Surdité et vertiges chez un patient de 17 ans

Surdité et vertiges chez un patient de 17 ans

3 quel est votre diagnostic ? Feuillets de Radiologie 2009, 49, n° 4,296-300 © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Surdité et vertiges c...

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3 quel est votre diagnostic ?

Feuillets de Radiologie 2009, 49, n° 4,296-300 © 2009. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Surdité et vertiges chez un patient de 17 ans F. Le Moigne 1, J.-L. Lamboley 1, T. Vitry 1, J. Le Berre 1, P. Salamand 1, L. Guilloton 2, A. Drouet 2 1. Service d’imagerie médicale, 2. Service de neurologie, Hôpital d’instruction des armées Desgenettes, 108 boulevard Pinel, 69003 Lyon. Correspondance : F. Le Moigne, à l’adresse ci-contre. Email : [email protected]

lisé à gauche ainsi qu’une légère hypoesthésie sous la pau-

Observation

pière droite, ce qui conduit à la réalisation d’une IRM cérébrale (fig. 1). Les résultats de l’examen font rapidement

Un patient de 17 ans est adressé en consultation de neurologie pour baisse de l’audition progressive et troubles de l’équilibre aux changements brusques de position. L’examen clinique objective une hypoacousie de perception bilatérale, un syndrome vestibulaire périphérique latéra-

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réaliser un complément d’exploration par une IRM panmédullaire (fig. 2). Quel est votre diagnostic ?

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Figure 1. IRM cérébrale, coupes axiales centrées sur la fosse cérébrale postérieure, pondérées en T1 (A), T2 (B), T1 post-gadolinium (C, D), et T2 inframillimétrique de type 3D CISS (E). Coupes sagittale (F) et axiale (G) en T1 post-gadolinium à l’étage sus-tentoriel.

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2 quel est votre diagnostic ?

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Figure 2. IRM panmédullaire. Coupes sagittales cervicales pondérées en T1 (A), T2 (B), T2* (C) et T1 postgadolinium (D). Coupe sagittale du rachis lombaire en T1 post-gadolinium (E).

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Diagnostic Neurofibromatose de type 2.

Les patients atteints de NF2 développent des tumeurs aux dépens des cellules de Schwann, des méninges et des épendymocytes. L’expression phénotypique est variable. Les critères diagnostiques définis par l’équipe de Manchester ont la meilleure sensibilité (tableau I) [3, 4].

Analyse de l’imagerie Clinique L’IRM cérébrale retrouve des masses tumorales extra-axiales bilatérales des citernes ponto-cérébelleuses déformant le tronc cérébral et étendues dans les méats acoustiques internes, isointenses T1 (fig. 1A), hyperintenses T2 (fig. 1B), se rehaussant intensément de façon homogène après injection de gadolinium (fig. 1C). La séquence T2 de type 3D CISS délimite bien les processus au niveau de leurs pôles cisternaux et précise l’extension intracanalaire des lésions (fig. 1E). Ces lésions correspondent à des schwannomes vestibulaires bilatéraux définissant la neurofibromatose de type 2. Il existe également un neurinome du facial droit développé au niveau du ganglion géniculé (fig. 1D), ainsi qu’un neurinome du V droit développé au niveau du cavum de Meckel (fig. 1C). L’exploration cérébrale identifie également après injection 2 petits méningiomes, l’un ethmoïdal (fig. 1F), l’autre au niveau de la faux du cerveau (fig. 1G). L’IRM médullaire montre un processus intramédullaire étendu de C7 à D1, fusiforme, contenant une composante kystique syringomyélique de part et d’autre d’une partie charnue en isosignal T1 (fig. 2A) et T2 (fig. 2B) se rehaussant après injection (fig. 2D). Notez les zones en asignal coiffant la tumeur en T2*, correspondant à des dépôts d’hémosidérine (fig. 2C). Ces caractéristiques ont fait évoquer le diagnostic d’épendymome. L’injection de gadolinium permet également de mettre en évidence des nodules multiples disséminés des racines de la queue-de-cheval correspondant à de petits schwannomes (fig. 2E).

Discussion

Les signes cliniques apparaissent vers l’âge de 20-30 ans. Les symptômes révélateurs sont souvent dus à la présence de schwannomes vestibulaires avec surdité et vertiges. Les douleurs radiculaires, dues à un ou plusieurs schwannomes lombaires, sont plus rarement un mode d’entrée dans le diagnostic de NF2 [5]. Les signes dermatologiques sont beaucoup plus rares que dans la NF1 : présence de taches café au lait généralement au nombre de deux, tumeurs cutanées (schwannomes, papules pigmentées). Au niveau oculaire, l’existence d’une cataracte postérieure est notée dans 70 % des cas. [6].

Signes radiologiques Lésions encéphaliques L’existence d’un schwannomme de la huitième paire crânienne est la lésion la plus caractéristique. L’IRM est la méthode de choix pour mettre en évidence ces lésions : présence d’une tumeur extra-axiale fortement rehaussée par l’injection de contraste, avec une érosion du conduit auditif interne et un effet de masse sur les structures adjacentes. Les séquences les plus efficaces pour démontrer le schwannome vestibulaire bilatéral sont les séquences tridimensionnelles en T1 après injection de gadolinium et T2 de type 3D CISS [5]. Ils sont souvent asymétriques. Ils infiltrent volontiers le composant cochléaire du nerf auditif. Parmi les autres nerfs crâniens, les nerfs sensitifs ou mixtes sont le plus souvent atteints

Définition et étiopathogénie Tableau I : Critères diagnostiques de NF2 (d’après [3]).

La neurofibromatose de type 2 (NF2), anciennement dénommée neurofibromatose acoustique, est une maladie génétique rare, caractérisée par la présence de schwannomes vestibulaires bilatéraux. Son incidence est de 1/25000 naissances. Elle est 10 fois plus rare que la NF1. La transmission se fait sur un mode autosomique dominant, mais le pourcentage de mutations spontanées est élevé. Elle a pour origine une inactivation des deux allèles du gène suppresseur de tumeur NF2, situé sur le chromosome 22 [1, 2]. Cette maladie est fréquemment découverte chez le jeune adulte, ou un peu plus tardivement.

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Un seul critère est nécessaire pour le diagnostic : Schwannome vestibulaire bilatéral. Parent premier degré NF2 et schwannome vestibulaire unilatéral ou deux parmi : méningiome, schwannome, gliome, neurofibrome, opacités lenticulaires subcapsulaires postérieures. Schwannome vestibulaire unilatéral et deux parmi : méningiome, schwannome, gliome, neurofibrome, opacités lenticulaires subcapsulaires postérieures. Méningiomes multiples (deux ou plus) et deux parmi : méningiome, schwannome, gliome, neurofibrome, opacités lenticulaires subcapsulaires postérieures.

2 quel est votre diagnostic ?

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(cinquième, neuvième et dixième paires crâniennes). Les schwannomes des nerfs moteurs sont plus exceptionnels. Les neurinomes peuvent être multiples sur un même nerf, avec un aspect en chapelet assez caractéristique [5]. Les méningiomes représentent la seconde tumeur la plus fréquente dans la NF2, démontrés aisément par les séquences en T1 après injection. Ils sont volontiers multiples, avec une croissance rapide et une évolution possible vers une méningiomatose diffuse [7]. La présence de calcifications intracrâniennes a également été décrite. Elles siègent au niveau des plexus choroïdes, des hémisphères cérébelleux, ou plus rarement en région sous-épendymaire ou corticale [8].

Atteinte intracanalaire rachidienne

bilatéraux de la huitième paire crânienne sur une IRM cérébrale. Lorsqu’un méningiome ou un schwannome intracrânien est observé chez un patient jeune, l’exploration neuroradiologique doit inclure l’ensemble du rachis afin de rechercher d’autres lésions non symptomatiques qui permettront d’établir le diagnostic.

Conflit d’intérêts Aucun.

Références 1.

Il peut s’agir de tumeurs intamédullaires (épendymome, astrocytome) ou extramédullaires (schwannome, méningiome, neurinome) [9]. L’exploration de l’ensemble du canal médullaire doit être réalisée en IRM, avec injection de gadolinium, de façon à préciser la topographie et l’extension des tumeurs [5]. Les épendymomes sont généralement localisés au niveau cervico-thoracique et sont souvent asymptomatiques. Ils sont communément hyperintenses en T2, se rehaussant intensément de façon homogène ou hétérogène après injection. Des hyposignaux sont parfois visibles en T2* coiffant la tumeur, témoignant de dépôts d’hémosidérine et très évocateurs du diagnostic [10]. Les schwannomes sont souvent multiples et développés aux dépens des racines postérieures. Une syringomyélie peut être retrouvée, due à l’existence d’une ou de plusieurs masses intra ou extramédullaires [5].

Conclusion Le diagnostic de NF2 peut être posé aisément de façon formelle lorsque l’on identifie la présence de schwannommes

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Ferner RE. Neurofibromatosis 1 and neurofibromatosis 2: A twenty first century perspective. Lancet Neurol 2007;6:340-51. 2. Goutagny S, Bouccara D, Bozorg-Grayeli A, Sterkers O, Kalamarides M. Neurofibromatosis type 2. Rev Neurol 2007;163:765-77. 3. Evans DG, Huson SM, Donnai D, Neary W, Blair V, Newton V, et al. A genetic study of type 2 neurofibromatosis in the United Kingdom. II. Guidelines for genetic counselling. J Med Genet 1992; 29:847-52. 4. Baser ME, Friedman JM, Wallace AJ, Ramsden RT, Joe H, Evans DG. Evaluation of clinical diagnosic criteria for neurofibromatosis 2. Neurology 2002;59:1759-65. 5. Girard N. Imaging features of neurofibromatosis type 2. J Neuradiol 2005;32:198-203. 6. Parry DM, Eldridge R, Kaiser-Kupfer MI, Bouzas EA, Pikus A, Patronas A. Neurofibromatosis 2 (NF2): Clinical characteristics of 63 affected individuals and clinical evidence for heterogenity. Am J Med Genet 1994;52:450-61. 7. Akeson P, Holtås S. Radiological investigation of neurofibromatosis type 2. Neuroradiology 1994;36:107-10. 8. Mayfrank L, Mohadjer M, Wullich B. Intracranial calcified deposits in neurofibromatosis type 2. A CT study of 11 cases. Neuroradiology 1990; 32:33-7. 9. Patronas NJ, Courcoutsakis N, Bromley CM, Katzman GL, MacCollin M, Parry DM. Intramedullary and spinal canal tumors in patients with neurofibromatosis 2: MR imaging findings and corelation with genotype. Radiology 2001;218:434-42. 10. Van Goethem JW, van den Hauwe L, Ozsarlak O, De Schepper AM, Parizel PM. Spinal Tumors. Eur J Radiol 2004;50:159-76.

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2test de formation médicale continue

Qu’avez-vous retenu de cet article ? Testez si vous avez assimilé les points importants de cet article en répondant à ce questionnaire sous forme de QCM. 1. Concernant la NF2, cochez la proposition fausse : A : La NF2 est une maladie génétique à transmission autosomique dominante ; B : Le gène de la NF2 se localise sur le chromosome 22 ; C : Elle est dix fois plus fréquente que la NF1 ; D : Le pourcentage de néomutations est élevé. 2. La NF2 se caractérise par : A : La présence de multiples neurofibromes cutanés ; B : La présence de très nombreuses taches « café au lait » ; C : La possibilité de développer un gliome des voies visuelles ; D : La possibilité de développer une cataracte précoce.

Réponses : p. 314

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3. À propos des lésions rachidiennes au cours de la NF2 : A : Les tumeurs intramédullaires de la NF2 sont souvent symptomatiques ; B : L’épendymome se développe généralement dans la moelle cervico-thoracique ; C : L’épendymome peut présenter une « coiffe » d’hémosidérine évocatrice ; D : Les neurofibromes des racines postérieures sont généralement multiples.