Vertiges de l’enfant

Vertiges de l’enfant

EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 230–248 http://france.elsevier.com/direct/EMCORL/ Vertiges de l’enfant Vertigo in children S. Wiener-Vacher * Se...

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EMC-Oto-rhino-laryngologie 2 (2005) 230–248

http://france.elsevier.com/direct/EMCORL/

Vertiges de l’enfant Vertigo in children S. Wiener-Vacher * Service d’otorhinolaryngologie, Hôpital Robert Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris cedex 19, France

MOTS CLÉS Vertiges ; Vertige bénin paroxystique ; Trouble de vergence ; Problèmes oculaires ; Équilibre ; Névrite ; Labyrinthite ; Fracture du rocher

KEYWORDS Vertigo; Benign paroxysmal vertigo; Migraine; Vergence insufficiency; Ocular disorders; Balance; Neuritis; Labyrinthitis; Temporal bone fracture

Résumé Les vertiges et troubles de l’équilibre de l’enfant, lorsqu’ils sont reconnus, inquiètent les médecins et les familles et conduisent beaucoup trop souvent à une imagerie inutile et coûteuse avant même un bon examen clinique oto-neuro-vestibulaire. La rédaction de ce travail a utilisé les résultats d’une étude conduite sur 14 ans sur plus de 2 000 patients adressés pour vertiges ou troubles de l’équilibre dans l’unité d’explorations fonctionnelles vestibulaires du service d’otorhinolaryngologie pédiatrique de l’hôpital Robert Debré (Paris). Les principaux signes évoquant une atteinte de l’appareil de l’équilibre ainsi que les principales étiologies retrouvées chez l’enfant (équivalents migraineux, troubles ophtalmologiques, vertige paroxystique bénin de l’enfant et traumatisme) sont détaillés ici. Ceci a permis de définir la meilleure conduite à tenir diagnostique et thérapeutique devant un vertige de l’enfant. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract When vertigo and dizziness are diagnosed in a child, this is a matter of concern for the physician and the child’s family. Prior to a comprehensive otological, neurological and vestibular clinical examination, physicians often prescribe CT Scanning or NMR. In most cases, such expensive testing is unnecessary. The present work is based on the results of a 14-year study conducted with a sample of more than 2000 patients referred for vertigo and balance disorders to the functional vestibular evaluation unit of the ENT paediatric department at Robert Debré Hospital (Paris). The clinical signs of vestibular deficit and the most frequent origins of vertigo and dizziness in children are detailed (migraine equivalent, ophthalmologic disorders, benign paroxysmal idiopathic paediatric vertigo, temporal bone fracture), which has been helpful in determining the best diagnostic procedure and therapy for vertigo in children. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction La sensation vertigineuse, c’est-à-dire l’information erronée de mouvement, peut être due, chez l’enfant comme chez l’adulte, à une anomalie de fonctionnement des trois grands systèmes sensoriels fournissant cette information, à savoir le sys* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Wiener-Vacher).

tème visuel, le système vestibulaire et le système proprioceptif-somesthésique. Le vertige chez l’enfant, lorsqu’il est reconnu, est un symptôme qui panique en général les familles et les médecins ! Les vertiges et troubles de l’équilibre conduisent alors souvent à un excès de prescription d’explorations fonctionnelles inutiles et coûteuses (imagerie par résonance magnétique [IRM], scanner) sans aider à une prise en charge thérapeutique adaptée. Ceci est dû en grande partie à l’anxiété provenant de la méconnaissance d’une conduite diagnostique claire

1762-5688/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcorl.2005.01.001

Vertiges de l’enfant visant à ne pas manquer le diagnostic de « tumeur de la fosse postérieure », diagnostic tant redouté et en fait rare (moins de 1 % des vertiges de l’enfant). Devant les vertiges de l’enfant, que doit-on faire ? Ceci est donc une question importante. Les sensations vertigineuses sont un symptôme qui n’est pas facile à reconnaître chez l’enfant et bien des médecins pensent qu’il est rare. L’incidence des vertiges est en fait sous-estimée pour plusieurs raisons : • une mauvaise reconnaissance du symptôme : le vertige peut passer inaperçu chez les enfants très jeunes qui ne peuvent pas décrire leur sensation vertigineuse et où seuls sont apparents les signes associés aux vertiges (ataxie, vomissements, pâleur, douleurs abdominales), ce qui oriente le médecin vers des pathologies digestives (gastroentérites par exemple) ou neurologiques (tumeurs de la fosse postérieure) et ne les conduit pas à effectuer les tests adaptés ; • une méconnaissance des différentes causes de vertiges et de leur fréquence est liée à une mauvaise connaissance du système vestibulaire et de son importance dans le contrôle postural et moteur chez l’enfant. Ceci est aussi la conséquence de l’absence pendant longtemps de tests adaptés aux jeunes enfants explorant la fonction vestibulaire dans sa totalité ; • l’absence d’une attitude diagnostique cohérente tenant compte de la fréquence de chaque pathologie pédiatrique s’exprimant par les vertiges en fonction de l’âge, et la méconnaissance de tests cliniques simples qui permettent d’orienter le diagnostic, de la connaissance des risques et coûts des différentes explorations demandées. Ceci a laissé et laisse encore un grand nombre de vertiges de l’enfant sans aucun diagnostic étiologique précis et sans traitement adapté. Ce texte va donc essayer de donner une réponse aussi précise et concrète que possible à ces questions.

231 Lorsque l’enfant peut s’exprimer il peut dire : « la maison tourne ». L’enfant un peu plus grand n’a pas toujours spontanément assez de vocabulaire pour définir sa sensation et se satisfait très vite du mot vertige immédiatement proposé par l’entourage. Lors de l’interrogatoire, il est important de proposer différentes définitions à un enfant ayant des troubles de l’équilibre, de les mimer afin qu’il choisisse ce qui correspond le plus à ce qu’il ressent et de s’approcher ainsi du diagnostic. Les troubles de l’équilibre chez l’enfant peuvent se traduire par des chutes fréquentes, une impossibilité de se tenir debout (ataxie) ou des troubles de la marche. La sensation de vertige peut être très bien supportée ou au contraire associée à des nausées, une inappétence, des vomissements, des douleurs abdominales (« mal au ventre »), des céphalées et des troubles neurovégétatifs (pâleur, tachycardie pouvant aller jusqu’au malaise vagal).

D’où viennent les sensations de mouvement et la sensation vertigineuse ? Nous percevons le mouvement de notre tête grâce à trois types de récepteurs de mouvements : les récepteurs vestibulaires, visuels et somesthésiques (superficiels et profonds ou proprioceptifs). Les récepteurs vestibulaires sont situés dans l’oreille interne, cavité osseuse creusée dans le rocher, qui abrite aussi l’appareil de l’audition. Ils perçoivent les mouvements de rotation et de translation ainsi que la position de la tête par rapport à la gravité. Les récepteurs visuels perçoivent les mouvements de notre corps dans l’espace par rapport à des repères proches ou lointains. Les récepteurs proprioceptifs situés au niveau des tendons, des articulations, de la peau perçoivent les mouvements et la position des différentes parties de notre corps ainsi que leur contact au sol (plante des pieds pendant la marche par exemple, fesses en position assise) (Fig. 1). Point important

Le symptôme : vertige Qu’est-ce que le vertige ? La sensation de vertige provient d’une distorsion de la sensation de mouvement du corps dans l’espace. Cette distorsion peut être une rotation (comme un manège) ou une translation (sensation de chute de pulsion, de bascule) ou simplement une sensation d’instabilité. L’enfant très jeune ne pouvant exprimer ce qu’il ressent s’agrippe à ses parents, demande à être porté, refuse de se mettre debout et s’endort.

La distorsion sensorielle responsable du vertige peut provenir du mauvais fonctionnement d’un ou de plusieurs de ces récepteurs sensoriels de mouvement mais aussi de toutes les structures centrales participant à l’analyse et à l’intégration des informations de mouvement et de position de la tête et du corps Dysfonctionnement d’un ou des récepteurs sensoriels de mouvement La sensation de vertige peut provenir en premier lieu du vestibule ou/et des yeux et plus accessoire-

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Figure 1 Vertige et équilibre.

ment des récepteurs proprioceptifs. Le dysfonctionnement du vestibule peut induire une sensation vertigineuse (grand vertige rotatoire, latéropulsion, chute, tangage) qui peut être brève ou de plusieurs heures, liée aux mouvements ou aggravée par les mouvements de la tête. Il s’y associe souvent en période aiguë des mouvements caractéristiques des yeux : le nystagmus. Le nystagmus est composé de mouvements conjugués des deux yeux associant une phase lente suivie d’une phase rapide. La phase rapide est importante à reconnaître en clinique car elle indique le côté des récepteurs vestibulaires les plus actifs (une lésion droite s’accompagnant par exemple d’un nystagmus gauche de direction constante). Un trouble visuel peut être également responsable de vertiges, surtout lorsqu’il vient perturber la vision binoculaire dynamique (vision asymétrique, troubles de la vergence). Les vertiges sont alors souvent liés au surmenage visuel (longues séances de jeux vidéo, d’ordinateur, de télévision, de lecture), survenant aux mouvements de la tête ou seulement du regard, mais une cause visuelle ne donnera jamais à elle seule un grand vertige rotatoire de plusieurs heures contrairement à un trouble vestibulaire. Les troubles de la proprioception ne donnent pas de grands vertiges mais des sensations d’instabilité ou des chutes fréquentes. Dysfonctionnement des structures centrales participant à l’analyse et l’intégration des mouvements et des positions du corps Après les récepteurs sensoriels, l’information de mouvement est intégrée au niveau du tronc cérébral puis « interprétée » par un très grand nombre de structures cérébrales, impliquées dans des fonctions cognitives et affectives. Un dysfonctionnement à un des niveaux d’intégration peut induire une distorsion sensorielle. Dans ce cas, la réponse des récepteurs peut être normale, liée à une stimu-

lation périphérique réelle, mais son interprétation centrale est erronée ou excessive (mal des transports par exemple), ou bien la réponse des récepteurs est indépendante de toute stimulation périphérique et générée par les centres eux-mêmes (l’exemple type d’une sensation vertigineuse purement centrale est le vertige des hauteurs).

Examen clinique oto-neuro-vestibulaire de l’enfant vertigineux Au lit du malade il est déjà possible de faire un rapide examen clinique otologique vestibulaire et neurologique. Le syndrome vestibulaire peut se reconnaître à une perte d’équilibre latéralisée : tendance à la chute toujours du même côté les yeux fermés et debout sur un sol dur ou sur le matelas, ce qui perturbe les informations proprioceptives et sensibilise le test. L’observation des yeux peut révéler un battement régulier (alternant phases rapides, phases lentes) correspondant à un nystagmus. Ce nystagmus est très vite inhibé par la fixation oculaire et donc visible uniquement grâce à des lunettes rendant la vision floue (lunettes de Frenzel). La phase rapide du nystagmus indique le vestibule le plus excitable (et sera de direction opposée à une lésion). On recherche un nystagmus provoqué par les positions couchées sur les côtés (central ou périphérique). Il faut vérifier si l’enfant entend bien de ses deux oreilles : en secouant près de l’oreille un objet sonore (clés par exemple) sans que l’enfant le voit, en chuchotant à une oreille des mots qu’il doit répéter alors que l’on bouche le pavillon de l’autre oreille en bougeant le tragus pour réaliser un masquage et empêcher cette oreille de répondre à la place de l’autre. Cette acoumétrie clinique peut se

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Figure 2 Recherche d’une déviation posturale statique et dynamique. Sur sol dur ou sol mou ; yeux ouverts ou fermés (A, B).

faire en demandant à l’enfant de désigner des images ou des dessins qu’on lui montre sur un papier et qui correspondent aux mots chuchotés à 30 cm de son oreille. Il faut faire une otoscopie et un examen neurologique rapide mais complet. Les premiers examens complémentaires à demander au moindre doute sont l’examen audiovestibulaire et l’examen ophtalmologique.

Examen vestibulaire clinique de base L’examen audiovestibulaire est fait par un otorhinolaryngologiste et comprend : un interrogatoire « policier » de l’entourage et de l’enfant si celui-ci est assez grand pour raconter ce qui lui est arrivé, et une série de tests cliniques. Ces tests cliniques sont accessibles sans aucun matériel sophistiqué, c’est-à-dire à la disposition de tout praticien. Nous allons les énumérer avec quelques détails. • Observation du comportement postural et moteur spontané pendant les jeux, étude du contrôle postural lors de la marche, du saut sur sol dur et sol mou avec les yeux fermés si possible (Fig. 2,3). Un déficit vestibulaire bilatéral s’accompagne de chutes fréquentes et de déséquilibre lors des rotations rapides de la tête et chez le très jeune enfant, d’une hypotonie axiale.1–3 • Étude de l’oculomotricité (Fig. 4) : elle comporte l’étude des mouvements conjugués des yeux lors de la poursuite d’une petite cible dans le plan frontal et dans le plan sagittal médian (pour la convergence oculaire). Elle comporte aussi l’étude de la précision des saccades oculaires lorsqu’on demande à l’enfant par exemple de regarder un petit jouet qui apparaît derrière un carton percé de trous.

Figure 3 Observation de l’activité spontanée (A à D).

• Recherche, avec des lunettes de vidéoscopie (ou des lunettes de Frenzel), d’un nystagmus spontané ou révélé par des mouvements de la tête, ou d’une instabilité du regard dans les regards légèrement excentrés (qui en l’absence de nystagmus spontané correspond au gaze nystagmus d’origine centrale) (Fig. 5). • Recherche de saccades de rappel lors d’impulsions rotatoires rapides de la tête (dans le plan horizontal et le plan sagittal) pendant que le sujet fixe son regard sur une cible (head impulsion test de Halmagyi) (Fig. 6). La présence

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Figure 4 Étude de l’oculomotricité. A. Gaze nystagmus (20°, 20 cm) ; B. Poursuite, motricité et convergence oculaire. C. Optocinétique. D. Saccades.

Figure 6 Test d’impulsion rotatoire de la tête (test d’Halmagyi) : peut tester les six canaux (A, B). Rotation de la tête passive, rapide, brève, imprédictible dans le plan du canal étudié. Saccade de rattrapage : déficit vestibulaire complet du côté de la rotation de la tête avec saccade. Si trouble de convergence oculaire : normal quand la cible est éloignée.

Figure 5 Recherche d’un nystagmus spontané ou révélé par le secouement de la tête. Observation sous lunettes de Frenzel ou vidéoscopie pour éviter l’inhibition d’un éventuel nystagmus par la fixation. Manœuvre de secouement rapide de la tête pour révéler une prépondérance directionnelle (qui peut être périphérique ou centrale).

d’une saccade de rappel indique un déficit complet du canal semicirculaire situé dans le plan de rotation et du côté de la rotation. Cette manœuvre peut être faite dans le plan de 6 canaux semi circulaires. Cependant on peut obtenir une saccade de rappel lorsqu’il existe un défaut de convergence oculaire ou une amblyopie, dans ce cas la saccade obtenue est moins reproductible et en cas de troubles de convergence oculaire cette saccade disparaît lorsque la cible est placée à distance (plus de 1 m 50). • Inhibition par la fixation des réponses vestibulooculaires (VOR) et optocinétiques (OKN) (Fig. 7) : l’enfant étant assis ou sur les genoux d’un parent sur un fauteuil qui peut tourner doit garder son attention et son regard sur un petit

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Figure 8 Recherche d’un nystagmus révélé par les changements de position. Vertige paroxystique positionnel bénin (cupulocanalolithiase) : latence, géotropique, épuisable, adaptable, horizontorotatoire, rare chez l’enfant. Atteinte centrale : pas de latence, non adaptable ni épuisable, direction variable, multidirectionnel, rarement isolé.

Figure 7 Optocinétique et réponses vestibulo-oculaires et leur inhibition par la fixation. Inhibition à 100 % chez les enfants très jeunes si l’attention est soutenue. Si pas d’inhibition à 100 %, âge supérieur à 2 ans : atteinte cérébelleuse.

jouet ou un bonbon tenu devant lui et tournant avec lui. Un enfant dès l’âge de 1 an peut garder son regard fixe sur une cible et inhiber à 100 % les mouvements OKN et VOR que le mouvement du fauteuil génère s’il est parfaitement attentif pendant la rotation. • Recherche d’un nystagmus provoqué par la position de décubitus latéral droit et gauche (Fig. 8). On peut mettre l’enfant en position couchée sur le côté, soit sur une table d’examen, soit dans les bras d’un parent. Le regard de l’enfant est gardé dirigé vers un jouet ou un endroit dans la pièce. On peut mettre ainsi en évidence, soit un nystagmus évoquant une canalolithiase (vertige paroxystique positionnel bénin rare chez l’enfant) ou un nystagmus d’origine centrale. • Le test calorique (Fig. 10) est un complément indispensable de l’examen clinique vestibulaire (cf. infra).

Examen neurologique clinique Il est incontournable devant un patient porteur de vertiges ou de troubles de l’équilibre. Il peut être effectué très rapidement (moins de 10 min) et si on prend l’habitude de faire cet examen, lorsqu’une anomalie existera, elle sera d’autant plus facile à reconnaître.

Examen des paires crâniennes • L’olfaction (I) : la tâche sera de déterminer quelle est celle de nos deux mains mouillées qui a été parfumée avec une goutte de vanille. • La vision (II) sera appréciée par la poursuite binoculaire puis monoculaire (l’autre œil étant caché), la tâche étant de suivre un petit jouet, et le champ visuel (l’enfant fixe notre nez et doit attraper les doigts de nos mains qui bougent et pas ceux qui restent immobiles dans les zones très latérales du champ visuel. • L’oculomotricité (III, IV, VI), faite dès le début de l’examen vestibulaire, apprécie le déplacement conjugué des deux yeux durant la tâche de poursuite d’un petit jouet que l’on déplace dans le plan frontal puis que l’on rapproche vers la racine du nez pour juger de la qualité et la symétrie de la convergence oculaire ; la IIIe paire crânienne sera également évaluée pour sa partie intrinsèque par la contraction pupillaire obtenue lors de l’éclairage de la pupille avec la lumière de l’otoscope (du même côté ou en consensuel). • La sensibilité de la face (V) sera appréciée par le toucher mais aussi par la sensation froide ressentie au contact de la surface métallique de l’abaisse-langue sur la face jugale des joues et la peau du visage. • La motricité du visage lors de la réalisation de grimaces (siffler, souffler, bouger le nez, ouvrir très grand les yeux) et surtout la symétrie des contractions des muscles de la face attestent du bon fonctionnement du nerf facial (VII). • La contraction symétrique du voile et du pharynx avec l’abaisse-langue ainsi que l’absence

236 de fausses routes lors de la boisson rendent compte de l’intégrité des nerfs mixtes (IX, X, XI) et la symétrie de force de haussement des épaules celle du XI spinal. • La symétrie de la langue lorsque l’enfant tire la langue et la met à droite et à gauche élimine une atteinte du XII. Examen neurologique somatique clinique (Fig. 9) On vérifie la somesthésie (chaud-froid, pique-touche), la motricité, le tonus musculaire (en recherchant une spasticité ou une hypotonie en comparant les côtés droit et gauche) ; on recherche l’existence des réflexes ostéotendineux aux quatre membres, le signe de Babinski (anormale extension des orteils lors de la stimulation du bord latéral de la plante des pieds) et des signes d’atteinte cérébelleuse (réflexes ostéotendineux [ROT] vifs diffusés polycinétiques, roue dentée, dysmétrie lors du doigt-nez ou du talon-genou ou grande imprécision des gestes lors de tâches de préhension de petits jouets pour les placer dans un petit godet, adiadococinésie lors des mouvements de marionnettes avec les mains), autant de signes qui peuvent venir s’ajouter à une hypermétrie des saccades oculaires (l’œil dépassant la cible), une poursuite oculaire saccadique ou un défaut d’inhibition par la fixation oculaire des réflexes optocinétique et vestibulo-oculaire déjà retrouvé lors de

S. Wiener-Vacher l’étude de l’oculomotricité, et qui complèteront le syndrome cérébelleux. L’étude de la sensibilité profonde peut être faite aux membres supérieurs : on demande à l’enfant, pendant qu’il garde les yeux fermés, d’attraper avec une de ses mains le pouce de l’autre main qui est placée n’importe où par l’examinateur (s’il n’existe pas de déficit moteur, une atteinte de la sensibilité profonde se traduira par un acte manqué, la main ne pouvant pas être retrouvée yeux fermés du côté du déficit). Le même test peut être fait aux membres inférieurs avec la tâche talonsgenoux yeux fermés ou détermination yeux fermés de la position imprimée aux orteils (haut-bas) par l’examinateur. Chez le jeune enfant (jusqu’à 4-5 ans), l’examen compare les deux hémicorps : lors de la motricité spontanée, lors de jeux de préhension d’objets ou d’accrochage d’un appui par les mains lors du passage de la position couchée à debout, lors de la marche ou de la course. La tonicité musculaire est comparée lors des flexions et extensions aux membres supérieurs (signe du foulard), aux membres inférieurs (en flexion et extension jambes pliées et jambes tendues) et au niveau du dos (flexion et extension du dos). Les ROT sont recherchés aux quatre membres. La recherche du réflexe cutanéoplantaire permet de détecter un signe de Babinski

Figure 9 Examen neurologique : paires crâniennes, tonus, force musculaire, sensibilité, réflexe ostéotendineux, recherche du signe de Babinski, de signes d’atteinte cérébelleuse. A. Signe du foulard. B. Tonus des membres inférieurs. C. Réflexe ostéotendineux. D. Trépidation à la flexion du pied. E. Précision des gestes fins.

Vertiges de l’enfant (lors de la stimulation de la plante du pied, on obtient normalement une flexion des orteils dès que la marche autonome a été acquise ; le signe de Babinski est une extension des orteils, il est physiologique avant que la marche autonome soit acquise). Le test de l’audition est complémentaire en cas de vertiges. Un vertige ou un trouble de l’équilibre peut être le signe d’une atteinte de l’oreille interne où se trouvent les appareils de l’audition et de l’équilibre. Les tests de l’audition sont indispensables devant tout enfant vertigineux (ou instable) en complément de l’examen vestibulaire et neurologique pour apprécier la fonction des deux modalités fonctionnelles de l’oreille interne. L’audition sera évaluée par un audiogramme tonal et vocal. Des tests plus complets peuvent être effectués dans des services spécialisés d’exploration fonctionnelle audio-vestibulo-oculaire (otoémissions, réflexes d’orientation conditionnés [ROC], potentiels évoqués auditifs [PEA]), mais ils peuvent être faits secondairement.

237 détecter les atteintes périphériques même anciennes et bien compensées. Ce test calorique est donc au premier plan de l’examen vestibulaire de base. L’évaluation de la fonction vestibulaire se fait en enregistrant les réponses vestibulo-oculaires et vestibulospinales obtenues en réponse à des stimulations vestibulaires. Les stimulations vestibulaires peuvent intéresser le système des canaux semicirculaires (c’est le cas du test calorique ou des rotations selon un axe vertical) ou bien les organes otolithiques (c’est le test OVAR ou RAIG, les potentiels myogènes sacculocolliques, la mesure de la verticale subjective).

Tests de la fonction canalaire Test calorique (Fig. 10) On utilise l’irrigation de chaque conduit auditif externe avec successivement de l’eau à 30 °C et

Examen ophtalmologique Il doit comprendre une mesure de l’acuité visuelle, mais aussi une mesure de la réfraction oculaire sous dilatateurs du système d’accommodation (type Skiacol® ou Mydriaticum®) sans oublier un bilan orthoptique. Or, peu d’ophtalmologistes effectuent eux-mêmes un bilan orthoptique, travail qui est en France généralement effectué par des orthopticiens. Cet examen statique teste les limites de fusion de la vision binoculaire à l’aide de prismes qui obligent l’œil à diverger ou converger pour fusionner les images des deux rétines. Ceci est effectué pour la vision de près et la vision de loin. Ce bilan permet de diagnostiquer des ésophories (différence de hauteur des yeux), des strabismes ou des défauts de convergence oculaire. Il n’existe pas encore de test bien colligé permettant une évaluation objective des capacités de vergence oculaire dynamique (étude en cours).

Explorations vestibulaires Les méthodes d’évaluation de la fonction vestibulaire ont fait de gros progrès depuis une dizaine d’années et nous avons la possibilité d’effectuer une évaluation très complète de la fonction vestibulaire canalaire et otolithique. Cependant, le test de base et le plus accessible pour tout otorhinolaryngologiste est le test calorique qui, bien qu’étant très incomplet (et il faut en connaître les limites), permet de distinguer dans une grande majorité des cas les atteintes vestibulaires de celles qui ne le sont pas et de

Figure 10 Test calorique: indispensable. A. Irrigation eau 30 °C et 44 °C/30 s chaque oreille. Observation de la réponse vestibulo-oculaire (Frenzel ou vidéo) avec, soit une mesure de la fréquence des phases rapides ou des vitesses des phases lentes. B. Diagramme de G. Freyss montrant ici une hypovalence droite sans prépondérance directionnelle.

238 44 °C pendant 30 secondes, pour induire un mouvement de l’endolymphe des canaux semi-circulaires externes placés en position verticale, mouvement qui va induire des secousses conjuguées des yeux (appelées nystagmus) correspondant à la réponse vestibulo-oculaire. Les canaux horizontaux sont placés verticaux en installant l’enfant sur un plan incliné de 30° par rapport à l’horizontale. Le nombre de nystagmus est mesuré pendant 30 secondes à partir de la 30e seconde suivant le début de l’irrigation, et comparé entre les différentes stimulations. Ces résultats sont représentés sur un diagramme mis au point par G. Freyss et qui visualise la symétrie des réponses des deux oreilles droite et gauche (ou valence) et l’équilibre des systèmes nystagmiques droits et gauches (appelé prépondé-

S. Wiener-Vacher rance directionnelle normalement < 15 %). Juste après l’irrigation et la mesure de la réponse, on peut mettre l’enfant debout les yeux fermés si possible pour voir si la stimulation du vestibule est responsable d’une déviation posturale (à 30 °C, chute vers le côté stimulé, à 44 °C, chute vers le côté opposé). Une telle déviation lorsqu’on l’observe est l’indication du bon fonctionnement de la voie vestibulospinale du côté stimulé. Test pendulaire (Fig. 11A,B) Le sujet est assis sur un fauteuil rotatoire et soumis à des rotations sinusoïdales (de fréquence 0,05 Hz et de vitesse de 25°/s). Le réflexe vestibulooculaire enregistré correspond à la stimulation des canaux semi-circulaires externes, la fréquence et

Figure 11 A. Réponses vestibulo-oculaires. Enregistrement : électro-oculographie, vidéo-oculographie, les deux techniques ont leurs avantages et inconvénients, mais chez le très jeune enfant, l’électro-oculographie est mieux acceptée. Les électrodes de surface sont utilisées pour enregistrer les mouvements horizontaux et verticaux des yeux pendant les stimulations vestibulaires. B. Évaluation de la fonction vestibulaire. Obscurité complète, fauteuil rotatoire piloté par ordinateur. Test EVAR-OVAR : Impulsions rotatoires selon un axe vertical ou EVAR (earth vertical axis rotation) : accélération 40°/s2. Rotation selon un axe incliné par rapport à la gravité ou OVAR (off vertical axis rotation) : rotation à 60°/s, et 13° d’inclinaison//gravité.

Vertiges de l’enfant la vitesse des phases lentes des nystagmus doivent être normalement symétriques. Les asymétries existent en période aiguë après une atteinte périphérique du vestibule et sont très rapidement gommées par les processus de compensation centrale. Une aréflexie bilatérale se présente comme une absence de réponse. Impulsions rotatoires selon un axe vertical (Fig. 12A,B)4 Le sujet est assis sur un fauteuil rotatoire dans l’obscurité. Ce fauteuil permet d’appliquer de brè-

239 ves accélérations et décélérations angulaires selon un axe vertical (40°/s2, pendant 1,5 s) qui sont suivies par une vitesse de rotation constante. Ces impulsions rotatoires produisent respectivement une excitation et une inhibition des canaux semicirculaires externes et une réponse vestibulooculaire qui va être enregistrée et mesurée (vitesse des phases lentes et durée de la réponse). Cette réponse atteint très rapidement un maximum puis décroît progressivement en 20 à 60 secondes en fonction de l’âge du sujet (moins de 18 à 20 s chez le très jeune enfant, plus souvent 20 s chez l’adulte jeune). Une atteinte du vestibule se traduit par une absence de réponse du côté atteint ou une diminution de la réponse en amplitude et en durée. Une asymétrie des réponses signe une atteinte unilatérale. Les processus de compensation centrale vont progressivement gommer cette asymétrie aux dépens cependant de la durée des réponses qui sont alors très brèves des deux côtés (signant une très probable inhibition centrale).

Tests de la fonction otolithique Test de rotation inclinée par rapport à la gravité (Fig. 13A,B) Test OVAR ou test RAIG : le fauteuil rotatoire sur lequel le sujet est assis dans l’obscurité est tourné à vitesse constante selon un axe incliné par rapport à la gravité. Ce mouvement produit une stimulation globale du système otolithique et en retour une réponse vestibulo-oculaire qui est enregistrée et mesurée.4–8

Figure 12 EVAR (earth vertical axis rotation) test : impulsions rotatoires//axe vertical. A. Le fauteuil tourne par rapport à un axe vertical avec une accélération initiale de 40°/s2 suivie d’une vitesse de rotation constante (60°/s en per-rotatoire et 0 % en postrotatoire). B. Le tracé du bas montre l’évolution dans le temps de la vitesse des yeux qui passe par un maximum suivi d’une diminution progressive en 20 secondes après l’accélération initiale.

Mesure de la verticale subjective (Fig. 14) C’est une mesure qui évalue la précision avec laquelle un sujet assis dans le noir peut placer en position verticale une barre phosphorescente à l’aide d’une commande à distance avec une précision de +/- 2°. Ce test n’est applicable qu’aux enfants de plus de 7 à 8 ans. Les enfants plus jeunes ne connaissent pas la notion de verticale jusqu’à l’âge de 2 à 3 ans et ne peuvent donc pas effectuer la tâche, les enfants de 4 à 8 ans sont très imprécis pour reproduire la verticale dans ces conditions (précision de +/- 4°). Une atteinte récente (moins de 3 mois) de la partie otolithique du vestibule se traduit par une déviation de la perception de la verticale subjective du côté de la lésion vestibulaire. Les phénomènes de compensation normalisent ensuite ces résultats. Potentiels myogènes sacculocolliques (ou PEOM : potentiels évoqués otolithiques myogènes) (Fig. 15A,B) Les voies vestibulospinales sont stimulées à l’aide de sons pulsés (tone burst) ou de clicks de forte inten-

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Figure 14 Verticale et horizontale subjectives. Avant 4 ans, la notion de verticalité n’est pas comprise, alors que le corps peut reproduire la verticale. De 4 à 8 ans, la verticalité peut être reproduite mais avec une grande variabilité d’appréciation : ± 4°. Après 8 ans, le test est effectué avec autant de précision que chez l’adulte : ± 2°.

sité (100 à 110 dB) distribués au niveau de chaque oreille. On enregistre l’effet de cette stimulation sur la contraction active des muscles sterno-cléidomastoïdiens enregistrée par électromyographie. Une absence de réponse signifie une atteinte de la voie sacculospinale. On peut effectuer ce test chez l’enfant dès que celui-ci est capable de bien tenir sa tête (à partir de 3 à 4 mois). La contraction active des muscles est obtenue, soit en penchant en arrière l’enfant qui est assis sur les genoux d’un parent, soit s’il est plus grand et coopérant (> 5 à 6 ans) en lui demandant d’appuyer sur la main de l’examinateur avec son menton.7

Figure 13 OVAR test (off vertical axis rotation : teste la fonction otolithique) ou test RAIG. A. Le fauteuil est incliné de 13°par rapport à la gravité et tourné à une vitesse constante de 60°/s (d’après Darlot C et al. Exp Brain Res 1988). B. Les deux tracés du bas montrent les caractéristiques des composantes horizontales et verticales de la réponse vestibulo-oculaire otolithique en réponse à une rotation OVAR horaire OVAR. La modulation des mouvements oculaires (en position aussi bien qu’en vitesse des phases lentes) est synchronisée avec la position du fauteuil pendant la rotation.

Équivalents migraineux Fille de 7 ans Depuis 1 mois, plusieurs épisodes de vertiges, nausées et maux de tête de 1/2 heure à 1 heure, photophobie À l’école, en fin de journée, après la télévision, la lecture Bilan oto-neuro-vestibulaire : normal en dehors d’une hypovalence canalaire droite isolée au test calorique ( ?) Scanner : normal Examen ophtalmologique : hypermétropie et trouble de la convergence ; lunettes et rééducation orthoptique Traitement médical antimigraineux : antiinflammatoires non stéroïdiens et antalgiques

Vertiges de l’enfant

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Figure 15 Potentiels évoqués otolithiques myogènes (PEOM) ou vestibular evoked myogenic potentials (VEOM). A. Tone burst : 6,6 ms, 750 Hz, 5/s, > 95 dB. Contraction active tête tournée vers le côté opposé au stimulus. B. Méthodes pour obtenir une contraction active des muscles du cou chez l’enfant. L’enfant est assis sur les genoux d’un parent, son tronc est basculé vers l’arrière tandis que l’on maintient le haut de son dos ; l’enfant essaie de se redresser pour attraper le jouet. L’enfant appuie sur son poing alors qu’il tourne sa tête vers le côté opposé à la stimulation pour augmenter l’amplitude de la contraction du muscle sterno-cléidomastoïdien dont il voit le tracé électromyographique sur l ‘écran.

Quelles sont les causes de vertige chez l’enfant ? Équivalents migraineux Parmi les diagnostics à évoquer devant les vertiges de l’enfant, le plus fréquent est celui d’équivalents migraineux (25 %) (Fig. 16) : le vertige s’associe à des céphalées, les précède, les accompagne ou survient en alternance avec les céphalées. Ces vertiges équivalents migraineux sont souvent mal tolérés (nausées, vomissements ne sont pas exceptionnels) et peuvent s’accompagner de photophobie

(symptôme caractéristique de la nature migraineuse de l’épisode). Les épisodes de vertiges équivalents migraineux peuvent durer plusieurs heures, surviennent plus souvent à la fatigue, en fin de journée. Les examens otologiques, vestibulaire et neurologique sont strictement normaux. La fréquence et l’intensité des équivalents migraineux sont souvent aggravées par l’existence de troubles ophtalmologiques (troubles de réfraction méconnus et non corrigés, troubles de la convergence oculaire).9 Tout équivalent migraineux devrait avoir un bilan ophtalmologique complet pour éliminer ce facteur aggravant. Le traitement des équivalents

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Figure 16 Diagnostics à évoquer devant des vertiges de l’enfant. SNC : système nerveux central ; VPPB : vertige paroxystique positionnel bénin.

migraineux de l’enfant doit d’abord commencer par l’éviction des facteurs aggravants (problèmes ophtalmologiques, hygiène de vie, sommeil correct, diminution du stress, prise en charge psychologique si nécessaire) associée à des traitements antalgiques simples (paracétamol, antiinflammatoires isolés ou en association, acide acétylsalicylique). Cette seule attitude thérapeutique suffit souvent à diminuer la fréquence et l’intensité des crises. Si ces mesures préventives sont insuffisantes, un traitement par des dérivés de l’ergot de seigle à faibles doses peut être efficace mais ne peut être donné au long cours chez l’enfant. Les dérivés antisérotoninergiques ne sont pas autorisés avant l’âge de 12 ans et ne seront envisagés que dans les cas réfractaires. Le début très précoce des épisodes (durant les deux premières années de vie), leur caractère récidivant et régulier (tous les mois ou les 2 mois) sans facteur déclenchant et très mal toléré (vomissements) alors qu’il existe des antécédents familiaux de migraine vraie (voire de migraines accompagnées) doivent faire évoquer une ataxie épisodique de type II, maladie génétique dont le traitement est différent de la migraine vraie. En effet, dans ce cas, les crises peuvent se résoudre avec un traitement d’acétazolamide mais le traitement au long cours favorise chez certains patients la lithiase rénale. La réponse à ce traitement a actuellement valeur diagnostique. Chez l’enfant, on peut se tourner en premier recours vers le traitement avec de la L-leucine beaucoup mieux toléré et qui semble être efficace chez les enfants jeunes présentant cette pathologie sans avoir les effets secondaires et complications de l’acétazolamide (traitement en cours d’évaluation).

Vertige paroxystique bénin de l’enfant (20 %) Il est le second diagnostic à envisager en fréquence. Il doit être évoqué surtout chez les enfants de 2 à 3 ans, si et uniquement si le vertige est bref (moins de 10 min) non associé à une céphalée (enfant non douloureux), en général bien supporté (parfois pâleur, nausées mais rarement vomissements) et n’ayant pas de retentissement sur les activités entourant la période de malaise. Le bilan otologique, vestibulaire et neurologique clinique est normal. Les épisodes peuvent se répéter pendant quelques mois, voire 1 an, et disparaissent spontanément. Si ces symptômes surviennent chez des enfants un peu plus âgés (4 à 5 ans ou plus), il est fondamental de rechercher une autre cause et en particulier un trouble ophtalmologique avant de retenir ce diagnostic. Aucun traitement n’est en général nécessaire. Il est important d’informer les parents de la bénignité de cette affection de cause inconnue et de leur demander de revenir si les symptômes ne s’amendaient pas ou se modifiaient. Il n’est pas utile de faire une IRM dans ces cas particuliers où les examens otologiques neurologiques et vestibulaires sont normaux ; l’IRM n’est pas sans risque à cet âge (anesthésie générale et relativement traumatisante) et coûteuse, alors qu’elle est toujours normale dans ces cas.

Contexte de traumatisme crânien (10 %) Les vertiges doivent être pris très au sérieux car ils peuvent être le signe d’une fracture du rocher ou/et d’une fistule périlymphatique.10 Une fracture ou fissure de la coque de l’oreille interne, en

Vertiges de l’enfant

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Vertige paroxystique bénin Garçon de 2 ans 1/2 Quatre épisodes récurrents de vertiges : dit « la maison tourne » Durée brève : quelques secondes, moins de 10 minutes S’accroche ou s’asseoit Mouvement oculaires (nystagmus ?) parfois observés Assez bien toléré : pas de douleurs, ni nausées, ni vomissements ? Joue normalement après Bilan oto-neuro-vestibulaire : normal Demande d’examen ophtalmologique, pas d’imagerie mais revoir au bout de 4 mois ou plus tôt si changement de signes Revu au 4e mois : bilan normal Disparition spontanée des vertiges en 6 mois, pas de traitement permettant la fuite des liquides de l’oreille interne, peut conduire à une surdité évolutive et une aréflexie vestibulaire si une intervention chirurgicale de colmatage de cette fuite n’est pas effectuée rapidement. Une telle fistule expose l’enfant à des méningites récidivantes. Tout enfant ayant un trouble de l’équilibre (ataxie, déviation posturale) ou un vertige, qui plus est avec une otorragie et une hypoacousie, dans les suites immédiates d’un traumatisme crânien, devrait avoir au moins un examen otorhinolaryngologique en urgence (audiométrie et examen otovestibulaire) pour vérifier l’existence de signes de fracture du rocher (hémoptysie, otorragie, surdité de transmission, de perception ou mixte, aréflexie ou nystagmus de lésion ou d’irritation vestibulaire). Ces signes devront conduire à la réalisation d’un scanner en urgence à la recherche : • d’un trait de fracture sur l’écaille temporale passant ou non par l’oreille interne, pas toujours visible chez l’enfant ; • d’une image aérique dans le labyrinthe, signant l’ouverture de l’oreille interne dans l’oreille moyenne (signe très transitoire, disparaissant en moins de 8 jours) et l’existence d’une fistule devant être explorée chirurgicalement en urgence.

Il est intéressant de savoir que chez le jeune enfant, le trait de fracture peut ne pas être visible et pourtant s’accompagner d’une atteinte fonctionnelle vestibulaire ou auditive importante par hémorragie intralabyrinthique ou contusion labyrinthique (Fig. 17). Une atteinte fonctionnelle auditive ou/et vestibulaire qui ne fait pas sa preuve de fistule ou de traumatisme de la chaîne ossiculaire devra être revue au bout de 8 à 10 jours pour un nouveau bilan audiométrique et vestibulaire afin d’apprécier l’évolutivité des lésions ; l’aggravation des déficits audiovestibulaires conduit à suspecter un processus évolutif et une fistule, et conduit à une exploration chirurgicale alors que la stabilité des déficits ou leur amélioration fait poser le diagnostic de séquelle ou de contusion simple. La stabilité, voire l’amélioration des déficits, sera le signe d’une contusion de l’oreille interne qui récupère. L’enfant doit faire l’objet de contrôles réguliers pour confirmer cette évolution favorable.

Malformation de l’oreille interne (malformation de Mondini) Un tel tableau peut aussi être le mode de révélation d’une malformation de l’oreille interne (malforma-

Traumatisme du rocher : détecter la fistule périlymphatique, éviter l’aggravation auditive, limiter le risque de méningite Fille de 6 ans Chute d’une mezzanine, perte de connaissance + traumatisme crânien + otorragie droite, hémotympan droit, vertiges 48 heures, urgence : scanner normal, pas de contrôle 10 jours après : torticolis, hypoacousie, pas de vertiges Examen : hémotympan, pas de réflexe stapédien droit, surdité mixte droite, aréflexie vestibulaire droite au test calorique, non compensée, signe de Tullio droit aux sons forts (120 dB, 1kHz), prépondérance directionnelle droite au test RAIG : signe d’irritabilité otolithique Premier scanner revu : pneumolabyrinthe, disparu au deuxième scanner Exploration chirurgicale : fissure palatine, colmatage sans stapédectomie Évolution : récupération complète audition et vestibule, stable

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S. Wiener-Vacher moyenne aiguë (qui serait plutôt évocateur de labyrinthite). Le déficit vestibulaire et la surdité sont attestés par les explorations audiovestibulaires, et le scanner est le moyen de faire le diagnostic. La malformation d’oreille est le plus souvent isolée, parfois bilatérale, parfois rentrant dans le cadre d’un syndrome malformatif plus général (syndrome de Pendred avec hypothyroïdie, malformations vertébrales, syndrome de CHARGE associant colobome rétinien, malformations cardiaques, atrésie choanale, retard de développement psychomoteur et somatique, anomalies génitales). Les malformations de l’oreille interne sont de degré variable pour la partie cochléaire mais dans presque 100 % des cas, il existe une absence de canaux semicirculaires au niveau du vestibule. Les enfants porteurs de malformations de l’oreille interne doivent être suivis régulièrement, tant sur le plan auditif que vestibulaire, car les déficits auditifs et vestibulaires sont dans ces cas souvent évolutifs et demandent une prise en charge spécifique.

Troubles visuels

Figure 17 Prise en charge devant une suspicion d’un traumatisme du rocher lors d’un traumatisme crânien. PEOM : potentiels évoqués otolithiques myogènes.

tion de Mondini) décompensée à l’occasion d’un traumatisme crânien même léger et révélée alors par le scanner.11–13 Le tableau est celui d’un déficit vestibulaire souvent associé à une hypoacousie du côté du déficit, survenu dans les suites d’un traumatisme crânien qui peut être léger, ou sans traumatisme évident mais sans contexte infectieux viral précédant de quelques jours à 1 semaine (qui serait plutôt évocateur de névrite), ni d’otite

Dans 10 % des cas, les vertiges chez l’enfant à partir de l’âge de 5 à 6 ans n’ont comme seule et unique cause des troubles visuels.9,14–16 La correction de ces troubles visuels (port de lunettes ou/et rééducation orthoptique) à elle seule fait disparaître les troubles. Les troubles visuels peuvent être des troubles de réfraction (myopie, hypermétropie, astigmatisme) ou des anomalies de la vergence oculaire. Les sensations vertigineuses sont des sensations de rotations ou de tangage, brèves mais répétées, souvent liées à la fatigue (à l’école, en fin de journée, après des séances d’ordinateur ou de télévision prolongées, des séances de lecture prolongées), elles peuvent survenir parfois à l’endormissement ou au réveil le matin. Ces sensations peuvent être isolées ou associées à des céphalées, des nausées mais rarement des vomissements. Elles

Troubles ophtalmologiques Signes : chutes fréquentes (moins de 5 ans), vertiges après les efforts de lecture, jeux vidéo et télévision, à l’école, en fin de journée (plus de 5 ans) Jamais un grand vertige permanent Souvent céphalées (associées ou en alternance), parfois sensations vertigineuses seules ; souvent terrain migraineux Examen oto-neuro-vestibulaire normal Mais parfois, trouble de convergence visualisé Pas d’imagerie Demande de bilan ophtalmologique : mesure de la réfraction sous dilatateurs (Skiacol®) et bilan orthoptique Le traitement est ophtalmologique : port de lunettes ou/et rééducation orthoptique

Vertiges de l’enfant surviennent souvent chez des enfants ayant un terrain migraineux. L’examen peut mettre en évidence un défaut de convergence oculaire en faisant fixer une petite cible (dessin sur un abaisse-langue par exemple) tandis qu’on la rapproche progressivement sur la ligne médiane de la racine du nez. L’expression clinique de ces troubles par des vertiges est actuellement croissante chez les enfants en raison du développement des activités récréatives utilisant des écrans de télévision, ou d’ordinateurs, de jeux vidéo qui requièrent des efforts de fusion oculaire importants et soutenus souvent pendant plusieurs heures. Dans ces cas, seul l’examen ophtalmologique (bilan de réfraction sous dilatateurs pour annuler l’effet correcteur des processus accommodatifs, très efficaces chez le jeune enfant, et bilan orthoptique fait par un orthopticien) est anormal. Ce n’est pas l’IRM ou le scanner qui vont aider au diagnostic et conduire au seul traitement adapté qui est le port de lunettes ou/et la rééducation orthoptique.

Névrite vestibulaire Un grand vertige rotatoire avec vomissements au décours d’un épisode infectieux viral doit faire penser à une névrite vestibulaire (5 % des vertiges de l’enfant). Le tableau peut être trompeur chez les jeunes enfants qui ne s’expriment pas encore clairement et où le vertige ne se traduit que par des vomissements, des douleurs abdominales, tableau qui peut mimer tout à fait celui d’une gastroentérite. Cependant à l’examen clinique, il existe des signes associés qui ne trompent pas s’ils sont recherchés : la perte d’équilibre toujours du même côté lorsque l’enfant se tient debout sur son matelas ou sur le sol, yeux fermés, l’existence d’un nystagmus (à condition qu’il soir recherché sans la fixation du regard avec des lunettes de Frenzel). De telles constatations doivent faire prescrire un bilan audiovestibulaire. Le bilan permet de prouver l’absence d’atteinte de l’audition et de quantifier l’atteinte vestibulaire. Si celle-ci est massive, les chances de récupération sont minimes, si l’atteinte

245 est partielle on observe 25 % de récupération avec un retour à une fonction vestibulaire normale ou subnormale en quelques semaines ou mois. Une compensation est de toute manière obtenue, d’autant plus rapide que l’enfant est mobilisé rapidement sans traitement vestibuloplégique. Une IRM pourrait montrer un hypersignal au niveau du nerf vestibulaire, mais ce signe est très inconstant. Le traitement de ces névrites est surtout symptomatique pour limiter les nausées et les vomissements et faciliter la compensation centrale du déficit vestibulaire, par la rééducation vestibulaire, qui chez l’enfant doit se faire sous forme de jeux (jeux de ballon, ramassage de jouets au sol, mouvements rapides de la tête avec fixation visuelle de repères fixes).

Labyrinthite Le diagnostic de névrite sera différencié de celui de labyrinthite dès l’examen otoscopique qui retrouve, en cas de labyrinthite, une otite moyenne aiguë purulente. Dans ce cas, le traitement comporte une paracentèse pour un prélèvement bactériologique, une antibiothérapie à large spectre par voie intraveineuse conduite en milieu hospitalier pour éviter la destruction cochléovestibulaire et l’extension de l’infection (mastoïdite, paralysie faciale, septicémie, méningite et localisations septiques extrapétreuses). L’audition et la fonction vestibulaire sont malheureusement atteintes sévèrement et une cophose avec aréflexie vestibulaire est souvent inévitable malgré un traitement précoce.

Tumeur de la fosse postérieure Le diagnostic de tumeur de la fosse postérieure tant redouté devant les vertiges de l’enfant est rare : moins de 1 %. Les tumeurs de la fosse postérieure sont plutôt responsables de troubles de l’équilibre que de vertiges et sont surtout toujours associées à d’autres signes neurologiques. C’est pour cette raison que l’examen vestibulaire clinique d’un enfant

Compensation des déficits vestibulaires chez l’enfant L’enfant tolère et compense très rapidement un déficit vestibulaire aigu unilatéral Attention aux compensations retardées ! signe d’évolutivité de l’atteinte de l’oreille interne Garçon de 3 ans, angine fébrile, douleurs abdominales, vomissements : diagnostic de gastroentérite au service d’urgence 15e jour, se plaint d’hypoacousie gauche (au téléphone) : cophose gauche ; scanner normal ; diagnostic de névrite Quatrième mois, vu à Paris après déménagement ; visite de contrôle : déficit vestibulaire non compensé...au 13e mois, idem ; nouveau scanner : labyrinthite ossifiante

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Tumeur de la fosse postèrieure Garçon de 18 mois Torticolis acquis permanent depuis l’âge de 13 mois Difficulté à la marche (marche acquise à 12 mois) Signes neurologique : pas de vertige mais instabilité Cophose gauche, nystagmus spontané gauche, test d’Halmagyi) + à droite Négligence visuelle de l’hémichamp droit (visible pour la poursuite oculaire et l’optocinétique) Signe de Babinski + des deux côtés, réflexes ostéotendineux très vifs aux membres inférieurs Petite dysmétrie des membres supérieurs Hyporéflexie droite au test calorique et prépondérance directionnelle gauche Scanner et imagerie par résonance magnétique : astrocytome du cervelet Traitement : chirurgie (X3), radiothérapie et chimiothérapie porteur de vertiges ou de troubles de l’équilibre doit toujours être complété d’un examen de l’oculomotricité et d’un examen neurologique (recherche d’un syndrome cérébelleux, paires crâniennes, motricité, sensibilité profonde, réflexes ostéotendineux, signes pyramidaux). Le moindre signe neurologique de localisation (atteinte audiovestibulaire, torticolis permanent, paralysie faciale oculomotrice, hémianopsie, signe de Babinski, hypertonie unilatérale...) doit conduire à la réalisation d’un scanner et d’une IRM. Chez l’enfant, les tumeurs les plus fréquentes sont les tumeurs de la fosse postérieure avec les astrocytomes. Leur diagnostic précoce permet une exérèse chirurgicale qui peut être complète au stade précoce et obtenir la guérison.

Autres diagnostiques Des signes neurologiques peuvent également être associés à des vertiges dans le cadre d’atteintes du système nerveux central comme celles des intoxications médicamenteuses, des encéphalites, des syndromes paranéoplasiques (assez fréquents avec les neuroblastomes). Cependant, dans ces cas, les vertiges sont plutôt des troubles de l’équilibre plutôt que de réelles sensations vertigineuses et ne sont pas au premier plan ; les troubles neurologiques sont riches ainsi que le contexte clinique. Les autres diagnostics à évoquer chez l’enfant sont plus rarement rencontrés. Les otites chroniques (en particulier cholestéatomateuses) peuvent atteindre le labyrinthe postérieur en créant une fistule ou/et une labyrinthite. Cette otite chronique peut être méconnue et être le mode de révélation de l’otite. L’examen otoscopique met en général en évidence une perforation tympanique infectée ou un bouchon épidermique obstruant le conduit ou une poche de rétraction tympanique profonde, et beaucoup plus rarement (dans le cas de cholestéatome congénital), le tym-

pan peut être normal ou blanc, refoulé ou envahi par le cholestéatome, et c’est le scanner des rochers qui fait le diagnostic. Le traitement est chirurgical et doit être entouré d’un bilan complet cochléovestibulaire. Les troubles d’équilibre d’origine psychiatrique sont rares et surtout retrouvés chez les enfants vers l’âge de 8 à 10 ans. Ils sont facilement reconnaissables par leur atypie (ils sont une caricature exagérée de troubles de l’équilibre sans rapport avec des conditions d’équilibre) et par l’absence de troubles de l’équilibre dans des comportements automatiques (tels que le laçage de souliers, le ramassage d’un objet qui vient de tomber, un changement brusque non anticipé de direction, etc.). Le bilan vestibulaire et neurologique est normal et un entretien psychologique avec l’enfant et les parents met au jour un problème sous-jacent (agression à l’école, conflits familiaux...). L’hypotension orthostatique est surtout retrouvée chez les enfants en période de croissance rapide (prépubertaire et pubertaire) et correspond à une mauvaise adaptation transitoire du système cardiovasculaire aux changements de position brusques. Les vertiges surviennent en effet lors du lever le matin (passage trop brusque de la position allongée à la position debout) ou lors de station debout prolongée. Les sensations de vertiges s’accompagnent de sensations de tête vide, de phosphènes et de céphalées et durent quelques secondes à quelques minutes. Ils peuvent aussi s’accompagner de lipothymies, rarement de perte de connaissance. Le bilan vestibulaire est normal et le diagnostic est confirmé par la prise de la tension artérielle en position allongée après 20 minutes de décubitus dorsal et lors de la prise brusque de position debout. Les chiffres tensionnels de la maxima chutent de 20 à 40 mmHg lors de la position debout alors que la manœuvre reproduit les sensations dont se plaint le jeune patient. Le traitement est d’éviter les changements brusques de position.

Vertiges de l’enfant Le vertige paroxystique bénin positionnel (VPPB) en rapport avec une pathologie otolithique (migration de cristaux otolithiques dans les canaux ou sur la cupule des canaux semi-circulaires) est surtout une pathologie d’adulte. Ces vertiges positionnels surviennent rarement chez l’enfant et en général plutôt dans un contexte traumatique (traumatisme crânien suite à une chute ou un accident de la voie publique). Les caractéristiques sont les mêmes que chez l’adulte : vertige survenant lors d’un changement de position avec nystagmus géotropique avec une latence, épuisable, adaptable. La sensation vertigineuse est souvent mieux tolérée par les enfants que par les adultes. Les bilans otologique, vestibulaire et neurologique sont normaux, le traitement comporte comme pour l’adulte une manœuvre libératoire (Semont-Toupet, Epley). La maladie de Ménière et les syndromes de Ménière sont rares chez l’enfant, et dans notre expérience, les syndromes de Ménière associant vertiges, hypoacousie et acouphènes avec sensation d’oreille bouchée n’ont été observés qu’à partir de l’âge de 2 à 8 ans. Peut-être est-ce un diagnostic sous-estimé car les symptômes ne sont pas toujours retrouvés à l’interrogatoire et par exemple l’hypoacousie (prédominant sur les fréquences graves) peut être une découverte fortuite à l’audiogramme demandé devant les vertiges alors même que l’enfant n’avait pas perçu cette hypoacousie. Les acouphènes ne sont pas forcément rapportés spontanément par l’enfant. Le vertige est en règle le symptôme principal, invalidant, associé à des nausées et vomissements, sans céphalée et dure plusieurs heures, voire une journée. Si l’enfant est vu au cours de la crise, on peut constater le nystagmus spontané souvent intense. Les examens otologique, neurologique sont normaux et le bilan vestibulaire en dehors des crises est le plus souvent normal. L’audiogramme montre la chute des seuils auditifs sur les fréquences graves alors que la tympanométrie élimine un problème tubaire. La mesure des PEOM peut aider au diagnostic en montrant une absence de réponse du côté de la surdité (en conduction aérienne et en conduction osseuse). Le test au glycérol (test assez long avec deux audiogrammes à 1 h d’intervalle) est rarement fait chez l’enfant mais peut montrer une amélioration des seuils auditifs 1 heure après la prise de glycérol qui indique l’existence d’un hydrops. Ce test n’est cependant pas toujours positif. Il faut se garder de poser ce diagnostic lors d’une première crise, surveiller l’enfant régulièrement et être prêt à remettre ce diagnostic en cause si la symptomatologie changeait. Si les vertiges sont répétés et invalidants, on peut prescrire un traitement de longue durée de bétahistine qui n’a pas d’effet secondaire chez l’enfant.

247 Le delayed vertigo ou vertige retardé survient en général quelques mois à quelques années après une atteinte de l’oreille interne avec une surdité secondaire à un traumatisme (exemple : fracture du rocher) ou une atteinte infectieuse ou virale (exemple : les oreillons avant la vaccination rougeole-oreillons-rubéole [ROR] était une maladie grande pourvoyeuse de cophose et de delayed vertigo ; la fréquence des delayed vertigo a d’ailleurs diminué de façon notable depuis la vaccination systématique des jeunes enfants). Ces delayed vertigo peuvent se manifester comme des syndromes de Ménière mais il existe cette notion, dans l’histoire du patient, de lésion de l’oreille interne et le syndrome est souvent incomplet, sans signe auditif associé à la crise vertigineuse. Le mécanisme invoqué à l’origine de ces vertiges serait très voisin de celui invoqué dans les syndromes de Ménière et les traitements des delayed vertigo identiques à ceux proposés dans la maladie de Ménière. Lorsque les vertiges résistent au traitement médical, on propose plus facilement, en cas de cophose, une labyrinthectomie chirurgicale ou chimique. Les vertiges d’origine comitiale sont en règle rares et font partie des aura des crises comitiales, généralement associés à un cortège de signes évoquant une comitialité : hallucinations de mouvements complexes (plus qu’un vertige rotatoire isolé), hallucinations auditives, signes neurologiques de localisation, absence avec perte de connaissance. Un tel tableau implique une consultation neurologique qui sera en général suivie d’un électroencéphalogramme et d’une imagerie cérébrale. L’atteinte auto-immune de l’oreille interne,17 ou syndrome de Cogan, s’annonce par une « banale conjonctivite ». Dans les trois cas observés sur 12 ans, chaque fois le syndrome inflammatoire a été secondaire à une stimulation excessive du système immunitaire (BCGite après une deuxième vaccination BCG, oreillons après un rappel de vaccination ROR chez un garçon de 14 ans, après les premières injections de désensibilisation contre les acariens). L’enfant a les yeux rouges et ceci est interprété comme une conjonctivite virale, mais il va développer une surdité brusque avec instabilité ou vertige qui marque l’atteinte vestibulaire parfois progressive. Le bilan biologique montre un syndrome inflammatoire important et l’examen ophtalmologique une kératite interstitielle évocatrice. C’est un diagnostic rare mais il doit être connu car un traitement stéroïdien doit être prescrit à forte dose en urgence pour éviter la perte de l’audition.

Conclusion Dans les vertiges de l’enfant, il faut donc toujours effectuer un examen clinique otologique, neurolo-

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gique et vestibulaire (comprenant notamment le test d’Halmagyi de rotation rapide de la tête et une recherche d’un nystagmus spontané et provoqué sous lunettes de Frenzel ou de vidéoscopie) avant de se précipiter sur des examens complémentaires excessifs et coûteux. Les premiers examens complémentaires à demander en priorité sont un bilan vestibulaire (comprenant au moins un test calorique et des PEOM) et un examen ophtalmologique pour éliminer un trouble de réfraction et un trouble de vergence ou oculomoteur. Quand demander une imagerie ? Certainement pas de première intention, sauf si l’examen neurologique montre des anomalies qui peuvent faire évoquer un processus expansif intracrânien ou si un contexte de traumatisme crânien s’associe à des signes qui évoquent la possibilité d’une fracture du rocher. Le scanner sera alors le premier examen à demander car plus rapide (moins de 1 min d’immobilisation requise avec les nouvelles techniques de scanner hélicoïdal). L’IRM pourra être effectuée pour préciser la nature des images dépistées au scanner. Chez le jeune enfant, une imagerie (IRM ou scanner) va réclamer une prémédication, voire une anesthésie générale, et ces examens représentent donc un risque non négligeable ; de plus, ils sont très coûteux. Il n’est donc pas justifié de prescrire ces examens devant un vertige chez l’enfant avant d’avoir effectué un examen clinique oto-neuro-vestibulaire complet, un bilan audiovestibulaire et un examen ophtalmologique.

Références 1.

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Wiener-Vacher SR, Toupet F. Quelle est la place de l’appareil vestibulaire dans les troubles de l’équilibre de l’enfant ? Évol Psychomotrices 1997;9:212–5. Wiener-Vacher SR, Toupet F, François M, Van Den Abbeele T, Viala P, et al. Conséquences des déficits vestibulaires sur le développement du contrôle postural chez l’enfant. In: Journées parisiennes de pédiatrie. Paris: Flammarion; 1998. p. 283–7.

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