C. R. Acad. Sci. Paris, t. 331, Série I, p. 823–826, 2000 Probabilités/Probability Theory
Sur la loi du sup de certains processus gaussiens non bornés Mario WSCHEBOR Centro de Matemática, Facultad de Ciencias, Universidad de la República, Calle Iguá 4225, 11400, Montevideo, Uruguay Courriel :
[email protected] (Reçu le 30 juin 2000, accepté après révision le 18 septembre 2000)
Résumé.
Nous considérons certains processus gaussiens à un paramètre possédant des trajectoires non bornées, mais dont le supremum est fini avec probabilité positive. Nous obtenons le comportement asymptotique de la queue de la loi du supremum lorsque le niveau tend vers +∞. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
On the supremum law of certain unbounded Gaussian processes Abstract.
We consider certain one-parameter Gaussian processes that are unbounded with probability 1 but are bounded above with a positive probability and compute the asymptotic behaviour of the tails of the (defective) distribution of the supremum as the level tends to +∞. 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS
Soit Z = {Z(t) : t ∈ T} un processus Gaussien à valeurs réelles, centré et séparable. On sait bien que P supt∈T |Z(t)| < +∞ est égale à 0 ou 1 (voir par exemple Fernique [3]) et que, dans le deuxième cas, les queues de la loi de la variable aléatoire M = supt∈T Z(t), c’est-à-dire P (M > u), u > 0, sont majorées par une constante fois une densité gaussienne (Landau–Shepp [4], Marcus–Shepp [6], Fernique [3], Borell [2]). Dans cette Note, nous considérons certains exemples de processus gaussiens qui sont non bornés, c’est-àdire que P supt∈T |Z(t)| < +∞ = 0 mais pour lesquels la probabilité unilatérale q = P supt∈T Z(t) < +∞ est non nulle. Il s’avère que la quantité q − P (M 6 u) qui tends vers zéro lorsque u → +∞, n’est pas nécessairement majorée par une Gaussienne et qu’elle peut être estimée par des méthodes qui diffèrent des méthodes classiques. Nous allons nous placer dans un cadre limité. Soit X = {X(t) : t ∈ [0, 1]} un processus stochastique à valeurs réelles vérifiant l’hypothèse H2 (cf. Azaïs et Wschebor [1]), c’est-à-dire que : – X est gaussien ; – les trajectoires X(·) sont de classe C2 ; Note présentée par Jean-Pierre K AHANE. S0764-4442(00)01714-6/FLA 2000 Académie des sciences/Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
823
M. Wschebor
– pour tout choix des valeurs du paramètre t1 , . . . , tn ∈ [0, 1], tels que tj 6= tk si j 6= k, la loi jointe de X(t1 ), . . . , X(tn ), X 0 (t1 ), . . . , X 0 (tn ), X 00 (t1 ), . . . , X 00 (tn ) est non dégénérée. Nous allons supposer aussi que X est centré, i.e. E{X(t)} = 0 pour tout t ∈ [0, 1]. Soit β : [0, 1] → R+ une fonction continue qui s’annule seulement en t = 0, et qui est deux fois continûment différentiable pour t ∈ ]0, 1]. Nous nous proposons d’étudier le comportement, lorsque u → +∞, de la fonction F (u) = P X(t) 6 β(t) · u pour tout t ∈ [0, 1] qui n’est autre que la loi de probabilité (défective) du sup sur ]0, 1] du processus gaussien non borné Z(t) =
X(t) β(t)
dont les trajectoires explosent au seul point t = 0. Il est clair que p.s.
lim 1{X(t)6β(t)·u pour tout t∈[0,1]} = 1{X(0)<0} ,
u→+∞
où 1E désigne la fonction indicatrice de l’ensemble E. Par conséquent, 1 F (+∞) = . 2 T HÉORÈME 1. – Supposons que lorsque t & 0 on a β(t) ∼ C tα , β 0 (t) ∼ C α · tα−1 , β 00 (t) ∼ C α(α − 1) tα−2 , où C, α sont deux constantes positives. Alors : (i) si 0 < α 6 1, pour u > 0 : 1 − F (u) 6 a · exp −b · u2 , 2 où a, b sont deux constantes positives ; (ii) si α > 1, alors K 1 − F (u) ∼ 1/(α−1) lorsque u → +∞, 2 u K étant une constante positive qui dépend de C, α, Var{X(0)}, Var{X 0 (0)}.
(1)
Démonstration. – Sans perte de généralité, nous pouvons supposer que Var{X(t)} = 1 pour tout t ∈ [0, 1], quitte à remplacer β(t) par β(t)/[Var{X(t)}]1/2 . R +∞ Dans le but d’étudier le comportement de 12 − F (u) = u F 0 (x) dx lorsque u → +∞, nous écrivons F 0 (x) à l’aide du lemme 3.3 dans Azaïs–Wschebor [1], c’est-à-dire, compte tenu de β(0) = 0 : F 0 (x) = β(1)P X a (t) 6 β a (t) · x pour tout t ∈ [0, 1] pX(1) β(1) · x Z 1 β(t)E X t (t) − β t (t)x 1{X t (s)6β t (s)x pour tout s∈[0,1]} pX(t),X 0 (t) β(t)x, β 0 (t)x dt. (2) − 0
Les notations sont les suivantes : – si Y est une variable aléatoire à valeurs dans Rd de loi absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue, pY (·) note sa densité ; j+k – r(s, t) = E{X(s)X(t)} est la covariance du processus X et rjk (s, t) = ∂∂j s∂ krt (s, t) ses dérivées partielles lorsqu’elles existent ;
824
Processus gaussiens non bornés
– le processus X a et la fonction β a sont les extensions continues à [0, 1] de X a (t) =
X(t) − r(t, 1)X(1) , 1−t
β a (t) =
β(t) − r(t, 1)β(1) 1−t
définis pour t ∈ [0, 1[ ; pour chaque t ∈ [0, 1], le processus X t et la fonction β t sont les extensions continues à [0, 1] de 2 r10 (s, t) 0 X (t) , X(s) − r(s, t)X(t) − X t (s) = (s − t)2 r11 (t, t) 2 r10 (s, t) 0 β (t) β t (s) = β(s) − r(s, t)β(t) − (s − t)2 r11 (t, t) définis pour s ∈ [0, 1], s 6= t. En fait, la démonstration de la formule (2) requiert que la fonction β(·) soit de classe C2 sur tout l’intervalle [0, 1], ce qui n’est pas nécessairement le cas, mais on démontre aisément qu’elle reste vraie pour x > 0 sous les hypothèses que l’on a fait sur β(·) au voisinage de t = 0. On voit bien que le premier terme au second membre de (2) est majoré par a1 · exp(−b1 · x2 ), a1 et b1 constantes positives. Quand au second terme, la densité qui y apparaît s’écrit : 2 1 x (β 0 (t))2 2 exp − (t) + β pX(t),X 0 (t) β(t)x, β 0 (t)x = 2 Var{X 0 (t)} 2π[Var{X 0 (t)}]1/2 et β t (s) =
2 β(s) − β(t) − (s − t)β 0 (t) − r20 t + θ1 (s − t), t β(t) 2 (s − t) r12 (t, t + θ2 (s − t)) 0 β (t) (0 < θ1 , θ2 < 1) ; − r11 (t, t)
(3)
d’où β t (t) = β 00 (t) − r20 (t, t)β(t) − (r12 (t, t)/r11 (t, t))β 0 (t) si 0 < t 6 1. Sous l’hypothèse (i), compte tenu des conditions sur β(·), si x > 1 la valeur absolue de l’intégrand au second membre de (2) est bornée par a2 · exp(−b2 · x2 ), a2 et b2 constantes positives. Ceci prouve la première partie du théorème 1. Pour la partie (ii), notons d’abord que pour chaque ε, 0 < ε < 1, nous avons 12 − F (u) = 12 − Fε (u) + Gε (u), où Fε (u) = P X(t) 6 β(t) · u pour tout t ∈ [0, ε] et 0 6 Gε (u) 6 P
sup t∈[ε,1]
X(t) > u 6 g1 exp −g2 · u2 , β(t)
g1 , g2 constantes positives dépendantes de ε. Donc, il suffit de prouver (ii) lorsqu’on remplace F (u) par Fε (u), ε > 0 fixe, suffisamment petit. Dans ce but, on applique à la fonction Fε , une formule de dérivation analogue à (2) qui consiste à remplacer [0, 1] par [0, ε] : Fε0 (x) = β(ε)P X a (t) 6 β a (t) · x pour tout t ∈ [0, ε] pX(ε) β(ε) · x Z −
ε
β(t)E 0
t X (t) − β t (t)x 1{X t (s)6β t (s)x pour tout s∈[0,ε]} pX(t),X 0 (t) (β(t)x, β 0 (t)x) dt.
(4)
On fait dans l’intégrale au second membre de (4) le changement de variable z = tα−1 x. Alors t(x) = (z/x)1/(α−1) → 0 lorsque x → +∞ pour chaque z > 0 fixé.
825
M. Wschebor
Vérifions que, avec un choix adéquat de ε, pour chaque z > 0 fixé p.s.
1{X t(x) (s)6β t(x) (s)x pour tout s∈[0,ε]} −→ 1 quand x → +∞
qui se déduit de pour z > 0 fixé,
β t(x) (s)x → +∞ quand x → +∞ uniformément en s ∈ [0, ε].
(5)
Pour prouver (5) on utilise (3) et la forme de β(t) près de t = 0. On a bien : – si 1 < α < 2 et L est un nombre réel positif, on peut choisir ε > 0 suffisamment petit, pour que : β t (s) · x > L · x − C1 · t · z − C2 · z
pour tout s, t ∈ [0, ε],
(6)
où C1 , C2 sont constantes positives ; – si α > 2 on peut choisir ε > 0 de telle façon que : β t (s) · x > C10 ·
z − C20 · t · z − C30 · z t
pour tout s, t ∈ ]0, ε],
(7)
où C10 , C20 , C30 sont constantes positives. (6) ou (7) impliquent (5). L’équivalent du second membre de (4) se fait maintenant par application du théorème de Lebesgue, et on obtient : α/(α−1) σ 1 1 0 √ Iα/(α−1) α/(α−1) pour x → +∞, Fε (x) ∼ 1/(α−1) α x 2π C où σ = [Var{X 0 (0)}]1/2 et pour a > 0 : Z Ia =
+∞
y 0
y2 a exp(− 2 )
√ 2π
dy.
Donc, (1) suit en intégrant, avec α/(α−1) 1 σ √ Iα/(α−1) . K = (α − 1) α 2πC 1/(α−1) Remarque. – On obtient des résultats analogues au théorème 1 lorsque la fonction β(·) s’annule en un nombre fini de points de [0, 1] où elle possède un comportement local du même type que celui que l’on a considéré en t = 0. Références bibliographiques [1] Azaïs J.-M., Wschebor M., On the regularity of the distribution of the maximum of one-parameter Gaussian processes, Probab. Theor. and Rel. Fields (2000) (to appear). [2] Borell C., The Brünn–Minkowski inequality in Gauss space, Invent. Math. 30 (1975) 207–216. [3] Fernique X., Régularité des trajectoires des fonctions aléatoires gaussiennes, in: École d’eté de probabilités de Saint-Flour, Lect. Notes in Math. 480, Springer-Verlag, New York, 1974. [4] Landau H.J., Shepp L.A., On the supremum of a Gaussian process, Sankya Ser. A 32 (1970) 369–378. [5] Lifshits M.A., Gaussian Random Functions, Kluwer, The Netherlands, 1995. [6] Marcus M.B., Shepp L.A., Sample behaviour of Gaussian processes, Proc. Sixth Berkeley Symp. Math. Statist. Prob. 2 (1972) 423–442.
826