Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 12 pt 2, 4S49-4S50
4S49
SYMPOSIUM EISAI/PFIZER Optimiser la prise en charge de la maladie d’Alzheimer : repérage, traitement et musique S4-2
Étude ARIANE : évaluation des facteurs prédictifs d’un bénéfice thérapeutique chez les patients traités par donepezil
L. Naccache Paris, France
Cette étude de phase IV se propose d'évaluer les facteurs prédictifs d’un bénéfice thérapeutique chez des patients atteints de maladie d’Alzheimer légère à modérément sévère et traités par donepezil dans les conditions de pratique médicale courante. Il s'agit d'une étude de phase IV, multicentrique non comparative, réalisée en ouvert dans des conditions pragmatiques. D'ici à la clôture définitive de l'étude, 2000 patients devraient être inclus à travers 500 sites (médecins neurologues, gériatres, psychiatres ou généralistes capacitaires en gérontologie exerçant en institution ou en cabinet). Un traitement par donepezil a été instauré chez tous les patients répondant aux critères de sélection. Le traitement était initié à la dose de 5 mg par jour. Après 4 semaines, la posologie était augmentée à 10 mg par jour de J28 à J84, sous réserve du respect des précautions d’emploi mentionnées dans le RCP et en fonction de la tolérance. L’étude a comporté trois évaluations (J0, J28 et J84). Les critères d'évalutation retenus dans cette étude afin d'évaluer l'impact du donepezil sur les fonctions cognitives et psycho-comportementales sont basés sur l'étude des variations des scores du MMSE, du NPI et de l'IADL. Parmi les variables explicatives qui seront testées figurent : l'âge, le sexe, le niveau d'études, les conditions de vie, les pathologies associées et notamment cérébro-vasculaires, les traitements médicamenteux associés, l'ancienneté de la maladie et son niveau de gravité lors de l'inclusion. En dehors de l'objectif principal, cette étude devrait apporter des informations relatives aux modalités d'utili-
sation du donepezil (posologie moyenne, traitements associés) en pratique courante, ainsi qu'une description de la tolérance au traitement par donepezil dans les conditions réelles de la pratique médicale, sur une large population. Les résultats de cet essai devraient être disponibles vers septembre-octobre 2005.
S4-3
Neuropsychologie clinique de la perception musicale
H. Platel Inserm E218, Université de Caen, France.
La neuropsychologie de la perception musicale a permis, depuis la fin du XIXème siècle, de décrire des affections cliniques portant spécifiquement sur la perception auditive, comme l’amusie qui constitue un déficit sélectif des compétences musicales à la suite de lésions cérébrales. Les approches cliniques et expérimentales classiques de la neuropsychologie ont montré, au cours du XXème siècle, que la perception musicale est complexe, et engage aussi bien des régions de l’hémisphère droit que de l’hémisphère gauche. Depuis l'avènement des techniques d’imagerie cérébrale fonctionnelle, la neuropsychologie a accès à de nouvelles méthodes permettant de confirmer que la perception de la musique est une activité engageant de nombreuses régions corticales. La question est actuellement de déterminer précisément si percevoir une mélodie, reconnaître ou mémoriser un extrait de musique, ou encore s’émouvoir pour une pièce musicale particulière, engagent des réseaux cérébraux spécifiques au domaine musical ou commun à d’autres fonctions cognitives.
Conférences
© MASSON
4S50
Rev Neurol (Paris) 2005 ; 161 : 12 pt 2, 4S49-4S50
Les patients Alzheimer témoignent d’une sensibilité particulière à la musique. Au sein d’une unité de vie spécialisée (Institut Gérontologique « Les pervenches », BiévilleBeuville), des patients se sont révélés capables d’apprendre de nouveaux chants et de les produire spontanément. En revanche, si nous leur demandions s’ils connaissaient cette chanson depuis longtemps, leurs réponses « depuis toujours » reflétaient ce que les neuropsychologues appellent classiquement « le sentiment de familiarité », qui exprime une reconnaissance implicite ou inconsciente. Cependant, la conservation de capacités musicales implicites en dépit de difficultés mnésiques et langagières explicites chez ces patients a donné lieu à la publication de résultats controversées, montrant des capacités d’apprentissages implicites pour du matériel musical soit préservés, soit altérés (Halpern & O’Connor, 2000 ; Quoniam et al., 2003). Afin de juger de la capacité d’apprentissage implicite chez des patients Alzheimer à un stade modéré, nous avons réalisé une première étude avec ces patients au cours de laquelle nous avons proposé 10 séances d’exposition à un matériel auditivo-visuel nouveau. Ce matériel était composé de chansons et de poèmes associés à des images distinctes et spécifiques. Les résultats montrent un effet significatif d’apprentissage implicite puisque, après plusieurs séances d’imprégnation du matériel, les patients choisissent préférentiellement les images cibles. Nous insisterons donc sur le fait que l'utilisation de la musique et d'activités musicales dans un contexte de diagnostic et de prise en charge chez des patients d'étiologies diverses constitue une piste neuropsychologique prometteuse ayant des intérêts tant fondamentaux que cliniques. RÉFÉRENCES HALPERN AR, O'CONNOR MG. (2000 ). Implicit memory for music in Alzheimer's disease. Neuropsychology, 14: 391-397. QUONIAM N, ERGIS AM, FOSSATI P, PERETZ I, SAMSON S, SARAZIN M, ALLILAIRE JF. (2003). Implicit and explicit emotional memory for melodies in Alzheimer's disease and depression. Ann N Y Acad Sci, 999: 381-384.
S4-4
Le rôle de la mémoire dans la Tétralogie de Richard Wagner
B. Croisile Lyon, France.
Richard Wagner (1813-1883) écrivait lui-même les livrets de ses opéras. La mémoire joue un rôle majeur dans son œuvre, en particulier dans L’Anneau du Nibelung (Ring ou Tétralogie), constitué de quatre opéras : l'Or du Rhin, la Walkyrie, Siegfried, le Crépuscule des Dieux. La Tétralogie démontre l'importance de la mémoire aussi bien dans le texte que dans la musique : • utilisation de légendes issues de la mémoire collective des peuples germano-scandinaves : les sagas islandaises ou Eddas (Edda poétique, Edda en prose de Snorri Sturluson, Völsunga saga) et le poème épique germanique du Nibelungenlied (« La Chanson des Nibelungen »), • idées personnelles issues du fonds mythique grec : le vol d’un élément primal (le feu – l’or), la terre déesse-mère (Gaea – Erda), une déesse guerrière personnifiant le désir de son père (Athéna – Brünnhilde), • le personnage d’Erda, la déesse-terre, sait tout ce qui a été, est et sera, • le dieu Wotan a deux corbeaux qui parcourent le monde tous les jours pour lui rapporter ce qu’ils voient et entendent, l’un s’appelle Muninn (Mémoire), • dans le Crépuscule des Dieux, un philtre d’oubli efface chez Siegfried ses souvenirs récents qu'un philtre de réminiscence lui fait retrouver plus tard, • la répétition des récits informe les héros et rappelle au public les épisodes précédents, • les leitmotiv représentent par une phrase musicale courte, simple et frappante les principaux personnages, sentiments ou objets du drame. Ces leitmotive créent des fils conducteurs qui aident les spectateurs à se repérer tout au long d’un cycle de 16 heures de musique, • enfin, quelques erreurs de Wagner démontrent que l’auteur d’une œuvre aussi vaste ne peut échapper à quelques oublis malmenant la cohérence rédactionnelle. Alors que la mémoire n’a pas encore soulevé au XIXème siècle d’intérêt philosophique majeur et que les connaissances cognitives ou médicales sur la mémoire sont encore rudimentaires, Wagner utilise, dans le fond et la forme du Ring différents aspects de la mémoire ou de l’amnésie. Mémoire collective, mémoire absolue, oublis, répétitions des récits, aides-mémoire musicaux participent ainsi de façon majeure au ressort dramatique de « l’œuvre de l’avenir ». Cette utilisation est parfaitement inconsciente car, à notre connaissance, Wagner n’a jamais abordé la mémoire dans ses écrits théoriques.