Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé, une association rare. Réponse du e-quid de mai

Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé, une association rare. Réponse du e-quid de mai

Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 680—685 E-QUID : RÉPONSE / Génito-urinaire Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meig...

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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2012) 93, 680—685

E-QUID : RÉPONSE / Génito-urinaire

Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé, une association rare. Réponse du e-quid de mai夽,夽夽 N. Peyron ∗, A. Coulon Service d’imagerie médicale, hospices civils de Lyon, hôpital de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France

Observation Une patiente de 78 ans, sans antécédent notable, est hospitalisée pour bilan d’altération de l’état général. Une échographie abdomino-pelvienne est réalisée à la recherche d’une étiologie. Celle-ci met en évidence une masse ovarienne gauche de 7 cm, mixte associant une portion kystique multiloculée et une portion tissulaire. Il existe également une ascite. L’ovaire droit est fibreux atrophique. Un bilan biologique est réalisé, avec un CA125 dosé à 164 U/mL (N < 35 U/mL). On complète l’exploration par une IRM pelvienne (Fig. 1 et 2).

DOIs des articles originaux : 10.1016/j.jradio.2011.11.009, 10.1016/j.diii.2012.03.012. 夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. 夽夽 Nous vous présentons ici la réponse au cas présenté dans le numéro 05/2012. Pour rappel, nous publions à nouveau l’intégralité du cas avec à la suite la réponse. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (N. Peyron). 2211-5706/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.jradio.2011.11.008

Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé, une association rare

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• struma ovarii avec pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé ; • cystadénocarcinome mucineux.

Diagnostic Struma ovarii CA125 élevé.

avec

pseudo-syndrome

de

Meigs

et

Commentaires

Figure 1.

Séquence T2 en coupe axiale.

Quel est votre diagnostic ? À la lecture de l’observation, quel serait votre diagnostic parmi les propositions suivantes : • cystadénome mucineux ; • cystadénocarcinome séreux ; • tumeur à cellules de la granulosa ;

L’échographie pelvienne a été effectuée par voie suspubienne seule. L’échographie endovaginale n’a pas été réalisée devant l’âge de la patiente et son refus. L’IRM pelvienne met en évidence une lésion ovarienne gauche de 7 cm de grand axe. Celle-ci est mixte, à contours polylobés. Elle présente une portion tissulaire charnue et des septas en signal intermédiaire T2 et T1 (avant et après saturation de la graisse), se réhaussant intensément après injection. La portion kystique est formée de nombreux loci de signal variable, séparés par les septas. Certains loci sont en hyposignal T1 et T2, d’autres sont d’allure hémorragique en hyposignal T2 et en hypersignal T1 avant et après saturation de la graisse. Il existe enfin des loci kystiques purs en hypersignal T2 et hyposignal T1 (Fig. 3 et 4).

Figure 2. Séquences axiales T1 avant (a) et après saturation de la graisse (b) et T1 EG en soustraction après injection de Gadolinium à 50 secondes (c).

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N. Peyron, A. Coulon

Il n’existe pas de composante graisseuse ni calcification. On observe une ascite assez abondante (Fig. 3). Il n’y a ni adénopathie ni nodule de carcinose péritonéale. Le caractère multiloculé avec des loci de signal variable est très évocateur de struma ovarii. Toutefois, la présence d’ascite et l’élévation du CA125, ne permettent pas d’éliminer formellement une lésion épithéliale maligne Une ovariectomie par cœlioscopie a été donc programmée, avec conversion par laparotomie en cas de lésion épithéliale maligne sur l’examen extemporané. L’examen anatomopathologique extemporané a confirmé la présence de tissu thyroïdien. L’analyse histologique définitive a conclu à un struma ovarii sans signe de malignité. Il s’agissait donc d’un struma ovarii avec pseudo-syndrome de Meigs et élévation du CA125.

Discussion La caractérisation des tumeurs ovariennes en imagerie n’est pas toujours aisée. Les critères de malignité classiquement retenus peuvent être pris en défaut. On retient habituellement comme malignes les lésions ovariennes organiques présentant : des parois et septas épais

Figure 3. Séquence T2 en coupe axiale montrant une lésion ovarienne gauche multiloculée avec des loci de signal T2 variable : hypersignal T2 (flèche noire) et hyposignal T2 franc (flèche blanche) ou moins marqué (tête de flèche) ; et de l’ascite pelvienne (étoile).

Figure 4. Séquences axiales T1 avant (a) et après saturation de la graisse (b) et T1 EG en soustraction après injection de Gadolinium à 50 secondes (c) : présence de loci en hyposignal T1 franc (flèche rouge) et d’autres en hyposignal T1 moins franc (tête de flèche). (a, b) : présence de loci en hypersignal T1 (flèche blanche) avant (a) et après saturation de la graisse ; (b) en faveur de remaniement hémorragiques. Absence de composante graisseuse ; (c) Prise de contraste intense de la portion charnue et des parois des loci.

Classification anatomopathologique des tumeurs ovariennes.

Tumeurs épithéliales 60 % des tumeurs ovariennes 85 % des tumeurs malignes

Tumeurs séreuses Cystadénomes séreux (60 % des tumeurs séreuses) Tumeurs border-line (15 % des tumeurs séreuses) Cystadénocarcinomes séreux (25 % des tumeurs séreuses et 25—35 % des tumeurs malignes) Tumeurs mucineuses Cystadénomes mucineux (80 % des tumeurs mucineuses) Tumeurs border-line (10—15 % des tumeurs mucineuses) Cystadénocarcinomes mucineux (5—10 % des tumeurs mucineuses et 5 % des tumeurs malignes) Tumeurs endométrioïdes (15—20 % des tumeurs malignes, malignes dans 97 %) Autres Adénocarcinomes à cellules claires (5 % des tumeurs malignes) ou à cellules transitionnelles (tumeurs de Brenner) (4 % des tumeurs de l’ovaire, bénignes dans 98 %), carcinomes indifférenciés. . .

Tumeurs du stroma et des cordons sexuels

Tumeurs stromales Tumeurs à cellules de la granulosa (<10 % des tumeurs stromales et des cordons sexuels) Tumeurs stromales fibrothécales (90 % des tumeurs stromales et des cordons sexuels) : fibromes, fibrothécomes. . .) Tumeurs des cordons sexuels (0,5 % des tumeurs ovariennes) : tumeurs à cellules de Sertoli et de Leydig

8 % des tumeurs ovariennes

Tumeurs germinales 20—30 % des tumeurs ovariennes

Dysgerminomes ou séminomes (rares) Tératomes Immatures (< 1 % des tératomes) Matures solides ou srtout kystiques (kyste dermoïde—95 % des tumeurs germinales) Monodermiques spécialisés : struma ovarii (3 % des tératomes), carcinoïde, neurectodermique

Tumeurs métastatiques 5—10 % des tumeurs ovariennes

Endomètre, sein, tube digestif (tumeurs de Krükenberg)

Struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé, une association rare

Tableau 1

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684 (> 4 mm) et irréguliers, une composante charnue irrégulière, des remaniements nécrotico-hémorragiques, des calcifications et des localisations secondaires (implants péritonéaux, ascite, adénomégalies) [1]. Le struma ovarii (ou goître thyroïdien) est un tératome mature mono-tissulaire composé exclusivement ou majoritairement de tissu thyroïdien (Tableau 1). Il s’agit d’une lésion rare représentant 0,3 à 1 % des tumeurs ovariennes et 3 % des tératomes [2]. Cette lésion est le plus souvent bénigne (95 à 99,9 % des cas) et unilatérale. Les formes malignes sont rarement métastatiques (0,1 à 0,3 %) [3,4]. Il n’est pas décrit de cas de récidive dans les formes bénignes [5]. Les patientes sont le plus souvent non ménopausées (85 % des cas) avec un âge médian de 42 ans. La clinique est le plus souvent frustre, le diagnostic étant souvent fortuit ou fait devant des douleurs pelviennes, une masse pelvienne ou des troubles du cycle [6]. Il existe parfois des symptômes d’hyperthyroïdie (5 à 8 % cas) avec perturbation du bilan thyroïdien [7]. Ce diagnostic doit également être évoqué en cas de scintigraphie thyroïdienne blanche avec un taux de thyroglobuline normal ou augmenté, ou en cas de persistance des symptômes d’hyperthyroïdie après une thyroïdectomie totale. Devant la rareté des formes malignes et le statut hormonal des patientes, il est important de l’évoquer en préopératoire afin de planifier un geste conservateur (ovariectomie homolatérale par voie cœlioscopique) [8]. Comme pour tout bilan de tumeur ovarienne, l’échographie pelvienne, réalisée préférentiellement par voie endovaginale, permet de caractériser la lésion de fac ¸on assez précise. Le struma ovarii se présente le plus souvent sous forme d’une lésion mixte, kystique et tissulaire, avec des cloisons et végétations [9—11]. Une hypervascularisation modérée est présente en doppler [10], en rapport avec une vascularisation du tissu thyroïdien plus riche que celle des composantes tissulaires des autres tératomes. La séméiologie IRM est plus spécifique. Il se présente sous forme d’une lésion hétérogène, mixte, multiloculée, à contours polylobés. Les loci correspondent aux follicules thyroïdiens. Ils apparaissent de signal variable en rapport avec leur contenu liquide pur (hypersignal T2 et hyposignal T1) ou colloïde (hyposignal T1 et T2) (associant thyroglobuline et hormones thyroïdiennes) [12—15]. On observe également des remaniements hémorragiques avec des loci en hypersignal T1 avant et après saturation de la graisse, en hyposignal T2. Les cloisons et la portion tissulaire prennent le contraste après injection de gadolinium, en raison de la riche vascularisation du tissu thyroïdien [12—14]. Il n’existe pas de critère spécifique de malignité devant un struma ovarii en imagerie, en dehors des signes de dissémination métastatique (adénopathies pelviennes ou lombo-aortiques, carcinose péritonéale, métastases à distance) [3]. Devant une lésion multiloculée, on peut évoquer d’autres diagnostics dont le cystadénocarcinome séreux avec remaniements nécrotico-hémorragiques, les tumeurs épithéliales mucineuses et les métastases ovariennes de cancer thyroïdien. Il arrive plus rarement que le diagnostic soit fait dans un contexte de pseudo-syndrome de Meigs avec ascite (et moins souvent hydrothorax). Les critères de malignité sont alors pris en défaut. Il s’agit le plus souvent de lésions

N. Peyron, A. Coulon volumineuses, avec d’importants remaniements hémorragiques et œdémateux [16]. Et dans des cas exceptionnels, comme ici, on retrouve l’association struma ovarii, pseudo-syndrome de Meigs et CA125 élevé [17—23]. Il s’agit actuellement du neuvième cas dans la littérature anglophone et francophone. Le struma ovarii doit donc être considéré comme une étiologie possible devant l’association tumeur pelvienne, syndrome de Meigs et marqueurs tumoraux élevés. L’ascite disparaît et les marqueurs tumoraux se normalisent après l’exérèse chirurgicale. Les autres diagnostics différentiels à évoquer devant une lésion ovarienne pseudo-maligne sont notamment les tératomes matures atypiques et les cystadénofibromes. Le struma ovarii est une tumeur ovarienne rare pouvant mimer une lésion épithéliale maligne, bien qu’il s’agisse d’un tératome monotissulaire composé de tissu thyroïdien, bénin dans la majorité des cas. Il est fondamental de l’évoquer devant certaines caractéristiques IRM typiques afin de prévoir une chirurgie conservatrice avec examen extemporané, chez des patientes le plus souvent non ménopausées. Il faut désormais intégrer le struma ovarii aux diagnostics différentiels de tumeur épithéliale maligne devant l’association tumeur ovarienne, pseudo-Meigs et CA125 élevé.

Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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