Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ?

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G Model

ARTICLE IN PRESS

ENCEP-980; No. of Pages 8

L’Encéphale xxx (2017) xxx–xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

Article de recherche

Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Professional stressors and common mental health disorders: Causal links? C. Nicolas a,∗ , N. Chawky b , C. Jourdan-Ionescu c , M.-S. Drouin d , C. Page e , N. Houlfort d , G. Beauchamp f , M. Séguin g a Groupe McGill d’études sur le suicide, institut universitaire en santé mentale Douglas, pavillon Franck B. Common, 6875, boulevard LaSalle, Montréal, Québec H4H 1R3, Canada b Groupe McGill d’études sur le suicide, institut universitaire en santé mentale Douglas, Montréal, Québec, Canada c Département de psychologie, université du Québec à Trois-Rivières, Québec, Canada d Département de psychologie, université du Québec à Montréal, Québec, Canada e Université du Québec à Rimouski, Québec, Canada f Département de psychologie et psychoéducation, université du Québec en Outaouais, Montréal, Québec, Canada g Département de psychologie et psychoéducation, groupe McGill d’études sur le suicide, institut universitaire en santé mentale Douglas, université du Québec en Outaouais, Montréal, Québec, Canada

i n f o

a r t i c l e

Historique de l’article : Rec¸u le 10 octobre 2016 Accepté le 6 janvier 2017 Disponible sur Internet le xxx Mots clés : Milieu professionnel Travail Événement de vie Santé mentale Stress Prévention

r é s u m é En 2015, l’Organisation mondiale de la santé a reconnu la dépression comme étant la première cause d’incapacité dans le monde. Ce problème de santé publique a des répercussions potentielles sur le milieu du travail. Objectif. – Le but de cette étude était, entre autres, d’explorer les liens possibles entre les stresseurs professionnels et la présence de troubles mentaux courants. En recourant à une méthode de trajectoire de vie, les événements survenus dans la sphère du travail et ceux survenus dans d’autres sphères de vie ont été documentés. Méthode. – Deux groupes ont été comparés : un groupe de personnes ayant éprouvé des troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années et un groupe de personnes n’ayant éprouvé aucun problème de santé mentale au cours des cinq dernières années. Les données de cette étude pilote ont été récoltées au cours d’entretiens semi-directifs auprès de 58 participants. Résultats. – Les personnes ayant été atteintes d’au moins un trouble mental courant ont significativement plus de difficultés générales au travail ainsi que plus de relations de travail difficiles avec les employeurs, en comparaison avec les personnes sans trouble mental. Cependant, peu de différences significatives ont été observées entre les groupes par rapport aux difficultés dans d’autres sphères de vie. Conclusion. – Il est possible que les stresseurs professionnels jouent un rôle important dans l’apparition de troubles mentaux courants. De ce fait, le milieu de travail s’avère un environnement tout désigné pour déployer des stratégies efficaces de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux courants. ´ © 2017 L’Encephale, Paris.

∗ Auteur correspondant. Adresses e-mail : [email protected] (C. Nicolas), [email protected] (N. Chawky), [email protected] (C. Jourdan-Ionescu), drouin.marc [email protected] (M.-S. Drouin), claire [email protected] (C. Page), [email protected] (N. Houlfort), [email protected] (G. Beauchamp), [email protected] (M. Séguin). http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004 ´ 0013-7006/© 2017 L’Encephale, Paris.

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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a b s t r a c t Keywords: Work environment Work Life events Mental disorders Stress Prevention

According to the World Health Organization, depression has become the leading cause of disability in the world, contributing significantly to the burden of health issues especially in the industrialized countries. This is a major public health problem, with potential impact on work climates, productivity at work and the continued existence of the organizations. Some recent studies have examined potential links between professional factors and common mental health disorders, but none have demonstrated a direct causal link. Objective. – In the present study, we explored possible links between work-related stressors and common mental health disorders, with the objective of determining priority mental health prevention axes. Method. – The study used a life trajectory method. We compared professional stressors and difficulties present in other spheres of life in the last five years between two groups: a group of 29 participants with common mental health disorders during the last five years (depression, anxiety disorders, eating disorders, substance use disorders, pathological gambling), and a group of 29 participants who have not experienced a mental health disorder in the last five years. Data were collected from semi-structured interviews with the participants using a life course analysis method. Each participant was interviewed during two or three meetings of two to three hour duration. Questions regarding difficulties in different spheres of life and mental health were asked. More precisely, data were collected with regards to the presence or absence of mental health disorders in the last five years and the nature of mental health disorders and difficulties. Moreover, we collected data pertaining to the most important positive and negative events in different spheres of life that were present in the last five years, including family life, romantic relationships, social life, academic difficulties, losses and separations, episodes of personal difficulties, financial difficulties as well as protective factors. Regarding professional difficulties present in the last five years, data were collected on different kinds of adversities such as difficulties in finding a job, periods of unemployment, frequent job changes, difficult working conditions, discrimination, difficult working relationships with colleagues and with employers, moral harassment and family–work conflicts. Results. – Participants with common mental health disorders are more concerned about having general professional difficulties at work and about having difficult working relationships with employers. However, difficulties related to other spheres of life do not differentiate the two groups. Conclusion. – It is possible that the work environment is linked to common mental health disorders. In particular, having general professional stressors at the work place and having difficult relationships with employers can impact the occurrence of common mental health disorders. Inversely, these stressors at work can be the consequence of a common mental health disorder. Complementary studies are of interest. Professional stressors can constitute an essential part in the occurrence of common mental health disorders. Thus, the workplace seems a priority environment for deploying effective mental health prevention strategies. Moreover, this can be a strategy for organizations to improve the work climate and to increase productivity. ´ Paris. © 2017 L’Encephale,

Introduction La prévention de la santé mentale constitue un enjeu de santé publique dans de nombreux pays, notamment en France et au Canada. En 2006, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) prévoyait qu’entre 2002 et 2030, la dépression allait passer de la quatrième cause d’incapacité dans le monde à la deuxième cause et à la première dans les pays à revenu élevé [1]. Dès 2015, la dépression est devenue la première cause d’incapacité dans le monde [2]. Ce problème majeur de santé publique, en plus de contribuer à la charge globale des maladies, a des répercussions de plus en plus fréquentes au travail. Plusieurs modèles de santé au travail au cours des 30 dernières années ont montré l’impact de stresseurs professionnels sur la santé mentale [3–5]. Aussi, des études indiquent des liens entre la dépression et la productivité, la qualité du travail, le nombre de congés pour maladie, l’absentéisme, le roulement du personnel [6]. Par ailleurs, environ 16 % des salariés au Québec déclarent ressentir une détresse psychologique élevée en lien avec le travail [7]. Ainsi, il importe de mieux comprendre les liens entre la vie professionnelle et la santé mentale. Dans une étude récente [8], ont été mises en évidence des associations entre certains facteurs liés au travail (faible latitude décisionnelle, forte demande psychologique, faible soutien social, faibles récompenses, harcèlement moral, violence verbale) et la présence de dépression et d’anxiété et chez les participants masculins, des associations entre une faible prédictibilité au travail (possibilité de prévoir dans le cadre du travail) et la dépression

et l’anxiété ainsi qu’entre de longues heures de travail et l’anxiété. S’intéressant aux conditions de travail mais aussi à d’autres sphères de la vie par rapport au trouble dépressif, Marchand et al. [9] révèlent que des facteurs liés au travail mais aussi des facteurs familiaux et des facteurs personnels comme l’estime de soi, des événements survenus dans l’enfance, contribuent à expliquer un trouble dépressif. D’autres études se sont intéressées aux liens entre des facteurs liés au travail et des troubles mentaux courants. Ainsi, des facteurs comme la pression liée au temps, le manque de contrôle sur le travail, le manque de soutien social, des actes subis de harcèlement moral au travail sont associés à la présence de troubles dépressifs [10]. Cependant, bien que ces études mettent en lumière des associations entre des facteurs liés au travail et des difficultés de santé mentale, il est impossible de conclure quant à un lien de causalité. La dimension temporelle quant à la présence de difficultés au travail et le développement de troubles mentaux est rarement investiguée, ainsi il est difficile de conclure à un lien direct entre des difficultés au travail et le développement d’un trouble mental courant. En l’absence d’une investigation plus spécifique quant à la séquence temporelle, il est possible que la présence concomitante d’autres événements de vie explique le développement de troubles mentaux. D’autre part, peu d’études ont comparé des groupes sur les variables de santé mentale et les difficultés au travail. Pour mieux saisir la complexité entourant l’exploration des variables multifactorielles comme le développement de troubles mentaux, d’autres méthodes de recherche que celles utilisées dans

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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les études corrélationnelles s’avèrent nécessaires. L’étude pilote actuelle a pour objectif d’explorer les liens entre les stresseurs professionnels et les troubles mentaux courants. Une comparaison de deux groupes, un premier ayant eu des troubles courants au cours des cinq dernières années et un second n’ayant pas développé de trouble mental, permettra d’explorer la présence des événements présents au cours des cinq dernières années dont les difficultés au travail. L’exploration repose sur la méthode des trajectoires de vie [11–13]. Il s’agit d’une méthode mixte d’investigation des troubles psychologiques et d’événements ayant jalonné la trajectoire de vie, permettant d’explorer le type des événements de vie survenus dans plusieurs sphères de vie dont la vie amoureuse, sociale et professionnelle [11]. Cette étude a comparé les différences quant au cumul d’événements de vie issus des sphères professionnelle, sociale et personnelle, chez un groupe de personnes ayant développé des troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années et un groupe de personnes n’ayant pas développé de trouble mental courant au cours des cinq dernières années. Méthode Participants Une équipe constituée de chercheurs du Réseau des universités du Québec a réalisé une étude sur les trajectoires de vie et le développement de troubles mentaux courants, c’est-à-dire la présence de l’un ou l’autre des trois troubles suivants : un trouble dépressif (ex. : dépression majeure ou dysthymie), un trouble anxieux (ex. : trouble panique) ou un trouble lié à la consommation d’alcool ou de drogues (ex. : abus sévère ou dépendance). Nous avons constitué deux groupes : • des personnes ayant eu des troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années ; • des personnes pariées sur l’âge et le genre correspondant à chacune des personnes du premier groupe mais qui n’ont pas eu de troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années. Nous avons recruté 37 personnes par groupe. Dans l’étude actuelle, nous avons conservé 29 personnes par groupe pour lesquelles les données complètes étaient disponibles. Cet article compare ainsi deux groupes de personnes en emploi : un groupe clinique (G1) incluant 29 personnes ayant au moment de l’étude ou ayant eu au cours des cinq dernières années au moins un trouble mental courant et un groupe témoin ou groupe 2 (G2) incluant 29 personnes n’ayant eu aucun trouble mental courant au cours des cinq dernières années. Ces deux groupes permettront de comparer les événements de vie et les stresseurs professionnels survenus au cours des cinq dernières années.

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psychologique ou de difficulté importante de santé mentale au cours des cinq dernières années. Nous avons exclu les participants en retraite ou les participants sans emploi (par exemple, les personnes sans emploi pour cause d’invalidité) de l’échantillon. Procédure de recueil de données et instruments de mesure utilisés Une fois que les participants ont accepté de participer à l’étude, ils ont été rencontrés sur la base d’entretiens semi-directifs, à raison de deux à trois entretiens d’une durée comprise entre deux et trois heures, qui ont eu lieu généralement à leur domicile. Les entretiens se sont déroulés sur un mode conversationnel. En recourant à la méthode des trajectoires de vie, des données ont été récoltées à propos de leur parcours de vie dans les différentes sphères de vie et de leur profil psychiatrique. Les participants ont répondu à plusieurs séries de questions correspondant à différents outils validés dans la littérature scientifique. Données sociodémographiques Un questionnaire sociodémographique a permis d’obtenir les variables démographiques comme la date de naissance ou le niveau d’éducation. Identification des troubles de santé mentale Le Structured Clinical Interview for DSM-IV (SCID) [14–16] utilisé ici est un instrument clinique standardisé permettant d’identifier les troubles sur l’axe I et II ainsi que la période d’apparition de difficultés au cours de la vie et au cours des cinq dernières années. La cohérence interne est excellente avec un alpha de Cronbach de 0,88 [17]. Calendrier de vie Le questionnaire de trajectoire de vie [11] a été administré. Cet instrument est inspiré de ceux utilisés dans les études développementales portant sur des périodes ou des phases de vie [18–20]. Le questionnaire permet de retracer l’apparition d’événements majeurs dans la vie d’un individu en un certain nombre de variables clairement définies. La durée et la gravité des événements sont évaluées et classées en fonction de différentes sphères de vie (changement de résidence, enfance et adolescence, sphère affective, événements associés à la vie académique ou professionnelle, etc.). Une description détaillée de la méthodologie et des outils a été présentée dans Séguin et al. [11–13]. Au terme des entretiens semi-directifs conduits auprès de chacun des participants, une vignette clinique a été rédigée à partir de l’ensemble des données recueillies au regard, d’une part, de la présence ou non de troubles mentaux au cours des cinq dernières années, et d’autre part, de la trajectoire de sa vie au cours des cinq dernières années sur la base des événements majeurs positifs et négatifs dans les différentes sphères de vie. La nature, la durée et l’intensité de ces événements ont été décrites du point de vue des participants.

Recrutement Considération éthique de la recherche Les participants ont été recrutés de différentes fac¸ons, notamment par des affichages et des distributions ciblées de copies d’annonce de la recherche, ainsi que des envois de courriels annonc¸ant la recherche aux étudiants de niveau collégial (équivalent du lycée en France) et d’universités. Les participants ont été recrutés dans différentes villes du Québec (Montréal, Trois-Rivières, Rimouski, Val D’Or, plusieurs villes de la région de l’Outaouais) et en différents lieux. Pour participer à l’étude, ils devaient résider au Québec depuis au moins cinq ans et avoir éprouvé au cours des cinq dernières années des problèmes de santé mentale (dépression, anxiété, problèmes de consommation), ou bien, au contraire, de ne pas avoir éprouvé de détresse

Les participants se sont engagés volontairement. La possibilité de se retirer du projet à tout moment a été assurée, de même que la confidentialité des informations qui permettraient de les identifier. Tous et toutes ont préalablement signé un formulaire de consentement libre et éclairé. Cette étude a été approuvée par les Comités d’éthique et de la recherche de l’université du Québec à Montréal (UQAM), de l’université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), de l’université du Québec en Outaouais (UQO), de l’université du Québec à Rimouski (UQAR) et de l’université du Québec en Abitibi-Témiscaminque (UQAT).

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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Analyse des données Le recueil de données réalisé auprès de chaque participant a fait l’objet d’une analyse individuelle puis a donné lieu à des analyses quantitatives permettant la comparaison entre les groupes. Précisément, le traitement des données relatives à la trajectoire de vie sur les cinq dernières années a été effectué pour chaque participant, et le nombre d’événements de vie associé à chacune des sphères a été quantifié pour chaque participant. Différentes approches statistiques ont été utilisées : le test U de Mann–Whitney–Wilcoxon pour la sphère de vie affective et les facteurs de protection, ainsi que le modèle linéaire généralisé avec fonction quasi-poisson en cas de sur-dispersion des données, soit pour l’ensemble des autres sphères de vie étudiées ainsi que pour l’ensemble des événements rencontrés au cours des cinq dernières années dans la sphère professionnelle, dans le but de tester la significativité des différences de moyennes des deux groupes. Par ailleurs, ont été utilisés le test exact de Fisher et le test du Chi2 . En outre, nous avons recouru à des intervalles ajustés selon Wald. Résultats

des participants occupent un emploi de statut technicien ou équivalent, tandis que 44,83 % occupent un emploi de statut ouvrier ou équivalent. Troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années et sur la vie En fonction des critères d’inclusion, les participants du G1 ont souffert tous d’au moins un trouble mental courant au cours des cinq dernières années dont un trouble de l’humeur (OR = 177 ; IC95 % : 9–3264), un trouble de l’alcool et des substances (OR = 13 ; IC95 % : 1–251) et/ou un trouble anxieux (OR = 36 ; IC95 % : 2–660). Aucun des participants du G2 n’indique un seuil de difficultés permettant d’établir la présence de troubles de santé mentale (voir le Tableau 2). Tentatives de suicide Comme on peut le constater au Tableau 3, les groupes ne diffèrent pas concernant les tentatives de suicide au cours des cinq dernières années et au cours de la vie. Stresseurs professionnels au cours des cinq dernières années

Données sociodémographiques des participants Tel qu’illustré dans le Tableau 1, il n’existe pas de différences significatives entre les deux groupes G1 et G2 en ce qui concerne le genre, l’âge, l’état civil, le niveau de scolarité, le secteur d’activité ni la catégorie d’emploi. La moyenne d’âge des participants de l’échantillon total est d’environ 32 ans. Les femmes plus nombreuses, composent 67,24 % de l’échantillon. En outre, 48,28 % des participants ou participantes sont des personnes mariées ou ayant un conjoint de fait, 46,55 % sont célibataires ou en fréquentation amoureuse. Quant au niveau d’instruction, 74,14 % des participants ont étudié à l’université et 25,86 % jusqu’au collège (études complètes ou incomplètes). Enfin, 63,79 % des participants travaillent dans le secteur public et 53,45 %

Les différences à propos de stresseurs rencontrés relativement aux différents événements dans la sphère professionnelle au cours des cinq dernières années apparaissent significatives entre les groupes pour le fait d’être confronté à des stresseurs professionnels d’un point de vue général et pour le fait d’avoir des relations de travail difficiles avec ses employeurs (voir le Tableau 4). En effet, les participants du G1 rapportent en moyenne significativement plus de stresseurs professionnels d’un point de vue général que les participants du groupe témoin ou G2 (t = −3,05 ; p < 0,01). Pour le critère de relations de travail difficiles avec les employeurs, les participants du G1 rapportent plus de difficultés relationnelles avec les employeurs comparativement aux participants du G2 (t = −2,04 ; p < 0,05). Pour le critère de la perte d’emploi,

Tableau 1 Caractéristiques des participants des deux groupes (n = 58). n = 58

Genre Masculin Féminin Âge 17–19 ans 20–29 ans 30–39 ans 40–49 ans 50–59 ans Âge moyen (en années) État civil Célibataire/fréquentation amoureuse Marié(e)/conjoint(e) de fait Séparé(e)/divorcé(e)/veuf/veuve Niveau de scolarité Études au Cégep (complétées et incomplètes) Études universitaires (complétées et incomplètes) Secteur d’activité Privé Public Catégorie d’emploi Cadre, gestionnaire Technicien et équivalent Ouvrier et équivalent

Total (n = 58)

Groupe clinique (n = 29)

Groupe témoin (n = 29)

OR

IC95 %

pa

n

%

n

%

n

%

19 39

32,76 67,24

9 20

31,03 68,97

10 19

34,48 65,52

– –

– –

NS NS

5 23 14 11 5

8,62 39,66 24,14 18,97 8,62 32,19

4 9 9 5 2

13,79 31,03 31,03 17,24 6,90 32,52

1 14 5 6 3

3,45 48,28 17,24 20,69 10,34 31,86

– – – – –

– – – – –

NS NS NS NS NS

27 28 3

46,55 48,28 5,17

14 14 1

48,28 48,28 3,45

13 14 2

44,83 48,28 6,90

– – –

– – –

NS NS NS

15 43

25,86 74,14

10 19

34,48 65,52

5 24

17,24 82,76

– –

– –

NS NS

21 37

36,21 63,79

12 17

41,38 58,62

9 20

31,03 68,97

– –

– –

NS NS

1 31 26

1,72 53,45 44,83

0 13 16

0,00 44,83 55,17

1 18 10

3,45 62,07 34,48

– – –

– – –

NS NS NS

Les gras mettent en valeur les résultats significatifs ; les soulignés indiquent des résultats presque significatifs ; les italiques correspondent aux pourcentage. NS : non significatif. a Régression logistique binaire.

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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Tableau 2 Nombre de personnes avec un trouble sur les axes I ou II identifié (au cours des cinq dernières années et au cours de la vie) (n = 58). n = 58

Total (n = 58)

Cinq dernières années Troubles de l’humeur Troubles psychotiques Troubles de l’alcool et substances Troubles anxieux Troubles du contrôle des impulsions Troubles des conduites alimentaires Jeu pathologique Aucun diagnostic identifié Un diagnostic identifié Deux diagnostics identifiés ou plus Vie Troubles de l’humeur Troubles psychotiques Troubles de l’alcool et substances Troubles anxieux Troubles du contrôle des impulsions Jeu pathologique Aucun diagnostic identifié Un diagnostic identifié Deux diagnostics identifiés ou plus Troubles sur l’axe II Cluster A Cluster B Cluster C Trouble de personnalité non-spécifié Trouble de personnalité passive–agressive Trouble des conduites Aucun diagnostic identifié Un diagnostic identifié Deux diagnostics identifiés ou plus

Groupe clinique (n = 29)

Groupe témoin (n = 29)

OR

IC95 %

p

177 – 13 36 – – – 0,00029 63 55

9–3264 – 1–251 2–660 – – – 0,0000055–0,015 3–1129 3–988

< 0,001 NS < 0,05 < 0,001 NS NS NS < 0,001 < 0,001 < 0,001

n

%

n

%

n

%

22 0 5 11 1 1 2 29 15 14

37,93 0,00 8,62 18,97 1,72 1,72 3,45 50,00 25,86 24,14

22 0 5 11 1 1 2 0 15 14

75,86 0,00 17,24 37,93 3,45 3,45 6,90 0,00 51,72 48,28

0 0 0 0 0 0 0 29 0 0

0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 0,00 100,00 0,00 0,00

23 0 13 13 1 4 26 17 15

39,66 0,00 22,41 22,41 1,72 6,90 44,83 29,31 25,86

19 0 9 11 1 3 7 8 14

65,52 0,00 31,03 37,93 3,45 10,34 24,14 27,59 48,28

4 0 4 2 0 1 19 9 1

13,79 0,00 13,79 6,90 0,00 3,45 65,52 31,03 3,45

10 – – 6 – – 0,18 – 17

3–36 – – 1–30 – – 0,06–0,55 – 2–106

< 0,001 NS NS < 0,01 NS NS < 0,05 NS < 0,001

3 2 3 3 1 3 46 10 2

5,17 3,45 5,17 5,17 1,72 5,17 79,31 17,24 3,45

2 2 1 3 1 2 21 6 2

6,90 6,90 3,45 10,34 3,45 6,90 72,41 20,69 6,90

1 0 2 0 0 1 25 4 0

3,45 0,00 6,90 0,00 0,00 3,45 86,21 13,79 0,00

– – – – – – – – –

– – – – – – – – –

NS NS NS NS NS NS NS NS NS

Les gras mettent en valeur les résultats significatifs ; les soulignés indiquent des résultats presque significatifs ; les italiques correspondent aux pourcentage. Tableau 3 Nombre de tentatives de suicide (au cours des cinq dernières années et au cours de la vie) (n = 58). n = 58

Cinq dernières années Aucune Une Deux Trois ou plus Vie Aucune Une Deux Trois ou plus

Groupe clinique (n = 29)

Total (n = 58)

Groupe témoin (n = 29)

Chi2

p

n

%

n

%

n

%

40 16 2 0

68,97 27,59 3,45 0,00

18 10 1 0

62,07 34,48 3,45 0,00

22 6 1 0

75,86 20,69 3,45 0,00

– – – –

NS NS NS NS

53 4 1 0

91,38 6,90 1,72 0,00

25 3 1 0

86,21 10,34 3,45 0,00

28 1 0 0

96,55 3,45 0,00 0,00

– – – –

NS NS NS NS

Les gras mettent en valeur les résultats significatifs ; les soulignés indiquent des résultats presque significatifs ; les italiques correspondent aux pourcentage.

sans que la différence entre les groupes soit significative, les participants du G1 démontrent une tendance à être plus touchés par la perte d’emploi comparativement aux participants du G2 (t = −1,84 ; p = 0,07). Tous les autres critères ne révèlent pas de différence entre les participants des G1 et G2. Difficultés dans les autres sphères de vie rencontrées au cours des cinq dernières années En plus de la sphère professionnelle, les données relatives aux difficultés rencontrées dans les sphères de vie au cours des cinq dernières années apparaissent significatives entre les groupes en ce qui concerne deux sphères (voir les Tableaux 5 et 6). En effet, en plus de la sphère professionnelle, les participants du G1 ont en moyenne rencontré au cours des cinq dernières années significativement plus de difficultés académiques pour les personnes inscrites dans un programme académique (t = −3,16 ; p < 0,01) et plus d’épisodes de

difficultés personnelles et individuelles (t = −4,66 ; p < 0,001). En outre, les différences sont près du seuil de signification pour les pertes, séparations et départs : les participants du G1 ont tendance à rapporter plus de pertes, séparations et départs comparativement aux participants du G2 (t = −1,77 ; p = 0,8). En revanche, aucune différence n’apparaît entre les deux groupes en ce qui concerne les difficultés rencontrées au plan de la vie affective et vie de couple et pour les facteurs de protection. Discussion Cette étude a comparé les différences quant aux stresseurs professionnels et aux difficultés rencontrées dans plusieurs sphères de vie au cours des cinq dernières années entre deux groupes de personnes en emploi. Un groupe clinique ou G1 était composé de participants ayant éprouvé un ou plusieurs troubles mentaux courants au cours des cinq dernières années. Un groupe témoin ou

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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Tableau 4 Nombre d’événements observés par groupe dans la sphère professionnelle au cours des cinq dernières années (n = 58). n = 58

Total (n = 58)

Vie professionnelle – événements dans cette sphèrea Difficultés à trouver du travail Être sans emploi Travail non-relié au domaine d’études ou de spécialisation Changements fréquents d’emploi Conditions de travail difficiles – tâche Conditions de travail difficiles – milieu Relations de travail difficiles avec les collègues Relations de travail difficiles avec les employeurs Perte d’emploi Discrimination et âgisme en milieu de travail Harcèlement psychologique Harcèlement sexuel Facteurs personnels en lien avec la sphère professionnelle Relations de travail difficiles avec la clientèle Conflits travail – vie personnelle Conditions salariales Manque d’autonomie professionnelle Autres facteurs liés au contenu perc¸u du travail (ex. manque de sens, perception d’inutilité) Autre événement

Groupe clinique (n = 29)

Groupe témoin (n = 29) Sommes

t

p

Sommes

Moyennes

Sommes

Moyennes

Moyennes

107

1,84

75

2,53

32

1,10

−3,05

< 0,01

8 6 10

0,14 0,10 0,17

6 6 4

0,21 0,21 0,14

2 0 6

0,07 0,00 0,21

−1,42 −0,01 0,62

NS NS NS

2 14 2 18

0,03 0,24 0,03 0,31

2 6 1 12

0,07 0,21 0,03 0,41

0 8 1 6

0,00 0,28 0,03 0,21

−0,01 0,51 – −1,35

NS NS – NS

20 9 0 0 2 1

0,34 0,16 0,00 0,00 0,03 0,02

15 8 0 0 2 1

0,52 0,28 0,00 0,00 0,07 0,03

5 1 0 0 0 0

0,17 0,03 0,00 0,00 0,00 0,00

−2,04 −1,84 – – −0,01 −0,01

< 0,05 0,07 – – NS NS

4 2 3 3 1

0,07 0,03 0,05 0,05 0,02

3 2 3 1 1

0,10 0,07 0,10 0,03 0,03

1 0 0 2 0

0,03 0,00 0,00 0,07 0,00

−0,97 −0,01 −0,01 0,57 −0,01

NS NS NS NS NS

2

0,03

2

0,07

0

0,00

−0,01

NS

Les gras mettent en valeur les résultats significatifs ; les soulignés indiquent des résultats presque significatifs ; les italiques correspondent aux moyennes. a Total (somme) et nombre moyen (moyenne) d’événements rencontrés dans chaque sphère ou sous-sphère. Tableau 5 Nombre d’événements observés par groupe dans les autres sphères de vie au cours des cinq dernières années (n = 58). n = 58

Total (n = 58)

Grossesses/naissances Vie familiale Éducation/relation entre S et ses enfants Relations entre adultes au sujet de l’éducation des enfants Famille élargie (2e –3e degré) – famille recomposée Épisodes de difficultés personnelles Jeu pathologique Vie académique Vie sociale Pertes, séparations, départs Autres adversités Logement Finances Difficultés légales Décès Expériences négatives

Groupe clinique (n = 29)

Groupe témoin (n = 29)

Sommes

Moyennes

Sommes

Moyennes

Sommes

Moyennes

20 82 39 6 37 86 26 30 52 91 57 14 8 8 27 11

0,34 1,41 0,67 0,10 0,64 1,48 0,45 0,52 0,90 1,57 0,98 0,24 0,14 0,14 0,47 0,19

12 37 17 5 15 75 18 26 24 56 36 9 5 6 16 8

0,40 1,33 0,63 0,17 0,53 2,50 0,60 0,87 0,83 1,87 1,20 0,30 0,17 0,20 0,53 0,27

8 45 22 1 22 11 8 4 28 35 21 5 3 2 11 3

0,28 1,55 0,76 0,03 0,76 0,38 0,28 0,14 0,97 1,21 0,72 0,17 0,10 0,07 0,38 0,10

t

p

−0,67 0,45 0,38 −1,53 0,78 −4,66 −0,83 −3,16 0,51 −1,77 −1,52 −0,82 −0,58 −1,30 −0,91 −1,38

NS NS NS NS NS < 0,001 NS < 0,01 NS 0,08 NS NS NS NS NS NS

Les gras mettent en valeur les résultats significatifs ; les soulignés indiquent des résultats presque significatifs ; les italiques correspondent aux moyennes. Tableau 6 Nombre de personnes rencontrant des difficultés dans la vie affective au cours des cinq dernières années (n = 58). n = 58

Vie affective, vie de couple Facteurs de protection

Groupe clinique (n = 29)

Total (n = 58)

Groupe témoin (n = 29)

Sommes

Moyennes

Sommes

Moyennes

Sommes

Moyennes

170 226

2,93 3,90

97 112

3,23 3,87

73 114

2,52 3,93

G2 était composé de participants n’ayant pas éprouvé ce genre de difficultés au cours des cinq dernières années. Les résultats révèlent des différences concernant les stresseurs professionnels. En effet, les participants présentant des troubles mentaux courants rapportent significativement plus de stresseurs professionnels, particulièrement au regard des relations difficiles avec les employeurs. Ces difficultés relationnelles renvoient à

w

p

471,5 398,5

NS NS

plusieurs situations comme un conflit interpersonnel ou un manque perc¸u de respect de la part d’un employeur. Ce résultat est cohérent avec les résultats d’une étude récente révélant des associations entre la violence verbale au travail et la dépression ou l’anxiété [8]. Cependant, les résultats de la présente étude n’indiquent pas de différences significatives sur des facteurs liés au contenu de

Pour citer cet article : Nicolas C, et al. Stresseurs professionnels et troubles mentaux courants : quels liens de causalité ? Encéphale (2017), http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2017.01.004

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travail, comme ceux d’autres recherches qui mettent en évidence des associations entre des exigences au travail [21], des changements au travail [22], des conflits de rôles au travail [23], un déséquilibre entre les efforts fournis et les récompenses ou encore des conflits entre le travail et la famille [24], et des troubles mentaux courants. En outre, mises à part les relations de travail difficiles avec les employeurs, les résultats ne démontrent pas de lien associé à d’autres variables relatives au climat de travail, contrairement à d’autres études mettant en évidence des liens entre le harcèlement moral au travail et des troubles mentaux courants [8,10]. Les résultats de cette étude indiquent plutôt qu’il s’agit de stresseurs professionnels d’un point de vue général rencontrés au travail ou précisément, de relations de travail difficiles avec les employeurs qui surviennent au moment de la survenue des troubles courants de santé mentale. Par ailleurs, notons que les participants présentant des troubles mentaux courants ont tendance, sans atteindre un seuil de signification, à rapporter plus de pertes d’emploi, comparativement aux participants sans trouble mental courant. Ce résultat, bien que non significatif, est en cohérence avec des études mettant en évidence la situation sans emploi comme un facteur de risque de troubles mentaux courants [25–28]. Les difficultés au cours des cinq dernières années ont ensuite été comparées sur d’autres sphères de vie. Les résultats révèlent peu de différences significatives entre les groupes. En effet, en plus des stresseurs professionnels, seules deux différences significatives sont observées : les difficultés académiques et les épisodes de difficultés personnelles et individuelles. Notons qu’à propos des résultats sur la sphère académique au cours des cinq dernières années, 22 des 29 participants du groupe 1 et 21 des 29 participants du groupe 2 ont été étudiants au cours des cinq dernières années en plus d’une activité professionnelle. Ces résultats suggèrent qu’il existe un cumul de stresseurs professionnels et de difficultés académiques chez les personnes qui ont un trouble mental courant. À propos des épisodes de difficultés personnelles qui touchent significativement plus les personnes ayant des troubles mentaux courants, il s’agit essentiellement de problèmes liés à des événements associés à la présence de troubles mentaux comme des périodes d’arrêt pour maladie, des hospitalisations. Par ailleurs, notons que des pertes, séparations et départs au cours des cinq dernières années, correspondant essentiellement à des déménagements, ont été plus rapportés chez les participants avec des troubles mentaux courants, même si la différence n’apparaît pas significative. Bien qu’il ne soit pas possible d’établir un lien de causalité, les difficultés de santé mentale, les stresseurs professionnels et les difficultés académiques ont émergé au cours des cinq dernières années chez les personnes ayant eu au moins un trouble mental courant, alors que chez les personnes n’ayant pas de trouble courant, les problèmes professionnels et académiques sont significativement moins présents. En conséquence, les résultats de notre étude indiquent une association entre des stresseurs professionnels, particulièrement des relations de travail difficiles avec les employeurs, et des troubles mentaux courants. Ces résultats sont en cohérence avec une étude montrant que l’insatisfaction à l’égard du climat de travail est un facteur de risque de troubles mentaux courants (dépression, trouble anxieux, abus de substances) [29]. À l’inverse, nos résultats sont en cohérence avec des études montrant que des relations de travail positives, notamment des manifestations de soutien social de la part de la hiérarchie forment un facteur protecteur des troubles psychiatriques [30], et particulièrement de la dépression et l’anxiété [23]. À la lecture de nos résultats, l’association est envisageable dans les deux sens : il est possible qu’une personne développe un trouble mental courant en raison de stresseurs professionnels. À l’inverse, il est également possible qu’une personne est confrontée

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à plus de stresseurs professionnels en raison d’un trouble mental courant, ce qui peut engendrer des relations professionnelles difficiles. Cette étude, sur le segment des cinq dernières années, ne permet pas d’établir un quelconque lien de causalité mais permet de circonscrire l’apparition de difficultés pendant la même période temporelle. Il est nécessaire de considérer la portée de ces résultats au regard de quelques limites méthodologiques. Une limite est liée à la taille de l’échantillon, lequel est plutôt restreint. Néanmoins, la composition des groupes montre qu’ils ne sont pas différents au regard de plusieurs facteurs sociodémographiques (âge, genre, secteur d’activité, catégorie d’emploi, études académiques), confirmant que les résultats ne sont pas biaisés par ces facteurs. Une autre limite a trait à la récolte des données sur la base d’informations rapportées. Il est possible que ces informations aient été modifiées par le rappel mnésique qui peut être faussé par rapport à la réalité ou par d’autres critères comme la désirabilité sociale, soit que certains participants ont peut-être modifié volontairement les informations pour répondre selon ce qu’ils pensent que les chercheurs attendent d’eux. Plusieurs études sur les biais de rappel permettent de nuancer cette limite. Ainsi, les tendances sont plutôt de se rappeler des événements de vie importants et de sous-estimer les difficultés [31]. Par ailleurs, seuls les événements faisant sens et jugés importants dans la vie du participant, notamment par leur impact sur l’adversité personnelle, ont été considérés. Conclusion Les résultats de cette étude mènent à considérer le milieu de travail comme un environnement privilégié pour le déploiement de programmes de promotion de la santé mentale et de prévention en lien avec la santé mentale comme la prévention des troubles mentaux courants. Aussi, prioriser les actions de prévention en lien avec la santé mentale dans le milieu de travail constitue une stratégie qui rejoint le courant des efforts produits en termes de santé publique, tout en étant favorable à la pérennité des entreprises. En effet, l’implantation de tels programmes est profitable aux entreprises en contribuant à réduire les coûts associés aux problèmes de santé mentale comme l’absentéisme ou la diminution de productivité. Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. Références [1] Mathers CD, Loncar D. Projections of global mortality and burden of disease from 2002 to 2030. Plos Med 2006;3(11):e442. [2] Organisation mondiale de la santé. La dépression. Aide-mémoire no 369 [Internet]; 2016 [Available from: http://www.who.int/mediacentre/ factsheets/fs369/fr]. [3] Karasek R. Job demands, job decision latitude and mental strain: implications for job redesign. Admin Sci Quart 1979;24(2):285–308. [4] Karasek R, Theorell T. Healthy work. Stress, productivity and the reconstruction of working life. New York: Basic Books; 1990. [5] Siegrist J. Adverse health effects of high-effort/low-reward conditions. J Occup Health Psychol 1996;1(1):27–41. [6] Woo JM, Postolache TT. The impact of work environment on mood disorders and suicide: evidence and implications. Int J Disabil Hum Dev 2008;7(2):185–200. [7] Institut de la statistique du Québec. L’enquête québécoise sur la santé de la population 2014–2015 : pour en savoir plus sur la santé des québécois. Résultats de la deuxième édition [Internet]; 2016 [Available from: http://www.stat.gouv.qc.ca/enquetes/realisees.html]. [8] Niedhammer I, Lesuffleur T, Algava E, et al. Classic and emergent psychosocial work factors and mental health. Occup Med-c 2015;65(2):126–34. [9] Marchand A, Durand P, Haines V, et al. The multilevel determinants of workers’ mental health: results from the SALVEO study. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2015;50(3):445–59. [10] Nolfe G, Petrella C, Zontini G, et al. Association between bullying at work and mental disorders: gender differences in the Italian people. Soc Psychiatry Psychiatr Epidemiol 2010;45(11):1037–41.

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