Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique

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ARTICLE IN PRESS La Revue de médecine interne xxx (2014) xxx–xxx

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Mise au point

Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique Scleritis and episcleritis: Diagnosis and treatment E. Héron a,∗ , M. Gutzwiller-Fontaine b , T. Bourcier b a b

Service de médecine interne, centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingts, 28, rue de Charenton, 75571 Paris cedex 12, France Service d’ophtalmologie, nouvel hôpital civil, hôpitaux universitaires et université de Strasbourg, BP426, 67091 Strasbourg, France

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Sclérite Episclérite Herpès virus Polyarthrite rhumatoïde Granulomatose avec polyangéite Polychondrite

r é s u m é L’épisclérite et la sclérite sont deux entités clairement distinctes en termes de pronostic visuel, de fréquence de l’association à des maladies systémiques et de prise en charge thérapeutique. La pertinence de la classification clinique des épisclérites et sclérites établie en 1976 reste d’actualité pour ses corrélations avec les complications oculaires, l’association à des maladies générales et les orientations thérapeutiques. Une épisclérite nécessite très rarement des explorations poussées, et sa prise en charge est alors similaire à celle d’une sclérite. Dans cette revue, l’analyse de 1358 cas de sclérites issus des grandes séries publiées depuis 1976 montre une étiologie infectieuse sous-jacente dans 8 % des cas (herpès principalement), et une maladie systémique dans 28 % des cas en moyenne : principalement les rhumatismes inflammatoires (12,8 %) et les vascularites systémiques (7,8 %). Globalement, le risque de baisse visuelle lié aux sclérites est de 16 %. Néanmoins, le risque de maladie systémique associée, comme le risque de baisse visuelle, sont très variables selon le type de sclérite, culminant à 80 % et 50 % respectivement dans les formes nécrosantes. Comparativement aux séries anciennes de sclérites, les séries récentes montrent une nette diminution des formes nécrosantes, probablement liées aux progrès des thérapeutiques immunomodulatrices des 20 dernières années et à leur large utilisation dans les principales maladies responsables de sclérite. La prise en charge thérapeutique des sclérites demande l’implication de médecins rompus aux traitements immunosuppresseurs, nécessaires dans environ 50 % des cas. © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

a b s t r a c t Keywords: Scleritis Episcleritis Herpes virus Rheumatoid arthritis Granulomatosis with polyangeitis Polychondritis

Episcleritis and scleritis are distinct entities with regard to visual prognosis, risk of associated systemic disease, and treatment. The pertinence of the clinical classification of episcleritis and scleritis established in 1976 still persists, with significant differences in terms of visual prognosis, associated general conditions, and therapeutic choices according to each scleritis subtype. Episcleritis requires rarely to be referred to a tertiary care centre, and if so it has to be monitored similarly to scleritis. In this paper, an analysis of 1358 scleritis cases from the main distinct large series published since 1976 shows a mean proportion of 8% of infectious aetiologies (mainly herpes viruses), and 28% of systemic diseases with two main subgroups: inflammatory rheumatisms 12.8%, and systemic vasculitis 7.8%. Overall, the risk for visual loss following scleritis is around 16%. However, the risks of associated systemic disease and visual loss are both highly variable according to the type of scleritis, and culminate at 80% and 50% in the necrotizing subtype respectively. As compared with older series, the proportion of necrotizing scleritis is lower in recent series which is likely due to the advances obtained over the past 20 years in immunomodulatory therapy, as well as its wide use in the treatment of the main systemic conditions associated with scleritis. The treatment of scleritis should be managed by physicians who are experts in the use of immunosuppressive drugs that may be required in one out of two affected patients. © 2014 Published by Elsevier Masson SAS on behalf of the Société nationale française de médecine interne (SNFMI).

∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Héron). 0248-8663/$ – see front matter © 2014 Publie´ par Elsevier Masson SAS pour la Société nationale française de médecine interne (SNFMI). http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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1. Introduction L’épisclérite et la sclérite sont deux pathologies inflammatoires de l’enveloppe du globe oculaire qui n’ont été bien distinguées l’une de l’autre qu’en 1976 par l’équipe du Moorfields Eye Hospital de Londres [1]. La pertinence de cette distinction a été confirmée par toutes les études ultérieures. Schématiquement, l’épisclérite est une pathologie superficielle, peu bruyante et quasiment sans risque de complication alors que la sclérite touche une structure profonde, peut être très douloureuse, destructrice, et engager le pronostic visuel. En outre, l’épisclérite est rarement symptomatique d’une pathologie générale sous-jacente au contraire de la sclérite, et son traitement se limite le plus souvent à des collyres, parfois associés à un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) [2]. Un bilan médical approfondi ne sera donc envisagé devant une épisclérite qu’en cas de présentation inhabituelle de par sa sévérité, sa chronicité, la récurrence des symptômes, ou encore l’existence de signes d’alerte généraux. La démarche de prise en charge est alors la même qu’en cas de sclérite. C’est pourquoi, après la présentation des caractéristiques générales de ces deux entités, la revue des aspects étiologiques et thérapeutiques a été centrée sur les sclérites, qui concentrent en outre la grande majorité des publications.

2. Caractéristiques générales des sclérites et épisclérites Située sous la conjonctive bulbaire, entre la capsule de Tenon et la sclère, l’épisclère est constituée de tissu conjonctif fibroélastique. Elle est richement vascularisée par un plexus épiscléral superficiel et un plexus épiscléral profond. Composée principalement de collagène (80 % de son poids), la sclère s’étend du limbe cornéo-scléral au canal optique et n’a pas de vascularisation intrinsèque. Elle est richement innervée (branche V1 du nerf trijumeau), ce qui explique les douleurs parfois intenses de la sclérite. Les sclérites et les épisclérites se manifestent par un œil rouge plus ou moins douloureux. Ces deux entités touchent 1,5 femmes pour un homme à un âge moyen de 50 ans, sont récidivantes 2 fois sur 3, bilatérales dans 40 % des cas, le passage d’une forme clinique à une autre étant très rare [1,3]. Typiquement, l’épisclérite a une évolution spontanément favorable sans complication. Elle donne généralement lieu à une simple gêne (sensation de chaleur, de brûlure), tandis qu’une sclérite provoque des douleurs d’intensité variable, parfois insomniantes, accompagnées de photophobie et larmoiement. Dans une large étude, les douleurs de sclérite ont été qualifiées de légères dans 42,4 %, modérées dans 42,4 % et sévères dans 14,6 % des cas [4]. La sclérite nécrosante non inflammatoire (Scleromalacia perforans) est indolore. Le diagnostic positif de ces deux entités est clinique lors de l’examen ophtalmologique. Un test distinctif entre épisclérite et sclérite mérite d’être connu de l’interniste : l’instillation d’une goutte de néosynéphrine (phényléphrine 10 %) provoque la vasoconstriction des vaisseaux conjonctivaux et épiscléraux superficiels sans agir sur le plexus épiscléral profond. Par conséquent, elle efface la rougeur de l’épisclérite mais pas celle de la sclérite. Son effet débute en quelques secondes et est maximal une minute après instillation. Par ailleurs, le diagnostic de sclérite postérieure, suggéré par des signes non spécifiques au fond d’œil (plis ou décollement choroïdiens, granulome sous-rétinien, décollement rétinien exsudatif, œdème papillaire), doit être confirmé par une imagerie du segment postérieur (échographie principalement). L’ophtalmologiste devra éliminer certains diagnostics différentiels, les plus difficiles concernent les sclérites postérieures et peuvent demander le concours de l’interniste : mélanome choroïdien, lymphome oculaire, localisation secondaire d’un carcinome, ou encore maladie de Harada dans sa phase inflammatoire (dans ce dernier cas

l’atteinte est bilatérale d’emblée, ce qui est rarement le cas des sclérites). La classification clinique des épisclérites et sclérites, publiée par Watson et Hayreh en 1976 [1] (Fig. 1), a un intérêt pronostique et pour la prise en charge médicale des patients. Elle distingue deux formes d’épisclérite : la forme simple et la forme nodulaire. En cas d’épisclérite nodulaire (< 20 % des cas), la rougeur et l’œdème sont segmentaires, formant un ou plusieurs nodules mobiles par rapport au plan scléral. Les sclérites sont divisées en formes antérieures et postérieures. Les sclérites antérieures sont subdivisées en formes diffuses, nodulaires ou nécrosantes. La sclérite nécrosante peut être inflammatoire ou non inflammatoire (Scleromalacia perforans). La répartition actuelle des différentes formes cliniques de sclérites a été évaluée dans une série récente de 500 cas colligés de 2005 à 2010 [4] (Fig. 2). On y note une nette diminution des sclérites nécrosantes à 4 % vs 26 % dans une série plus ancienne de 266 patients colligés de 1980 à 1991 par la même équipe [5]. Ceci reflète vraisemblablement les progrès de la prise en charge diagnostique et thérapeutique réalisés pendant la vingtaine d’années séparant ces deux études. Les complications des sclérites sont néanmoins fréquentes : complications cornéennes (Dellen, infiltrats stromaux, kératite ulcérante périphérique, kératite sclérosante, kératolyse), ou sclérales (amincissement lié aux plages de nécrose, ectasies, perforations), uvéite, glaucome secondaire, cataracte, rarement neuropathie optique en cas de sclérite postérieure. Le taux de complications global a été récemment évalué à 45 %, avec une baisse visuelle séquellaire dans 15,8 % des cas [4]. Le pronostic visuel est meilleur dans les sclérites antérieures diffuses et nodulaires, intermédiaire dans les sclérites postérieures, et réservé dans les formes nécrosantes du fait d’un risque de baisse visuelle séquellaire d’environ 12 %, 29 %, et 50 % respectivement [4]. 3. Étiologies des sclérites 3.1. Méthodes Les études cliniques prises en compte dans cette revue devaient inclure au moins 50 patients et ont été sélectionnées par une recherche sur PubMed en utilisant l’entrée « scleritis AND etiology AND series », depuis l’article princeps de Watson et Hayreh en 1976 [1] jusqu’en septembre 2013, complétée par un examen de la bibliographie des articles analysés. Pour certaines équipes ayant publié plusieurs fois sur ce sujet, seule la série la plus récente a été sélectionnée afin d’éliminer les doublons de patients. Sept études ont été prises en compte dans l’analyse [1,4,6–10], en intégrant uniquement la publication la plus récente pour 2 équipes ayant publié plusieurs fois leur série [4,7]. Les caractéristiques générales de ces études sont présentées dans le Tableau 1. Le cumul de leurs populations réunit 1358 cas de sclérites. Dans la plupart de ces études le recrutement des patients s’étend sur une longue durée (10 à 20 ans). L’étude publiée en 2012 par Sainz de la Maza et al. [4] est particulièrement remarquable tant par sa taille (500 sclérites soit plus de 40 % de la population totale des 7 études analysées), que par la rapidité du recrutement réalisé entre 2005 et 2010 dans deux centres de référence (États-Unis et Espagne). C’est pourquoi elle nous a semblé la meilleure source pour donner une photographie actuelle de certains aspects des sclérites comme la répartition des formes cliniques (Fig. 2), les complications oculaires ou la proportion de maladies associées en fonction du type clinique, données par ailleurs inconstamment présentes dans les autres études analysées. En dehors des causes locales particulières, trois catégories étiologiques de sclérites sont classiquement distinguées : infections, maladies systémiques, et idiopathiques. La répartition globale des patients dans ces 3 grandes catégories étiologiques est illustrée par la Fig. 3.

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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Fig. 1. Classification clinique des épisclérites et sclérites. A : épisclérite simple ; B : épisclérite nodulaire ; C : sclérite antérieure diffuse bilatérale ; D : sclérite nodulaire ; E : sclérite nécrosante avec inflammation ; F : Scleromalacia perforans bilatérale chez une patiente atteinte de granulomatose avec polyangéite ; G : sclérite postérieure (échographie oculaire).

3.2. Causes locales, iatrogènes, et traumatiques de sclérites Quelques causes locales ou iatrogènes devront être recherchées par l’interrogatoire et l’inspection. Un corps étranger ou un contact d’agent chimique sont à rechercher de principe [4]. Parmi les causes médicamenteuses on retiendra principalement les bisphosphonates (également cause d’uvéite), mais aussi la cétirizine [11]. Le risque relatif de sclérite sous bisphosphonates est d’environ 1,5. La

scleromalacie 1%

postérieure 6%

rosacée, dermatose chronique du visage identifiable à l’inspection, serait la cause d’environ 1 % des sclérites [4]. La chirurgie oculaire est un facteur déclenchant connu de sclérite, qui doit néanmoins impérativement faire rechercher une maladie systémique sous-jacente. Ainsi l’équipe de Londres a rapporté une série de 52 yeux chez 43 patients ayant développé une sclérite dans les suites de chirurgies oculaires variées [12]. Onze patients (25 %) avaient eu un geste chirurgical unique et 75 % deux actes ou plus. Le délai moyen de latence était de 5,7 mois (1 jour à 3,5 ans), si l’on met à part un sous-groupe de 5 patients opérés de strabisme dans l’enfance dont le délai de latence était

nécrosante 4% nodulaire 14%

diffuse 75%

Fig. 2. Répartition des différentes formes cliniques de sclérites dans une série de 500 cas [4].

Fig. 3. Répartition des 3 grandes catégories étiologiques de sclérites (n = 1358).

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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Tableau 1 Principales grandes études sur les sclérites. Études

n

Femmes n (%)

Âge moyen ans (extrêmes)

Maladie systémique n (%)

Infection n (%)

Total étiologies n (%)

Watson et al., 1976 [1] McCluskey et al., 1999 [6]a Akpek et al., 2004 [7] Lin et al., 2008 [8] Raiji et al., 2009 [9] Sainz de la Maza et al., 2012 [4] Wieringa et al., 2013 [10]

207 99 243 119 86 500 105

F/H = 3/2 64 (64) 171 (70) 82 (68) 61 (70) 355 (71) 63 (60)

Non précisé 49,3 (11) 52 (5) 49,4 (9) 49,5 (8) 53,7 (12) 51,5 (18)

45 (21,7) 29 (29) 90 (37) 50 (42) 27 (31) 124 (24) 31 (29)

28 (13,5) Aucune 17 (7,0) 5 (4,2) 4 (4,7) 48 (9,6) 3 (2,9)

73 (35,3) 29 (29) 107 (44) 55 (46) 31 (36) 172 (34) 34 (32)

a

Sclérites postérieures uniquement.

de 6,5 à 40 ans. La sclérite était nécrosante dans 49 cas (94 %) et nodulaire dans les 3 cas restants, avec une sclérite postérieure associée dans 23 % des cas. Le caractère nécrosant de la sclérite n’était toutefois patent que dans 60 % des cas, et confirmé par une angiographie fluorescéinique du segment antérieur dans les autres cas (la zone ischémique pouvant être limitée à la région péri-cicatricielle). Une maladie systémique inflammatoire a été retrouvée chez 14 des 36 (39 %) patients évaluables au plan général : rhumatismale dans 10 cas, granulomatose avec polyangéite (GPA : anciennement maladie de Wegener) dans 3 cas et périartérite noueuse 1 fois. L’évolution de la sclérite était généralement favorable sous réserve d’un traitement agressif rapide. Dans une autre étude clinico-pathologique de 10 cas de sclérite nécrosante postopératoire, une vascularite systémique (9 cas) ou un processus infectieux (1 cas) ont été retrouvés chez les 10 patients, dont 6 étaient inconnus au moment de l’opération [13]. 3.3. Les sclérites infectieuses Les causes infectieuses sont dominées de loin par les sclérites herpétiques, liées au virus varicelle-zona (VZV) ou à herpès simplex virus (HSV), retrouvées chez 5,5 % des patients (Tableau 2). Le diagnostic de sclérite herpétique, la plus fréquente et la mieux documentée des causes de sclérite infectieuse, est ici le véritable challenge diagnostique. Le diagnostic est évident en cas de sclérite concomitante d’une éruption typique de zona ophtalmique. Cependant une séquence classique dans ce cas est aussi l’observation d’une épisclérite au moment de l’éruption zostérienne suivie d’une guérison complète puis de l’apparition d’une sclérite au site de l’inflammation oculaire quelques semaines ou mois plus tard [1]. Plus récemment, le spectre clinique des sclérites herpétiques s’est étendu avec l’implication du virus HSV dans tous les types de sclérite antérieure (sauf la scléromalacie) et notamment des formes chroniques [14,15]. Gonzalez et al. ont rapporté 35 cas de sclérite herpétique chez des patients âgés de 21 à 89 ans : il s’agissait de sclérite antérieure diffuse dans 28 cas (80 %), nodulaire dans 4 cas (11,4 %) et nécrosante dans 3 cas (8,6 %) [14]. Dans cette étude, les éléments cliniques statistiquement différents par rapport à un groupe de 321 cas de sclérite idiopathique et orientant vers une cause herpétique sont : • • • •

le caractère unilatéral ; le début brutal ; le caractère bruyant avec une douleur modérée à sévère ; l’association à une uvéite ou une kératite.

Cependant une uvéite antérieure n’était observée que chez 37 % des patients et une kératite périphérique chez 29 % d’entre eux. Une hypertonie oculaire n’était pas plus fréquente que dans les formes idiopathiques. Dans cette série le diagnostic a été retenu devant les éléments suivants : présence d’une kératite dendritique ou stromale typique (n = 4), zona ophtalmique patent (n = 5), biopsie scléro-conjonctivale avec immunofluorescence (IF) positive

(n = 16), sérologie sanguine positive et éléments cliniques suspects (hypoesthésie cornéenne franche, atrophie irienne, antécédent de zona ophtalmique) chez 10 patients ayant refusé la biopsie. Les formes chroniques diagnostiquées par biopsie étaient liées à HSV (l’IF ne permettant pas de distinguer les sérotypes 1 et 2) et non au VZV. Le diagnostic de sclérite herpétique chronique a parfois été porté après plusieurs années d’évolution d’une pathologie mal contrôlée par un traitement systémique corticoïde ou immunosuppresseur [15]. Dans tous les cas la réponse thérapeutique a été favorable avec résolution complète des signes en 3 à 8 semaines sous traitement oral antiviral seul. Cependant une baisse visuelle séquellaire était observée chez 34 % des patients, attribuée principalement au retard diagnostique (1 mois à 4,9 ans, moyenne 1,28 ans), d’où l’attention particulière à apporter au diagnostic de sclérite herpétique devant une sclérite aiguë mais aussi chronique. L’étude d’Akpek et al. [7] avait montré que la présence d’une sclérite nodulaire unilatérale était significativement associée à un risque de sclérite herpétique (OR : 3,08 ; IC95 % : 1,07–8,89), alors que dans l’étude de Gonzalez et al. [14], une sclérite antérieure diffuse était le mode de présentation dans 80 % des cas (presque toujours unilatérale). Cependant il s’agissait dans la première de ces études principalement du virus VZV (11 fois sur 15), alors que la seconde porte sur les sclérites liées à HSV, ce qui pourrait expliquer une présentation clinique différente. Comme l’uvéite, la sclérite peut être associée à une tuberculose active ou le plus souvent latente. Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments intégrant au moins un test cutané tuberculinique ou un dosage d’interféron gamma, mais le lien de causalité reste souvent incertain. En fonction des facteurs de risque retrouvés à l’interrogatoire les sérologies syphilitique, du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ou des maladies de Lyme et des griffes du chat peuvent être indiquées.

3.4. Maladies systémiques associées aux sclérites Une maladie systémique a été observée en moyenne chez 28 % des 1358 patients colligés dans cette revue (Fig. 3). Sa fréquence est d’environ 1/3 des cas de sclérites antérieures diffuses ou nodulaires, 80 % dans les formes nécrosantes et 19 % dans les formes postérieures pures [4]. Le détail des étiologies est présenté dans le Tableau 2. Il est intéressant de souligner qu’à la différence des uvéites dont les principales étiologies systémiques sont la sarcoïdose (6,4 %) et la maladie de Behc¸et (6,1 %) dans une série franc¸aise de 927 cas [16], les causes générales de sclérites sont dominées par les rhumatismes inflammatoires (principalement la polyarthrite rhumatoïde) et les vascularites systémiques. Le groupe des rhumatismes inflammatoires représente 12,8 % des étiologies, les vascularites systémiques 7,8 %, les MICI 2 % et le lupus 1,9 % des cas (Fig. 4). Une granulomatose avec polyangéite (GPA) ou une polychondrite, très rares dans la population générale, sont ainsi diagnostiquées chez 5,3 % des patients atteints de sclérite.

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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Tableau 2 Détail des principales pathologies associées aux sclérites. Étude

Watson 1976

McCluskey 1999

Akpek 2004

Lin 2008

Raiji 2009

Sainz de la Maza 2012

Wieringa, 2013

Total

Population, n

207

99e

243

119

86

500

104

1358

Période de l’étude

1975–1988

1974–1996

1984–2002

1995–2006

2001–2007

2005–2010

1992–2011

Maladie systémique, n (%) Polyarthrite rhumatoïde Spondylarthropathiesa HLA B27 isolé GPA Polychondrite Autres vascularitesb MICI Lupus systémique Diversc

21 5 – 1 2 7 – 2 7

5 1 – 4 3 5 – 1 8

37 6 – 11 4 10 8 10 4

22 2 – 8 3 2 5 2 6

10 4 – 2 0 1 – 9

32 14 24 (4,8 %) 14 11 8 11 10 4

14 1 – 7 2 1 3 – 3

374 (27,5) 141 (10,4) 33 (2,4) – 47 (3,5) 25 (1,8) 34 (2,5) 27 (2,0) 26 (1,9) 41 (3,0)

Infection, n (%) Herpès virus (VZV/HSV) Tuberculose Syphilis Diversd

18 (16/2) 4 6 –

– – – –

15 (11/4) – 1 6

3 (2/1) – 1 1

2 (2/0) – – 2

35 (HSV) 5 – 7

2 (VZV) – 1 –

104 (7,7) 75 (5,5) 9 (0,7) 9 (0,7) 11 (0,8)

GPA : granulomatose avec polyangéite (anciennement maladie de Wegener) ; MICI : maladie inflammatoire chronique intestinale ; VZV : virus varicelle-zona ; HSV : herpès simplex virus 1 et 2. a Spondylarthrite ankylosante (n = 12), rhumatisme psoriasique (11), arthrite réactionnelle (4), non précisé (6). b Vascularite systémique non précisée (11), Behc¸et (7), périartérite noueuse (6), Cogan (4), Horton (3), Takayasu (2), vascularites cutanées (2), vascularite associée au virus de l’hépatite C (1). c Dysthyroïdie (6), sarcoïdose (5), connectivite mixte (3), néphropathie à IgA (3), Sjögren (2), cardiopathie rhumatismale (2), rhumatisme palindromique (2), syndrome TINU (2), Harada (2), myasthénie (2), cirrhose biliaire primitive (1), sclérose en plaques (1), pseudopolyarthrite rhyzomélique (1), pyoderma gangrenosum (1), maladie coeliaque (1), arthrite chronique juvénile (1), polymyosite (1), lymphome (1), cancer du pancréas (1), myélome (1). d Primo-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) (2), maladie de Lyme (1), pseudomonas (1), non spécifié (7). e Sclérites postérieures uniquement.

Dans les principales séries, seuls Sainz de la Maza et al. s’intéressent à la prévalence de l’haplotype HLA B27 [4], précédemment observé dans une série de 5 cas de sclérite postérieure chez des patients asiatiques [17]. Sa prévalence de 4,8 % dans cette série principalement américaine n’est pas remarquable puisqu’elle est estimée à 7,7 % dans la population générale concernée [18]. Plusieurs études ont précisé la chronologie du diagnostic des maladies systémiques associées aux sclérites. La maladie générale n’était pas connue lors du diagnostic de sclérite dans 19 % des cas dans l’étude de population de Raiji et al. [9], 24 % dans l’étude de Wieringa et al. [10], 27 % dans l’étude d’Akpek et al. [7], 37 % dans

l’étude de Sainz de la Maza et al. [4], et 50 % dans l’étude de Lin et al. [8]. Le diagnostic de maladie systémique associée a donc été posé ultérieurement à l’épisode oculaire dans 19 % à 50 % des cas dans ces études dont le suivi moyen était de 8 mois [8] à 38 mois [10]. Sainz de la Maza et al. précisent que dans 48 cas de sclérite inaugurale d’une maladie systémique non infectieuse, la sclérite était de type antérieure diffuse 39 fois (81 %) et nécrosante 4 fois (8 %) [4]. Il est difficile d’estimer la proportion de diagnostics généraux effectués dès le bilan initial de sclérite ou plus tardivement car cette distinction est le plus souvent absente. Néanmoins, dans l’étude d’Akpek et al. (7), 107 sur 243 patients avaient une étiologie

Fig. 4. Principales maladies systémiques associées aux sclérites. Catégorie « divers » : cf. légende du Tableau 2 pour le détail des étiologies.

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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Fig. 5. Effets des traitements immunosuppresseurs dans l’inflammation oculaire (principalement uvéites, sclérites et pemphigoïde oculaire cicatricielle) dans l’étude rétrospective multicentrique américaine SITE : les résultats thérapeutiques sont individualisés pour le sous-groupe des sclérites (numérateur en légende), et la proportion d’arrêt de traitement pour effet indésirable se réfère au total des patients étudiés pour la molécule considérée (dénominateur en légende). RC : rémission complète ; PRED : prednisone ; mo : mois.

générale associée, connue dans 77,6 % des cas, diagnostiquée lors du bilan initial dans 14 % des cas, et au cours du suivi dans 8,8 % des cas (principalement dans ce dernier cas des vascularites systémiques et maladies inflammatoires chroniques intestinales). L’étude de Lin et al. [8] a souligné l’intérêt de la recherche d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA) et du facteur rhumatoïde (FR) chez 91 patients ayant une sclérite apparemment idiopathique. Un FR positif a été noté chez 19 patients, avec un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde chez 10 d’entre eux dans un délai moyen de 10,6 mois, soit une probabilité post-test de développer une PR en cas de sclérite et FR positif de 53 %. Des ANCA positifs (de type non précisé dans l’article) ont été retrouvés chez 7 patients, dont 3 ont eu un diagnostic final de GPA, soit une probabilité post-test de développer une GPA en cas de sclérite et ANCA positifs de 43 %. Dans cette étude un patient FR négatif et 2 patients ANCA négatif ont développé une PR et une GPA respectivement, soit des probabilités post-test de 2 % de développer une PR et 3 % de développer une GPA en cas de sclérite et de tests biologiques négatifs. Les limites de cette étude sont notables dans la mesure où la spécificité des ANCA n’y est pas précisée, et où l’on n’a pas d’information sur la présence ou non de signes (otorhinolaryngologiques, rhumatologiques, etc.) évocateurs de GPA ou PR lors de l’examen clinique initial. Ses conclusions, potentiellement très utiles, demandent confirmation dans des études utilisant des critères cliniques et biologiques plus précis et un suivi suffisamment long. Cependant, la notion de sclérite avec ANCA positifs sans GPA était déjà rapportée dans la série d’Akpek et al. [7] qui comportait 10 patients ANCA+ (5 c-ANCA et 5 p-ANCA) sans vascularite systémique avérée après un suivi moyen de 20 mois. Il s’agissait de sclérites sévères puisque 6 d’entre elles (4 c-ANCA et 1 p-ANCA) ont nécessité un traitement général corticoïde et immunosuppresseur. Ainsi la présence isolée d’ANCA (c-ANCA surtout) pourrait être un marqueur pronostique de sclérite, peut-être par le biais d’une vascularite à ANCA oculaire isolée [19]. L’ensemble de ces données suggère l’intérêt d’un bilan minimum systématique chez les patients atteints de sclérite, indépendamment des manifestations générales initialement présentes, et l’importance d’un suivi prolongé en médecine interne après l’épisode initial. Il n’y a pas dans la littérature de bilan minimum validé pour les sclérites apparemment idiopathiques. Le bilan paraclinique proposé dans le Tableau 3 tient compte des principales étiologies de sclérites observées dans les grandes études (Tableau 2) et des données suggérant l’intérêt d’un bilan immunologique initial [7,8].

Tableau 3 Bilan paraclinique minimum d’une sclérite (ou épisclérite si indication). Biologie sanguine NFS, VS, CRP, fibrinogène Électrophorèse des protéines sériques, créatininémie AAN, Ac anti-ECT, Ac anti-CCP, FR, ANCA Sérologies HSV-1 et -2 Biologie urinaire Recherche d’hématurie, leucocyturie et protéinurie Imagerie Radiographie thoracique Test cutané tuberculinique NFS : numération formule sanguine ; VS : vitesse de sédimentation ; CRP, protéine C-réactive ; AAN : anticorps antinucléaires ; Ac : anticorps ; ECT : antigènes solubles du noyau ; CCP : peptides cycliques citrullinés ; FR : facteur rhumatoïde ; ANCA : anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles.

Il va de soi que l’interrogatoire et l’examen clinique minutieux constituent un temps primordial pour orienter les examens complémentaires : par exemple scanner des sinus ou thoracique d’emblée devant des symptômes même frustes des voies aériennes (simple obstruction nasale, rhinorrhée ou toux inexpliquée, etc.), endoscopie digestive en cas de troubles digestifs inhabituels. Concernant le bilan infectieux, le diagnostic de sclérite herpétique repose avant tout sur la recherche minutieuse d’arguments cliniques, éventuellement d’un test thérapeutique (cf. infra), et au cas par cas sur la réalisation de prélèvements locaux (ponction de chambre antérieure en cas de kérato-uvéite, biopsie conjonctivale ou mieux scléro-conjonctivale). Cependant la négativité de la sérologie HSV-1 et -2 (environ 30 % des adultes) et son éventuelle séroconversion au décours d’un premier épisode de sclérite peut être un élément diagnostique intéressant, d’où sa justification dans le bilan initial. La très faible prévalence des étiologies infectieuses non herpétiques (comparativement aux uvéites notamment [16]), suggère un bilan par ailleurs orienté par l’interrogatoire et le contexte plutôt que systématique pour les sérologies syphilitique, VIH, de la maladie de Lyme et des griffes du chat, ou le dosage d’interféron gamma. 4. Traitement 4.1. Sclérites infectieuses Le traitement des sclérites infectieuses sera bien entendu étiologique. Le traitement du zona ophtalmique repose sur

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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l’administration orale dans les 72 heures de l’éruption de valaciclovir (Zélitrex® ) 1 g × 3/jour pendant 7 jours, ou famciclovir (Oravir® ) 500 mg × 3/jour pendant 7 jours, à adapter à la fonction rénale. Dans une série de 35 sclérites herpétiques, dont une majorité de formes chroniques liées à HSV, Gonzalez et al. [14] indiquent avoir débuté le traitement par de l’aciclovir (Zovirax® ) 800 mg × 3 à 5 fois/jour avec une régression des signes inflammatoires en moins de 3 semaines généralement, un peu différée (3 à 8 semaines) dans les formes chroniques les plus anciennes [15]. Après 1 mois sans signe inflammatoire, la posologie de l’aciclovir était progressivement diminuée jusqu’à la dose d’entretien prévenant efficacement les récidives inflammatoires. Dans de rares cas l’aciclovir a été stoppé après plus de 1 an de traitement. Mais l’expérience des auteurs montre que les sclérites herpétiques (comme les kératites) récidivent fréquemment et nécessitent en règle le maintien d’une couverture antivirale. La posologie d’aciclovir utilisée par Gonzalez et al. [14] correspond à 1 à 2 g par jour de valaciclovir (une prodrogue de l’aciclovir) qui lui est préféré en pratique. Une fois le diagnostic de sclérite herpétique porté, les traitements d’attaque et d’entretien appropriés seront guidés par la réponse inflammatoire, dans l’idée du maintien d’un traitement préventif de longue durée. L’excellente réponse thérapeutique observée dans les sclérites herpétiques prouvées [14,15] suggère qu’un traitement antiviral d’épreuve est envisageable, avec valeur de test thérapeutique, lorsque ce diagnostic et suspecté.

4.2. Sclérites non infectieuses La grande majorité des cas nécessite un traitement systémique, dont l’éventail comprend aujourd’hui les AINS, les corticostéroïdes, les immunosuppresseurs et les biothérapies, avec une expérience reposant principalement pour ces dernières sur la publication de cas cliniques et de petites séries. L’étude de cohorte SITE (Systemic Immununosuppressive Therapy for Eye diseases) a inventorié dans 5 centres ophtalmologiques tertiaires américains l’efficacité et la tolérance des principaux immunosuppresseurs utilisés en monothérapie (en sus des corticoïdes) dans le traitement des pathologies oculaires inflammatoires. La période d’étude s’étend de 1979 à 2007, a concerné le méthotrexate, l’azathioprine, la cyclosporine, le cyclophosphamide, et le mycophénolate mofétil (ce dernier après échec du méthotrexate), et les 3 affections les plus fréquentes étaient les uvéites, les sclérites et la pemphigoïde oculaire cicatricielle [20–24]. La Fig. 5 montre quelques données importantes d’efficacité de ces médicaments dans le sous-groupe des sclérites de l’étude SITE, les données de tolérance sont celles de l’ensemble des patients traités avec la molécule considérée (85 à 384 patients selon la molécule). Le nombre de patients étudiés pour chaque traitement est limité (9 à 56) mais la sclérite est une pathologie rare, et la rigueur de l’analyse dans cette étude (monothérapie immunosuppressive stricte, définition rigoureuse de la rémission complète et de l’épargne cortisonique) donnent du poids à l’information recueillie. Dans cette étude le méthotrexate donnait les meilleurs résultats tant en termes d’efficacité que de tolérance avec 56 % de rémission complète à 6 mois, et 14 % d’arrêt de traitement dans la 1re année pour intolérance [20]. La cyclosporine avait des résultats similaires, mais dans une très petite série de patients traités [22]. L’azathioprine [21] et le mycophénolate mofétil [24] montraient un profil bénéfice/risque moins favorable dans la sclérite, mais là aussi il s’agit de petites séries et pour le mycophénolate était utilisé uniquement en 2e ligne après échec du méthotrexate. Le cyclophosphamide [23] utilisé aussi bien par voie orale qu’intraveineuse, en 1re ligne dans 52 % des cas, a montré une très bonne efficacité avec 82 % de rémission complète à 1 an (mais a été arrêté pour effet indésirable 1 fois sur 3). Du fait de sa toxicité, le cyclophosphamide a généralement été choisi en cas de sclérite grave, menac¸ant le

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pronostic visuel (sclérite nécrosante notamment), ou du fait d’une indication systémique (granulomatose avec polyangéite). Une autre étude comparant le méthotrexate, l’azathioprine et le mycophénolate en pathologie oculaire inflammatoire (90, 38 et 129 patients dont 21, 7 et 22 sclérites dans chacun de ces groupes) a montré un meilleur profil de tolérance pour le mycophénolate et le méthotrexate avec 14 % et 17 % d’arrêt pour effet indésirable vs 39 % pour l’azathioprine [25]. Dans cette étude le contrôle de l’inflammation oculaire (toutes pathologies confondues) et une dose de prednisone ≤ 10 mg/jour à 6 mois étaient obtenus chez 79 % des patients sous mycophénolate, 58 % sous azathioprine et 42 % sous méthotrexate. La dose médiane d’introduction du méthotrexate, de l’azathioprine et du mycophénolate était de 15 mg/semaine, 150 mg/jour et 2 g/jour respectivement avec nécessité d’augmentation ultérieure des doses dans 64 %, 32 % et 36 % des cas. En cas de succès avec le méthotrexate, la dose était de 15 à 20 mg/semaine dans 70 % des cas. L’infliximab utilisé à la dose de 5 mg/kg à j0, j15 puis 1 fois par mois, a montré une efficacité constante dans 10 cas de sclérite réfractaire [26]. Le rituximab a été efficace dans 4 cas rapportés à 375 mg/m2 par semaine pendant 4 semaines ou 1 gramme à j0 et j14 [27]. Une revue des modalités d’emploi et résultats observés dans l’inflammation oculaire avec les immunosuppresseurs conventionnels et biologiques a été publiée en 2011 [28]. Sainz de la Maza et al. ont publié leur expérience du traitement des sclérites non infectieuses dans leur cohorte de 500 patients pris en charge entre 2005 et 2010 [29]. Par souci d’homogénéité leur étude est centrée sur les 392 patients avec sclérite antérieure non infectieuse (Tableau 4). Ces patients ont pu avoir jusqu’à 6 lignes de traitement : le traitement pris en compte est celui conduisant au succès thérapeutique. Le contrôle de l’inflammation a nécessité l’utilisation d’un immunosuppresseur conventionnel ou biologique chez 205 patients (52,3 %), dont toutes les sclérites nécrosantes. Cependant, dans les sclérites nodulaires (n = 53) un AINS a été suffisant dans 55 % des cas. Dans le groupe traité avec succès par immunosuppresseur conventionnel, les plus utilisés ont été les anti-métabolites (méthotrexate chez 67, azathioprine chez 17, mycophénolate chez 30, et léflunomide chez 2 patients), suivis par les agents alkylants (cyclophosphamide chez 25, et chlorambucil chez 2 patients), et les inhibiteurs des lymphocytes T (cyclosporine et sirolimus chez 2 patients chacun). Lorsque le succès thérapeutique a suivi l’emploi d’une biothérapie, un anti-TNF␣ a été le plus souvent prescrit (infliximab chez 29, adalimumab chez 13, étanercept chez 2, et certolizumab chez 1 patients), suivis du rituximab (anticorps anti-CD20) chez 7 patients, de l’abatacept (protéine bloquant l’activation des lymphocytes T) chez 2 patients, et enfin du daclizumab (anticorps anti-récepteur de l’interleukine-2, en arrêt de commercialisation en Europe depuis 2009), et du tocilizumab (anticorps anti-récepteur de l’interleukine-6) chez 1 patient chacun.

Tableau 4 Traitement des sclérites antérieures non infectieuses. Traitementa

Aucun, n (%) AINS Corticostéroïdes Immunosuppresseurs Biothérapie

Type de sclérite Diffuse

Nodulaire

Nécrosante

Total

(n = 327)

(n = 53)

(n = 12)

(n = 392)

10 (3,1) 115 (13) 27 (8) 128 (39) 47 (14)

4 (7,5) 29 (54) 2 (3) 11 (20) 7 (13)

0 0 0 10 (83,3) 2 (16,7)

14 (3,6) 144 (36) 29 (7) 149 (38) 56 (14)

D’après [29]. a Seule la dernière ligne thérapeutique utilisée, assurant le succès thérapeutique, est prise en compte. AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien.

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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On peut dégager de l’ensemble de ces données quelques points de repère pour le traitement des sclérites non infectieuses. Les sclérites antérieures idiopathiques diffuses ou nodulaires avec un degré d’inflammation modéré ont un taux de réponse satisfaisant aux AINS qui seront utilisés en 1re intention. En cas d’échec une corticothérapie orale sera tentée, avec possibilité de revenir au traitement AINS en relai si la corticothérapie est efficace. En cas d’inefficacité un traitement immunosuppresseur sera envisagé : principalement méthotrexate, azathioprine, mycophénolate mofétil, sans supériorité démontrée de l’un ou l’autre en 1re intention. En cas de résistance ou intolérance aux traitements, une biothérapie peut être envisagée, généralement un anti-TNF␣ (infliximab, adalimumab). L’étanercept est peu utilisé, d’autant qu’il est incriminé dans la genèse de sclérites et autres pathologies inflammatoires oculaires [30]. Les sclérites antérieures idiopathiques diffuses ou nodulaires avec un degré d’inflammation important justifient un traitement corticostéroïde d’emblée. Le relai par AINS peut être tenté après obtention d’une rémission. L’escalade thérapeutique éventuelle est similaire au cas précédent. Les sclérites antérieures diffuses ou nodulaires associées à une maladie systémique nécessitent très souvent un traitement immunosuppresseur parmi les anti-métabolites cités plus haut, ou le cyclophosphamide (vascularite nécrosante en particulier), ou une biothérapie de type anti-TNF␣ ou anti-CD20 (rituximab) selon le contexte clinique et la pathologie associée (par exemple anti-TNF␣ en 1re intention en cas de maladie rhumatismale ou intestinale inflammatoire pour laquelle une autorisation réglementaire existe). Les sclérites nécrosantes requièrent en règle un traitement immunosuppresseur d’emblée. Le cyclophosphamide (en perfusion) et les biothérapies seront alors souvent discutées en 1ère intention, la pathologie sous-jacente et le délai d’action respectif entrant en jeu dans le choix final. Pour conclure sur les immunosuppresseurs : de même que pour les uvéites il n’est pas démontré qu’un des immunosuppresseurs conventionnels soit supérieur aux autres dans le traitement des sclérites idiopathiques. Les choix thérapeutiques seront guidés par le type de sclérite, la réponse thérapeutique, la tolérance, et l’existence d’une maladie systémique associée. Les anti-TNF␣ et le rituximab ont apporté une nouvelle option thérapeutique efficace, particulièrement en cas de pathologie associée qui permet de guider leur choix et dans les sclérites réfractaires. À ces traitements systémiques de la sclérite il faut ajouter la possibilité d’un traitement locorégional par injection sousconjonctivale de corticoïde (triamcinolone) dans les sclérites non infectieuses non nécrosantes. La publication en 2011 d’une expérience multicentrique [31] portant sur 68 yeux chez 53 patients avec un recul médian de 2,3 ans rapporte un taux de réponse de 97 % (66 yeux) après une seule injection, sans récidive à 24 mois dans 67,6 % des cas et à 48 mois dans 50,2 %. Les traitements systémiques étaient arrêtés lors du dernier contrôle chez 55 % des patients. La seule complication rapportée est une hypertonie oculaire sur 14 yeux (20,6 %) contrôlée par hypotonisants. Il n’y a eu aucun cas de nécrose sclérale. Ce traitement peut certainement avoir une place dans la stratégie thérapeutique, notamment dans un contexte de contre indication ou intolérance à certains traitements systémiques. 5. Conclusion Si l’on peut globalement qualifier l’épisclérite de pathologie bénigne, la sclérite fait partie des pathologies oculaires inflammatoires graves. Comme le confirment des publications importantes récentes, la sclérite est associée à des maladies systémiques variées dans environ 1 cas sur 3, pouvant parfois engager le pronostic

vital. À l’opposé de formes souvent bien contrôlées par un traitement AINS et au cours évolutif rassurant, il s’agit environ 1 fois sur 2 d’une pathologie chronique, récidivante, menac¸ant la vision, et dont le contrôle inflammatoire requiert l’emploi de médicaments immunosuppresseurs conventionnels et parfois des anti-TNF␣ ou du rituximab. La prise en charge des sclérites nécessite donc une étroite collaboration entre l’ophtalmologiste qui doit être en mesure d’affirmer le diagnostic, le type et la sévérité de la sclérite, et un médecin expérimenté dans le diagnostic des maladies systémiques et le maniement des médicaments immunosuppresseurs. L’implication de ces derniers est cruciale non seulement dans la prise en charge médicale quotidienne des patients, mais aussi pour la réalisation d’essais thérapeutiques contrôlés rendus plus nécessaires que jamais par l’irruption des biothérapies qui multiplie les agents thérapeutiques utilisés de manière encore empirique dans le domaine de l’inflammation oculaire. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] Watson PG, Hayreh SS. Scleritis and episcleritis. Br J Ophthalmol 1976;60:163–91. [2] Jabs DA, Mudun A, Dunn JP, Marsh MJ. Episcleritis and scleritis: clinical features and treatment results. Am J Ophthalmol 2000;130:469–76. [3] Tuft SJ, Watson PG. Progression of scleral disease. Ophthalmology 1991;98:467–71. [4] Sainz de la Maza M, Molina N, Gonzalez-Gonzalez LA, Doctor PP, Tauber J, Foster CS. Clinical characteristics of a large cohort of patients with scleritis and episcleritis. Ophthalmology 2012;119:43–50. [5] Sainz de la Maza M, Jabbur NS, Foster CS. Severity of scleritis and episcleritis. Ophthalmology 1994;101:389–96. [6] McCluskey PJ, Watson PG, Lightman S, Haybittle J, Restori M, Branley M. Posterior scleritis: clinical features, systemic associations, and outcome in a large series of patients. Ophthalmology 1999;106:2380–6. [7] Akpek EK, Thorne JE, Qazi FA, Do DV, Jabs DA. Evaluation of patients with scleritis for systemic disease. Ophthalmology 2004;111:501–6. [8] Lin P, Bhullar SS, Tessler HH, Goldstein DA. Immunologic markers as potential predictors of systemic autoimmune disease in patients with idiopathic scleritis. Am J Ophthalmol 2008;145:463–71. [9] Raji VR, Palestine AG, Parver DL. Scleritis disease association in a communitybased referral practice. Am J Ophthalmol 2009;148:946–50. [10] Wieringa WG, Wieringa JE, ten Dam-van Loon NH, Los LI. Visual outcome, treatment results, and prognostic factors in patients with scleritis. Ophthalmology 2013;120:379–86. [11] Fraunfelder FW, Fraunfelder FT. Adverse ocular drug reactions recently identified by the national registry of drug-induced ocular side effects. Ophthalmology 2004;111:1275–9. [12] O’Donoghue E, Lightman S, Tuft S, Watson P. Surgically induced necrotising sclerokeratitis (SINS), precipitating factors and response to treatment. Br J Ophthalmol 1992;76:17–21. [13] Sainz de la Maza M, Foster CS. Necrotizing scleritis after ocular surgery. A clinicopathologic study. Ophthalmology 1991;98:1720–6. [14] Gonzalez-Gonzalez LA, Molina-Prat N, Doctor P, Tauber J, Sainz de la Maza MT, Foster CS. Clinical features and presentation of infectious scleritis from herpes viruses: a report of 35 cases. Ophthalmology 2012;119:1460–4. [15] Bhat P, Jakobiec FA, Kurbanyan K, Zhao T, Foster S. Chronic herpes simplex scleritis: characterization of 9 cases of an underrecognized clinical entity. Am J Ophthalmol 2009;148:779–89. [16] Bodaghi B, Cassoux N, Wechsler B, Hannouche D, Fardeau C, Papo T, et al. Chronic severe uveitis: etiology and visual outcome in 927 patients from a single center. Medicine 2001;80:263–70. [17] Anshu A, Chee SP. Posterior scleritis and its association with HLA B27 haplotype. Ophthalmologica 2007;221:275–8. [18] Zamecki K, Jabs DA. HLA typing: use and misuse. Am J Ophthalmol 2010;149:189–93. [19] Schmidt J, Pulido JS, Matteson EL. Ocular manifestations of systemic disease: antineutrophil cytoplasmic antibody-associated vasculitis. Curr Opin Ophthalmol 2011;22:489–95. [20] Gangaputra S, Newcomb CW, Liesegang TL, Kac¸maz RO, Jabs DA, Levy-Clarke GA, et al. Methotrexate for ocular inflammatory diseases. Ophthalmology 2009;116:2188–98. [21] Pasadhika S, Kempen JH, Newcomb CW, Liesegang TL, Pujari SS, Rosenbaum JT, et al. Azathioprine for ocular inflammatory diseases. Am J Ophthalmol 2009;148:500–9.

Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004

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Pour citer cet article : Héron E, et al. Sclérites et épisclérites : prise en charge diagnostique et thérapeutique. Rev Med Interne (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.revmed.2014.02.004