de la « coiffe de la hanche » ne semblent pas exceptionnelles. De plus elles peuvent être à l’origine d’une gène très marquée (voire favoriser d’autres complications, tant à la hanche qu’au rachis, du fait des troubles dynamiques qu’elles induisent) et être radicalement améliorées (au moins à moyen terme) par une chirurgie de réinsertion ou de suture. Ces ruptures méritent donc d’être évoquées plus souvent. Nous rapportons un cas de rupture du muscle moyen fessier chez une femme de 51 ans, seulement suspectée sur la clinique et l’IRM, mais affirmée et bien améliorée par la chirurgie. OBSERVATION Cette patiente de 51 ans avait déjà plusieurs antécédents rhumatologiques : lombalgies mécaniques, cervicalgies mécaniques, et des douleurs du compartiment médial du genou gauche rapportées en 1999 à une désinsertion murale du ménisque interne. Elle signalait par ailleurs des paresthésies des membres après compression prolongée des troncs nerveux, qui avaient fait évoquer la possibilité d’une neuropathie tomaculaire. D’ailleurs, après avoir maintenu une position jambes croisées pendant plusieurs heures, elle avait fait une chute de sa hauteur en 1996 en se relevant de son siège, rapportée à une paralysie transitoire du sciatique poplité externe gauche par compression prolongée de celui-ci. Elle n’avait pas ressenti alors de vives douleurs inguinales ni du trochanter gauche sur lequel elle avait chuté. En juin 1999 apparaissaient toutefois, sans nouveau facteur déclenchant, des douleurs à la partie antérieure du grand trochanter gauche, avec des irradiations à la face antéroexterne de la cuisse gauche, et à la face postérieure de la région trochantérienne gauche. La patiente présentait une boiterie d’esquive, et était incapable de marcher à cloche-pied. Le périmètre de marche était de 200 mètres. La douleur était nettement majorée par la montée des escaliers, l’extraction d’un
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siège profond, et les efforts de retournement en décubitus. Le rouler de hanche n’était pas douloureux, mais la mise en tension des moyen et petit fessiers (rotation externe–abduction contrariée et rotation interne passive maximale) réveillait très nettement la douleur spontanée. Celle-ci n’était pas soulagée par deux infiltrations de corticoïdes faites « à l’aveugle ». La VS et la CRP étaient normales. Une IRM de hanche au mois de septembre 1999 mettait en évidence un aspect de tendinopathie d’insertion des petit et moyen fessiers gauche, sans anomalie de la hanche. Une infiltration de cortivazol (Altimt) était alors pratiquée sous contrôle scanner dans la bourse du petit fessier sans résultat sur les douleurs, toujours cotées à 6/10. Il en était de même pour une deuxième infiltration du même type au contact de l’insertion des tendons en novembre 1999. Après avoir pratiqué une arthrographie de hanche à la recherche d’une chondropathie sous-jacente pouvant contribuer à l’entretien des douleurs (examen normal), et malgré une échographie musculaire également considérée comme normale, l’éventualité d’une rupture partielle des tendons des petit ou moyen fessiers était évoquée, malgré l’absence de solution de continuité évidente sur l’IRM. Celle-ci ne montrait en effet qu’un aspect d’épaississement du tendon d’insertion commun des petit et moyen fessiers, avec hypersignal en T1-gadolinium. La patiente restant toujours aussi gênée malgré un repos relatif, un geste chirurgical était proposé au vu des bons résultats rapportés dans la littérature sur ce type d’atteinte. Ce geste était pratiqué en mai 2000 : l’examen peropératoire confirmait la présence d’une bursite trochantérienne qui était réséquée (figure 1). Toutefois sous celle-ci une importante rupture transfixiante ovalaire du moyen fessier était identifiée, d’environ 2 cm × 4 cm d’aspect dégénératif (fibres entrelacées), sans rupture franche sur le tendon du petit fessier. Cette zone de rupture était réséquée et ses extrémités suturées. Les tendons du moyen et petit fessiers étaient ensuite peignés. Le geste était complété par une plastie du fascia lata pour diminuer le frottement de celui-ci contre le grand trochanter (le balayage continu de la face externe du moyen fessier par le fascia lata ayant été suspecté de favoriser des zones d’ischémie des muscles sous-jacents) [2]. Quatre mois après le geste chirurgical, la patiente qui souffrait avant celle-ci sur un mode continu et très invalidant depuis plus de dix mois (dolorimètre à 7/10) ne signalait pratiquement plus de douleurs (2/10), se disait très satisfaite de l’intervention, et reprit son travail en position debout sans gène significative.
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J.M. Berthelot et al.
Figure 1. Bursite (flèche blanche) en avant de la lame tendineuse commune aux tendons des petits et moyen fessier, qui est épaissie mais sans lésion de rupture bien identifiable en son sein (IRM du trochanter gauche, coupe coronale en séquence T1 avec saturation de graisse et injection de gadolinium).
DISCUSSION Les douleurs de la région trochantérienne peuvent avoir de nombreuses origines [5]. Parmi celles-ci les bursites trochantériennes et/ou les tendinites occupent une place importante. La distinction clinique entre tendinopathies et bursites est difficile, d’autant que les bursites trochantériennes peuvent venir compliquer, voire masquer une tendinopathie adjacente, à l’instar de ce qui est aussi noté à l’épaule [2, 3], et que les deux types d’atteintes peuvent être soulagées par des infiltrations locales. Dans certaines situations toutefois, l’amélioration clinique n’est pas obtenue malgré ces infiltrations. Il peut s’agir de la sommation de deux pathologies, la tendinopathie n’étant que l’expression d’une coxopathie sousjacente qui entretien la tendinite. Il peut s’agir aussi d’un manque de précision du geste, des infiltrations faites sous contrôle échographique ou scanner pouvant
réussir là où des gestes à l’aveugle étaient restés inopérants. Il peut s’agir enfin d’une pathologie plus sévère des tendons qu’une simple tendinite, c’est-à-dire soit d’une avulsion partielle du tendon à son insertion, soit d’une déchirure ovale de la lame tendineuse laissant le trochanter décoiffé. De telles ruptures [1] et/ou désinsertions tendineuses de siège trochantérien [2] ont été attestées initialement par des constatations peropératoires. Ainsi Bunker a noté une rupture au moins partielle du moyen fessier chez 11 des 50 patients opérés en raison d’un fracture du col fémoral, dont six cas sur 11 de ruptures « larges » (plus de 3 cm) [1]. Il a ensuite été montré que L’IRM pouvait permettre de les suspecter fortement (du fait de la présence d’un épaississement du tendon avec réhaussement de signal en séquence T2 avec saturation de graisse), voire de les affirmer (en cas de rupture complète avec séparation nette des deux extrémités des tendons) [3, 4]. Les meilleures séquences et incidences pour ce faire seraient des séquences coronales T1 et axiales de type fast spin-echo avec saturation de graisse aux temps T1 et T2, et en ayant recours à des antennes de surface de 18 cm [3]. Les limites de l’IRM sont la nécessité de plans de coupes variés pour visualiser les ruptures partielles (qui ne se traduisent sinon que par un aspect d’épaississement du tendon), et la conjonction fréquente d’une bursite, laquelle peut empêcher de remarquer ou d’affirmer la rupture tendineuse [2] (comme chez notre patiente). Une telle bursite a ainsi été notée dans 40 % des 28 cas de ruptures des fessiers identifiées à l’IRM par Kingzett-Taylor à partir d’une série de 250 IRM de hanches, dont cinq des huit cas avec rupture complète [3]. Que le diagnostic repose sur des constatations peropératoires ou d’imagerie, le tendon le plus souvent concerné reste le moyen fessier (22/28 dans la série de Kingzett-Taylor [3] et 6/6 des cas rapportés par Chung et al. [4]), le petit fessier l’étant beaucoup moins (5/28 dans la série de Kingzett-Taylor [3]), et le grand fessier très rarement en dehors de traumatismes (1/28 dans la série de Kingzett-Taylor [1, 6]). Ces déchirures pourraient débuter plus en avant, à l’insertion du petit fessier, devant le grand trochanter, mais en se propageant ensuite beaucoup plus vers le tiers antérieur du moyen fessier que vers le petit fessier [1]. La prévalence de ces ruptures reste très mal connue, et semble l’apanage des sujets d’âge mûr : l’âge moyen de 84 ans dans la série chirurgicale de Bunker et al. est surtout dû au biais d’inclusion (exploration des tendons lors de fracture du col fémoral) [1]. Il est de 64 ans dans l’étude
Rupture de coiffe de la hanche
IRM [3]. On peut remarquer toutefois que notre patiente n’avait que 51 ans et aucun antécédent de traumatisme sinon une chute d’une chaise trois ans plus tôt. Si on se fie au recrutement de Kingzett-Taylor, la fréquence de ces ruptures à la soixantaine pourrait être d’une personne sur dix (28 sur 250) [3], même si la plupart restent méconnues car peu ou pas symptomatiques, ou non recherchées (une rupture n’avait été évoquée cliniquement que dans quatre des 28 cas identifiés par l’IRM) [3]. On doit donc soupçonner une telle rupture devant certaines douleurs trochantériennes persistantes malgré des infiltrations, mais aussi devant un déficit d’abduction–rotation externe. Certains signes radiologiques indirects pourraient également faire suspecter une rupture même si cette corrélation n’a pas été assez étudiée pour permettre d’être formel : sclérose et/ou enthésophytose trochantérienne, voire géodes, ont été notés dans six des 11 cas de Bunker contre deux des 39 hanches chez lesquelles aucune rupture n’avait été constatée en peropératoire [1]. Toutefois pour d’autres auteurs les radiographies standard étaient normales dans la majorité des cas [4], et même l’IRM peut ne pas conforter les suspicions cliniques. Divers facteurs favorisants ont été allégués : trop grande tension de la bandelette iliotibiale (pouvant entraîner un balayage par le fascia lata du moyen fessier, source d’ischémie de ce dernier), différence de longueur des membres inférieurs, souffrances des hanches et du rachis induisant des stress chroniques des tendons, pratiques sportives abusives (aérobic), traumatismes directs ou en adduction [3], voire dépôts infraradiologiques de cristaux, notamment dans le contexte de chondrocalcinoses frustes [4]. Il n’est pas exclu que de telles ruptures aient à court et à long terme des incidences sur la fonction de la hanche et/ou du rachis. Même si Bunker et al. ne mentionnent pas dans leur étude d’aspect de rupture « fraîche » chez les patients présentant une fracture du col du fémur pour étayer l’hypothèse que de telles ruptures puissent induire des chutes et de ce fait des fractures [1], il pourrait s’agir, avec les fissures de fatigue, d’une autre étiologie du « syndrome de
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menace » des fractures du col du fémur (douleurs inguinales ou trochantériennes précédant celles-ci) [7]. S’il n’est pas encore montré qu’il puisse prévenir des chutes ultérieures, le traitement chirurgical des ruptures symptomatiques du moyen fessier semble donner en tout cas de très bons résultats sur les douleurs. Ainsi les sept patients opérés par Kagan ont tous guéri durablement (suivi moyen de 45 mois) malgré un âge moyen de 69 ans (extrêmes : 52–81 ans) [2]. Le traitement chirurgical ne doit toutefois pas se cantonner à une simple suture mais comporter aussi une réinsertion du tendon au grand trochanter [2] si possible après ablation des entésophytes [1]. Il faut faire attention durant le geste à ne pas léser le nerf fessier supérieur dont le trajet varie beaucoup selon les individus, les incisions dans le moyen fessier ne devant pas être faites au delà de 3 cm par rapport au bord supérieur du grand trochanter [2]. L’exérèse de la bandelette iliotibiale ou un fenêtrage de celle-ci dans les cas ou son frottement répété sur le trochanter semble avoir facilité la rupture du moyen fessier a été suggérée, même si manquent encore des données pour justifier cette pratique [2]. RE´FE´RENCES 1 Bunker TD, Esler CAN, Leach WJ. Rotator-cuff tear of the hip. J Bone Joint Surg 1997 ; 79B : 618-20. 2 Kagan A. Rotator cuff tears of the hip. Clin Orthop Relat Res 1999 ; 368 : 135-40. 3 Kingzett-Taylor A, Tirman PFJ, Feller J, McGann W, Prieto V, Wischer T, et al. Tendinosis and tears of gluteus medius and minimus muscles as a cause of hip pain. MR imaging findings. AJR 1999 ; 173 : 1123-6. 4 Chung CB, Robertson JE, Cho GJ, Vaughan LM, Copp SN, Resnick D. Gluteus medius tendon tears and avulsive injuries in elderly women : imaging findings in six patients. AJR 1999 ; 173 : 351-3. 5 Bard H. Douleurs de la région trochantérienne. In : Sèze S de, Ryckewaert A, Kahn MF, Kuntz D, Dryll A, Meyer O, Eds. L’Actualité rhumatologique 1994. Paris : Expansion Scientifique Française ; 1994. p. 86-98. 6 Boloczko S. Rupture of the origin of the gluteus maximus muscle. Chir Narzadow Ruchu Ortop Pol 1974 ; 39 : 441-2. 7 Maugars Y, Dubois F, Berthelot JM, Dubois C, Prost A. Place des douleurs d’insuffisance osseuse précédant les fractures du col fémoral. Rev Rhum [Éd Fr] 1996 ; 63 : 30-5.