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Psychologie clinique
Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature Digital health: Promises, challenges, and fears. A literature review M. del Río Carral ∗ , P. Roux , C. Bruchez , M. Santiago-Delefosse Institut de psychologie, université de Lausanne, quartier UNIL-Mouline, Géopolis, 1015 Lausanne, Suisse Rec¸u le 30 d´ecembre 2015 ; accepté le 25 juin 2016
Résumé Avec l’avènement d’Internet et la démocratisation des téléphones portables dits intelligents, l’usage des objets connectés reliés à des applications spécifiques devient de plus en plus courant. Cet usage permet la captation d’états physiologiques et corporels, ainsi que leur transformation en données biométriques, lesquelles sont ensuite interprétées et partagées par les usagers de ces technologies afin de suivre et/ou de contrôler leurs propres pratiques de santé au quotidien. L’objectif de cet article est de dresser une revue de la littérature anglophone et francophone au sein de ce champ en pleine expansion. Notre analyse permet de dégager deux grandes tendances de la recherche actuelle en santé digitale, indépendamment du domaine disciplinaire et de l’origine. L’une est définie par son enthousiasme plus ou moins affirmé, et surtout, par son espoir à l’égard des nouvelles technologies de santé et de leurs promesses. L’autre est caractérisée par son attitude critique face au développement de ces technologies, pouvant se traduire dans certains cas par une attitude de mise en garde concernant des phénomènes de surveillance et de risque. La discussion porte sur une réflexion approfondie des caractéristiques définissant chacune de ces tendances, en identifiant les questionnements que soulève cette revue de la littérature au sein de la psychologie. Enfin, notre conclusion met en évidence des perspectives de recherche future. © 2016 Soci´et´e Franc¸aise de Psychologie. Publi´e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es. Mots clés : Santé digitale ; Objets connectés ; Corps connecté ; Quantification de soi ; Surveillance
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (M. del Río Carral).
http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004 1269-1763/© 2016 Soci´et´e Franc¸aise de Psychologie. Publi´e par Elsevier Masson SAS. Tous droits r´eserv´es.
Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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Abstract In the past years, the advent of the Internet and the democratisation of “smart” phones the use of wearable digital tools linked to specific “apps” is becoming increasingly common. Such use consists on the record of embodied and physiological states and their transformation to biometric data via those tools. Data are interpreted and even shared by individuals who intend to monitor or even control their own health practices in everyday life. The aim of this article is to propose a literature review in English and French within the field of digital health. Our analysis reveals two main trends of recent work, regardless the discipline or the origin of the articles. One trend is defined by its enthusiasm, often hand in hand with hopes and promises regarding the development of digital health technologies. The other trend is characterised by a critical attitude, focussing on socioeconomic and political implications of such technologies in terms of surveillance and risk. Our discussion consists on an in-depth reflection of the dimensions that define each one of these trends. We identify a set of interrogations raised by existing research, namely with regard to psychology. Finally, we conclude by highlighting future research perspectives. © 2016 Soci´et´e Franc¸aise de Psychologie. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Quantified self; E-health; M-health; Quantified body; Self-tracking; Self-monitoring; Wearables; Digital health
Dès le milieu des années 2000, l’accessibilité à Internet et, plus récemment, la démocratisation de l’usage des téléphones mobiles dits intelligents, ont favorisé une rapide évolution des technologies digitales de santé permettant de mesurer des indices liés aux états corporels. De nos jours, le screening de ces états est devenu quasi automatique grâce au développement de senseurs de plus en plus performants, en mesure de capter des signaux corporels liés au métabolisme et à l’activité. Intégrés dans des outils digitaux tels que des bracelets, des bandeaux, ou encore des vêtements, ces senseurs codent les données biométriques physiologiques. Ces dernières peuvent ensuite être partagées en ligne, puis faire l’objet d’un retour d’information sur l’état corporel mesuré. Aujourd’hui, la production massive des données issues du corps humain est une démarche inédite, de même que l’extension de ces mesures biométriques au domaine de la santé publique. Le partage de ces données via des outils digitaux est aussi un phénomène nouveau, étroitement lié à la prolifération des applications de santé sur les téléphones mobiles. Ces applications fonctionnent par des algorithmes qui donnent un feed-back à l’usager par rapport à son activité ou son métabolisme. À destination des tout-venant, ou introduits dans des protocoles de prise en charge de certaines maladies chroniques, l’usage de ces outils digitaux, appelés « objets connectés », a pour but de mieux comprendre, manipuler, voire contrôler son propre comportement, son propre corps et, par ce biais, sa propre santé (Swan, 2013). L’ensemble de ces dispositifs a été regroupé sous la notion générale de santé digitale. Si les méthodes quantitatives d’auto-suivi de la santé existent depuis des centaines d’années, elles étaient laborieuses et demandaient un travail personnel considérable de mesure, d’archivage et d’interprétation. Or, de pair avec la digitalisation des outils, une bonne partie de la récolte des données physiques et physiologiques est devenue (quasi)automatique et sans effort pour les usagers (ex. nombre de pas, taux d’oxygène et respiration, tension artérielle, poids, etc.). Ces indicateurs corporels sont ensuite chiffrés sous forme de données à classer selon des échelles conc¸ues pour un public de consommateurs de plus en plus large, intéressés à l’auto-suivi (selftracking) de leur santé. Le caractère rétroactif de ces applications est une dimension centrale, qui prend la forme d’une « boucle interactive » (Swan, 2013). Ainsi, les données sont communiquées à l’usager et/ou à autrui de manière automatique comme partie d’un processus de surveillance Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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(monitoring) d’habitudes de santé et de pratiques ou fonctions corporelles (Lupton, 2014b). À ce jour, il existerait plus de 100 000 applications, dont plus de 30 000 développées dans le domaine de la santé et de l’information médicale, aussi bien par Apple Store que Google Play (Jahns, 2014 ; Lupton, 2015 ; Payne, Lister, West, & Bernhardt, 2015). Ces applications à usage individuel sont largement utilisées aux États-Unis, où 20 % des usagers de Smartphones ont téléchargé une application médicale ou liée à la santé. Ces usagers ont été identifiés par Barcena, Wueest, et Lau (2014) et classés en quatre catégories : • des patients qui doivent gérer une maladie chronique et mesurer au quotidien leurs symptômes et leurs fonctions vitales ; • des sportifs qui collectent leurs données dans le but de mesurer leurs performances et de les améliorer, à travers l’adaptation des objectifs et le contrôle des progrès ; • des individus tout-venant qui débutent un auto-suivi de leurs activités par curiosité ou pour atteindre des objectifs de santé ou de bien-être (par exemple arrêter de fumer, perdre du poids, dormir mieux) ; • des passionnés du suivi, intéressés à documenter leurs activités avec autant de détails possible, et qui parfois en font une forme d’expression artistique à part entière.
De pair avec le développement rapide des systèmes d’auto-suivi en matière de santé, les pratiques y relatives concernent non seulement la dimension individuelle de l’usager en rapport à son propre corps, mais intègrent également la dimension sociale à travers l’introduction du niveau collectif. Il existe aujourd’hui une population de plus en plus large s’intéressant à la démarche, que ce soit au niveau de la simple comparaison entre usagers des données relatives à leurs états corporels, ou au niveau de la construction de « communautés » en ligne, comme le mouvement du soi quantifié (quantified self) apparu en 2007. Dans ce contexte, les pratiques du quotidien sont particulièrement visées, dans le but d’une amélioration de la santé au sens large. Si différents aspects de la vie peuvent faire l’objet d’une quantification, le domaine le plus exploité est celui de l’activité physique, suivi de l’alimentation, le sommeil, l’humeur et la qualité de vie. Une tendance sociétale générale se dessine, laquelle se tourne vers l’intégration de objets connectés au sein de différentes pratiques quotidiennes, avec la possibilité de tracer activités, régimes, signes vitaux tout en partageant ces données via des sites spécialisés (Ranck, 2012). Cette intégration se fait de manière extrêmement rapide, car les objets connectés sont sans cesse en évolution. L’objectif de cet article est de présenter une revue de la littérature récente dans le domaine, cette revue nous permettant une analyse des tendances actuelles, de leur intérêt et de leurs limites. En premier lieu, nous exposons brièvement la manière dont nous avons procédé. Nous présentons ensuite les résultats issus de cette revue en proposant une analyse critique des textes répertoriés. Nous montrons ainsi qu’indépendamment du domaine disciplinaire et de l’origine, on peut dégager deux manières à la fois spécifiques et distinctes de concevoir les technologies de santé digitale dans la littérature scientifique. La présentation de nos analyses suit ces deux tendances. L’une est définie par son enthousiasme plus ou moins affirmé, et surtout, par son espoir à l’égard des nouvelles technologies de santé et de leurs promesses. L’autre est caractérisée par son attitude critique face au développement de ces technologies, pouvant se traduire dans certains cas par une attitude de mise en garde concernant des phénomènes de surveillance et de risque. Enfin, la discussion propose une réflexion approfondie des aspects principaux issus de ces tendances, en soulignant les questionnements soulevés par notre revue de la littérature au sein de la psychologie Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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et des perspectives de recherche qui visent à y répondre. En conclusion, nous indiquons quelques pistes de recherche future. 1. Démarche méthodologique Nous avons effectué une recherche concernant la littérature scientifique dans le domaine depuis une dizaine d’années. Durant les mois de septembre et octobre 2015, nous avons exploré les bases de données PsychInfo, Web of Science, Google Scholar et Science Direct avec les mots clés suivants : quantified self, e-health, m-health, quantified body, self-tracking, self-monitoring, wearables et digital health, ainsi que : santé digitale, objets connectés et corps connecté. Les articles de cette revue de littérature ont été retenus sur la base de critères tels que la publication dans une revue scientifique reconnue et évaluée par les pairs, la pertinence par rapport à notre recherche (usage d’applications de santé et de capteurs de données physiologiques), ainsi que la clarté des objectifs et de la méthodologie (quantitative et/ou qualitative). Nous avons recensé des études à la fois théoriques et empiriques émanant de différentes disciplines en sciences sociales et humaines : sociologie, anthropologie, psychologie, sciences de l’éducation, sciences de l’information et de la communication, philosophie, ainsi que dans d’autres champs tels que : médecine, santé publique, nursing sciences, ou encore ingénierie et conception des technologies. Sur la base de cette démarche, nous avons identifié des études de réflexion sur l’évolution des technologies de la santé et de l’humain, des études cliniques/empiriques (quantitatives et qualitatives), ainsi que des articles traitant d’aspects techniques (sécurité, utilisation pratique et devenir des données). 2. L’espoir suscité par les objets connectés et par ses promesses : l’idéal du corps quantifié et de la santé surveillée La littérature scientifique abordant les objets connectés est marquée chez un nombre important d’auteurs par un grand espoir face à l’arrivée des technologies digitales pour améliorer la santé et le bien-être des individus. Le soi quantifié (quantified self) constitue le mouvement dominant, favorisé par l’expansion des applications et outils permettant de tracer les activités, régimes, signes vitaux et de partager ces données (Ranck, 2012). Les méthodes promues par ce mouvement inspirent une grande partie de la littérature scientifique qui adhère aux promesses des concepteurs des technologies de santé digitale. L’objectif ultime des travaux dans cette tendance, que nous avons définie comme « enthousiaste », porte sur l’amélioration de soi à travers une meilleure connaissance de son corps et de soi par la mesure de signaux corporels. Selon ce courant, la quantification propose une manière de se connaître dite objective et basée sur la mesure via une palette de technologies digitales, à la différence d’autres méthodes d’introspection qui mobilisent plutôt le langage (Gicquel & Guyot, 2015). Un enthousiasme particulièrement accru apparaît dans les études des promoteurs et ingénieurs des nouvelles technologies mobiles, de pair avec le développement d’Internet et la démocratisation des technologies digitales, mais aussi dans la littérature en médecine et santé publique, et en psychologie et sciences de l’éducation. De manière générale, ces différentes études visent la promotion de bonnes pratiques de santé par des approches éducationnelles. Elles espèrent et prévoient l’impact positif des technologies digitales, que ce soit sur le traitement des maladies ou sur la promotion de la santé, en visant la modification de comportements individuels spécifiques grâce à des objets connectés et des applications portables qui augmenteraient l’efficacité des programmes existants (Swan, 2009, 2012, 2013). Qu’ils soient théoriques ou empiriques, ces travaux tendent à associer les concepts d’auto-suivi (self-tracking) Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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et de pouvoir d’agir (empowerment) dans le champ des technologies de santé digitale, convaincus du potentiel des objets connectés pour mieux contrôler la santé et la maladie. Notons que les études empiriques recensées se focalisent davantage sur différentes populations de patients et différents types de conditions (par exemple diabète, asthme, alcoolisme, hypertension artérielle, obésité, etc.). Des populations d’individus tout-venant se déclarant en « bonne santé » ont aussi été analysées mais dans une moindre mesure. Dans l’ensemble, cette première tendance véhicule un idéal du corps quantifié et de la santé connectée. 2.1. L’enthousiasme inspiré par les objets connectés Depuis une dizaine d’années, chez les promoteurs et ingénieurs des nouvelles technologies mobiles, mais aussi dans la littérature en médecine et santé publique, en psychologie et sciences de l’éducation, nous repérons la multiplication de travaux proposant une conceptualisation des technologies digitales et de leurs potentiels en matière d’amélioration de la prise en charge des malades, de réduction des coûts de santé et d’amélioration du bien-être individuel. Parmi les auteurs les plus enthousiastes dans la littérature, Swan a beaucoup écrit sur les objets connectés. Selon cette économiste, philosophe et innovatrice technologique, les objets connectés sont devenus une manière privilégiée de faire progresser les comportements dits « sains » en suivant une démarche bien spécifique : débuter l’auto-mesure sur le corps propre, obtenir des données, les examiner une fois mises en graphiques, en déterminer la signification, tenter un changement de comportement, maintenir le changement pendant au moins les trois semaines nécessaires à l’installation d’une nouvelle habitude, et enfin produire un changement durable (Swan, 2012). Swan présente les réseaux sociaux comme un moyen de partager et d’obtenir des conseils et recommandations sur des états corporels et des pratiques, démarche qui participe à un nouveau modèle de santé multipartite qui inclut les données biométriques sur le corps, les réseaux de pairs (forums de discussion Internet), et l’auto-suivi ou la surveillance. Les individus sont au centre du processus, souvent en relation avec des professionnels de la santé dans un idéal de médecine personnalisée et participative (Swan, 2009). Un grand nombre de propositions dans la littérature dominante en santé publique vont dans le sens de favoriser la communication avec le public pour surveiller les comportements dans le but d’assurer une promotion de la santé au quotidien via les objets connectés (Chib, 2013 ; Donner & Mechael, 2012 ; Kaplan & Stone 2013 ; Kratzke & Cox, 2012). Certaines portent en revanche sur la surveillance des maladies, où sont mobilisées les données biométriques des états corporels produites par la démarche d’auto-suivi, et déposées par les patients sur des sites tels que PatientsLikeMe ou CureTogether (Salamati & Pasek, 2014 ; Swan, 2009). De manière générale, les auteurs adhérant aux promesses issues de la santé digitale défendent le potentiel que les objets connectés ont de soutenir une démarche constante de surveillance et de suivi de la santé et de la maladie, à la fois aux niveaux individuel et public, à travers l’encouragement de comportements de santé ou le support du self-management des maladies chroniques. Le courant des travaux dit enthousiaste présente les objets connectés à travers leurs avantages pour réduire le nombre de visites médicales et pour favoriser des interventions personnalisées (Appelboom, LoPresti, Reginster, Connolly, & Dumont, 2014 ; Barrett, Humblet, Hiatt, & Adler, 2013 ; Becker et al., 2014 ; Byrne, 2014 ; Chiauzzi, Rodarte, & DasMahapatra, 2015 ; Handel, 2011 ; Kumar et al., 2013 ; Labrique, Vasudevan, Chang, & Mehl, 2013 ; Neuhauser & Kreps, 2003 ; Norris, Stockdale, & Sharma, 2009 ; Payne, Lister, West, & Bernhardt, 2015 ; Riley et al., 2011 ; van Velsen, Beaujean, & van Gemert-Pijnen, 2013). Ainsi, la santé digitale suscite d’énormes espoirs en lien avec une série de promesses (Eysenbach, 2001) comme l’efficience dans les soins et de Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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ce fait une diminution des coûts liés à la santé ; une amélioration de la qualité des soins grâce à une meilleure communication ; un nouveau type de relation patient–médecin ; une meilleure formation des médecins via la formation continue online, ou encore, une plus grande disponibilité des services de santé pour tous (information, conseil, interventions ou médication online). Ces promesses recouvrent tout autant le niveau individuel, avec le pouvoir d’agir de l’individu et la gestion de son corps, de sa santé et/ou de sa maladie, que le niveau collectif et sociétal, compte tenu de l’argument récurrent des promoteurs sur la réduction des coûts de santé et de l’intérêt porté aux différentes dimensions de la relation médecin-patient. 2.2. Le pouvoir d’agir (empowerment) intégré à la recherche en santé digitale Les études empiriques avec une perspective appliquée des objets connectés se sont beaucoup développées ces dernières années. Ces travaux s’intéressent aux usages des objets connectés auprès de différentes populations incluant à la fois des individus en bonne santé, ceux à risque et ceux souffrant des maladies chroniques. Dans l’ensemble, ces travaux témoignent d’un enthousiasme affirmé à l’égard des avancées dans le champ de la santé digitale, notamment par rapport au potentiel perc¸u à réduire les coûts de santé publique (Neuhauser & Kreps, 2003). Dans le domaine de la prise en charge des maladies chroniques, la recherche s’est intéressée à l’usage des objets connectés auprès des patients atteints de : diabète (Cafazzo et al., 2012 ; Katz, Mesfin, & Barr, 2012 ; Quinn et al., 2011), de maladies cardiovasculaires (Smith et al., 2015), de maladies génétiques (Tozzi et al., 2015), de la tuberculose (Belknap et al., 2013), de la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) (Moy, Weston, Wilson, Hess, & Richardson, 2012 ; Williams et al., 2013), de troubles mentaux (Kane et al., 2013 ; Naslund et al., 2015), de surpoids (Burke et al., 2011). Il est attendu des objets connectés introduits dans ces études qu’ils améliorent le pouvoir d’agir du patient au sens large, défini par : une meilleure adhésion au traitement, un gain de temps concernant la durée du traitement, une plus grande implication du patient dans la gestion de sa maladie et, enfin, une meilleure compréhension par le patient de l’information sur sa condition. Ces travaux partent du postulat selon lequel les objets connectés ont le potentiel d’accroître l’autonomie à travers le contrôle de soi. Ainsi, la digitalisation de la santé a été fréquemment associée avec le pouvoir d’agir des usagers (Samoocha et al., 2010), ce qui conduirait à l’amélioration de la santé publique à travers des techniques de self-management, selon une perspective individualiste de la santé et du soin (Dennison, Morrison, Conway, & Yardley, 2013 ; Yardley et al., 2013, 2015). 3. Scepticisme et craintes face aux objets connectés : menace du corps contrôlé et de la santé instrumentalisée Sur la base de la revue de la littérature effectuée, on voit apparaître progressivement une prise de distance à l’égard des avancées en santé digitale. Cette deuxième tendance en recherche, moins importante que la première, se définit par une attitude plus réticente à l’égard des objets connectés. D’une part, dans le courant des auteurs enthousiastes, des propos plus modérés commencent à apparaître. D’autre part, des critiques beaucoup plus consistantes apparaissent dans la littérature, en particulier en sociologie et en philosophie. Ces critiques sont nées en opposition aux promesses technologiques concernant les intérêts et le potentiel de ces nouveaux dispositifs. La question de la surveillance, la démarche de se comparer à une norme, la priorité accordée à la santé et au bien-être (healthism), ainsi que le pouvoir d’agir, sont Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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tous problématisés et questionnés par rapport aux possibles implications et conséquences de l’usage des objets connectés pour promouvoir la santé et/ou traiter la maladie. Le dénominateur commun reliant les travaux au sein de cette tendance se définit par la dénonciation d’une représentation de la santé digitale qui menace d’instrumentaliser le corps humain et la santé. 3.1. Prise de conscience face aux promesses : naissance d’une critique modérée Quelques questionnements sur les limites et risques associés aux objets connectés commencent à émerger depuis peu chez des auteurs enthousiastes de ces technologies, malgré leurs espoirs. Ces derniers se rendent compte du manque d’explicitation des bases théoriques qui sous-tendent leurs travaux (Riley et al., 2011). Un tel manque représente pour eux une limitation importante qui questionne l’efficacité des technologies digitales dans le domaine de l’intervention. Par conséquent, des modèles du changement issus des sciences de comportement ont été mobilisés, dans la perspective de promouvoir des styles de vie « sains » via des objets connectés (Epton et al., 2014). Plusieurs études ont ainsi transféré au domaine de la santé digitale ce genre de modèles, inspirés des approches motivationnelles, de la théorie de la cognition sociale (Bandura, 1986), de la théorie du comportement planifié (Ajzen & Madden, 1986) ou de la théorie de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen, 1975) (par exemple, les études par Fjeldsoe, Miller, & Marshall, 2010 ; Mohr et al., 2014 ; Yardley et al., 2006). Des modèles issus du champ médical ont aussi été ajustés à ce nouveau champ de la santé (Craig et al., 2008 ; Mohr, Schueller, Montague, Burns, & Rashidi, 2014). Cependant, même au sein de ces propositions, il ne semble pas y avoir de théorie psychosociale unifiée susceptible de guider le développement de la santé digitale dans le sens d’une promotion des changements de comportement efficace (Yardley et al., 2015). Ainsi, la préoccupation majeure qui commence à se dessiner, y compris au sein de la tendance enthousiaste de la santé digitale, concerne le peu d’efficacité de ces interventions en matière de changement comportemental durable et la nécessité de son évaluation (Amir-Aslani & Mangematin, 2010 ; Salamati & Pasek, 2014). Par exemple, une approche basée sur la personne a été développée, en soulignant le manque de prise en compte du contexte au sein de la recherche enthousiaste des technologies digitales (Yardley et al., 2015). Ses auteurs proposent une perspective qualitative dans le but de combler le manque souligné et de ce fait, mieux réussir à changer les comportements de santé des individus via l’usage d’objets connectés (ex. prise d’antibiotiques, lavage des mains, augmentation de l’activité physique, etc.). L’étude d’aspects purement techniques en santé digitale a été perc¸ue comme étant réductrice d’une réalité plus complexe au sein de la littérature enthousiaste (Rice & Katz, 2001 ; Yardley et al., 2015). Certains s’interrogent sur les dimensions pratiques et matérielles de tels dispositifs, comme leur financement, leur accessibilité, leur gestion dans le long terme, leur sous-utilisation, la confiance des patients et des soignants accordée aux technologies, et la fiabilité des données (Becker et al., 2014 ; Byrne, 2014 ; Eysenbach, 2001 ; Ranck, 2012 ; van Velsen et al., 2013). La confidentialité et la protection de ces données sont aussi devenus l’objet de questionnements (Barcena, Wueest, & Lau, 2014). Jamais auparavant une telle quantité de données n’avait été collectée, transmise, et stockée, sur les usagers. En outre, différents articles commencent à réaliser la nécessité d’évaluer la diversité d’objets issus des objets connectés, au vue de leur évolution rapide (Anderson, 2007 ; Appelboom et al., 2014 ; Becker et al., 2014 ; Chiauzzi, Rodarte, & DasMahapatra, 2015 ; Handel, 2011 ; Kumar et al., 2013 ; Labrique, Vasudevan, Chang, & Mehl, 2013 ; Norris, Stockdale, & Sharma, 2009 ; Riley et al., 2011). Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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3.2. La surveillance de soi dans un contexte socio-politique spécifique La santé digitale a fait l’objet de réflexions sociologiques et philosophiques inspirées des travaux de Foucault (1977–1979/2004) sur le biopouvoir et transposées aux sociétés postindustrielles contemporaines. Ces réflexions critiquent la tendance actuelle à utiliser les objets connectés pour influencer les comportements. Les comportements de santé, compris comme « pratiques de soi », reflètent selon eux les influences politiques du biopouvoir en termes de discipline de l’individu et de contrôle des populations (Beer, 2009 ; Casper & Morrison, 2010 ; Cheney-Lippold, 2011 ; Mort, Finch, & May, 2009 ; Nettleton, 2004). Dans ce registre, Lupton (2012, 2013a, b, 2014a, b, 2015) souligne le manque de distance critique dans la recherche par rapport aux manières dont les technologies digitales sont utilisées en santé. Pour elle, l’enthousiasme dominant qui règne actuellement constitue un empêchement au questionnement critique sur les dimensions sociales, culturelle, éthiques, politiques et économiques en jeu de pair avec ces développements technologiques rapides (Lupton, 2014b). Selon Lupton (2014b), les implications qui découlent de la priorité que l’on accorde à la digitalisation du domaine de la santé sont profondes, car une telle démarche amène de nouvelles manières de suivre et de surveiller le corps humain, de pair avec un partage de plus en plus répandu des données y relatives. L’une des implications essentielles de la quantification de soi concerne la réduction importante des représentations sociales mobilisées pour définir la santé, le bien-être et la maladie (Lupton, 2014b), mais cette question demeure pour l’auteure peu explorée. En effet, les données biométriques, les mesures y relatives, ainsi que la comparaison vis-à-vis de normes virtuelles définies par les promoteurs des technologies et les auteurs technophiles, amènent peu à peu à réduire la variété des ressentis et des manières d’exprimer l’expérience vécue des individus, voire des populations entières. L’approche critique de la santé digitale mobilisée appelle donc à analyser comment les frontières entre les domaines de la santé, de bien-être et de maladie sont influencées par la technologie (Lupton, 2014b), de même que les questions d’intimité, de partage et de vie privée, mais aussi du rapport au corps (Lupton, 2014a). Dans cette perspective, l’ancrage politique est indissociable des usages liés aux objets connectés ainsi qu’au sens et à la subjectivité des usagers qui les incorporent dans leur vie quotidienne. La gestion ou l’amélioration de soi visées par ces technologies accentueraient l’auto-mesure, et de ce fait, l’individualisation des pratiques de santé, au-delà du soin et du traitement des maladies. Des questions similaires ont été problématisées à partir de la notion de surveillance participative (Whitson, 2013), qui traite de la quantification de la vie également. La digitalisation de la santé fait partie intégrante d’un processus de ludification (gamification) de la vie sociale, où les applications – telles que Nike+ – orientent la gestion des pratiques corporelles selon une perspective de contrôle, tout en restant un genre de « jeu ». Les individus utilisant les objets connectés mobiliseraient des règles similaires à celles des jeux, mais pour gérer des aspects du quotidien qui ne le sont pas, comme l’alimentation ou l’exercice physique. Pour Whitson (2013), cette ludification serait une forme de surveillance, via l’auto-surveillance, qui deviendrait plaisante pour les usagers. Les individus participeraient ainsi eux-mêmes de manière active, à travers les technologies digitales, à diminuer leur propre pouvoir d’agir ; les objets connectés agiraient de cette manière par la séduction et le désir. Par ailleurs, le manque de contextualisation des dimensions sociale et économique a été problématisé via des recherches appliquées, par exemple, pour traiter l’obésité (Maturo, 2014). Des auteurs dits critiques, notamment en sociologie, soulignent le caractère biomédical, et de ce fait réducteur, des approches enthousiastes de la santé digitale. Les promesses issues du mouvement du Soi Quantifié sont remises en question de pair avec celles du « solutionnisme » technologique Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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qui l’accompagnent, d’autant plus que les usagers semblent progressivement se désintéresser des objets connectés après quelques mois de suivi (Choe et al., 2014 ; Pharabod et al., 2013). La quantification de soi reste par conséquent généralement ponctuelle sur le plan des pratiques individuelles (rapport CNIL, 2004 ; Krebs & Duncan, 2015). Le manque d’intérêt, le coût et le travail liés à l’introduction des données biométriques issues du corps et de l’activité, et le souci par rapport à la collecte de ces données, constituent des difficultés importantes. Pharabod et al. (2013) s’appuient sur une perspective anthropologique pour affirmer la dimension marginale d’une telle démarche de quantification, mais aussi la rareté du partage de ces données sur des communautés virtuelles sur Internet. Les pratiques d’auto-suivi via des objets connectés sont comparées à un processus diagnostic qui, une fois réalisé, s’arrête. L’auto-suivi des performances sportives constituerait l’exception à ce genre de pratiques, puisque la motivation pour s’améliorer semble forte auprès de cette population et les objectifs plus précis. Pour les individus tout-venant, il y aurait en revanche une grande instabilité dans les usages, compte tenu du désengagement dans la démarche de la connaissance de soi, du corps et de la santé via les chiffres (Gadenne, 2014). Cependant, rares sont les études qui se penchent sur ces limitations. 3.3. Le rapport à une norme et la construction de nouvelles valeurs de référence En lien avec la question de la surveillance, une tendance véritablement critique à l’égard de la santé digitale s’est dessinée. Celle-ci souligne la nature à la fois individualiste et normative de la promotion de « l’individu-projet » qu’entraîne l’auto-suivi. L’individu serait tenu pour seul responsable de sa santé, au détriment d’une vision davantage communautaire et globale de la santé, au niveau public. Certains auteurs dénoncent la dimension gestionnaire que l’usage d’objets connectés amène à la santé, définie par des technophiles comme un « capital » purement individuel. La conséquence principale d’une telle adhésion aux promesses de technologie en santé serait probablement la réduction de la vision globale et de l’insertion de chaque individu dans son contexte particulier (Pharabod et al., 2013). La quantification de soi mènerait à la construction de nouvelles valeurs de référence par comparaison, en lien avec la production des données biométriques, où la norme serait définie par des algorithmes, mais de manière arbitraire et floue. Cet auto-suivi du corps et de la santé irait de pair avec l’intériorisation des messages de prévention de santé, où la référence facilitée et continue à de telles valeurs normatives constituerait une véritable rupture induite par la numérisation d’états corporels et des pratiques y associés. Selon la tendance critique, les repères qui définiront la « bonne santé » via les objets connectés seront définis par un phénomène de « normopathie », puisque la vie entière pourrait devenir un programme visant la performance et l’efficacité (Buin, 2003 ; Rouvroy, 2014). Particulièrement sceptiques, certains auteurs vont jusqu’à affirmer que cette normopathie amène à la perte de tout pouvoir de contestation, du moment où la quantification de soi mènera à une forme d’existence homogène caractérisée par des objets de consommations identiques, induisant des comportements et des préoccupations similaires (Besnier, 2012). Dans ce contexte, la comparabilité des données produites a été remise en question, puisque même en utilisant un outil ou dispositif identique, les individus concernés tendent à faire des usages singuliers de leurs propres objets connectés. Alors que certains utilisent leur appareil en continu, d’autres se connectent seulement lorsqu’ils exercent une activité qui y est directement liée (Pharabod et al., 2013). De même, des interrogations liées à la relation aux données produites et récoltées, au sens personnel qui leur est attribué, ou encore, à la manière dont ces données peuvent être transformées en action sur soi, demeurent toutes très peu connues (Lupton, 2014b). Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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3.4. Au-delà du pouvoir d’agir : le risque de healthism Quelques auteurs critiques de la santé digitale soutiennent que les objets connectés promeuvent une rhétorique du healthism, une notion qui place le maintien d’une bonne santé au-dessus des autres aspects de la vie et des activités quotidiennes (Crawford, 2006 ; Crawford, Lingel, & Karppi, 2015) et une notion que l’on retrouve dans certains textes traduite par « santéisation ». Ces travaux contestent les croyances dominantes, souvent implicites, qui sous-tendent le phénomène de healthism, comme par exemple, que le « destin » des individus peut être contrôlé, au moins dans une certaine mesure, par l’action personnelle et la prise de responsabilité concernant sa propre santé. La notion de pouvoir d’agir ou d’empowerment, largement utilisée dans la littérature de la tendance « enthousiaste », semble par conséquent étroitement liée au healthism, quant à lui intriqué à la question du contrôle de soi. Ces liens ne tiendraient cependant pas compte des déterminants sociaux et économiques de la santé (Buse, 2010 ; Crawford, 2006 ; Crawford, Lingel, & Karppi, 2015). La production et la communication d’informations via des technologies, dites « acontextuelles », véhiculent pour certains le risque de dévaluer les connaissances des praticiens, qui valorisent l’expérience, les affects et les pratiques concrètes (Mort & Smith, 2009). Dans ce sens, d’autres auteurs font appel à la nécessité de prise de décision et de responsabilité face à l’usage croissant de ces technologies qui concourent à opposer un « savoir profane » (via les données générées ou via les plateformes de partage) au savoir du monde médical (Hutchings, 2014). Dans une perspective plus concrète, la notion de bricolage a été mobilisée de manière critique dans la littérature sur la santé digitale. Dans ce sens, les stratégies développées par les utilisateurs, mais aussi les détournements des fonctions de base qu’ils peuvent opérer, participent ensemble à l’expertise des usagers (Heesch, Dinger, McClary, & Rice, 2005 ; Huckvale & Morrison, 2014). Ces études concernent des interventions qui visent l’augmentation de l’activité physique via des objets connectés. Les résultats montrent l’importance pour les individus du contexte et des personnes qui encadrent l’intervention. La fiabilité des données semble également mise en cause, puisqu’un même outil peut donner lieu à des chiffres variables, ce qui peut entraîner de la frustration chez certains usagers (Heesch et al., 2005). L’enthousiasme qui domine la littérature en santé digitale est ainsi nuancé par l’ensemble de la littérature critique, qui dénonce le caractère réducteur de la mesure et l’évaluation quantitative de la santé. Pour cette tendance encore minoritaire, les processus subjectifs à l’œuvre dans le recours à des objets connectés jouent un rôle tout aussi central que les chiffres produits (Normansell et al., 2014). 4. Discussion : entre promotion et inquiétudes face aux promesses L’aperc¸u général de la littérature récente sur les objets connectés met en évidence deux grandes tendances : l’une définie par l’espoir et les promesses que représente ce domaine en pleine expansion, l’autre par une attitude critique, voire un scepticisme plus ou moins marqué. Ces deux grandes tendances peuvent être placées sur un continuum : aux extrêmes les auteurs qui soutiennent ces promesses ou ceux qui les craignent, et au milieu des critiques plus ou moins marquées qui viennent modérer les postures extrémistes. Notre analyse se penche plus spécifiquement sur des composantes « extrêmes » du continuum, du fait qu’elles constituent la majorité de la littérature actuelle. L’étude approfondie des différentes dimensions qui caractérisent chacune de ces deux tendances nous permet de souligner une série de problèmes épistémologiques et/ou Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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méthodologiques incontournables, auxquels la recherche future devra s’attaquer. Plus précisément, elle met en évidence au moins quatre points : • la grande confusion sémantique liée à la terminologie utilisée dans la littérature scientifique actuelle ; • une vision dichotomique à nuancer dans ce champ encore récent ; • la nécessité de mettre en place des études longitudinales et contextualisées ; • l’importance de questionner les frontières entre les notions de santé et de maladie. Tout d’abord, la revue de la littérature effectuée nous amène à constater l’usage d’une terminologie foisonnante qui pose problème. Pour nous, ce phénomène relève de la rapide et constante évolution du développement de la technologie, mais aussi du marketing qui en est fait, avec des glissements sémantiques parfois difficiles à situer. Le flou conceptuel observé semble lié à une course en avant pour produire des objets connectés de plus en plus performants, en étroite relation avec des intérêts économiques de santé publique, où l’on cherche à réduire les coûts grâce à une approche de plus en plus individualisée de la prévention. À travers l’analyse des travaux du courant enthousiaste, nous montrons que l’évolution technologique et instrumentale vers la digitalisation de la santé est en grande partie motivée par une diversité importante des promoteurs. Ces derniers fondent leurs avancées sur des représentations de ce qu’ils évaluent « bon » pour la santé par rapport à différentes activités du quotidien (par exemple, manger, dormir, bouger), mais dont les référents ne sont que peu explicités. Or, la démarche de développement et d’étude des objets connectés entraîne une grande confusion entre « bien-être » et « santé » au sein de la littérature scientifique. Selon nous, il reste à faire un travail de déconstruction de ces présupposés et d’analyse de la terminologie de manière à dégager des concepts rigoureux et à délimiter les champs d’application des différents outils. Un moyen d’améliorer cette compréhension serait d’analyser plus finement la terminologie liée à la santé digitale, et d’aboutir notamment à création d’un glossaire. Nous relevons la nécessité d’une meilleure définition des termes en usage, en vue d’une meilleure compréhension des enjeux, que ce soit entre les différents acteurs de la santé ou au sein d’une même discipline. Deuxièmement, la littérature analysée oscille rapidement entre prise de position « pour » ou « contre », entre « l’homme augmenté par la technique » et « l’homme diminué et soumis à la technique ». En d’autres termes, les auteurs se positionnent majoritairement en tant que « technophiles » ou « technophobes », les extrémités du continuum allant de l’idéalisation des objets connectés au scepticisme à leur égard. Au-delà d’un positionnement clairement antagoniste, cette opposition récurrente dissimule une conception du corps humain largement partagée, et qui s’apparente à une croyance qui semble partagée par les deux, soit pour la promouvoir, soit pour s’en inquiéter : le corps humain pourrait être mesuré, ajusté, programmé, contrôlé par les technologies, que cela soit espéré ou redouté. Les deux postures, celle promouvant les objets connectés comme solution dans la gestion des corps et des maladies, comme celle dénonc¸ant le danger représenté par le « techno-pouvoir », se retrouvent en fait dans leur appréhension commune d’un sujet humain qui pourrait extérioriser et déléguer ses sensations vécues à des machines. Le corps, la santé et la maladie, dans les deux positionnements, sont appréhendés comme des faits biologiques, et peu ou pas inscrits dans la culture et l’intersubjectivité. Cette dichotomie entre tendances enthousiaste et critique, voire sceptique, lorsqu’elle est appréhendée sur un mode binaire et simplificateur est par conséquent peu propice au débat et au développement de la pensée (Besnier, 2012). De plus, elle oppose fréquemment des disciplines : la médecine, la santé publique, et pour une grande Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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part la psychologie cognitivo-comportementale, d’obédience plus positiviste et post-positiviste, développent des perspectives qui discutent peu avec les travaux sociologiques ou les approches critiques développées sur les objets connectés, faisant ainsi resurgir des oppositions classiques entre paradigmes positiviste et/ou post-positiviste, d’une part, et constructiviste et/ou subjectiviste, d’autre part (Lincoln, Lynham, & Guba, 2011). Troisièmement, l’analyse présentée souligne la nécessité d’études longitudinales et contextualisées dans le domaine de la santé digitale. Malgré une augmentation sans précédent de la fabrication et de l’utilisation d’applications à usage individuel, l’emploi et la fonction des applications de santé n’ont pourtant pas encore fait l’objet d’études critiques de type empirique : on manque par exemple d’analyses socioculturelles ou psychologiques critiques. De même, peu d’études multidisciplinaires ou longitudinales ont été menées sur les usages des objets connectés par les utilisateurs. Les savoir-faire et les pratiques (stratégies, détournements) concrets développés par des individus ou par des communautés à partir des objets connectés ont également rec¸u peu d’attention au sein de la littérature. Notre revue de la question montre toutefois l’effort de quelques recherches d’intégrer des perspectives multidisciplinaires dans le développement d’objets et/ou des interventions dans le champ de la santé digitale (van GemertPijnen et al., 2015 ; Vermeulen et al., 2014). Dans ce sens, van Gemert-Pijnen et al. (2015) ont relevé de manière générale le manque d’études prenant en compte à la fois les technologies digitales, les caractéristiques humaines et l’environnement socioéconomique. Avec pour résultat important que la technologie développée aura un impact limité sur les pratiques de santé, faute d’adéquation aux contextes personnels et de motivation à l’utiliser dans la durée. Selon eux, introduire des technologies digitales dans les systèmes de santé nécessite coordination et communication entre les professionnels de la santé, les patients, les soignants informels, les usagers. Le manque de centration sur l’humain expliquerait ainsi nombre de problèmes d’utilisation (Kelders, van Gemert-Pijnen, Werkman, & Seydel, 2010 ; Nijland, Cranen, Boer, van Gemert-Pijnen, & Seydel, 2010 ; Nijland, van Gemert-Pijnen, Boer, Steehouder, & Seydel, 2008) et les hauts taux d’abandon (Christensen, Griffiths, & Farrer, 2009 ; Kelders, Van GemertPijnen, Werkman, Nijland, & Seyde, 2011 ; Neve, Collins, & Morgan, 2010). En effet, passé une période d’usage d’essai, parfois ludique, d’environ 3 à 6 mois, plus de 40 % des usagers ne s’en servent plus (Gadenne, 2014 ; Ledger & McCaffrey, 2014). Cet abandon pourrait être l’indicateur d’un désintérêt face à une application en lien avec l’objet en question, qui n’évolue pas avec l’usager. Il pourrait aussi représenter le processus développemental à l’œuvre dans l’emploi de ces technologies, dans lequel le sujet ajuste son usage (ou non usage) en fonction de ses besoins et attentes, voire transforme via cet usage, son rapport à l’objet (Wertsch, 1985). Au terme de leur analyse, les auteurs préconisent donc leur approche « holistique » des technologies de santé digitale, susceptible de prendre en compte la complexité des pratiques de santé, ainsi que les rituels et habitudes personnels des patients ou autres intervenants et destinataires. Enfin, dans les deux grandes tendances que nous décrivons, les notions de bien-être, santé et maladie sont aisément mobilisées, mais elles sont définies a priori comme allant de soi et se superposant souvent les unes aux autres. Alors qu’il s’agit de concepts majeurs qui vont de pair avec des enjeux centraux pour l’avenir en matière d’objets connectés, il n’est pas rare de voir des glissements sémantiques entre bien-être subjectif et santé, ou entre « bonne » santé et bien-être, ou encore entre absence de bien-être et maladie probable. Les concepts mobilisés, le plus souvent par des chercheurs non issus des sciences de la santé, relèvent du sens commun, et leur définition n’étant jamais précisée, il est souvent difficile de savoir de quoi parlent les auteurs. Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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5. Conclusion Face aux implications de la recherche dans les vies des individus et des patients, il semble essentiel de conduire des études empiriques, à travers des recherches de terrain, aussi bien sur les influences psychosociologiques qu’exercent les technologies digitales, que sur la définition des frontières qui séparent le bien-être et la santé de la maladie. De même, il apparaît nécessaire d’interroger les fonctions psychologiques des objets connectés du point de vue des usagers, en partant de leur expérience vécue au sein de leurs contextes social et culturel spécifiques. En effet, les travaux s’intéressant à la fonction psychologique semblent absents jusqu’ici. La manière dont ces objets, fournis par la culture, sont intégrés par les usagers semble encore peu étudiée, de même que les fac¸ons dont chaque individu les utilise. L’étude de l’activité concrète inspirée par la perspective que propose l’Activity Theory (Engeström, Miettinen, & Punamäki, 1999 ; YamagataLynch, 2007) ouvre selon nous une voie prometteuse dans ce sens. Au-delà des débats existants, principalement focalisés sur les promesses associées à ces nouvelles technologies de santé, il est devenu nécessaire de porter une attention particulière à l’activité humaine et à ces objets comme « médiateurs », au même titre que d’autres outils conc¸us par la civilisation dans le but d’agir non seulement sur le monde, mais aussi sur soi (Vygotski, 1997 ; Wertsch, 1985). Comme nous l’avons montré dans l’aperc¸u de la littérature de cette contribution, les raisons pour lesquelles les individus abandonnent les objets connectés restent peu investiguées. L’une des principales raisons est qu’une grande partie des études récentes s’est intéressée à des dimensions soit purement techniques, soit comportementales en lien avec ces technologies. Une manière de combler cette lacune en vue d’étudier les intentions et motivations de leur abandon, serait de mettre en place des études longitudinales permettant le suivi des usagers dans des contextes de leur vie quotidienne. L’analyse des interrelations entre le corporel, le sociétal et le psychologique, en jeu dans la santé et la maladie (Santiago-Delefosse, 2015) prendrait dès lors une dimension développementale tout à fait pertinente pour comprendre les fonctions relatives aux usages des objets connectés. En outre, l’étude des usages sociaux et les risques psychopathologiques de ces usages demeurent à l’état d’ébauche. Jusqu’ici, les différentes populations étudiées ne tiennent pas véritablement compte des risques liés aux fonctions subjectives, concrètes et situées des objets connectés dans le domaine de la santé. Selon nous, il semble capital pour les psychologues travaillant dans le champ de la santé, de s’y intéresser et de développer des études spécifiques dans le domaine. L’étude des effets associés à des usages « problématiques » de ces outils, de pair avec des interprétations non attendues des données physiologiques, s’impose comme piste de recherche dans l’avenir (par exemple, la comparaison interindividuelle accrue, l’hypocondrie, etc.). Les méthodes qualitatives ont dans ce sens un potentiel intéressant pour mieux comprendre ce champ en pleine expansion. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références Ajzen, I., & Madden, T. J. (1986). Prediction of goal-directed behavior: Attitudes, intentions, and perceived behavioral control. Journal of Experimental Social Psychology, 22(5), 453–474.
Pour citer cet article : del Río Carral, M., et al. Santé digitale : promesses, défis et craintes. Une revue de la littérature. Pratiques psychologiques (2016), http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2016.06.004
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