C. R. Acad. Sci. Paris, t. 328, Série II b, p. 407–410, 2000 Mécanique des fluides/Fluids mechanics
Solutions similaires pour un problème de couches limites en milieux poreux Zakaria BELHACHMI, Bernard BRIGHI, Khalid TAOUS Département de mathématiques, Université de Metz, Ile du Saulcy, 57045 Metz cedex 01, France Courriel :
[email protected] ;
[email protected] ;
[email protected] (Reçu le 21 février 2000, accepté le 13 mars 2000)
Résumé.
Nous considérons un problème de transfert thermique dans un milieu poreux saturé d’un fluide au repos et occupant un domaine non borné. L’immersion dans ce milieu d’une plaque chauffée induit un phénomène de convection naturelle. En supposant que la convection n’a lieu que dans une zone proche de cette plaque et en utilisant des méthodes de couches limites, on peut, dans le cas stationnaire, obtenir des solutions similaires en résolvant un problème aux limites en dimension un, faisant intervenir une équation différentielle non linéaire, du troisième ordre et dépendant d’un paramètre. Nous donnons, en fonction des valeurs du paramètre, des résultats de non-existence, puis d’existence et d’unicité, et nous exhibons des solutions explicites quand cela est possible. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS couche limite / milieu poreux / solution similaire
Similarity solutions for a boundary layer problem in porous media Abstract.
We consider heat transfer from a surface embedded in an unbounded porous medium, saturated with a fluid at rest. A thermal boundary-layer approximation, based on the assumption that convection takes place in a thin layer around the heating surface, is done. The use of boundary layer technics show that we can find similarity solutions by solving a one-dimensional boundary value problem, involving a third-order nonlinear differential equation depending on a parameter. We prove existence and uniqueness results for some values of the parameter, non-existence for the other ones, and when it is possible, we construct explicit solutions. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS boundary layer / porous medium / similarity solution
1. Introduction Pour tout α ∈ R, on considère le problème aux limites (Pα ) suivant : α + 1 00 f f − αf 02 = 0 dans ]0, ∞[ 2 f (0) = 0, f 0 (0) = 1
f 000 + 0
0
f (∞) := lim f (t) = 0 t→∞
∀t ∈ [0, ∞[,
0 6 f 0 (t) 6 1
(1.1) (1.2) (1.3) (1.4)
Note présentée par Évariste S ANCHEZ -PALENCIA. S1620-7742(00)00044-1/FLA 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
407
Z. Belhachmi et al.
Ces équations sont obtenues au cours de la modélisation d’un phénomène de convection naturelle dans un milieu poreux occupant un domaine non borné. Précisément on considère une plaque verticale imperméable, chauffée et immergée dans un milieu poreux saturé d’un fluide visqueux incompressible. L’écoulement de ce fluide est gouverné par des lois de Darcy. La distribution de la température sur la plaque est de la forme T (x1 , x2 ) = axα 1 + b, où x1 est la composante dans la direction verticale, opposée au sens de la gravitation, d’un point x de cette plaque, et où α est un paramètre réel. Le mouvement du fluide est induit par les échanges thermiques. Ce phénomène est connu sous le nom de convection naturelle. Notons qu’à l’instar du nombre de Reynolds pour un fluide gouverné par les équations de Navier–Stokes, c’est le nombre de Rayleigh qui va traduire ici l’importance de la convection. Les approximations faites pour aboutir à ce problème reposent sur l’hypothèse que la convection a lieu dans une fine couche autour de la plaque chauffante, ce qui correspond à de grandes valeurs du nombre de Rayleigh. Compte tenu de la distribution de la température considérée sur le mur, l’utilisation des techniques de couches limites dues à Prandtl, permet l’obtention de solutions similaires, en résolvant le problème (1.1)–(1.3). La condition (1.4) provient de ce que la quantité f 0 représente une température adimensionnée et normalisée. Pour plus de détails concernant cette modèlisation, voir [1–3]. Dans le cas α = 0, l’équation (1.1) s’appelle l’équation de Blasius (voir [4,5]). Dans l’étude des phénomènes de couches limites pour un fluide incompressible s’écoulant sur une surface plane, la méthode de Prandtl conduit à un problème semblable faisant intervenir l’équation de Falkner–Skan (voir par exemple [5]). Remarquons enfin, que l’on ne peut espérer avoir des solutions pour toutes les valeurs de α. En effet, si α = −1, pour toute fonction f de classe C3 vérifiant (1.1), sa dérivée f 0 est concave, de sorte que si f 0 (0) = 1, on ne peut pas avoir f 0 (∞) = 0. Par conséquent, (P−1 ) n’a pas de solutions. 2. L’importance de la valeur α = −1/3 Si f est une solution de (1.1)–(1.2), alors u = f 0 + u(0) = 1 et u00 =
α+1 2 4 f ,
vérifie :
3α + 1 02 f 2
dans ]0, ∞[
(2.1)
On voit ainsi que la valeur α = −1/3 joue un rôle particulier. En fait, si f est une solution de (P−1/3 ) alors, de (2.1) on déduit : ∀t > 0,
f 0 (t) + 16 f (t)2 = f 00 (0)t + 1
(2.2) 00
qui est une équation Riccati. De plus, (1.3) et (1.4) montrent que nécessairement avoir f (0) = 0. En √ on doit √ intégrant alors (2.2) avec la condition initiale f (0) = 0 on obtient f (t) = 6 tanh(t/ 6). Cette fonction est l’unique solution de (P−1/3 ). On peut montrer que le problème (1.1)–(1.3) admet lui, une infinité de solutions, voir [1]. L’importance de la valeur −1/3 pour α apparait également dans le théorème suivant : T HÉORÈME 2.1. – Pour α < −1/3, le problème (Pα ) n’a pas de solutions. Démonstration. – Si α 6 −1, il suffit de remarquer que f et f 0 sont concaves, de sorte que (1.2) et (1.3) ne peuvent avoir lieu en même temps. Pour α ∈ ]−1, − 31 [, la preuve consiste à montrer que si f est une solution, alors f 0 ∈ L2 (0, ∞). Pour cela, on intègre par parties l’équation (1.1) sur [0, t] et en utilisant la positivité de f et de f 0 , on obtient : 06−
3α + 1 2
Z 0
t
f 0 (s)2 ds = f 00 (0) − f 00 (t) −
α+1 f (t)f 0 (t) 6 f 00 (0) − f 00 (t) 2
Ensuite, on passe à la limite quand t tend vers ∞ et on obtient f 00 (0) > 0, d’où l’on déduit que f 0 croît au voisinage de 0, ce qui contredit (1.2)–(1.4). 2
408
Couches limites en milieux poreux
3. Existence et unicité T HÉORÈME 3.1. – Si α > −1/3, le problème (Pα ) admet une solution f strictement concave, bornée et vérifiant : ∀t > 0,
2 0 6 f (t) 6 √ α+1
(3.1)
Démonstration. – Pour obtenir l’existence d’une solution dans le cas α > 0, nous adaptons une preuve donnée dans [5] pour l’équation de Falkner–Skan, qui consiste à écrire (1.1) comme un système autonome du premier ordre : α+1 y1 y3 + αy22 (3.2) 2 En introduisant l’ouvert Ω = {y ∈ R3 ; y1 ∈ R, y2 > 0, y3 < 0}, on montre alors, à l’aide d’un argument topologique, qu’il existe un µ0 < 0 tel que la solution de (3.2) vérifiant y(0) = (0, 1, µ0 ) reste dans Ω et que f = y1 résout le problème (Pα ). Par construction cette solution est strictement concave, et on prouve aisément qu’elle est bornée. L’estimation (3.1) s’obtient alors en multipliant (1.1) par t et en intégrant par parties sur [0, ∞[. Pour α ∈ ] − 1/3, 0], considérons fµ la solution du problème de Cauchy (1.1)–(1.2) et f 00 (0) = µ, avec µ 6 0. Notons que fµ peut ne pas exister sur tout [0, ∞[. En utilisant alors le fait que α 6 0, on montre que fµ est strictement concave. Puis en posant A = {µ 6 0 ; fµ0 > 0} on vérifie que A 6= ∅ et que µ∗ = inf A > −∞. On prouve ensuite que µ∗ ∈ A et on note f∗ la solution correspondant à µ = µ∗ . Fixons alors t > 0. Pour µ ∈ / A et suffisamment proche de µ∗ , on montre que fµ existe sur [0, t] et que l’on a l’estimation indépendante de µ suivante : y1 0 = y2 ,
y2 0 = y3 ,
∀s ∈ [0, t],
y3 0 = −
2 fµ (s) < √ α+1
si bien qu’en faisant tendre µ vers µ∗ , on obtient (3.1) et f∗ est bien une solution de (Pα ).
(3.3) 2
T HÉORÈME 3.2. – Pour α > 0, le problème (Pα ) possède une unique solution f . Démonstration. – Supposons qu’il existe deux solutions distinctes f1 et f2 , et que l’on a f100 (0) > f200 (0). En posant h = f1 − f2 , on a h(0) = 0, h0 (0) = 0 et h00 (0) > 0. Comme h0 (∞) = 0, il existe un point t0 > 0, tel que h0 > 0 sur ]0, t0 [, h00 (t0 ) = 0 et h000 (t0 ) 6 0. Mais : α + 1 00 f1 (t0 )h(t0 ) h000 (t0 ) = f1 000 (t0 ) − f2 000 (t0 ) = αh0 (t0 ) f1 0 (t0 ) + f2 0 (t0 ) − 2 qui donne h000 (t0 ) > 0 et une contradiction. 2 Remarque 3.1. – Pour α = 1, on peut obtenir par des techniques élémentaires, l’expression explicite de la solution de (1.1)–(1.4). Pour cela, on pose f = g + a, avec a ∈ R, et (1.1) devient : g 000 +
α + 1 00 α + 1 00 ag = αg 02 − gg 2 2
En cherchant alors g de sorte que les deux membres de cette égalité soient nuls, on obtient que la fonction f (t) = 1 − e−t est solution de (P1 ). Remarque 3.2. – Pour α < 0, nous ne savons pas si l’unicité a toujours lieu. Nous ignorons également si, le cas échéant, toute solution de (Pα ), autre que celle construite dans la preuve du théorème 3.1, est bornée ou non.
409
Z. Belhachmi et al.
Remarque 3.3. – D’un point de vue mathématique, il est naturel de se demander quelle est l’incidence de la condition (1.4) sur les résultats d’existence et d’unicité. La réponse n’est évidemment pas la même pour toutes les valeurs de α. Plus précisément, on montre que le problème (1.1)–(1.3) n’a pas de solution pour α 6 −1/2, une infinité de solutions pour α = −1/3 et une solution unique pour α ∈ [0, 1/3]. Pour tous les autres cas, nous ne savons rien de l’existence d’une solution de (1.1)–(1.3) qui ne vérifierait pas (1.4). Références bibliographiques [1] Belhachmi Z., Brighi B., Taous K., On a family of differential equations for boundary layer approximations in porous media, in preparation. [2] Cheng P., Minkowycz W.J., Free convection about a vertical flat plate embedded in a porous medium with application to heat transfer from a dike, J. Geophys. Res. 82 (14) (1977) 2040–2044. [3] Ene H.I., Poliˇsevski D., Thermal Flow in Porous Media, Reidel, Dordrecht, 1987. [4] Belhachmi Z., Brighi B., Taous K., On the concave solutions of the Blasius equation, in preparation. [5] Coppel W.A., On a differential equation of boundary layer theory, Phil. Trans. Roy. Soc. London Ser. A 253 (1960) 101–136.
410