Surveiller ou non les appendicites incertaines

Surveiller ou non les appendicites incertaines

en ligne sur/ on line on www.masson.fr/revues/pm Éditorial Presse Med. 2006; 35: 373-4 © 2006, Masson, Paris Surveiller ou non les appendicites in...

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Éditorial

Presse Med. 2006; 35: 373-4 © 2006, Masson, Paris

Surveiller ou non les appendicites incertaines

Karem Slim

Service de chirurgie digestive, Hôtel-Dieu, Clermont-Ferrand (63)

Correspondance : Karem Slim, Service de chirurgie digestive, Hôtel-Dieu, boulevard Léon Malfreyt, 63085 Clermont-Ferrand. [email protected]

L

a Presse Médicale publie dans ce numéro un article sur un problème chirurgical quotidien : le diagnostic de l’appendicite aiguë [1]. Les auteurs de ce travail prospectif essaient de démontrer l’intérêt de la simple surveillance à l’hôpital des patients ayant une douleur aiguë de la fosse iliaque droite (communément appelée syndrome appendiculaire) sans réalisation d’imagerie (tomodensitométrie –TDM –, ou échographie). Nous devons d’abord remercier les auteurs tunisiens pour la qualité de cette étude et nous rappeler que l’examen clinique reste (même en 2006) la pierre angulaire du diagnostic des syndromes appendiculaires.

Un recours trop facile à l’imagerie

tome 35 > n° 3 > mars 2006 > cahier 1

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Un trop grand nombre de nos jeunes collègues oublient ce principe fondamental et ont recours (trop facilement) aux examens d’imagerie tels que l’échographie. Sur le plan méthodologique, les auteurs ont réparti de manière prospective la population en 3 groupes en fonction du tableau clinique très évocateur, assez évocateur ou peu évocateur d’appendicite aiguë et l’analyse a été faite en intention de traiter. Mais le critère de jugement reste vague car la dénomination ”lésions d’appendicite aiguë“ peut varier de la simple inflammation muqueuse sans ulcération à l’appendice gangrené ou perforé. Une analyse plus fine des lésions anatomiques aurait probablement permis aux auteurs de mieux évaluer leur attitude en calculant les taux réels d’appendicectomie inutile chez tous les patients opérés (une simple inflammation muqueuse sans ulcération justifiet-elle l’appendicectomie ?) et le taux de lésions évoluées chez les patients surveillés (la surveillance est-elle sans risque ?). Par ailleurs, il s’avère que dans le groupe 2 (surveillance), le taux d’appendicite est le même que celui du groupe 1 (intervention immédiate). On peut donc conclure d’après leurs résultats que la présence d’au moins un signe (fièvre > 38 °C ou défense pariétale ou hyperleucocytose > 10 000 GB/mL) devrait amener à opérer ou au moins à faire une imagerie de l’appendice. Les patients à surveiller seront alors sélectionnés de manière plus restrictive en exigeant l’absence de ces trois signes (comme le groupe 3 dans cette étude). Une telle approche a été réalisée dans

Slim K

une étude prospective française déjà ancienne [2] mais récemment mise à jour (Y. Flamant, communication personnelle). Cette dernière étude a montré que quand on procédait de la sorte, on obtenait deux groupes de patients : un groupe à opérer d’emblée avec un risque d’appendicectomie inutile de 16 % et un groupe à surveiller avec un risque nul d’abcès ou de péritonite et un risque de 6 % d’appendicite. Mais cette étude montrait aussi qu’un patient sur 3 avec les critères d’opérabilité n’avait pas été opéré, et que le chirurgien n’avait pas eu besoin de faire une appendicectomie secondaire chez de tels patients (avec un recul d’un mois).

L’imagerie pour réduire les appendicectomies inutiles

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La séméiologie clinico-biologique est essentielle, mais ne peut suffire à réduire le taux d’appendicectomie inutile. Alors peuton affiner le diagnostic par l’imagerie ? La réponse est : oui. Détailler les résultats des revues systématiques et des essais randomisés sur sujet dépasserait le cadre de cet éditorial, mais signalons simplement qu’une récente étude a montré que l’introduction de la TDM dans la pratique courante avait permis de réduire le taux d’appendicectomies inutiles de 20 à 7 %, puis 3 % au bout de 5 ans [3]. On peut aisément imaginer les contraintes locales ayant amené les chirurgiens tunisiens à opter pour la surveillance clinique plutôt que de réaliser une TDM. Mais faisons un calcul sommaire : la durée moyenne d’hospitalisation serait donc plus longue d’au moins 36 heures dans le groupe 2 (surveillance), en supposant que la durée de séjour postopératoire est identique entre les groupes 1 et 2. D’après les informations que j’ai pu recueillir, le coût d’une journée d’hospitalisation serait en Tunisie de 18 € (!!), alors que celui d’une TDM est de 80 €. Dans le contexte des auteurs, surveiller un patient quitte à l’opérer dans les 48 heures reviendrait moins cher que de demander une TDM. Mais, en France, une telle attitude serait à l’origine d’un surcoût de 2250 € (coût journalier d’une hospitalisation en chirurgie de 1500 €) par patient, alors qu’une TDM ne coûterait que 150 €. Une TDM en urgence permettrait ainsi dans les cas douteux, soit de confirmer le diagnostic d’appendicite, soit de reconnaître des diagnostics différentiels à moindre coût (en évitant une surveillance inutile).

Appendicite = chirurgie ? Deux aspects en filigrane de ce sujet et non évoqués dans ce travail méritent aussi d’être discutés : • un appendice macroscopiquement normal découvert au cours d’une cœlioscopie doit-il être systématiquement enlevé ? La réponse est : non [4] ; • toute appendicite est-elle chirurgicale ? La réponse est : peutêtre non, un essai suédois a eu le mérite de soulever cette question il y a dix ans [5] et un essai sur l’antibiothérapie curative dans les appendicites non compliquées est en cours en France. L’essentiel est de veiller à ne pas tomber dans les multiples excès qui nous guettent : appendicectomies inutiles, TDM devant toute douleur abdominale aiguë, surveillance prolongée, renvois hasardeux des patients à leur domicile, voire histologie de complaisance. Dans un domaine où la séméiologie reste reine, les bonnes décisions (et donc les bons résultats) découlent de l’expérience acquise en sens clinique et de l’utilisation factuelle (evidence based) et raisonnée des moyens diagnostiques dont nous disposons.

Références 1

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Arfa N, Marsaoui L, Ben Rhouma S, Farhati S, Bougamra S, Gharbi L et al. Douleurs aiguës de la fosse iliaque droite : intérêt de la surveillance clinique hospitalière. Étude prospective de 205 cas. Presse Med. 2006; 35: 393-8. Flamant Y, Langlois-Zantain O, Barge J. Les appendicectomies discutables. Rev Prat. 1992; 42: 697-700. Rhea JT, Halpern EF, Ptak T, Lawrason JN, Sacknoff R, Novelline RA. The status of appendiceal CT in an urban center 5 years after its introduction: experience with 753 patients. Am J Roentgenol. 2005; 184: 1802-8. van den Broek WT, Bijnen AB, de Ruiter P, Gouma DJ. A normal appendix found during diagnostic laparoscopy should not be removed. Br J Surg. 2001; 88: 251-4. Eriksson S, Granstrom L. Randomized controlled trial of appendicectomy versus antibiotic therapy for acute appendicitis. Br J Surg. 1995; 82: 166-9.

tome 35 > n° 3 > mars 2006 > cahier 1