Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ?

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438 Pour la pratique Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ? Commentaires sur une enquête réalisée dans les hôpitaux...

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Pour la pratique

Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ? Commentaires sur une enquête réalisée dans les hôpitaux français Insulin injection technique: Comments on a survey conducted in French hospitals

H. Mosnier-Pudar

Mots-clés : Diabète – insuline – traitement – technique d’injection

Service des maladies endocriniennes et métaboliques, Hôpital Cochin, AP-HP, Paris.

– éducation thérapeutique.

Key-words: Diabetes mellitus – insulin – treatment – injection technique – therapeutic education.

Introduction

Correspondance :

Il est aujourd’hui de plus en plus reconnu qu’une technique d’injection de bonne qualité et reproductible est un des éléments importants de l’équilibre glycémique obtenu par les traitements injectables du diabète, au premier rang desquels l’insuline. Paradoxalement, l’intérêt scientifique et même, ou plutôt surtout, dans la pratique clinique, accordé à la réalisation de l’injection est faible. En atteste le faible nombre d’études et d’enquêtes retrouvés dans la littérature, et le temps consacré par les professionnels de santé, en particulier les médecins durant les consultations, à la discussion avec les patients des gestes d’injection.

Helen Mosnier-Pudar Service des maladies endocriniennes et métaboliques Hôpital Cochin 27, rue du Faubourg Saint-Jacques 75679 Paris cedex 14 [email protected] © 2010 - Elsevier Masson SAS - Tous droits réservés.

Résultats de l’enquête et commentaires Les résultats français publiés ici [1] sont issus d’une enquête internationale (Chine, États-Unis, Europe), publiée par

ailleurs [2]. Ils concernent 113 adultes diabétiques, tous suivis dans des services de diabétologie hospitaliers français, qui ont fait une auto-évaluation de leur pratique de l’injection grâce à un questionnaire de 40 questions, portant principalement sur le matériel utilisé, la préparation de l’injection, la technique d’injection et la douleur liée à l’injection. Près de 80 % d’entre eux étaient traités par insuline seule, la majorité sous un schéma basal-bolus (n = 59), les autres sous une association insuline et antidiabétiques oraux. Les infirmiers de ces mêmes centres de diabétologie ont eux aussi répondu à un auto-questionnaire de 12 questions et ont observé la réalisation de l’injection par 109 patients. Pratiquement tous les patients (97,3 %) utilisent un stylo à insuline. Ceci est le cas pour l’ensemble des pays européens, seuls les patients aux États-Unis continuent à utiliser préférentiellement les seringues [2], essentiellement pour des raisons de coût. L’utilisation des stylos à insuline a nettement facilité la

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réalisation des injections et permis de les faire beaucoup plus facilement en dehors de la maison ; c’est ce que confirme cette enquête, avec plus de 75 % des patients qui font leurs injections également en dehors de leur domicile. Huit millimètres est devenu la longueur standard des aiguilles prescrites pour la réalisation des injections (75,2 % des patients), mais on est frappé par le fait que plus de la moitié des patients utilisent toujours la même longueur depuis la première prescription d’insuline, comme si leur poids et leur morphotype n’évoluaient pas avec les années. Un patient sur deux, dans cette enquête, utilise une insuline NPH ou une insuline pré-mélangée, or seulement deux tiers d’entre eux déclarent la remettre en suspension, et seulement 20 % le font correctement. L’absence de remise en suspension pourrait avoir pour conséquence une augmentation significative du nombre d’hypoglycémies ; en effet, l’amélioration de la technique d’injection s’accompagne d’une réduction des épisodes d’hypoglycémie et d’une tendance à l’amélioration du taux d’HbA1c [3]. La grande majorité (82,7 %) des patients change d’aiguille à chaque injection. Ceci est concordant avec ce qu’observent les infirmiers puisque, au retrait du capuchon du stylo par le patient, l’aiguille est restée en place dans 17,4 % des cas. Toutefois, à ce propos, la France se distingue, puisqu’en moyenne, parmi les patients utilisateurs de stylo à insuline dans l’enquête internationale, 56 % déclarent qu’ils réutilisent au moins deux fois leur aiguille et ce, jusqu’à plus de 10 fois [2]. La réutilisation de l’aiguille est corrélée de façon significative à l’existence de lipodystrophies, ici comme dans d’autres enquêtes. « L’exception française » est certainement due aux messages donnés par les personnels de santé concernant la non ré-utilisation des aiguilles. L’abdomen est la zone d’injection préférée par les patients. Environ un tiers des patients injectent l’insuline sans tenir compte ni de l’heure, ni de la zone d’injection recommandée, et seulement 26,8 % respectent le conseil habituel de faire l’injection d’insuline toujours dans la même zone anatomique pour une heure donnée. Une rotation au sein d’une même zone est déclarée par 82,9 % des

patients, mais 17,1 % déclarent ne pas en faire. La pratique d’un pli cutané n’est pas générale, de plus, elle varie selon la zone d’injection. Le plus souvent, alors, l’injection est réalisée perpendiculairement au pli, comme recommandé, mais peu de patients savent que le pli doit être relâché 5 à 10 secondes après l’injection. Ce temps est, d’ailleurs, habituellement conseillé, pour retirer l’aiguille après avoir injecté la dose d’insuline. Cette précaution est le garant d’avoir injecté toute la dose. Or, peu de patients respectent ce temps avant retrait de l’aiguille, et des fuites d’insuline sont très souvent signalées dans l’enquête. L’élimination des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) est faite de façon qui semble satisfaisante pour trois quarts des patients, même s’il existe encore des progrès à faire dans ce domaine. Toutes les étapes de l’injection, de la préparation à l’élimination des DASRI, sont à améliorer au vu des résultats de cette enquête. On constate donc que l’éducation du patient à la réalisation de l’injection est un moment crucial pour l’acquisition de bonnes pratiques. L’infirmier est, dans cette enquête, la personne la plus souvent responsable de cette éducation. Il est donc indispensable que leur savoir et leur savoir-faire en la matière soient excellents. De plus, au-delà de la maîtrise de la technique d’injection avec, de surcroît, une grande variété de dispositifs mis à disposition des patients, ils doivent avoir des compétences en communication et pédagogie. Apprendre à faire un geste à un autre ne s’improvise pas, savoir aussi entendre et gérer les réactions et émotions, souvent négatives, qui accompagnent le début du traitement par insuline est tout aussi important et garant d’une bonne réalisation des injections par le patient. La majorité des patients déclarent ne pas avoir constaté de zone d’induration ou de « boules » au niveau des sites d’injection. Mais le plus important ici, est que la majorité des patients qui en ont constaté déclarent ne jamais injecter dans ces zones. La proportion de lipopdystrophies constatée par les soignants est plutôt plus faible que celle des déclarations des patients, puisque, selon les

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zones anatomiques, l’aspect est considéré comme normal dans 66 à 86 % des cas. Il est toutefois étonnant de constater que la palpation ne retrouve pas plus de lipodystrophies que la simple inspection, alors que d’autres études montrent [4] que la palpation attentive des zones d’injection retrouve des anomalies non visibles. Les lipodystrophies sont le plus souvent hypertrophiques, les lésions atrophiques sont devenues beaucoup plus rares depuis l’arrêt de l’utilisation d’insuline d’origine animale [5]. La présence de lipodystrophies est souvent méconnue et insuffisamment prise en compte. Ainsi, un tiers des patients (33,3 %) déclare que les zones d’injection ne sont jamais examinées par leur médecin ou leur soignant, et 7,6 % que ce n’est le cas que lorsqu’ils formulent une plainte. Pourtant, lorsque l’injection d’insuline est faite dans une lipodystrophie, sa cinétique s’en trouve modifiée ; le plus souvent, elle est rallongée en raison d’une absorption retardée et aléatoire [5], mais l’inverse peut aussi se voir. Les conséquences en sont des variations glycémiques difficiles à expliquer et une augmentation des besoins en insuline. Il est donc important d’insister pour que les zones d’injections soient systématiquement et régulièrement examinées par les soignants, et que des recommandations appropriées soient données au patient pour modifier les sites d’injections si besoin.

Les points essentiels r La technique d’injection d’insuline est un élément important pour atteindre et maintenir un équilibre glycémique adéquat. r Cette enquête montre que de nombreux écarts aux recommandations de bonne pratique existent. Elle souligne l’importance d’une éducation thérapeutique du patient initiale de qualité et de son renforcement régulier. r Les lipodystrophies restent un problème dont il faut améliorer le dépistage par un examen régulier des zones d’injection.

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Pour la pratique

Conclusion La moindre variabilité pharmacocinétique et pharmacodynamique observée avec les analogues de l’insuline a fait que les soignants portent peut-être moins attention aux techniques d’injection. Pourtant, à l’ère de l’insulinothérapie fonctionnelle et de la recherche d’une bonne reproductibilité des résultats glycémiques, il est indispensable pour les patients insulino-traités de minimiser tous les facteurs de variation maîtrisables et donc, d’avoir une très bonne technique d’injection. Cette enquête française, dont les résultats nous sont révélés ici [1], bien que portant sur un nombre relativement limité de patients, fait un constat plus que mitigé de la pratique des injections d’insuline. Elle montre de multiples écarts aux recommandations françaises de bonne pratique [7]. Elle nous oblige à réfléchir à comment les patients sont éduqués et suivis. Nous avons déjà dit plus haut, l’importance d’une éducation de qualité à l’initiation du traitement par insuline. Mais l’injection d’insuline est un geste qui, à force, devient une habitude. L’habitude facilite la réalisation de cette action répétée. Elle permet de l’inscrire dans la vie quotidienne et ainsi d’éviter les oublis et d’améliorer l’observance au traitement. Mais, dans le même temps, l’habitude peut devenir routine et alors, les règles de bonne pratique n’étant plus questionnées, le geste devient moins précis et s’écarte des recommandations. Il est donc tout aussi important pour le soignant de régulièrement évaluer avec le patient sa technique d’injection, lui redonner des conseils, revoir toutes les étapes et ne pas hésiter à répéter les messages. Au-delà du geste technique, inspecter et examiner les sites d’injection doit aussi être fait régulièrement. Cette enquête, réalisée uniquement auprès de patients suivis en milieu hospitalier spécialisé, ne peut être généralisée. Mais le questionnement, que les écarts mis en évidence suscitent, reste valable, quelles que soient les modalités de suivi des patients traités par insuline.

L’origine – et les mécanismes physiopathologiques – des lipodystrophies n’est pas bien connue, elle est probablement multifactorielle, mais plusieurs enquêtes montrent que les facteurs qui favorisent l’apparition de lipodystrophies sont la réutilisation, plutôt rare en France, des aiguilles et l’absence d’une rotation au sein d’une même zone

d’injection [5, 6]. Expliquer pourquoi il est important de respecter les zones d’injection et faire une rotation est primordial. Aider les patients à respecter ces règles en leur indiquant clairement les schémas de rotation, voir si besoin utiliser des grilles de rotation, est un temps important de l’éducation à la technique d’injection de l’insuline.

L’injection d’insuline vous fait-elle mal ? Combien d’entre nous pose cette question ? La banalisation du geste et la minimisation du ressenti des patients semblent être fréquents. Pourtant, même si ce n’est qu’occasionnel, la majorité des patients déclare ressentir une douleur à l’injection d’insuline. En revanche, seul 28 % des soignants estiment qu’une douleur peut survenir. Conflits d’intérêt L’auteur déclare avoir perçu des honoraires de Becton-Dickinson pour la rédaction de ce commentaire.

Références [1] Sauvanet JP. Technique d’injection de l’insuline : que font les patients en France ? Médecine des maladies Métaboliques 2010;4: 428-37. [2] De Coninck C, Frid A, Gaspar R, et al. The 20082009 Insulin Injection Technique Questionnaire survey: results and analysis. J Diabetes 2010;2 (in press). [3] Jehle PM, Micheler C, Jehle DR, et al. Inadequate suspension of neutral protamine Hagendorn (NPH) insulin in pens. Lancet 1999;354:1604-7. [4] Strauss K, De Gols H, Letondeur C, et al. The Second Injection Technique Event (SITE), May 2000, Barcelona, Spain. Pract Diab Int 2002;19:17-21. [5] Richardson T, Kerr D. Skin-related complications of insulin therapy: epidemiology and emerging management strategies. Am J Clin Dermatol 2003;4:661-7. [6] Vardar B, Kizilci S. Incidence of lipohypertrophy in diabetic patients and a study of influencing factors. Diabetes Res Clin Pract 2007;77:231-6. [7] Alfediam Paramédical. Recommandations de bonnes pratiques. Surveillance glycémique et technique d’injection d’insuline. Octobre 2006 (Mise à jour). Paris: Alfediam Paramédical. www. alfediam.org

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