Physica XVI, no 2
F e b r u a r i 1950
SUR L'INTEGRALE DE CONFIGURATION POUR LES SYST~MES DE PARTICULES A UNE DIMENSION par L. VAN HOVE Universit6 de BruxeUes*); actuellement ~ l'Institute for Advanced Study, Princeton, New Jersey, U.S.A.
Synopsis T h e free e n e r g y of a o n e - d i m e n s i o n a l s y s t e m of p a r t i c l e s is c a l c u l a t e d for t h e case of n o n - v a n i s h i n g i n c o m p r e s s i b i l i t y r a d i u s of t h e p a r t i c l e s a n d a finite r a n g e of t h e forces. I t is s h o w n q u i t e g e n e r a l l y t h a t n o p h a s e t r a n s i t i o n p h e n o m e n a c a n o c c u r u n d e r t h e s e c i r c u m s t a n c e s . T h e m e t h o d used is t h e r e d u c t i o n of t h e p r o b l e m t o a n e i g e n v a l u e p r o b l e m .
§ 1. Introduction. L'int6grale des phases d'un syst&me A une dimension a 6t6 6tudi6e par plusieurs auteurs dans le cas oh l'interaction entre les particules s'exerce seulement entre voisins imm6diats e t a une forme suffisamment simple pour permettre une int6gration directe 1). Aucun ph6nom&ne de changement de phase tel que condensation n'a 6t6 mis en 6vidence par ces calculs. Nous avons trait6 par deux m6thodes diff6rentes le cas d'une interaction de forme arbitraire s'exer~ant entre voisins imm6diats seulement **), A notre insu l'une de ces m6thodes avait 6t6 utilis6e pr6c6demment par T a k ah a s i pour le m~me probl~me 2). De nouveau l'apparition de ph6nom~nes de condensation a 6t6 trouv6e impossible. Dans ce qui suit, nous traitons le cas plus g6n6ral off l'interaction n'est pas limit6e aux voisins imm6diats. Nous supposons que les particules ont un rayon d'incompressibilit6 non nul et que le potentiel d'interaction entre deux particules a une port6e finie; part cela nous le supposons simplement continu. Dans ces conditions, le probl~me peut ~tre remen6 A la recherche d'une valeur propre d'une 6quation int6grale. Ceci est un exemple de plus de pro*) D6partement de Physique Chimique. **) Pour l'aspect math6matique d'une m6thode, bien adapt6e 6galement au calcul des fonctions de distribution, voir une conf6rence de l'auteur dans le Bulletin de la Soci6t6 Math6matique de Belgique (1949), sous presse. L'autre m6thode est d6velopp6e dans le pr6sent travail. --
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bl&mes de mdcanique statistique se rdduisant ~ la ddtermination d'une valeur propre d'une matrice 3). Dans notre cas cependant, il s'agit d'une dquation intdgrale; son noyau n'est en gdndral pas symdtrique et l'intervalle d'intdgration est infini. Par un changement de variables, nous rendons l'intervalle d'intdgration fini, et pouvons alors tirer parti de la thdorie de F r e d h o 1 m. D'habitude 4), l'apparition de changements de phase est lide A la multiplicitd de la valeur propre obtenue, et est souvent exclue par suite d'un thdor&me connu de F r o b e n i u s 5). La situation est ici un peu diffdrente; cependant une extension de ce thdor~me aux dquations intdgrales 6) montre que tout phdnom&ne de changement de phase est encore exclu dans le casque nous traitons. I1 faut noter toutefois que l'existence simultande d'un rayon d'incompressibilitd non nul et d'une portde finie des forces est essentielle pour la validitd du raisonnement et de la conclusion.
§ 2. L'intdgrale de configuration. Soit un syst~me de N particules identiques situdes sur un segment rectiligne de longueur L. Leurs positions sont ddfinies par leurs abscisses x i (i = 1. . . . . . N; 0 < x i -<
(2.1)
off U(~) est une fonction v6rifiant U($) = + oo pour 0 -<< $ < d o, U(~)=0 pour ~ > d l , 0 < d o < d t.
(2.2)
Dans l'intervalle d o < ~ ~< dl, nous supposons U($) continue et bornde infdrieurement. De plus, on ne peut avoir U(~) = + oo que pour < 2d 0. La longueur d o apparalt comme le diam~tre d'incompressibilitd des particules; d Iest la portde maxima des forces d'interaction. Ddsignons par m la masse des particules supposdes ponctuelles, et par T la tempdrature absolue multiplide par la constante de B o 1 t zmann. L'dnergie libre de H e l m h o l t z F, parparticule, est alors donnde par
F / T = - - / ( N , L) - - log (doh-I v' 2 ~ m T ) (2.3) avec exp [N/(Y, L)]---- Q(N, L ) = (1/NTd N) f L dx, . . . fL dxN. exp (-- V/T) _ _ d o N f L d x l f L d x 2 "'" f L L -"k--I dx, . .. f xN--1 dXN exp (-- V/T) *) *) Le facteur do est introduit uniquement pour que la quantitd Q(N, L) soit sans dimension.
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Comme on le salt, pour toute suite de longueurs L N vkrifiant LimN~oo L N / N = l > d 0, l'expression /(N, LN) converge vers une limite finie /(l), fonction croissante de 1 ~ d&ivke non croissante ~). Nous allons ramener la d & e r m i n a t i o n de/(l), donc de l'knergie libre F, ~ la r&olution d ' u n e kquation intkgrale. R e m a r q u o n s que par suite de (2.2), deux particules voisines ne p e u v e n t jamais se rapprocher A moins de d o l'une de l'autre; par conskquent, les particules capables d'interaction avec une particule d o n n & sont limitkes A ses v voisins de droite et ~ ses v voisins de gauche, v & a n t le plus g r a n d nombre entier pour lequel v d o < d 1. Cette limitation, qui rksulte du fait que d o > 0 et d I < + oo, est essentielle pour les dkveloppements ci-apr~s.
§ 3. L'dnergie libre h pression constante. Comme l'a remarqu6 T ak a h a s i dans le cas oh v = 1 ~), pour un syst~me A une dimension l'knergie libre ~ pression constante G = F + pl est plus facile A dkterminer que F. Elle est ktroitement like ~ la t r a n s f o r m & de L aplace deQ(N,L): IN(a) = f o (2(N , L) e -aL dL.
(3.1)
E n effet, du c o m p o r t e m e n t de Q(N, L) pour N ~ oo, il r&ulte que {IN(a)} tm converge vers une limite finie limN_+oo {IN(a)} 1IN = e-gIal
(3.2)
e-goal = lim~z~oo {Q(N, L ~ I) exp ( - - a L~I)} 'IN,
(3.3)
donnke par oh L ~ ) est la valeur de L qui rkalise le m a x i m u m de
Q(N, L) e -aL = exp [N /(N, L) - - aLl. Comme /(N, LN) ~ /(l) q u a n d N -+ oo et N - f L y ~ l, la longueur N - I L ~ I doit converger vers la valeur de l qui rkalise le m a x i m u m de /(l) - - cd et qui est donc dkfinie par d/(l)/dl = a. (3.4) L ' k q u a t i o n (3.3) donne alors g(a) = al - - / ( l ) .
(3.5)
T e n a n t compte de (3.4) et (2.3), on voit que la pression p e t l'knergie libre tt pression constante G sont likes ~ a et g(fl) par
p / T = a, G/T = g(a) - - log ((do/h) V'2z~mT).
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L. VAN HOVE
Au paragraphe usivant nous d6terminerons g(a). On en d6duira/(l) en inversant la transformation de L e g e n d r e contenue dans (3.4) et (3.5): /(l) -~ a l - g(a), 1 = dg(a)/da. (3.6) Dans le cas particulier oh v---- l, l'~nergie d'interaction (2. l) est V =- ZN=-~1 U(~i) oh les ~i d~signent les distances entre particules voisines. La transformation de L a p l a c e (3. l) se fait sans peine et (3.2) donne
=--log{Tf 1
g(a)
oo
exp~
a~]d~}
U(~)
aod o
T
'
d'oh
/(l) = al + log
exp
•
o,],,}
T
'
l = f T ~ exp [ - - U(~)/T - - a~] de f ~ exp [ - - U(~)/T - - a~] d~ Ce sont les formules donn6es par T a k a h a s i ~) ; nous les avons obtenues 6galement par une autre m6thode *). Comme elles expriment l u n i v o q u e m e n t en fonction de a, il n ' y a pas de condensation possible.
§ 4. Le probl~me de valeur propre. D6terminons m a i n t e n a n t g(a) dans le cas g6n6ral off 0 -~ v - - 1 > 0. Dans ce cas, l'6nergie d'interaction est v=z~,
u(~,)+ z ~
1u(~,_, +~,)+ ... z , ~ ' u(~,_~+ ... +~,_, + ~,),
les ~i d6signant de n o u v e a u les distances entre particules voisines. D~finissons les fonctions h(~ 1.... ~q)----exp ( - - ~ - ~ "'" k(~, . . . .
~q, ~,, . . . ~'~)----exp { - - y [1
V
1 2T U ( ~ , + . . . ~ q ) } ,
( ~ o + ~ ', ) +
U
' (~o__l+~0+~l) +
+ u ( ~ + ~', + ~'~) + ... + u(~, + . . . . + ~Q + ~',) + t
+ u(~2 + . . . + ~ + ~', + ~'~) + . . . + u(~.o + ~', + . . . + ~Q)]}, t
K(~, .... 6:q, ~'l .... ~'q) -- h(~:,.... ~ ) k(~, .... ~q, ~', .... ~ ) h(~'1, ... ~q), *) Voir la n o t e p. 1.
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SUR L'INT1~GRALE DE CONFIGURATION
Kla)
...
....
Le noyau it6ri K(~m (t, . . . . de r6currence ~+,
_-ex
'p,
)+
t 0, t', . . . .
t;) est difini par la relation
, ~ , (ti, t,)---f0 dt'~ . . . f~o dK' h'(.I (t,, t,), , Klal (t,,, , t,); K~a)--K(m • --oo.--n
h,-la)
-
I1 permet d'exprimer la fonction In(a ) donn6e en (3. l) ~ l'aide d;une int6grale dont la multiplicit6 ne d6pend plus de N :
...[F;tof';de f~dtl...fFdt' o. Kl,")(t,, tl)h(t,)h(¢,). • exp { - - 2T-' E~=,[ U ( t ; ) + U(tl)]}. exp { - - a F t + t ' + {-Z f=, ( t , + t',)]},
U(-)----f';dtf~dt,
si N ~ v + n 9. De cette relation et de (3.2), il r6sulte que lim._+oo {K(.m (t,, t~)} TM = lim._+oo {IN(a)} TM = e-Qg(m •
(4.2)
Pour peu que U(ti) :/: + co, U(t~) :/: + co, le premier membre de cette 6galit6 ne d6pend plus des variables ti, t'i; on peut s'en assurer l'aide des considSrations qui 6tablissent l'existence de la limite de {Q(N, Ln)} 'm quand N -+ oo et N-1L2v --+ l 7). Comme il arrive fr6quemment dans ce genre de probl~mes a), nous sommes amen6s ~ consid$rer l'6quation int~grale (4.3)
V(t,) = ~f~o dtl . . . f ~ dt~ K(a)(t,, tl) ~0(tl),
dont K(~a) est le n o y a u it6r~ d'ordre n. On peut y limiter les int6grations A l'intervalle (do, co). Nous allons la transformer en une 6quation int6grale A domaine d'intdgration born6 et A noyau constamm e n t positif. Nous utilisons le changement de variables
= q(a) (t) = f~" exp {-- I T - ' U(t') + at'J} dr', dont nous ddsignons l'inverse par t = r (a) (~), et le changement de fonction inconnue ~0(~i) = exp {½ 2701 I T - ' U(t,) + at,]} q0(t,), avec ~h = q(al (ti). D'apr~s (4.1), l'6quation (4.3) devient t
t
9(~,) = Z f~oCa) d~?', ... f~o(a' dno H (a' (*h, ~/;) ~0(~/,), avec 5(a) = f ~ exp {-- [ T - ' U(t') + at'J} dr',
(4.4)
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Hla) (~,, ~i) = K ]r (a) (~,), r Cal (~'1)]. *) Les n o y a u x it6r6e HI,a) (~,, ~ ) de (4.4) ne diffbrent des KI,a) (6:,, 6:~) que par un facteur ind6pendant de n. La relation (4.2) devient donc e-e ~a) = lim,_+oo {H(,a) (~i, ~)}1/,, off la limite du second membre est ind6pendante des ~i, ?'i. D'apr+s le th6or&me de C a u c h y - H a d a m a r d, la quantit6 cog(a) est done le rayon de convergence de la s6rie r6solvante H (a) + 2H(ff ) + . . . 2"-a H~a) + . . . . D'apr6s la th6orie de F r e d h o I m, qui s'applique ~t l'6quation (4.4), ee rayon et [2(a)[, off 2 I~) est ~ne valeur propre de valeur absolue m i n i m u m de l'6quation s). Done g(a) ---- e -~ log ]2(~)]. R e m a r q u o n s que les n o y a u x des 6quations (4.2) et (4.4) ne sont pas sym6triques s i e > 1; on a t
K(~) (6:1, . . . , ~ , 6:,. . . . et une relation pour H (a).
t
~). ---- KIal (~q. . . . .
t
~" 6:0. . . . ' ~')'
§ 5. L'impossibilitd de changements d'dtat. Un c h a n g e m e n t d'6tat se t r a d u i t par l'existence d'une pression constante sur un intervalle non nul de valeurs de l. Sur un tel intervalle, a doit rester constant q u a n d l varie; d'apr~s (3.6), la d6riv6e dg(a)/da doit donc p%senter une discontinuit& Nous allons voir que cette circonstance est impossible. D'apr~s la th6orie de F r e d h o 1 m, les valeurs propres de l'6quation (4.4) sont les z6ros d ' u n e fonction enti~re D lal (2). On s'assure facilement que pour Re (a) > 0, la fonction D (a) (2) est simultan6ment holomorphe en a et 2. Comme le n o y a u de l'6quation est positif, il r6sulte d ' u n th6or&me de J e n t z s c h 6) que D la) (2) a une racine de valeur absolue minimum, A la fois unique, simple et r6elle. C'est elle qui a 6t6 d6sign6e par 2 (a), et [A(~)[ : 2(a) > 0. E t a n t donn6 le caract~re a n a l y t i q u e de D (al (2), la racine 2 (al est fonction holomorphe de a q u a n d Re (a) > 0. Par cons6quent la fonction g(a) = 0- l log 2 (a) est holomorphe. Aucun ph6nom&ne de condensation ne peut se produire pour le t y p e de syst~me 6tudi6. *) Q u a n d U(~) est born~ p o u r do < ~ < dr, on p e u t u t i l i s e r le e h a n g e m e n t de v a r i a b l e s
~1 = 1/a e x p ( - - a~) et le c h a n g e m e n t de fonction i n c o n n u e ~o(~/i) = e x p (a/2 ,~,0 ~i) q~(~i) ; on o b t i e n t aussi un n o y a u positif. P a r contre, q u a n d p a r e x e m p l e lim U(~) = + oo p o u r do < ~ -+ all, il f a u t r e c o u r i r a u proe6d~ utilis6 d a n s le t e x t e . Re~u 19-12-49.
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