Suivi thérapeutique des digitaliques

Suivi thérapeutique des digitaliques

uivi th6rapeutiquedes digitaliques M i c h e l Lavit a,., G e o r g e s H o u i n a,6 Rf:SUM/: SUMMARY La mesure des concentrations s~riques des di...

649KB Sizes 6 Downloads 132 Views

uivi th6rapeutiquedes digitaliques M i c h e l Lavit a,., G e o r g e s H o u i n a,6

Rf:SUM/:

SUMMARY

La mesure des concentrations s~riques des digitaliques, obtenues et interpr#t~es dans leur juste contexte pharmacocin~tique et clinique, constitue une #tape importante dans la d#~termination d'une posologie adapt#e 6 chaque patient. Le suivi th~rapeutique de cette classe de m~dicaments n~cessite la prise en compte de multiples facteurs intrins~ques ou extrinseques qui peuvent influencer les concentrations s~riques et les effets des digitaliques. II impose, en outre, une d~marche rationnelle tant au niveau de la prescription et du pr#levement qu'au niveau de la prise de d~cision.

The determination of serum concentrations of the digitalis glycosides in a pharmacokinetic and clinical context is important in determining the individual dosage for patients. Various intrinsic and extrinsic factors can influence the serum levels and the effects of this class of drugs and need to be taken into account in the therapeutic monitoring. It is therefore essential to have a rational approach both at the level of decision making, as well as for the dosing and blood sampling regimes.

MOTS-CLES

KEY-WORDS

digitaliques - surveillance th#rapeutique.

Introduction Les digitaliques sont utilis6s depuis Iongue date dans le traitement de l'insuffisance cardiaque et des arythmies supraventriculaires, lls conservent actuellement tout leur int6ret etant donne l'absence de nouvelles classes d'agents inotropes. Leur marge th6rapeutique ires etroite et leur toxicit6 importante, entre autres, imposent une surveillance th6rapeutique afin d'individualiser les doses administr6es. Ainsi, la determination des taux circulants constitue un outil tres utile mais souvent mal utilise. En effet, la reponse d'un patient & un traitement aux digitaliques fait intervenir une multiplicit6 de variables objectives et subjectives parmi lesquelles la concentration plasmatique est seulement un facteur. Une adaptation de posologie correcte, bas6e sur l'interpretation de concentrations, ne peut etre accomplie que grace 5_ une bonne connaissance de quelques elements de pharmacocinetique et de pharmacodynamie sp6cifiques de cette classe de medicaments.

I. Caract6ristiques pharmacocin6tiques des digitaliques Digoxine et digitoxine pr6sentent des comportements pharmacocinetiques differents essentiellement en raison de polarites inverses. Le deslanoside est transform6 en digoxine par les esterases plasmatiques. Les principaux parametres sont regroup6s dans le tableau I.

[6, 9, 12].

1. A b s o r p t i o n L'absorption digestive des digitaliques s'effectue dans la partie proximale de l'intestin grele. La prise concomitante de nourriture peut reduire le pic plasmatique mais pas la quantite totale absorbee. Revue frangaise des laboratoires, juin 1998, N ° 304

digitalis - therapeutic drug monitoring.

La digitoxine, plus lipophile, est tr6s bien r6sorbee du fait d'un processus de diffusion majoritairement passif. La biodisponibilit6 de la digoxine est plus faible et varie en fonction de la forme gal6nique; la variabilite interindividuelle concernant l'absorption est donc plus elev6e. II existe une degradation intraluminale de la digoxine en metabolites inactifs par la flore intestinale. L'agent en cause est un saprophyte anaerobie Eubacterium lentum. Ce phenomene peut expliquer les rares cas de resistance au m6dicament mais surtout la possibilite d'intoxication en cas d'antibiotherapie.

2. Distribution Apr6s une administration IV, le profil plasmatique des concentrations de digoxine est biphasique. La premiere phase (d6croissance rapide) caracterise 5_ la fois le phenomene de distribution du medicament dans les fluides et tissus corporels et le processus d'elimination. La seconde phase de decroissance plus lente correspond uniquement 5_ l'61imination. C'est uniquement au cours de cette derniere phase, survenant 8 12 heures apr6s l'administration, que les concentrations seriques refletent les effets pharmacologiques. Les pr61evements doivent, par consequent, etre effectues au moins douze heures apres la derni~re prise. L'analyse d'echantillons obtenus avant ce delai conduit n6cessairement & des digoxinemies trop 61evees non representatives de l'equilibre entre le serum et les tissus. L'adaptation de posologie en decoulant s'avere necessairement erronee.

a Laboratoire de pharmacocin&tique et de toxicologie clinique Centre hospitalier universitaire Rangueil 1, av. Jean-Poulh~s 31403 Toulouse cedex 4 b Laboratoire cin~tique des x~nobiotiques Faculte des sciences pharmaceutiques de Toulouse * Correspondance.

article regu le 20 f~vrier, accept6 le 15 avril 1998. 69

Les digitaliques se fixent intensivement sur les tissus avec une affinit6 particuli~re pour le myocarde, les reins et les muscles. En revanche, la masse adipeuse n'intervient pas sur leur distribution. Ainsi, le volume de distribution 61ev6 est corr616 au poids corporel de masse maigre. L'ob~sit6 ne constitue pas un facteur prendre en compte Iors d'un traitement par des digitaliques. La liaison de la digitoxine ~ l'albumine est importante. N~anmoins, un d6placement des sites de fixation du fait d'interactions m6dicamenteuses (clofibrate, warfarine...) n'a pas d'implication clinique significative. Les digitaliques traversent la barri~re foeto-placentaire. Des cas d'intoxication in utero ont 6t6 rapport6s. Certains facteurs peuvent intervenir sur la distribution de la digoxine : - insuffisance r6nale : diminution du volume de distribution (m6canisme inconnu) ; - hyperthyro'fdisme : augmentation de la distribution ; - perturbations 61ectrolytiques : hyperkali6mie ou hyponatr6mie diminuant la fixation sur le myocarde ; - exercice; Iors d'un exercice physique, les concentrations plasmatiques diminuent avec augmentation du volume de distribution (au profit des muscles squelettiques). Cet 616ment doit ~tre pris en compte pour le pr61~vement (raise au repos de 10 20 min); - interactions m6dicamenteuses notamment avec la quinidine qui induit un d6placement des sites de fixation avec pour corollaire une diminution du volume de distribution. 3.

Elimination

Les processus d'61imination different selon la mol6cule. La digitoxine est majoritairement 61imin6e par voie h~patique avec production de m6tabolites inactifs et actifs dont la digoxine qui sont excr6t6s dans la bile et, ~ un degr6 moindre, dans les urines. Elle subit un cycle ent~roh6patique ; seule une faible fraction est 61imin6e par l'intestin sous forme inchang6e. Les m6dicaments qui sont susceptibles de produire une induction enzymatique h6patique (ph6nobarbital, rifampicine...) peuvent acc61~rer le m6tabolisme h6patique de la digitoxine. La digoxine, quant ~ elle, est excr6t6e dans les urines sous forme inchang~e (60-80 %) et m~tabolis~e. La clairance r~nale est d'ailleurs ~troitement corrd6e ~ celle de la cr6atinine. Toutefois, pour environ 10 % des patients, ]a voie extrar6nale joue un r61e significatif avec formation de dihydrom6tabolites. Ceci est aussi observ~ en cas d'insuffisance r6nale importante. Une voie non n~gligeable d'~limination de ces h~t6rosides est la s6cr6tion intestinale active. La digitoxine n'est pas 6]imin~e par dialyse ; le plasma est au contraire pratiquement totalement ~pur6 de digoxine pendant la dialyse mais, la majeure partie du produit se trouvant dans les tissus p6riph6riques, les concentrations corporelles totales ne sont pas modifi6es de mani~re significative.

2. Facteurs de variations pharmacocin tiques De nombreux facteurs doivent ~tre pris en compte lors de l'interpr6tation d'une digoxin6mie. Certains interviennent sur les concentrations s6riques ; d'autres affectent la sensibilit6 des tissus aux digitaliques [3, 6, 9, 12].

1. Age Chez les nouveau-n~s, la clairance totale de la digoxine est plus faible que chez les adultes et est proportionnelle au poids corporel et & la dur~e de gestation (la demi-vie est double chez des pr~matur~s). Au contraire, les nourrissons et les jeunes enfants pr~sentent un volume de distribution sup~rieur ~ celui des adultes sur une base de L/kg et une clairance totale plus 70

~lev~e (possible augmentation de la clairance extrar~nale). De plus, une r~sistance relative aux digitaliques, d'origine inconnue, est g~n~ralement observ~e. Par consequent, les doses administr~es sont plus cons~quentes que chez l'adulte. Contrairement & la digitoxine, la clairance de la digoxine diminue avec l'Sge parall~lement ~ l'alt~ration de la fonction r~nale. De plus, le poids corporel maigre est moindre induisant une r~duction du volume de distribution. Certains auteurs mentionnent une sensibilit~ accrue des personnes ~g~es en relation avec une activit~ r~duite de Na+/K ÷ ATPase.

2. Grossesse En g~n~ral, ]a clairance de la digoxine est augment~e parall~lement ~ celle de la cr~atinine. Une meilleure absorption au cours de la grossesse est d~crite.

3. Pathologies

Perturbations ~lectrolytiques : l'hypokali~mie est le facteur le plus important et le plus frequent (association fr~quente de digitaliques et de diur~tiques) qui accro~t la sensibilit~ des tissus. Une r~duction de la kali~mie de 3.5 & 3.0 mmol/l induit une augmentation de la sensibilit~ de 50 % environ. Ainsi, un dosage de digoxine devrait toujours s'accompagner d'un dosage de potassium. L'hypercalc~mie et l'hypomagn~s~mie peuvent aussi jouer un r61e similaire. L'hyperkali~mie et l'hypocalc~mie, au contraire, diminuent la sensibilit~ des tissus. Troubles thyro~diens : les propri~t~s pharmacocin~tiques et pharmacodynamiques de la digoxine sont alt~r~es en cas de dysfonctionnement de la fonction thyro'idienne. Une hyperthyro'fdie s'accompagne d'une part d'une insensibilit~ relative des tissus et d'autre part d'une diminution des concentrations s~riques inh~rente & une augmentation de la clairance r~nale et du volume de distribution apparent. Des posologies plus fortes s'av&rent alors n~cessaires; c'est Iogiquement l'inverse en cas d'hypothyro'fdie. Insuffisance h~patique : la digitoxine est activement m~tabolis~e par le foie. Toutefois, l'~limination n'est pas altOr~e Iors de maladie h~patique & cause d'une r~serve m~tabolique importante. L'hypoalbumin~mie est associ~e avec une zone th~rapeutique plus faible mais n'induit pas de modifications pharmacocin~tiques cliniquement significatives. Insuffisance r~nale : une atteinte r~nale a pour cons~quence une diminution de l'~limination de la digoxine ainsi que du volume du distribution. Les doses initiales de digitalisation et les doses d'entretien doivent ~tre adapt~es individuellement. II existe, en g~n~ral, une bonne correlation entre la clairance de la cr~atinine et les digoxin~mies & l'~quilibre pour une dose d'entretien donn~e. Insuffisance cardia.que : l'~limination de la digoxine est diminu~e en cas d'insuffisance cardiaque ; le volume de distribution est augment~ en cas d'oed~mes. La clairance r~nale est plus ~lev~e Iors de therapies par des vasodilatateurs. Hypoxie : elle est reconnue augmenter la sensibilit~ du myocarde aux digitaliques (maladie pulmonaire, cardiomyopathies, infarctus...). Pathologie intestinale : les causes de malabsorption maladies ou processus iatrog~nes - des digitaliques sont nombreuses. A titre d'exemple, on peut citer : hypermotilit~ intesfinale, r~section partielle du gr~le, sprue, radiation...

4. Interactions m~dicamenteuses Les possibilit~s d'interactions, ~ chaque ~tape pharmacocin~tique, avec les digitaliques sont nombreuses (voir tableau II). La plus importante est celle induite par la quinidine (association fr~quente) et, & un degr~ moindre, par les autres antiarythmiques. L'interaction se situe & plusieurs niveaux : d~placement des digitaliques des sites de fixation avec diminution du volume de distribution, diminution de 25 & 40 % de l'excr~tion r~nale de la digoxine par inhibition de la s~cr~tion tubulaire active, diminution de la clairance extrar~nale (excretion biliaire ou s~cr~tion intestinale). Ainsi, les doses de digitaliques doivent ~tre r~duites de moiti~ avant l'instauration d'un traitement par quinidine et, pour un patient trait~ par quinidine, Revue frangaise des laboratoires, juin 1998, N ° 304

Tableau I Param~tres pharmacocin~tiques des digitaliques. Param~tres Biodisponibilit~ (%) Pic plasmatique (h) Temps d'~quilibre (j) Volume de distribution (I/kg)

Digoxine

Digitoxine

Deslanoside

40-100

90-]00

forme injectable

=

I

=

1

5-8

= 34

5-7

0.5-0.7

2-8

Liaison aux prot~ines (%)

20-30

90-95

25

Passage foetoplacentaire

oui

oui

Pr~matur~s : 60 Nouveau-n~s: 35-45 Nourrissons : 18-33 Enfants : 12-24 Adultes : 40

Enfants : 154 Adultes : 163

R~nale (60-80 %) Forme inchang~e

H~patique (70 %)

Demi-vie (h)

Vole principale d'~limination

seulement u n tiers de la dose de digitalisation doit ~tre utilis~. L'association avec la spironolactone doit aussi faire l'objet d ' u n e adaptation et d ' u n e surveillance th~rapeutique. L'utilisation concomitante de diur~tiques impose la m ~ m e prudence en raison de l'hypokali~mie induite. II e n est de m ~ m e avec les sels de calcium (augmentation de l'effet inotrope).

33-43

Tableau II Principales interactions pharmacocin~tiques avec les digitaliques. Alt~ration Diminution de l'absorption

3. Fondements de la surveillance th&apeutique des digitaliques

Agen!~ Charbon actif, antiacides base d'aluminium - Colestipol, cholestyramine Fibres alimentaires - Agents cytotoxiques - M~toclopramide N~omycine Sulphasalazine -

-

-

Les digitaliques se pr~tent & u n e surveillance th~rapeutique par la d~termination des concentrations circulantes car ils pr~sentent les caract~ristiques suivantes : marge th~rapeutique ~troite, toxicit~ importante, effets cliniques pas directement accessibles, - n o m b r e u x m~tabolites actifs, difficile des facteurs influengant les param~tres pharmacocin~tiques, - m~thode de dosage sp~cifique et precise. Toutefois, la mise e n oeuvre rationnelle et efficace de cette surveillance repose sur la connaissance de certains crit~res fondamentaux. Leur analyse p e r m e t d ' a p p r ~ h e n d e r l'int~r~t du ,, drug monitoring ~, de cette classe mais aussi de ses limites. [1, 2, 7, 10, 13, 14].

Augmentation de l'absorption

- Antibiotiques (inhibition du m~tabolisme de la digoxine par la flore intestinale) - Anticholinergiques

-

-

-

-

i

d

e

n

t

i

f

i

c

a

t

i

o

n

1. Crit~res analytiques Plusieurs possibilit~s existent pour doser les digitaliques, avec n o t a m m e n t les m~thodes d ' i m m u n o a n a l y s e qui satisfont aux exigences de pr6cision et d'exactitude et qui peuvent ~tre utilis~es e n routine (faible volume d'~chantillon, temps d'analyse court, prix minimal). Toutefois, les anticorps utilis~s sont susceptibles de produire des r~actions crois~es avec divers compos~s : - h o r m o n e s st~ro'fdiennes (cortisol), - m~dicaments (spironolactone), - substances endog~nes d ~ n o m m ~ e s ,,digitalis-like i m m u n o reactive factors,, dont le taux est a u g m e n t ~ e n cas de grossesse, d'insuffisance r~nale chronique, d ' h y p e r t e n s i o n et chez le nouveau-n~, m~tabolites qui ne sont pas d~tect~s de mani~re identique par les diff~rents kits. 10 % des sujets m~tabolisent la digoxine plus intensivement (> 20 %) avec presence de m~tabolites actifs. Ceci peut expliquer certains cas de toxicit~ chez des patients pr~sentant des concentrations normales. -

Revue frangaise des laboratoires, juin 1998, N ° 304

Inhibition de la liaison aux prot6ines (digitoxine ; augmentation de la fraction libre sans consequence clinique) Augmentation du m6tabolisme h6patique (digitoxine principalement) Augmentation de l'excr6tion r6nale (digoxine)

Clofibrate - Phenobarbital - Ph~nylbutazone - Prazosine - Sulphonamides - Tolbutamide - Warfarine -

- Phenobarbital - Ph~nylbutazone - Ph~nyto'fne Rifampicine -

-

-

-

Hydralazine Levodopa Nitroprusside

Inhibition de la s~cr6tion tubulaire (digoxine)

Quinidine - Spironolactone Triamt~r&ne - Trim~thoprime - V~rapamil

Diminution de la clairance extrar~nale

- Diltiazem - Quinidine - V~rapamil

Diminution du volume de distribution

- Quinidine

Augmentation des concentrations plasmatiques (digoxine ; m~canisme inconnu)

Amiodarone, Aspirine, B~pridil, Diltiazem, Fl~cainide, Ibuprof~ne, Indom~tacine, Nif~dipine, Nicardipine, Nisolpidine, Nitrendipine, Propaf~none

-

-

71

Ces differences de r~activit~ sont/~ la base de l'h~t~rog~n~it~ des zones thfirapeutiques entre laboratoires.

2. Crit~res pharmacocin~tiques II existe une large variabilit~ interindividuelle d'origine ~ la fois g~n~tique et environnementale (voir plus haut) dans les processus d'absorption, de distribution et d'filimination des digitaliques. Dfis Iors, la surveillance th~rapeutique, en individualisant les posologies, permet de minimiser cette variabilit~ entre les doses et les concentrations plasmatiques. Ces dernifires peuvent ainsi ~tre maintenues dans la zone th~rapeutique prfid~finie. La digoxine pr~sente une cinfitique dite lin~aire. En d'autres termes, l'augmentation des doses d'un certain pourcentage entraine ~ l'~quilibre une modification des concentrations dans les m~mes proportions.

- digoxin~mie inf~rieure ~ 3 ng/ml et prfisence de deux param&tres suivants : - kali~mie sup~rieure ~ 5 mmol/l, - cr~atinfimie supfirieure/~ 150 13mol/l, - hge sup~rieur ~ 60 ans, - dose journali~re de maintenance sup~rieure g 6 13g/kg. Devant une suspicion de toxicitY, la digoxinfimie doit @tre examinfie en parallfile avec la kalifimie et tout facteur intrins~que ou extrins~que, susceptible de modifier la sensibilit~ (voir plus haut) du myocarde aux digitaliques. Quoiqu'il en soit, il est plus prudent de suspendre le traitement/~ un patient ne pr~sentant pas de toxicit~ que le contraire. Pour les enfants de plus de un an, les m~mes dispositions s'appliquent mais, chez les nourrissons et les nouveau-ntis, les digoxin~mies peuvent s'avfirer tr~s difficiles & interpreter.

3. Crit~res pharmacologiques Chez des patients atteints de fibrillation auriculaire, la diminution du rythme ventriculaire est classiquement un bon signe pour surveiller l'effet des digitaliques. Au contraire, pour des patients traitfis pour insuffisance cardiaque avec rythme sinusal, il n'existe pas de pararn~tre clinique facilement accessible pour fivaluer la rfiponse thfirapeutique. De plus, une toxicitfi aux digitaliques peut @tre d~licate/~ diagnostiquer car l'anorexie, les naus~es, la confusion mentale et les arythmies cardiaques peuvent ~tre des signes communs/~ la maladie et/~ la toxicitY. Par consequent, mesurer la digoxin~mie autorise une adaptation de posologie pour ficarter d'une part une inefficacit~ relative/~ des doses subth~rapeutiques et d'autre part une toxicit~ li~e /~ une posologie trop ~lev~e. Cette d~marche suppose qu'il existe une bonne relation entre les concentrations plasmatiques et les effets thfirapeutiques et toxiques. Dans le cas de fibrillation auriculaire, il existe une certaine corrfilation entre la digoxin~mie et la diminution du rythme ventriculaire. II n'en est pas de m~me en cas d'insuffisance cardiaque; une rfiponse th~rapeutique satisfaisante est, en g~n~ral, observfie pour des concentrations comprises entre 0.8 ng/ml (1 nmol/l) et 2 ou 3 ng/ml (2.6 ou 3.8 nmol/l). Ces limites - les plus fr~quemment rencontr~es - sont basfies, du moins en partie, sur les observations en dehors de cet intervalle. Le risque de toxicit~ augmente pour des digoxinfimies sup~rieures ~ 2 n g / m l ; une toxicit~ se manifeste invariablement au del~ de 3 ng/ml. A l'inverse, en deg/~ de 0.8 ng/ml, il est difficile de dfitecter tout effet therapeutique. Dans la zone dite th~rapeutique, un effet b~n~fique associfi/~ un faible risque de toxicit~ est vraisemblable. Une variabilitfi interindividuelle est, en outre, observ~e entre les concentrations et l'effet. Le rythme ventriculaire peut, en cas de fibrillation auriculaire, ~tre contr61fi avec des taux de 1.2 n g / m l ; certains patients n~cessitent des concentrations de 2.5 g 3 ng/ml. Une adaptation de posoIogie West pleinement efficace que si c'est la variabilit~ entre la dose et les concentrations qui conditionne l'effet th~rapeutique. Chez certains patients, une marge tr~s ~troite existe entre les concentrations thfirapeutiques et toxiques. Cependant, dans de nombreux cas, un tel constat n'est pas aussi clairement fitabli. En effet, de nombreux sujets ne dfiveloppent pas de toxicit~ malgr~ des digoxin~mies ~levfies. La plupart des ~tudes montrent une difference significative entre les digoxinfimies moyennes des groupes de patients affichant une toxicit~ et celles des groupes n'en pr~sentant pas. II est, toutefois, constatfi un recouvrement dans la zone 1.6 - 3 ng/ml (2 - 3.8 nmol/l). Le problfime majeur r~side alors dans le diagnostic d'une toxicit~ chez un patient; un jugement ne peut ~tre absolu qu'apr~s confrontation des digoxinfimies avec d'autres informations cliniques et biochimiques. Ainsi, une toxicit~ est probable dans les circonstances suivantes : - digoxin~mie supfirieure & 3 ng/ml, digoxin~mie inffirieure /~ 3 ng/ml et kali~mie inf~rieure /~ 3.5 mmol/l, -

72

4. Adaptation de posologie 1. Choix de la posologie A titre indicatif, les posologies usuelles sont pr~sent~es dans le tableau Ill [9]. Les recommandations de dose initiale et d'entretien varient fortement en p~diatrie. Des informations plus r~centes montrent que des doses plus faibles permettent d'obtenir les effets th~rapeutiques d~sir~s. Chez l'adulte, la posologie de la digoxine est bas~e sur le poids corporel maigre et sur la fonction r~nale (ces deux param~tres diminuent avec l'~ge et augmentent Iors de grossesse). Une estimation de la dose d'entretien journali~re de digoxine, pour une concentration moyenne ~ l'~quilibre de 1.5 ng/ml, peut @tre d~termin~e/~ partir de la clairance de la cr~atinine (Clcr) d'apr~s l'~quation suivante : dose (mg) = (3.56x Clcr) + 93 1 000 Les doses obtenues sont surestim+es en cas d'insuffisance cardiaque droite sfiv+re. Une estimation de la clairance de la crfiatinine est fournie par l'+quation ci-dessous : [poids (kg) x (140- ~.ge)] Clcr = l ~ ~ - r ~ I x (0.85 pour les femmes) Puisque les processus d'+limination de la digoxine suivent des cin6tiques d'ordre un, les concentrations ~ l'+quilibre sont directement proportionnelles/~ la dose d'entretien. Une adaptation de posologie peut fitre r+alis~e d'apr+s la r+gle ciapr+s : dose adapt6e

=

dose actuelle x concentration cible concentration mesur6e

Le cas particulier de l'absence d'observance doit faire l'objet d'une attention particuli~re. Devant une digoxin+mie anormalement basse et avant de proc+der & une adaptation de posologie, un nouveau dosage, notamment en milieu hospitalier, peut @tre fait environ une demi-vie apr+s l'administration. De plus, une administration intraveineuse des deux tiers d'une dose orale pendant une demi-vie peut s'av~rer utile pour diff~rencier un syndrome de malabsorption d'une augmentation d'+limination.

2. Pr~l~vements Les ~chantillons sanguins pour les analyses de routine sont collect~s dans des tubes sous vide (bouchon rouge sans anticoagulant) en prenant soin d'~viter l'h~molyse. Les temps de pr~l~vement sont particuli~rement importants

[41. Revue frangaise des laboratoires, ]uin 1998, N ° 304

Tableau [II Posologies usuelles des digitaliques.

I

DOSe ini~iaig

P~diatrie Nouveau-n~s Nourrissons Enfants Adultes Fonction r~nale normale

lnsuffisance r~nale s~v&e

Dose d'entretien

Dose initiale .... (t~t/k~l IV Ou PO)

(I]g/kg/j !V ouPO)

15-18 20-25 20-40

10 15 8-10

20-30 20-40 20-40

2-4 2-4 3

Fibrillations auriculaires : 15 Insuffisance cardiaque : 10 5-8

3.5-5.0

15-25

1.0-2.5

2.1. Temps n~cessaire pour atteindre l'~quilibre Lors d'administrations r~p~t~es et en l'absence de dose de charge, l'6quilibre n'est obtenu qu'apr~s cinq demi-vies d'~limination (8 jours pour la digoxine). Cette dur6e est totalement ind6pendante de la dose administr6e. II est donc indispensable de n'effectuer ]es pr~l~vements, notamment apr~s chaque adaptation de posologie, qu'une fois cet 6quilibre ou le nouvel 6quilibre atteint. Une suspicion de toxicit~ constitue la seule exception & la r~gle.

2.2. Temps n~cessaire apr~s la derni~re dose Pour obtenir une interpretation fiable, les concentrations s6riques doivent ~tre d6termin6es au del& de la phase de distribution. L'id6al est de pr61ever juste avant l'administration d'une nouvelle dose. Sinon, il convient de respecter un d61ai de 6 h pour la digitoxine et de 12 h pour la digoxine, apr~s la prise orale.

Varie avec la fonction r~nale

quand ce dernier est atteint (cinq demi-vies) sauf en cas de suspicion de toxicit£ De tr~s nombreuses ~tudes ont d~montr~ l'impact n~faste de mauvais horaires de pr~l~vement sur un programme de surveillance th6rapeutique des digitaliques.

3.3. R~ponse adapt~e Pr4somption de toxicit~ : arr~t du traitement ou diminution de la posologie. Digoxin~mie inf&ieure ~ 0.8 ng/ml : augmentation des doses saul en cas

d'absence de signes cliniques d'insuffisance cardiaque ou de fibrillation ; le traitement peut alors &tre interrompu, - d'hypothyrGdie. Digoxin&nie sup&ieure ~ 2 ng/ml : diminution des doses sauf

-

en cas

d'indication de fibrillation auriculaire et absence de toxicitY, - d'hyperthyrGdisme. Digoxindmie entre 0.8 et 2 ng/ml : aucune adaptation sauf si la r~ponse clinique est jug4e inadequate. -

3. Procedure adequate Pour optimiser la surveillance th~rapeutique des digitaliques, le clinicien et le biologiste doivent adopter une d6marche rationnelle afin d'6viter la multiplicit6 des examens injustifi6s pr~judiciables en terme de sant6 et de finance publiques [5, 8, 11].

3.1. Prescription adapt~e R~ponse s u b t h & a p e u t i q u e : - pas d'am61ioration ou aggravation de l'insuffisance cardiaque ou de la fibrillation auriculaire, - suspicion de non observance & l'admission, - prise concomitante de m6dicaments susceptibles d'induire une interaction. Toxicit~ suspect~e : - apparition d'arythmies pouvant ~tre imput6es au traitement, - signes ou sympt6mes non cardiaques t6moins d'une intoxication digitalique. Patient ~ risque : intervention de facteurs r6put~s pour alt6rer les param~tres pharmacocin~tiques des digitaliques ou la sensibilit6 du myocarde (fonction r~nale instable, hypothyro'idie...). Adaptation de posologie : v~rification du nouvel 6tat d'6quilibre.

3.2. Pr~l~vement adapt~ Par rapport ~ la derni&e dose : la fin de la phase d e mise & disposition. Par rapport ~ l'~quilibre :

Revue franqaise des laboratoires, juin 1998, N ° 3 0 4

Conclusion L'utilisation des concentrations en digitaliques & la place de l'~valuation d'un effet clinique mesurable d~coule du concept g~n~ralement admis que les taux circulants du principe actif sont directement repr~sentatifs de ceux au niveau des sites d'action. Un dosage de digitaliques joue alors un r61e important dans le suivi th~rapeutique de cette classe de m~dicaments. II permet, en effet, de minimiser la variabilit~ interindividuelle dans les processus de mise & disposition, de distribution et d'~limination. L'int~r~t doit ~tre relativis~ du fait de l'absence de relation concentration-effet clairement ~tablie. Ainsi, une adaptation adequate de posologie des digitaliques implique la prise en compte de facteurs intervenant sur les concentrations plasmatiques et sur la sensibilit~ du myocarde. Une digoxin~mie est une information devant ~tre int~gr~e dans le contexte clinique g~n~ral; elle ne doit en aucun cas constituer le seul crit~re de jugement de l'efficacit~ ou de la toxicit~ du m~dicament. ,,II convient de traiter le patient et non une concentration plasmatique,,. II est enfin fondamental de rappeler l'importance du temps de pr~l~vement tant par rapport & l'obtention de l'~quilibre que par rapport & la derni&e prise.

73

[1]. Aronson J.K., Hardman M., ABC of monitoring drug therapy, Digoxin, BMJ. 305 (6862) (1992) 1149-115 [2] Ansronson J.K., Digoxin : clinical aspects, Ther. Drug Monit. Richens & Marks 17A (1981) 404-414. [3] Boreus L.O., The role of therapeutic drug monitoring in children, Clin. Pharmacokin. 17 (Suppl. 1) (1989) 4-12. [4] Copeland R.J., Thorpe H., Kay E., Alnappropriate digoxin monitoring, J. Clin. Pharm. Ther. 17 (3) (1992) 173-174. [5] D'Angio R.G., Stevenson J.G., Lively B.T., Morgan J.E., Therapeutic drug monitoring: improved performance through educational intervention, Ther. Drug Monit. 12 (2) (1990) 173-181. [6] Guedeney X., Les digitaliques, Propri&t~s pharmacocin~tiques des m&dicaments, Labaune et al. 19 (1991) 343-351. [7] Howanitz P.J., Steindel S.J., Digoxin therapeutic drug monitoring practices, Arch. Pathol. Lab. Med. 117 (7) (1993) 684-690. [8] Kelly R.A., Smith T.W., Use and misuse of digitalis blood levels, Heart Dis. Stroke 1 (3) (1992) 117-122.

74

[9] Keys P.W., Stafford R.W., Digoxin, Therapeutic use and serum concentration monitoring, Individualizing drug therapy, Taylor & Finn 3 (1981) 2-19. [I0]. Marcus F.I., Titrating cardiovascular drugs, Clin. Chem. 42-8 (B) (1996) 1312-1315. [I 1] Michalko K.J., Blain L., An evaluation of a clinical pharmacokinetic service for serum digoxin levels, Ther. Drug Monit. 9 (1987) 311-319. [12] Mooradian A.D., Digitalis, An update of clinical pharmacokinetics, therapeutic monitoring techniques and treatment recommendations, Clin. Pharmacokin. 15(3) (1988) 165-i79. [13] Selzer A., Role of serum digoxin assay in patient management, J. Am. Coll. Cardiol. 5(5 Suppl. A)(1985) 106A-I10A. [14] Spector R., Park G.D., Johnson G.F., Vesell E.S., Therapeutic drug monitoring, Clin. Pharmacol. Ther. 43(4) (1988) 345-353.

Revue frangaise des laboratoires, juin 1998, N ° 304