Technique de l’exclusion vasculaire du foie

Technique de l’exclusion vasculaire du foie

Journal de Chirurgie Viscérale (2011) 148, 33—39 TECHNIQUE CHIRURGICALE Technique de l’exclusion vasculaire du foie夽 Vascular exclusion of the liver...

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Journal de Chirurgie Viscérale (2011) 148, 33—39

TECHNIQUE CHIRURGICALE

Technique de l’exclusion vasculaire du foie夽 Vascular exclusion of the liver E. Savier ∗, J.-M. Siksik , L. Hannoun Service de chirurgie digestive et hépato-bilio-pancréatique, transplantation hépatique, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, université Pierre-et-Marie-Curie (Paris-VI), 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France

Introduction L’exclusion vasculaire du foie (EVF) est un « outil » que l’équipe chirurgicale et anesthésique doit maîtriser car c’est parfois le seul moyen de réaliser une exérèse avec une sécurité optimale. La coordination entre les deux équipes est indispensable, et la rigueur de la technique chirurgicale est garante de sa réussite en routine.

DOI de l’article original : 10.1016/j.jviscsurg.2010.12.009. Ne pas utiliser, pour citation, le référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Journal of Visceral Surgery, en utilisant le DOI ci-dessus. ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (E. Savier). 夽

1878-786X/$ — see front matter © 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jchirv.2010.12.012

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E. Savier et al.

1 Installation

Pour une installation standard (a), le patient est en décubitus dorsal le bras gauche en abduction à 80◦ , le bras droit le long du corps, enroulé dans une alèze non serrée. Eventuellement, une alèze placée sous le côté droit aide à dégager le flanc droit. L’incision sous costale droite peut ainsi être prolongée vers le flanc droit et aider d’autant à l’exposition de l’hypochondre droit. Si une installation avec circulation extracorporelle (CEC) veino-veineuse est envisagée (insuffisance coronarienne par exemple), ou est possible (indication formelle de clampage de la veine cave et tolérance au triple clampage incertaine), le champ est élargi aux creux inguinaux et à l’aisselle gauche (b).

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Incision

C’est une incision sous-costale droite avec refend médian. Faire porter l’incision à trois travers de doigt du rebord costal (pointillés noirs) présente des avantages : au moment de la fermeture les points ne s’appuient pas sur le gril costal, un espace est ménagé pour un éventuel drain biliaire. Si un geste pelvien est envisagé ou indiqué, l’incision peut être transverse sus-ombilicale. En dehors, l’incision atteint la ligne axillaire moyenne, toujours sous l’aplomb de l’épine iliaque antérosupérieure droite. En cas de difficulté d’exposition, la poursuite de cette incision jusqu’à la ligne axillaire postérieure peut être utile (pointillés rouges). Le trait de refend médian est systématique (pointillés noirs), il doit atteindre et longer l’appendice xiphoïde, dont la résection n’est pas indispensable. Si nécessaire, et en fonction de la conformation du malade, une incision sous-costale gauche complète la voie d’abord (pointillés verts). Enfin, si un abord thoracique est envisagé, le bras droit peut être placé au-dessus de la tête afin de dégager le septième espace intercostal (pointillés jaunes).

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Exposition

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Libération du foie et de la veine cave inférieure (VCI) par la gauche

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L’exposition standard se fait à l’aide de deux valves sous-costales (de type Rochard, peu concaves) fixées sur des piquets de Toupet qui écartent le rebord costal droit et le côté gauche (a). L’absence de contact entre chaque épaule et chaque piquet doit être vérifiée. Pour l’exposition avec thoracotomie, les valves de Rochard peuvent être utilisées, de la même manière. Cependant, pour éviter une fracture des cotes inférieures, sur la berge droite de l’incision l’écartement avec une valve de type vaginale, peut suffire (b).

La libération du lobe gauche commence par la section du ligament rond. Elle est poursuivie par la section du ligament suspenseur. Il est prudent de ménager du tissu ligamentaire attenant au foie, pour pouvoir fixer le parenchyme restant en fin d’intervention. En effet, la reconstruction du ligament suspenseur après hépatectomie droite ou droite étendue, permet d’éviter la bascule du foie restant vers la droite, ce qui peut entraîner une torsion des veines hépatiques restantes. Après avoir placé un champ protecteur sur l’œsophage abdominal et la grosse tubérosité gastrique, la dissection est poursuivie par la section du ligament triangulaire gauche. La ligature d’une veine diaphragmatique gauche est parfois nécessaire.

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E. Savier et al.

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Libération de la veine cave inférieure par la gauche

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Libération du foie et de la veine cave inférieure par la droite

Pour libérer la VCI par la gauche, l’aide de gauche maintient verticalement le lobe gauche libéré. Le petit épiploon est ouvert. S’il est traversé par une artère hépatique gauche, elle est préservée et clampée au cours de l’EVF. La table est placée en roulis vers la droite, l’aide de gauche rétracte le lobe de Spiegel, tandis que l’aide en face rétracte le pilier droit. Les adhérences entre du sommet du lobe de Spiegel et le pilier droit sont coagulées et sectionnées. Le péritoine qui recouvre la VCI rétrohépatique est alors ouvert pour permettre une dissection de son bord gauche à son contact.

La table est placée en roulis gauche. L’aide en face empaume le foie droit et l’extériorise progressivement. La section du ligament triangulaire droit est réalisée progressivement et le foie droit libéré jusqu’au contact de la VCI (a). En cas d’EVF sans clampage cave, il faut rester au contact du parenchyme hépatique, le plan de dissection passe en avant de la VCI et croise les veines spiegeliennes droites en bas, et suit le ligament hépato-cave en haut. La section de ces veines ou de ce ligament améliore l’exposition. Dans l’EVF avec clampage cave, le plan de dissection est situé en arrière de la VCI rétrohépatique. Il croise alors la veine surrénalienne droite. La face latérale droite de la VCI est disséquée sans chercher à faire le tour de la veine surrénalienne droite. Il est souvent plus facile d’inciser le péritoine pariétal au-dessus du relief de la glande surrénale (b). Son pôle supérieur apparaît alors et s’abaisse progressivement ce qui met en tension sa veine de drainage. Cette veine est sectionnée entre deux ligatures serties. Si la veine se jette dans une veine spiegelienne, souvent volumineuse, il peut être souhaitable de les lier chacune séparément.

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Libération postérieure de la veine cave inférieure

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Abord thoraco-abdominal

Lorsque la veine surrénalienne est sectionnée, il est possible de glisser un doigt en arrière de la VCI, rejoignant ainsi la dissection effectuée par la gauche. L’aide du coté gauche soulève le foie et abaisse le relief rénal droit. L’opérateur se dirige vers le bas et sectionne le péritoine rétrocave jusqu’à être à l’aplomb du premier duodénum, c’est-à-dire de la base du pédicule hépatique. Vers le haut, les attaches péritonéales postérieures sont mises en tension par le lobe de Spiegel qui, sous l’effet de la luxation du foie vers la gauche, vient se placer en arrière de la VCI de gauche à droite. La palpation de cette portion du lobe de Spiegel est un repère essentiel pour guider la dissection. La dissection est poussée au-delà du bord supérieur du lobe de Spiegel. À la fin de cette préparation, la veine cave rétrohépatique n’a plus comme afférences que des veines hépatiques.

En cas d’impossibilité d’aborder avec sécurité le dôme du foie ou le confluent cavo-sus-hépatique, l’ouverture du thorax par le septième ou le huitième espace intercostal droit permet de contrôler la VCI susdiaphragmatique en intrapéricardique. La ligature de toutes les collatérales diaphragmatiques doit cependant être effectuée avant l’EVF, sous peine d’intolérance au clampage.

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9 Mise en place des clamps

E. Savier et al.

Le triple clampage s’effectue toujours dans l’ordre suivant : pédicule hépatique, VCI infra hépatique, VCI supra hépatique et le déclampage dans l’ordre inverse. Le clampage pédiculaire se fait à l’aide d’un clamp de Satinsky gainé, placé de gauche à droite du pédicule (a). Une éventuelle artère hépatique gauche est clampée par un clamp bull-dog. Le clampage de la VCI infrahépatique se fait à l’aide d’un clamp de Glover (b). Pour le placer correctement, sans être gêné par le pédicule hépatique, l’aide du coté gauche maintient le foie luxé vers la gauche et en avant. L’opérateur place sa main gauche sous la VCI infrahépatique, pose le clamp perpendiculairement à l’axe de la VCI, sans mordre sur l’aisselle de la veine rénale droite et vérifie l’extrémité des mors au-delà du bord gauche de la VCI. Le clampage de la VCI suprahépatique se fait à l’aide d’un clamp aortique de Crawford qui va mordre sur le diaphragme (c). Pour le placer, l’aide abaisse le lobe gauche et l’opérateur place son médius gauche en arrière de la VCI, protégeant le sommet du segment 1 et guidant le mors inférieur. La table d’opération est remise à un niveau horizontal pour obtenir des mesures hémodynamiques correctes Une épreuve de clampage de sept minutes est prédictive de la tolérance de l’EVF. En cas d’intolérance au triple clampage, deux causes sont à rechercher : une intolérance anesthésique ou cardiaque ou une EVF incomplète. Dans ce dernier cas, le foie se remplit progressivement spoliant d’autant le volume sanguin circulant nécessaire à la bonne tolérance hémodynamique. Il peut s’agir d’une collatérale de la VCI non contrôlée ou d’une artère hépatique gauche non clampée. L’EVF incomplète impose l’ouverture immédiate du clamp veineux supra hépatique, supprimant instantanément le remplissage intra hépatique délétère. Il faut naturellement chercher le vaisseau responsable. Après le test qui fait office de préconditionnement, la phase de récupération peut être mise à profit pour effectuer une cholécystectomie, optimiser le remplissage et l’anesthésie.

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Exclusion vasculaire du foie avec circulation extracorporelle

Les intolérances à l’EVF sont rares et, dans la grande majorité des cas, prévisibles par le bilan cardiovasculaire préopératoire. En dehors de ces cas un second test de clampage, après un meilleur remplissage, une anesthésie plus adaptée, permet le plus souvent d’obtenir une tolérance correcte. En cas d’intolérance persistante, il ne faut pas chercher à faire une EVF en conservant le flux cave, car la dissection de la terminaison des veines hépatiques, chez un malade très rempli, peut-être hémorragique et dangereuse. L’utilisation d’une CEC veino-veineuse est exceptionnelle, jamais imprévue et faite sans héparine Les clamps peuvent être remplacés par des tourniquets pour un moindre encombrement du champ opératoire, mais avec une moins grande sécurité. Concernant « l’hépatectomie », l’EVF contraint à un clampage continu. Les moyens qui permettent une transsection rapide et sûre sont donc privilégiés. Nous préférons la transsection par écrasement à la pince fine (type de Leriche), suivant la technique dite « kellyclasie ». L’hémostase et la bilistase sont assurées par des clips, des ligatures et des agrafes vasculaires (TA 30) pour les gros pédicules. Pour ce qui est du « refroidissement », un parenchyme hépatique normal et sain autorise une ischémie chaude d’une heure. Si la durée prévisible de clampage est plus longue, ou si le foie est pathologique, l’EVF autorise le refroidissement du parenchyme restant. Pour ce faire, une ligne de perfusion est introduite par la branche portale ou la branche artérielle homolatérale au côté réséqué, le clampage pédiculaire se faisant naturellement à distance. Les solutions de préservation des organes utilisés en transplantation sont préférées. Une décharge est faite par une petite incision latérale dans la VCI rétrohépatique, entre les deux clamps veineux et est refermée avant le déclampage. De la glace pillée entoure le foie restant.

Conflit d’intérêt L’auteur n’a pas de conflit à déclarer.

Remerciements Au Dr Raphaël Iglesias de Oliveira et au Dr Takaakira Kishi pour leur collaboration.

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