Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

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428 Pour la pratique Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ? Insulin injection technique: What are the practices of ...

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Pour la pratique

Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ? Insulin injection technique: What are the practices of diabetic patients, in France?

J.-P. Sauvanet Policlinique de médecine interne, Hôpital Saint-Louis, AP-HP, Paris.

Résumé Une enquête internationale portant sur la technique d’auto-injection des traitements du diabète (insuline et exénatide), a été réalisée en 2009. Cet article présente les résultats descriptifs de la partie française de cette enquête, et porte uniquement sur les 113 sujets adultes (> 18 ans) atteints de diabète et insulino-traités, recrutés parmi la population de patients diabétiques de six services de diabétologie de centres hospitalo-universitaires. Les auto-questionnaires « Patient » (40 questions) et « Soignant » (12 questions) ont été analysés et sont discutés. Chez ces patients déclarant tous avoir reçu une formation à la technique d’injection de l’insuline, et bénéficiant d’un suivi et de rappels réguliers des principales modalités de l’injection, elle pointe un certain nombre de lacunes dans les connaissances des patients et/ou leur mauvaise application, susceptibles d’influer sur l’obtention d’un contrôle glycémique adéquat ou d’expliquer la variabilité des effets thérapeutiques observés. De plus, l’enquête met en évidence des divergences entre les réponses des patients et celles des infirmières qui les suivent concernant la présence de lipodystrophies au niveau des zones d’injection et le ressenti par le patient d’une douleur à l’injection.

Mots-clés : Diabète – insuline – traitement – technique d’injection – éducation thérapeutique.

Summary

Correspondance : Jean-Pierre Sauvanet Policlinique de médecine interne Hôpital Saint-Louis 1, av. Claude-Vellefaux 75475 Paris cedex 10 [email protected]

© 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

An international (16 countries) survey on diabetes treatment’s (insulin and exenatide) self-injection technique was conducted in 2009. We describe the main results of the French part of this survey on the 113 adult (> 18 years) diabetic subjects treated with insulin, recruited among the diabetic population from six university hospital diabetes department. Self-administered questionnaires « Patient » (40 questions) and « Healthcare provider » (12 questions) were analyzed and are discussed. Although all patients declared having received an initial education to insulin injection technique, and benefit from a follow-up and regular reminders on the main injection modalities, this survey point out some gaps in patients’ knowledge and/or in their practical application, likely susceptible to influence the glycemic control goal achievement or to explain the variability in insulin therapeutic effect. Moreover the survey has shown differences between patients’ responses and their nurses’ responses on the presence of lipodystrophy at injection areas and in the patient’s feeling of pain at injection time.

Key-words: Diabetes mellitus – insulin – treatment – injection technique – therapeutic education.

Médecine des maladies Métaboliques - Septembre 2010 - Vol. 4 - N°4

Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

Introduction Le nombre de patients atteint de diabète et pratiquant des auto-injections d’insuline augmente régulièrement en France. Environ 6 à 7 % des personnes diabétiques traitées, soit 150 000 à 180 000 (dont environ 15 000 enfants âgés de moins de 15 ans), selon les estimations, sont atteintes de diabète de type 1 (DT1), en augmentation modérée, mais régulière, de l’ordre de +3,7 % par an, plus forte chez les plus jeunes enfants (0-4 ans) [1]. Mais c’est surtout le nombre de personnes diabétiques atteintes de diabète de type 2 (DT2) insulino-traitées, en association ou non avec des antidiabétiques oraux (ADO), qui s’est considérablement accru ces dernières années, en accord avec les recommandations de prise en charge et d’atteinte des objectifs glycémiques (taux d’HbA1c) [2]. Ainsi, sur la base des études Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques), environ 15 % des DT2 adultes traités (France métropolitaine et Outre-mer) l’étaient par insuline (avec ou sans ADO) en 2001 [3], et ils représentaient 17 % des DT2 en 2007 [4]. De même, l’enquête ECODIA2, réalisée en 2005, concluait à un pourcentage presque triplé de DT2 traités par insuline (avec ou sans ADO), concernant 14,1 % des DT2 [5], par comparaison à l’enquête ECODIA de 1999 où ils ne représentaient que 5,1 % des DT2 [6]. Les estimations les plus récentes font ainsi état d’environ 630 000 personnes diabétiques traitées par insuline en 2008, dont plus des deux tiers sont des DT2 [7]. Le nombre de patients diabétiques traité par auto-injections devrait encore augmenter avec la mise sur le marché des agonistes injectable du récepteur au GLP-1 (glucagon-like peptide-1), l’exénatide, disponible depuis 2007, et prochainement le liraglutide.

La technique d’injection de l’insuline, un élément clé du contrôle glycémique La technique d’injection de l’insuline influe sur de nombreux facteurs, expliquant en partie la variabilité glycémique observée par les patients lors de l’autosurveillance

glycémique (ASG) ; une mauvaise technique d’injection peut conduire à une injection intramusculaire d’insuline avec ses conséquences (notamment un risque hypoglycémique accru) et favorise l’apparition d’effets indésirables aux points d’injection (douleurs, saignements, lipodystrophies…). Une technique d’injection correcte est donc un élément clé pour obtenir et maintenir un contrôle glycémique conforme aux objectifs (glycémies à jeun et postprandiales, taux d’HbA1c) définis [8, 9]. L’éducation thérapeutique du patient (ETP) joue un grand rôle pour une pratique adéquate, maintenue dans le temps, d’une technique d’injection optimale. Pour cette raison, l’American Diabetes Association (ADA) a publié des recommandations destinées aux professionnels de santé [10], tout comme les Associations nationales de paramédicaux de plusieurs pays européens (Danemark [11], France [12] et Pays-Bas [13]). Peu d’études ont porté sur la connaissance des patients insulino-traités en matière de technique d’injection de l’insuline. La plus récente semble être celle conduite, en 1999, dans sept pays européens (22 centres) dont la France (quatre centres), incluant au total 1 002 patients (dont 178 en France) complétant un auto-questionnaire, validé ensuite par une infirmière [14]. Cette enquête avait été réalisée en vue du Second Injection Technique Event (S.I.T.E.), réunissant à Barcelone (Espagne), en mai 2000, à l’initiative de Becton Dickinson (BD), 91 experts internationaux (médecins et infirmières) pour débattre de la technique d’injection de l’insuline [14]. Au vu de la progression importante du nombre de patients insulino-traités, ou traités par un agoniste du GLP-1, dans le monde, et de l’absence de recommandations de bonnes pratiques d’injection dans la plupart des pays, il a été jugé utile de réunir un groupe d’experts internationaux, afin de faire le point sur les données disponibles et proposer des recommandations actualisées. En vue de cette réunion, The Third Injection Technique workshop in AtheNs (TITAN), prévue pour se dérouler à Athènes (Grèce), en septembre 2009, une enquête internationale, par auto-questionnaire patient et autoquestionnaire infirmière a été réalisée.

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Nous présentons ici les données issues de la partie française de cette enquête internationale, publiée par ailleurs [15].

Les données françaises de l’enquête « Technique d’injection de l’insuline » Matériel et méthodes Le questionnaire international « Insulin Injection Technique » a été développé, en anglais, par un Comité scientifique de 11 membres, médecins et infirmières, européens et nord-américains, spécialistes du diabète, en se basant sur leur propre expérience et en s’aidant de questionnaires existants [14, 16]. Il a ensuite été testé dans quelques centres de diabétologie, puis traduit dans la langue des pays devant participer à l’enquête par des spécialistes locaux, avec l’assistance d’employés de BD, sponsor de l’étude (en France, sous la supervision de Nadia Tubiana-Rufi, Hôpital Robert-Debré, AP-HP, Paris). Il est constitué de deux auto-questionnaires distincts, anonymes, identifiés par centres participants, l’un destiné aux patients, l’autre aux soignants, portant sur les principaux critères permettant d’évaluer les modalités de la technique d’injection. Le questionnaire patient (40 questions à choix fermé, mais avec la possibilité de commentaires pour certaines) portait principalement sur le matériel utilisé, la préparation de l’injection, la technique d’injection et le ressenti de l’injection. Le questionnaire soignant (12 questions) était destiné à collecter les observations sur la zone d’injection, les pratiques des patients et leur perception de l’injection et les modalités de l’éducation thérapeutique des patients portant sur l’injection et sa technique, ainsi que le dernier taux d’HbA 1c connu. Les objectifs de ces questionnaires étaient d’établir le profil épidémiologique de ces critères d’injection ; de déterminer les principales causes de variabilité de la technique d’injection, leur importance et leurs interactions respectives, et d’évaluer la perception des participants quant à l’ETP reçue et au processus de l’injection, incluant les barrières psychologiques présentes.

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Pour la pratique

Les critères d’inclusion dans l’étude étaient : patients adolescents (> 14 ans) et adultes, atteints d’un diabète connu (de type 1 ou de type 2), pratiquant eux-mêmes au moins une auto-injection d’insuline ou d’exénatide par jour depuis au moins 6 mois, aptes à comprendre et répondre à l’auto-questionnaire et ayant donné leur consentement verbal (ou leur tuteur légal dans le cas des enfants) à l’étude. Pour les enfants plus jeunes suivis par des services de pédiatrie, il était prévu que le questionnaire patient puisse être rempli par les parents et/ou l’adulte pratiquant l’injection, mais toujours en présence de l’enfant concerné. Dans la mesure du possible, les centres participants ont été choisis afin de représenter les habitudes de prise en charge des patients atteints de diabète dans les pays concernés (centres spécialisés pour le diabète, centres de soins communautaires, ou centres de médecine générale). Chaque centre devait inclure au moins 20 patients répondant aux conditions d’inclusion. L’analyse statistique, essentiellement descriptive, a utilisé le logiciel SPSS. Les données recueillies ont été analysées par pays, et pour certains pays en séparant les populations adulte et pédiatrique. Des analyses globales ont été réalisées lorsque la distribution des paramètres démographiques nationaux (âge, sexe,

indice de masse corporelle et ancienneté du diabète) était comparable.

Population incluse dans l’enquête L’enquête internationale à laquelle ont participé 171 centres de 16 pays (Chine, États-Unis et 14 pays en Europe), a inclus, de septembre 2008 à juin 2009, 4 352 patients DT1 (environ 37 %) et DT2 (environ 63 %) s’auto-injectant leur traitement du diabète. Au total, 71 % des participants étaient traités par insuline seule et 25 % par insuline et ADO, les autres (3 %) étaient traités par exénatide et ADO. Les auto-questionnaires patient et soignant ont été remplis pour tous les participants. Les résultats en sont publiés par ailleurs [15]. En France, 134 patients ont participé à l’enquête, réalisée entre octobre 2008 et février 2009 : 114 adultes (> 18 ans), 10 adolescents et 10 parents de jeunes enfants. Pour des raisons d’homogénéité, les résultats présentés ici portent uniquement sur les 113 adultes traités par insuline (± ADO), excluant donc un sujet adulte traité par exénatide ainsi que les enfants et adolescents. Ces 113 adultes ont été recrutés parmi les patients diabétiques, autonomes, suivis par six services de diabétologie (CHU de Bordeaux, Grenoble, Montpellier, Nancy et Rouen, et Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris). Les

Tableau I : Principales caractéristiques démographiques et histoire du diabète des 113 patients adultes insulino-traités inclus dans l’enquête. Caractéristiques Sexe Âge moyen Poids / Taille (moyenne) Ancienneté du diabète si ≥ 1 an si < 1 an Âge au diagnostic Traitement actuel du diabète – insuline seule – insuline + ADO Ancienneté du traitement par insuline – si diabète ≥ 1 an – si diabète < 1 an Dernier taux d’HbA1c (%) moyenne (extrêmes)

Femmes : 59 (52 %) Hommes : 54 (48 %) 47 ans (18 – 81,5 ans) 77 kg/168 cm 17 ans (1 – 44 ans) 7 mois (2 – 10 mois) 32 ans (1 – 69 ans)

Donnée manquante 0 0 2 12

3 0

90 (79,6 %) 23 (20,4 %) 4 12 ans (1 – 36 ans) 6 mois (2 – 10 mois) 8,45 ± 1,60 (5,8 – 16,0)

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auto-questionnaires ont été complétés lors d’une consultation ou une hospitalisation. Les principales caractéristiques démographiques et histoire du diabète de ces 113 patients sont présentées tableau I. Il s’agit majoritairement de patients d’origine européenne/caucasienne (n = 99 ; origine afro-carribéenne : 5, autres : 4, non précisé : 5). Le traitement consiste en insuline seule pour 90 (79,6 %) et en insuline + ADO pour 23 (20,4 %) patients. Le dernier taux d’HbA1c connu est de 8,45 % en moyenne (extrêmes : 5,8 à 16,0 %). Le type de diabète n’a pas été demandé aux patients compte tenu des incertitudes possibles, néanmoins, sur la base de l’âge au diagnostic de diabète et de l’ancienneté de l’instauration du traitement par insuline, il peut être estimé qu’environ la moitié des adultes inclus sont atteints de diabète de type 1, et l’autre moitié d’un diabète de type 2.

Réponses au questionnaire Patient Modalités pratiques de l’injection d’insuline Les principales réponses au questionnaire sont présentées tableau II. r Matériel d’injection Pratiquement tous les patients (97,3 %) utilisent un stylo à insuline, deux seulement utilisent alternativement un stylo et une seringue, et un patient porteur d’une pompe à insuline utilise occasionnellement un stylo (tableau II). Ils utilisent essentiellement une aiguille de 8 mm (75,2 % des patients) ou de 5 mm (20,0 %) (tableau II) ; plus de la moitié (57,3 %) des patients utilise la même longueur d’aiguille depuis l’instauration de l’insulinothérapie. r Remise en suspension de l’insuline Une insuline NPH, ou une insuline prémélangée, est utilisée par 52 patients. Si une majorité (n = 33 ; 63,5 %) déclare la remettre en suspension avant l’injection, plus d’un tiers (n = 19 ; 36,5 %) déclare ne pas effectuer cette manipulation nécessaire. Pour ceux qui pratiquent cette manipulation, seuls 10 (30,3 %) d’entre eux déclarent faire rouler et/ou retourner au moins 10 fois la cartouche ou le stylo immédiatement avant l’utilisation (5 fois : n = 20 ; 60,6 %) (tableau II).

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r Nombre d’injections journalière Le nombre d’injection journalière est très variable, d’une à cinq injections (tableau II), mais une majorité de patients (n = 59 ; 53,2 %) indique effectuer quatre injections par jour, correspondant donc à un schéma basalbolus. r Zones d’injection Les zones d’injection utilisées sont variables selon les patients et varient également selon le nombre d’injections journalières. L’abdomen est la zone d’injection préférée par les patients. Globalement, elle est principalement effectuée au niveau de l’abdomen (42,4 % des injections), des cuisses (26,2 %) et des bras (18,5 %), les injections sont peu pratiquées au niveau des fesses (9,2 %) et dans 3,7 % des cas, sans zone spécifique. La première injection de la journée est un peu plus fréquemment effectuée au niveau de l’abdomen (44,8 % des cas) et moins fréquemment au niveau des fesses (6,5 %), mais les différences restent faibles, hormis pour les patients sous quatre injections par jour qui semblent varier davantage le site d’injection au fil de la journée (quatrième injection au niveau de l’abdomen dans 36,5 % des cas, des cuisses dans 25,4 % des cas, des fesses dans 17,5 % des cas et des bras dans 15,9 % des cas). Les deux côtés, droit et gauche, sont utilisés par 105 (94,6 %) des patients. Une rotation au sein d’une même zone est déclarée par 82,9 % des patients, mais 17,1 % déclarent ne pas le faire. Le choix de la zone d’injection répond à des motifs et modalités variables : « Je n’ai pas de choix précis » (33,9 %), « Je pratique selon la même zone, même heure » (26,8 %), « Je choisis la zone où cela fera le moins mal » (15,0 %), « Je choisis la zone selon l’activité physique que j’ai programmée » (11,0 %), « J’injecte dans la même zone toute la journée » (6,3 %), « J’injecte dans la même zone pendant plusieurs jours » (3,9 %). r Pratique d’un pli cutané La pratique d’un pli cutané n’est pas générale, et elle varie avec la zone d’injection : plus fréquente au niveau de l’abdomen (60,0 %), des cuisses (56,8 %) et des fesses (41,2 %) et assez peu réalisée au niveau des bras (27,3 %).

Lorsque les patients pratiquent un pli cutané, l’injection est généralement réalisée avec l’aiguille à 90° (perpendiculaire à la peau), plutôt qu’à 45° (à la base du pli cutané), et ce quelle que soit la zone d’injection : abdomen (64,8 % des cas),

bras (64,3 %), cuisses (62,1 %) et fesses (56,5 %). Pour ceux qui pratiquent un pli cutané, ils indiquent relâcher le pli dès que l’aiguille est sous la peau (21,8 %), dès la fin de l’injection (38,5 %) ou dès que l’aiguille

Tableau II : Questionnaire Patient : principales modalités pratiques de l’injection d’insuline (n = 113). Questions Quel matériel utilisez-vous pour vos injections ? – seringue uniquement – stylo uniquement – les deux – pompe à insuline Quelle longueur d’aiguille utilisez-vous ? (plusieurs réponses possibles) – 12 mm – 8 mm – 6 mm – 5 mm Si vous utilisez des insulines d’action intermédiaire (NPH ou pré-mélangée), remettez-vous votre insuline en suspension avant l’injection ? – Oui – Non Si Oui, combien de fois en moyenne faites-vous rouler le flacon/retournez-vous le stylo avant l’injection ? – < 5 fois – 5 fois – > 10 fois Combien d’injection faites-vous par jour ? – 1 injection – 2 injections – 3 injections – 4 injections – 5 injections Combien de temps laissez-vous l’aiguille dans la peau après avoir fait votre injection ? – < 5 secondes – 5 à 10 secondes – > 10 secondes – Ne sait pas Avez-vous remarqué des fuites d’insuline de votre stylo après l’injection ? – Oui – Non À quelle fréquence observez-vous une perte d’insuline au niveau de la peau du site d’injection ? – jamais – quasiment jamais (plusieurs fois par an) – quelquefois (plusieurs fois par mois) – souvent (plusieurs fois par semaine) – à chaque fois

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Réponses

Non-réponse (nr), ou non applicable (n/a) nr : 0

0 110 (97,3 %) 2 1 nr : 1 15 (13,3 %) 85 (75,2 %) 2 22 (20,0 %) n/a : 61 33 (63,5 %) 19 (36,5 %)

nr : 0 3 (9,1 %) 20 (60,6 %) 10 (30,3 %) nr : 2 8 (7,2 %) 9 (8,1 %) 27 (24,3 %) 59 (53,2 %) 8 (7,2 %) nr : 1 21 (18,8 %) 54 (48,2 %) 35 (31,3 %) 2 (1,8 %) nr : 3 66 (60,0 %) 44 (40,0 %) nr : 2 35 (31,5 %) 39 (35,1 %) 30 (27,0 %) 7 (6,3 %) 0

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Pour la pratique

est retirée de la peau (35,9 %), et trois patients ne savent pas. r Existence d’induration (boules/ nodules) dans les zones d’injection habituelles Une majorité de patients (n = 62 ; 54,9 %) déclarent ne pas en avoir constaté ; a contrario, 51 (45,1 %) patients indiquent qu’il en existe. Dans ce cas, ils indiquent leur présence au niveau de l’abdomen (72,5 % des patients), des cuisses (33,8 % des patients), des bras (9,5 % des patients) et des fesses (6,8 % des patients), reflétant la fréquence d’utilisation de ces zones d’injection respectives. Lorsque les patients indiquent l’existence de nodules, 74,1 % déclare ne jamais injecter l’insuline à ce niveau, mais 20,7 % l’y injecter quelquefois, et 5,2 % (trois patients) l’y injecter systématiquement. r Avant l’injection de l’insuline Vingt-six (23,6 %) patients déclarent n’effectuer les injections qu’au domicile, 82 (74,5 %) les effectuer au domicile et/ou en dehors de la maison et deux (1,8 %) toujours en dehors (trois patients n’ont pas répondu). Trente-cinq (32,1 %) patients indiquent désinfecter le site d’injection auparavant et 74 (67,9 %) ne pas le faire (quatre non-réponses).

r La réalisation de l’injection La grande majorité (n = 91 ; 82,7 %) des patients répondants (trois non-réponses) indique n’utiliser qu’une seule fois l’aiguille, mais 19 (17,3 %) disent l’utiliser pour plusieurs injections (deux fois : n = 6 ; trois ou quatre fois : n = 8 ; voire plus de 10 fois : n = 4). À la question : « Vous arrive-t-il d’injecter l’insuline à travers les vêtements ? », 95 (84,8 %) patients répondent « Jamais », 14 (12,5 %) « Parfois », un seul « Souvent » et deux « Toujours » (un non-répondant). r Après l’injection de l’insuline L’aiguille (stylo) est généralement retirée 5 à 10 secondes, voire plus, après la fin de l’injection. Mais 21 (18,8 %) patients la retirent presque immédiatement (< 5 secondes) (tableau II). Des fuites d’insuline au niveau du stylo après l’injection sont signalées par 66 (60,0 %) patients (tableau II). Si 35 (31,5 %) patients indiquent ne jamais observer de perte ou reflux d’insuline au niveau de la peau après l’injection, elle est déclarée survenir, à une fréquence variable, par 76 (68,5 %) patients (tableau II). r Régularité de l’injection À la question : « Vous arrive t-il de sauter occasionnellement une injection ? », 62

Tableau III : Questionnaire Patient : le ressenti de l’injection d’insuline par le patient (n = 113). Questions Cochez l’expression qui décrit le mieux le ressenti de votre injection d’insuline – aucune douleur – quelquefois douloureuse (plusieurs fois par mois) – presque jamais douloureuse (plusieurs fois par an) – souvent douloureuse (plusieurs fois par semaine) – toujours douloureuse Lorsque l’injection est douloureuse, à quoi l’attribuez-vous ? (plusieurs réponses possibles) – à la zone d’injection – à l’insuline injectée – à la température de l’insuline injectée – au volume injecté – à la réutilisation de l’aiguille – à une mauvaise technique d’injection – ne sait pas À quelle fréquence l’injection occasionne-t-elle un saignement / bleu ? – jamais – quasiment jamais (plusieurs fois par an) – quelquefois (plusieurs fois par mois) – souvent (plusieurs fois par semaine) – à chaque fois

Réponses

Non-réponse (nr) nr : 1

29 (25,9 %) 50 (44,6 %) 24 (21,4 %) 9 (8,0 %) 0

Le ressenti par le patient de l’injection (tableau III) Si une douleur liée à l’injection d’insuline est ressentie par les patients (par 83 d’entre eux ; 74,1 %), elle n’est généralement pas considérée comme ayant une grande fréquence ; seuls neuf (8,0 %) patients indiquent que l’injection est souvent douloureuse, et aucun « toujours » douloureuse. Les causes attribuées par les patients à cette réaction douloureuse sont variables, le plus souvent considérées comme liée à la zone d’injection (citée 61 fois ; 50,0 % des cas), mais également fréquemment rattachées à une mauvaise technique d’injection et/ou à la réutilisation de l’aiguille. De même, si la survenue d’un saignement et/ou d’un hématome au point d’injection est signalée par la majorité des patients (99 patients ; 87,6 %), seuls huit patients (7,1 %) l’indiquent comme fréquente (plusieurs fois par semaine, et à chaque injection pour un patient).

Éducation à la technique d’injection de l’insuline

nr : 24 61 (50,0 %) 13 (10,7 %) 7 (5,7 %) 6 (4,9 %) 5 (4,1 %) 19 (15,6 %) 11 (9,0 %) nr : 0 14 (13,6 %) 44 (38,9 %) 47 (41,6 %) 7 (6,2 %) 1 (0,9 %)

(54,9 %) patients répondent « Jamais ». Pour les 51 (45,1 %) patients qui répondent « Oui », les raisons invoquées sont essentiellement l’oubli (cité 31 fois), le fait de ne pas avoir mangé (12 fois), une glycémie trop basse (10 fois), le fait d’être souffrant avec nausées et vomissements (8 fois), ou une raison autre (14 fois).

L’éducation à la technique d’injection de l’insuline a généralement été réalisée par le professionnel de santé spécialisé dans le diabète et/ou l’éducation (87,1 % des réponses), le plus souvent dans un cadre hospitalier. Toutefois, le médecin traitant et l’infirmière libérale jouent également un rôle (5,4 % des réponses), alors que l’environnement (autre patient atteint de diabète, famille) intervient également (6,1 % des réponses) (tableau IV). Les thèmes abordés avec les patients depuis qu’ils sont traités par insuline, concernant des aspects de la technique d’injection, sont nombreux, mais on note une grande disparité dans l’importance respective qui leur est accordée, cer-

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Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

tains d’entre eux semblant être moins abordé que d’autres, ou peu fréquemment (tableau IV). Néanmoins, 82 (74,5 %) patients estiment ne pas avoir besoin d’informations complémentaires sur l’injection d’insuline et/ou la technique d’injection ; seuls un quart (25,5 %) souhaitent avoir davantage d’informations (trois patients n’ont pas répondu).

Implication de l’infirmière et/ou du médecin dans le suivi À la question « À quelle fréquence votre infirmière ou médecin examine-til vos zones d’injection ? », 46 (43,8 %) patients répondent « à chaque consultation », cette réponse est toutefois à pondérer, le nombre de consultations indiqué variant d’une par an (deux patients) à 12 par an (quatre patients), en moyenne trois à quatre consultations par an ; 16 (15,2 %) répondent « une fois par an », 8 (7,6 %) répondent « seulement si je me plains d’un problème au site d’injection » ; mais surtout un tiers (n = 35 ; 33,3 %) répond « mes zones d’injection n’ont jamais été examinées » (tableau IV).

Élimination des déchets d’activités de soins à risques infectieux Une majorité de patients (73,6 %) utilisent pour éliminer les aiguilles (et les seringues, le cas échéant), un collecteur spécifique destiné aux déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI), et à défaut, un récipient domestique étanche et fermé (17,3 %). Toutefois, 16,4 % des patients déclarent encore jeter le matériel d’injection directement dans la poubelle (tableau V). Lorsqu’ils utilisent un collecteur spécifique et/ou un récipient domestique étanche et fermé, la majorité des patients (70,0 %) rapporte avoir trouvé des solutions locales pour le dépôt du collecteur une fois celui-ci rempli ; parmi ces patients, 82,9 % déclarent ne pas avoir rencontré de difficultés particulières quand au lieu de dépôt. Mais près d’un quart des patients déclare jeter le collecteur directement dans la poubelle domestique (tableau V).

Tableau IV : Questionnaire Patient : l’éducation à la technique d’injection de l’insuline (n = 113). Questions Qui vous a expliqué comment réaliser une injection ? (plusieurs réponses possibles) – mon diabétologue – mon infirmière d’éducation – une autre personne du service – l’infirmière du service – mon infirmière à domicile – mon médecin traitant – un autre patient qui se fait ses injections – un membre de ma famille – j’ai suivi un mode d’emploi qu’on m’a remis – j’ai appris lors des séances d’éducation en groupe Depuis que vous avez appris à vous injecter l’insuline, quels aspects de la technique d’injection ont été abordés ? – zone d’injection (cuisse, bras, fesses, abdomen...) – profondeur d’injection – longueur d’aiguille – pli cutané – temps de maintien du pli cutané – angle d’injection – temps de maintien de l’aiguille sous la peau – rotation du site d’injection au sein d’une même zone – injection dans la même zone à la même heure de la journée – prévention des bulles d’air – mélange des insulines dans une seringue – remise en suspension des insulines intermédiaires – ne pas réutiliser seringue et aiguille – éliminer de façon sûre seringue et aiguille À quelle fréquence votre infirmière ou votre médecin examine-t-il vos zones d’injection ? – systématiquement à chaque consultation* – une fois par an – seulement si je me plains d’un problème au site d’injection – mes zones d’injection n’ont jamais été examinées

Réponses

Non-réponse (nr) nr : 0

28 (19,0 %) 44 (29,9 %) 1 49 (33,3 %) 6 (4,1 %) 2 (1,4 %) 2 (1,4 %) 7 (4,8 %) 2 (1,4 %) 6 (4,1 %)

Réponses : Oui (%)/Non 101 (95,3 %) / 5 59 (59,6 %) / 40 73 (72,3 %) / 28 78 (74,3 %) / 27 86 (85,1 %) / 15 69 (68,3 %) / 32 86 (85,1 %) / 15 88 (88,0 %) / 12 44 (47,3 %) / 49 75 (76,5 %) / 23 29 (38,2 %) / 47 41 (50,0 %) / 41 88 (88,9 %) / 11 79 (79,8 %) / 20

nr : 7 nr : 15 nr : 12 nr : 8 nr : 15 nr : 12 nr : 12 nr : 13 nr : 20 nr : 17 nr : 37 nr : 31 nr : 14 nr : 14

nr : 8 46 (43,8 %) 16 (15,2 %) 8 (7,6 %) 35 (33,3 %)

* La fréquence des consultations indiquées varie d’une consultation par an (2 patients) à 12 consultations par an (4 patients).

Réponses au questionnaire Soignant Zones d’injection de l’insuline utilisées par le patient Les soignants indiquent que les zones utilisées par les patients pour l’injection sont préférentiellement l’abdomen (90,8 % des patients), les cuisses (66,1 % des patients) et les bras (45,9 % des patients), moins fréquemment les

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fesses (27,5 % des patients), ce qui est globalement en accord avec les réponses déclarées par les patients.

Examen par le soignant des zones d’injection du patient Le tableau VI présente les réponses des soignants quand à l’aspect visuel et à la palpation des diverses zones utilisées par le patient pour l’injection d’insuline. Globalement, la palpation des zones

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d’injection par le soignant confirme les constatations à l’examen visuel. Fort logiquement, ce sont les zones qui sont le plus fréquemment utilisées pour l’injection de l’insuline, au niveau de l’abdomen et des cuisses, où des lipodystrophies sont le plus fréquemment observées, généralement à type de lipohypertrophies, de taille variable. Les lipoatrophies semblent moins fréquentes, et de plus petite taille.

Pratique d’une injection de l’insuline par le patient, en présence du soignants Cet acte a été effectué par 109 patients utilisant un stylo à insuline. Dans 90 cas (82,6 %), l’aiguille a été fixée après l’ouverture du stylo. Dans 19 (17,4 %) cas, elle était déjà présente sur le stylo lors du retrait du capuchon par le patient.

Tableau V : Questionnaire Patient : élimination des déchets de soins à risque infectieux après l’injection de l’insuline (n = 113). Questions

Réponses

De quelle façon éliminez-vous vos aiguilles et seringues ? (plusieurs réponses possibles) – dans un collecteur réservé à cet usage – dans un récipient domestique étanche et fermé – à la poubelle après avoir re-capuchonné – à la poubelle directement – à la poubelle après avoir sectionné l’aiguille (Safe-Clip®) Si vous éliminez vos aiguilles et seringues dans un collecteur, que faites-vous du collecteur ? * (plusieurs réponses possibles) – je le mets directement à la poubelle – je le dépose chez le pharmacien – je le dépose dans un cabinet médical – je le dépose dans un laboratoire d’analyses – je le dépose dans un endroit précis de ma localité – autre

Non-réponse (nr), ou non applicable (n/a) nr : 3

81 (73,6 %) 19 (17,3 %) 15 (13,6 %) 1 2

n/a ou n/r : 23

(23,3 %) 35 (38,9 %) 2 (2,2 %) 5 (5,6 %) 21 (23,3 %) 10 (11,1 %)

* Certains patients utilisant un récipient domestique étanche et fermé ont également répondu à cette question. Leurs réponses ont été intégrées dans l’analyse. Les pourcentages ont été calculés sur la base du nombre (n = 90) de patients ayant répondu.

Selon le soignant, le patient utilise habituellement une aiguille de 8 mm (84 patients ; 68,9 %), de 5 mm (20 patients ; 16,4 %) et/ou de 12 mm (14 patients ; 11, 5 %), plus rarement de 10 mm ou de 6 mm (deux patients pour chacune de ces longueurs d’aiguille), ce qui est dans l’ensemble en accord avec les réponses au questionnaire patient. Les raisons indiquées par le soignant pour justifier la longueur d’aiguille utilisée par le patient sont « longueur la plus appropriée » (64,8 % des réponses), « longueur utilisée dans notre service » (13,9 %), « longueur demandée par le patient » (9,0 %), une autre raison (12,3 %). La pratique d’un pli cutané à l’injection par le patient est rapportée par le soignant dans 62,2 % des cas, mais indiqué comme n’étant pas effectuée dans 37,8 % des cas. Lorsqu’un pli cutané est pratiqué, il est réalisé en pinçant la peau entre un ou deux doigts et le pouce dans 90,1 % des cas, et avec toute la main dans les autres cas. L’injection est généralement réalisée avec l’aiguille insérée à 90°, perpendiculairement à la peau, dans 90 % des cas, et à 45°, à la base du pli cutané, dans 26,1 % des cas ; seuls deux patients pratiquent l’injection selon un autre angle. Le pli cutané est relâché dès que l’aiguille est sous la peau (23,6 %), dès la fin de l’injection (38,9 %), ou dès que l’aiguille est retirée de la peau (37,5 %). Ces constats par le soignant sont comparables aux réponses obtenues par le questionnaire patient.

Tableau VI : Questionnaire Soignant : aspect des zones utilisées par le patient pour l’injection de l’insuline : à l’examen visuel, et à la palpation (n = 113). Après examen du patient, pouvez-vous décrire l’aspect visuel des zones d’injection ? (plusieurs réponses possibles) Aspect normal Abdomen Cuisses Fesses Bras

67 (69,1 %) 55 (75,3 %) 29 (87,9 %) 47 (87,0 %)

Présence de lipohypertrophie 28 (28,9 %) 17 (23,3 %) 4 (12,1 %) 7 (13,0 %)

Présence de lipoatrophie 2 (2,1 %) 1 (1,4 %) 0 0

Non-réponse, ou non approprié 16 40 80 59

Après palpation, pouvez-vous évaluer l’état de la peau au niveau du site d’injection ? Normal Abdomen Cuisses Fesses Bras

64 (66,7 %) 53 (74,6 %) 25 (86,2 %) 44 (80,0 %)

Lipohypertrophie (précisez la taille) 23 (de 0,5 à 10 mm) 12 (de 1 à 15 mm) 4 (de 2 à 10 mm) 8 (de 2 à 9,9 mm)

Lipoatrophie (précisez la taille) 1 (3 mm) 0 0 1 (6 mm)

Zone douloureuse 3 3 0 0

Inflammation/ induration 5 3 0 2

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Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

Perception par le soignant du ressenti de la douleur à l’injection par le patient Le soignant déclare que le patient ne ressent aucune douleur à l’injection dans 73 (68,2 %) cas, qu’il ressent une douleur « pas importante » dans 30 (28,0 %) cas, une douleur « importante » dans trois (2,8 %) cas. Aucun cas de douleur « extrême » n’est rapporté. Un soignant déclare ne pas pouvoir se prononcer (six n’ont pas répondu à cette question).

Discussion Cette étude, réalisée chez un petit nombre de sujets atteints de diabète et insulino-traités, vus en consultation de diabétologie de CHU, ne saurait représenter l’ensemble des patients diabétiques insulino-traités en France. Cependant, elle permet d’en retirer un certain nombre d’enseignements quant aux conditions pratiques de la technique d’injection de l’insuline. Les patients diabétiques qui ont participé à l’enquête, utilisent en 2009, pratiquement exclusivement un stylo à insuline, ce qui est en accord avec les données disponibles, qui indiquaient qu’en France, en 2005, 92 % de l’insuline était vendue en stylos jetables (pour 74 %) ou en cartouches pour stylos rechargeables (pour 18 %) [17]. Ils utilisent pour les trois quarts des aiguilles d’une longueur de 8 mm, confirmant la tendance à la réduction de la longueur des aiguilles utilisées, les aiguilles de 12 mm ne sont utilisées que par environ 12 % des patients, alors que la part des aiguilles plus courtes (5 mm) tend à augmenter (environ 20 % des patients de l’enquête) ; un certain nombre de patients utilisent plusieurs longueurs d’aiguille, selon la zone d’injection. Les réponses à l’auto-questionnaire patient montrent un nombre important de lacunes et/ou de non-respect des conseils qui leur ont été donnés lors de l’éducation à la technique d’injection de l’insuline. Parmi les 52 patients qui utilisent une insuline NPH, ou une insuline pré-mélangée, plus d’un tiers (36,5 %) déclare ne pas la remettre en suspension avant l’injection, et parmi ceux qui effectuent cette manipulation, pourtant nécessaire, moins d’un tiers déclare faire rouler

et/ou retourner au moins 10 fois la cartouche ou le stylo immédiatement avant l’utilisation. En ce domaine, les instructions destinées aux patients utilisateurs sont fort variables, certaines indiquant uniquement qu’il est nécessaire de remettre le contenu de la cartouche ou du stylo prérempli jusqu’à l’obtention d’un aspect uniformément laiteux, alors que d’autres sont beaucoup plus précises (« les faire rouler 10 fois entre les paumes des mains, puis les retourner 10 fois à 180° », Umuline® NPH et Umuline® Profil 30, Vidal®), et ce en accord avec les recommandations françaises (« rouler ou agiter lentement de haut en bas, 20 fois pour les cartouches… jusqu’à ce que l’insuline soit parfaitement homogène ») [12] ou internationales [11, 13, 18]. Or, il a été montré qu’une remise en suspension inadéquate, et a fortiori son absence, induit des doses d’insuline injectées extrêmement variables, et est donc susceptible d’influer sur le contrôle glycémique [19]. Les zones d’injection utilisées sont variables selon les patients et varient également selon le nombre d’injections journalières, mais 17,1 % des patients déclarent ne pas faire de rotation au sein d’une même zone d’injection, pratique formellement déconseillée et susceptible de favoriser l’apparition de lipodystrophies au niveau du site d’injection. L’aiguille est généralement retirée 5 à 10 secondes, voire plus, après la fin de l’injection. Mais près de 20 % des patients la laissent moins de 5 secondes

dans la peau après avoir injecté l’insuline, ce qui contribue certainement aux fuites d’insuline constatées au niveau du stylo après l’injection, signalées par 60,0 % des patients, et aux pertes ou reflux d’insuline au niveau de la peau après l’injection, observées par les patients, que plus de 68 % d’entre eux déclarent survenir, à une fréquence variable. Si la grande majorité (près de 83 %) des patients indique n’utiliser qu’une seule fois l’aiguille, plus de 17 % déclare utiliser une même aiguille pour plusieurs injections (jusqu’à plus de 10 fois pour quatre patients). Enfin, la régularité de l’injection d’insuline ne semble pas optimale puisque 45 % des patients déclarent sauter occasionnellement une injection, principalement par oubli, même si d’autres raisons citées, moins fréquentes, paraissent davantage justifiées (patient n’ayant pas mangé, glycémie trop basse, patient souffrant avec nausées et vomissements). Ce constat est proche de celui d’une enquête récente, réalisée via Internet auprès de 502 adultes diabétiques américains, d’âge moyen 55 ans, traités par insuline pour un diabète de type 1 (n = 114 ; ancienneté moyenne du diabète de 21,4 ans) ou un diabète de type 2 (n = 388 ; ancienneté moyenne du diabète de 12,8 ans) ; plus de la moitié d’entre eux déclarent omettre certaines de leurs injections d’insuline, et surtout, 20 % des sujets disent le faire de manière régulière, ceux qui signalaient des problèmes liés à l’injection d’insuline (interférences

Les points essentiels t La partie française de l’étude internationale « Technique d’injection de l’insuline » porte sur 113 patients adultes atteints de diabète et en auto-traitement par insuline. t L’auto-questionnaire patient s’intéresse à leurs pratiques concernant la technique d’injection de l’insuline. t 97 % des patients utilisent des stylos à insuline, dont 53 % sont traités par un schéma basal-bolus. t Les aiguilles d’une longueur de 5 mm sont utilisées par 20 % des patients et celles de 8 mm par 75 % des patients. t Les fuites d’insuline au niveau du stylo, déclarées par 60 % des patients, laissent supposer un manque d’insuline injectée et, par conséquent, une variabilité glycémique avec ses conséquences potentielles sur le contrôle glycémique. t Lors de l’éducation thérapeutique du patient traité par insuline, les soignants doivent attacher une attention particulière aux messages portants sur la rotation des points d’injection, la technique avec ou sans pli cutané, le temps passé avant de retirer l’aiguille de la peau, les raisons pour lesquelles une injection est non pratiquée.

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avec les activités quotidiennes, douleur au site d’injection, gêne sociale…) étaient plus à risque d’oublier ou de sauter volontairement une injection d’insuline [20]. Il faut souligner que si tous les patients déclarent avoir reçu une formation à l’injection d’insuline, les modalités de celle-ci apparaissent fort variables et qu’à l’occasion des rappels de la technique, certains points importants semblent moins abordés que d’autres, voire peu souvent. Or, la répétition des messages clés semble importante pour le maintien à long terme d’une technique correcte d’injection de l’insuline [18]. Les conditions réglementaires de la gestion des DASRI (aiguilles pour injection, lancettes utilisées lors de l’autosurveillance glycémique) demeurent insuffisamment connues ou respectées par les patients diabétiques, et ceux qui utilisent un collecteur, ou pour certains, à défaut, un récipient domestique étanche et fermé, rencontrent fréquemment des difficultés pour leur dépôt, une fois rempli. Néanmoins, près des trois-quarts des patients déclarent utiliser un collecteur spécifique destiné aux DASRI, ce qui représente une modification profonde du comportement depuis l’enquête réalisée entre septembre 1998 et janvier 1999, essentiellement en France, chez 1 070 patients diabétiques insulinotraités suivis par des spécialistes du diabète ; à cette époque, les réponses à un auto-questionnaire patient indiquaient que seulement 8,6 % des patients plaçaient les

aiguilles usagées dans un collecteur spécifique et 29,6 % dans des bouteilles en plastique fermées, alors que 46,9 % des patients jetaient directement à la poubelle les aiguilles usagées [21]. L’information des patients atteints de diabète sur ce point touchant à la Santé publique peut cependant être améliorée, comme le montre l’exemple d’autres affections chroniques pour lesquelles les patients relèvent également d’auto-soins, telle la sclérose en plaque, pour laquelle, lors d’une étude réalisée par auto-questionnaires en région Poitou-Charentes, en 2007, seuls deux des 164 patients interrogés, déclaraient jeter directement leur matériel d’autoinjection à usage unique dans la poubelle domestique après utilisation [22]. Les réponses des infirmières à l’autoquestionnaire soignant sont généralement en accord avec les réponses des patients. Les divergences constatées portent essentiellement sur deux points : la présence de lipodystrophies au niveau des zones d’injection et le ressenti par le patient d’une douleur à l’injection. Près de la moitié (45,1 %) des patients indique qu’il existe des indurations (boules/ nodules) dans les zones d’injection habituelles ; les infirmières - avec une bonne concordance entre l’examen visuel et la palpation de la zone d’injection - retrouvent moins fréquemment la présence de lipodystrophies, essentiellement des lipohypertrophies et très rarement des lipoatrophies, plus fréquemment au

Conclusion Certes, cette étude a porté sur un nombre limité de patients diabétiques insulinotraités, recrutés parmi ceux suivis par six services de diabétologie de centres hospitalo-universitaires, elle ne saurait donc être représentative de l’ensemble des patients traités par insuline en France. Néanmoins, dans cette population de patients suivis par des centres très spécialisés, déclarant avoir bénéficié d’une formation à la technique d’injection de l’insuline et ayant bénéficié d’un suivi et de rappels réguliers des principales modalités de l’injection, l’étude pointe un certain nombre de lacunes dans les connaissances des patients et/ou leur mauvaise application, susceptibles d’influer sur l’obtention d’un contrôle glycémique adéquat ou d’expliquer la variabilité des effets thérapeutiques observés. Les soignants doivent veiller à rappeler régulièrement au patient l’importance d’une technique d’injection correcte et ses modalités. Une attention toute particulière doit être portée à ce que font réellement les patients, la meilleure méthode consistant à observer leur pratique d’une injection d’insuline. Il est également important d’examiner régulièrement les zones d’injection et de prêter attention au ressenti par le patient de l’injection, ce qui devrait s’intégrer dans une relation patient-médecin de qualité.

niveau de l’abdomen (chez un tiers des patients) et des cuisses (chez un quart des patients), zones d’injection les plus utilisées par les patients. La fréquence des lipodystrophies signalées par les patients parait élevée par comparaison à d’autres études, telle celle de Hauner et al., qui rapportent en avoir constaté chez 28,7 % des 233 patients allemands atteints de diabète de type 1 étudiés [23], mais elle est en accord avec une publication récente indiquant la présence de lipohypertrophies, constatées par l’observation et la palpation des zones d’injection, chez 48,8 % des 215 patients turcs utilisant l’insuline depuis au moins 2 ans [24]. Même si elles sont moins fréquemment retrouvées par les infirmières, ce point est important et ne doit pas être négligé par les soignants [25], compte tenu des répercussions potentielles sur les propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques des insulines en cas d’injection dans les zones de lipodystrophies [26, 27], pratique régulière de certains patients en l’absence de douleur lors de l’injection à ce niveau. Il apparaît donc nécessaire de renforcer l’éducation des patients sur les mesures préventives (utilisation de zones d’injection larges, nécessité d’alterner les sites d’injection et à l’intérieur d’une même zone, ne pas réutiliser deux fois la même aiguille,…), même si ces mesures ne suffisent pas toujours à éviter l’apparition de lipodystrophies [23, 25] et, bien sûr, la nécessité de ne pas injecter l’insuline dans les lipodystrophies, ce qui retarde l’absorption et la diffusion de l’insuline [28]. Surtout, il apparaît une très grande discordance entre le ressenti de l’injection par le patient, puisque près des trois quarts des patients rapportent une douleur lors de l’injection, de fréquence et d’intensité variables, et la perception de ce ressenti par l’infirmière qui déclare que les deux tiers des patients ne ressentent aucune douleur à l’injection et qu’un quart environ ressent une douleur jugée « pas importante ». Enfin, l’examen des zones d’injection par le médecin ou l’infirmière lors des consultations semble peu répandu : réalisé systématiquement - en moyenne trois à quatre fois par an - dans moins de la moitié des cas, et jamais pour un tiers des patients.

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Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

Source de financement de l’enquête L’enquête internationale « Technique d’injection de l’insuline » a été entièrement financée par Becton-Dickinson, qui a réalisé l’analyse des données recueillies. Conflits d’intérêt L’auteur était membre du Comité scientifique qui a élaboré le protocole et les questionnaires Patient et Soignant de cette enquête. À ce titre, il a reçu des honoraires de Becton-Dickinson. Il déclare avoir également reçu des honoraires de Becton-Dickinson pour des activités de conseil et avoir répondu à des invitations de cette firme en qualité d’intervenant et/ou d’auditeur à des réunions scientifiques (avec frais de déplacement et d’hébergement pris en charge).

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