Technique originale d'intubation chez un enfant porteur d'un syndrome de Pierre Robin

Technique originale d'intubation chez un enfant porteur d'un syndrome de Pierre Robin

© Masson, Paris. Ann. Fr. Anesth. Reanim., 4 CAS CLINIQUE 432-434, 1985. Technique originale d'intubation chez un enfant porteur d'un syndrome de P...

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© Masson, Paris. Ann. Fr. Anesth. Reanim., 4

CAS CLINIQUE

432-434, 1985.

Technique originale d'intubation chez un enfant porteur d'un syndrome de Pierre Robin An original intubation technique used in a child with Pierre Robin syndrome* C. POPULAIRE, M. PINAUD, J.N. LUNDI, R. SOURON D~partement d'Anesth~siologie et Reanimation Chirurgicale, H6teI-Dieu, Centre Hospitalier Universitaire, F44035 Nantes Cedex

RESUME : DiffErentes techniques ont 6t6 proposEes pour faciliter l'intubation endotrach6ale des enfants porteurs d'un syndrome de Pierre Robin. Une technique inhabituelle a 6t6 utilisEe chez un garcon de 2,2 kg, fig6 de 15 jours, porteur d'une micrognathie, d'une glossoptose et d'une division palatine : intubation nasale l'aveugle chez l'enfant en position ventrale - - la ventilation 6tant meilleure dans cette position - - avec hyperextension majeure de la t&e amenant l'occiput dans la region interscapulaire.

ABSTRACT : Infants with Pierre Robin syndrome often present the anaesthesiologist with the challenge of upper airway obstruction and difficult tracheal intubation. An unconventional method for solving this problem was used in a 2 week old 2.2 kg term male infant who presented with severe micrognathia, a widely cleft palate and extreme glossoptosis. Hyperextension of the head in the prone position distracted the epiglottis from the glottis. Blind nasotracheal intubation was then used. The curve of the nasotracheal tube made it pass behind the epiglottis into the larynx.

L ' i n t u b a t i o n e n d o t r a c h E a l e est s o u v e n t difficile r6aliser c h e z les e n f a n t s p o r t e u r s d ' u n s y n d r o m e de P i e r r e R o b i n [3, 5, 7]. L a t e c h n i q u e d ' i n t u b a t i o n c h o i s i e n o u s p a r a i t s u f f i s a m m e n t o r i g i n a l e p o u r ~tre rapport6e.

dose totale de 6 mg, de faqon h obtenir une sedation tout en maintenant une ventilation spontanEe (FIo2 = 1). Pendant 40 min, les tentatives d'intubation par les m6thodes prEconisEes dans cette anomalie morphologique (tSte en hyperextension, traction linguale, laryngoscope dans la commissure labiale droite, mandfin mEtallique) sont infructueuses. Une intubation nasale h l'aveugle est alors tentEe sur l'enfant place en position ventrale, sa ventilation paraissant meilleure dans cette position. L'extrEmit6 du

OBSERVATION Un garcon de 2,2 kg, fig6 de 15jours, est porteur d'un syndrome de Robin s6v~re, comprenant une micrognathie importame, une glossoptose tr~s marquee et une division palatine trEs large. Outre des difficult6s respiratoires, il prEsente des probl~mes d'alimentation justifiant son maintien en position ventrale et une alimentation par sonde gastrique depuis la naissance. Malgr6 ces mesures, il existe des Episodes de cyanose et un tirage intercostal permanent_ Une labioglossopexie sous anesthEsie gEn6rale est dEcid6e. Apr~s mise en place des moyens habituels de surveillance, l'enfant en position dorsale re~oit par voie i.v. de l'atropine, puis des injections de 2 mg de k6tamine jusqu'~ une * Observation publiEe sous forme de lettre h l'6diteur dans la revue Anesthesiology (POPULAIRE C-, LUNDI J.N., PINAUD M., SOURON R. Elective tracheal intubation in the prone position for a neonate with Pierre Robin syndrome. Anesthesiology, 62 : 214215, 1985).

Regu le 15 fEvrier 1985; accept6 sous forme rEvisEe le 15 avril 1985.

Fig. 1. - - L'hyperextension majeure de la t~te amine l'occiput dans la r6gion lnterscapulaire.

Tires a part: C. Populaire.

INTUBATION DANS LE SYNDROME DE PIERRE ROBIN

tube nasotrach6al est plac6 lh off le flux expiratoire est maximal, la t&e 6rant alors en hyperextension. Une goutte de lidocaine h 5 % est introduite h travers le tube pour anesth6sier la glotte. Apr~s 3 h 4 min, le tube est plac6 dans la trach6e (fig. 1). L'enfant est alors endormi pendant 70 min avec de l'halothane h la concentration de 0,5 %. I1 est ensure reconduit dans l'unit6 de soins intensifs p6diatriques et extub6 4 h plus tard. La r6apparition d'une ddtresse respiratoire 48 h plus tard fait penser que la labioglossopexie a 6t6 insuffisante. L'indication d'une trach6otomie sous anesth6sie g6n6rale est alors posde_ L'intubation pr6alable est r6alisde h l'aveugle en 3 h 4 rain avec ta rn~rne technique: ddcubitus ventral, hyperextension de la t~te et anesth6sie locale de la glotte, apras 6chec des tentatives par les m6thodes usuelles des 6quipes p6diatrique et ORL. La k6tamine n'est pas utilis6e lors de cette deuxi~me intubation afin d'6viter toute drogue s6dative dans un contexte de ddtresse respiratoire. L'enfant quitte l'unit6 de soins intensifs trois semaines apr6s la mise en place de la trach6otomie. L'enfant est anesthdsi6 une nouvelle fois a l'fige de six mois pour la fermeture de sa division palatine. I1 est ddcanul6 quatre jours plus tard. Le d6veloppement psychomoteur est actuellement normal.

COMMENTAIRES

Le syndrome de Robin est caractdris6 par une micrognathie (ou plut6t une hypotrophie mandibulaire [4], puisque le d6veloppement ult6rieur se fait vers la normalit6) et par une glossoptose, associ6es le plus souvent h une division palatine et h une d6tresse respiratoire n6onatale. Celle-ci est due ~ la position post6rieure de la langue, cons6quence de la micrognathie. La langue chute en arriSre dans l'hypopharynx ou s'enclave dans la division palatine, et vient obstruer les voies a6riennes sup6rieures. De plus, la pression n6gative cr66e lors de l'inspiration et lors des mouvements de succion majore le degr6 d'obstruction respiratoire en exerqant une traction suppl6mentaire sur la langue [10]. I1 existe par ailleurs des troubles du tonus des muscles glosso-pharyngohyoidiens d'origine centrale [2]. Cette d6tresse respiratoire disparait en 4 ~ 6 mois, lorsque la mandibule atteint une taille ad6quate, et lorsque le contrSle volontaire des muscles de la langue augmente [4, 8, 10]. En g6n6ral, la perm6abilit6 des voies a6riennes de la plupart de ces enfants est maintenue par des techniques non chirurgicales [8]. La labioglossopexie est propos6e aux enfants pour lesquels persiste une d6tresse respiratoire aprSs mise en oeuvre des soins de nursing : d6cubitus ventral, sonde nasopharyng6e, sonde d'alimentation gastrique. La trach6otomie devrait ~tre r6serv6e aux rares cas oh existent des complications ou aux 6checs de la labioglossopexie [2, 4, 8, 111. La glossoptose et la micror6trognathie expliquent les probl~mes consid6rables rencontr6s lors de la laryngoscopie directe et de l'intubation endotrach6ale. La visualisation du larynx peut ~tre impossible [1, 9]. Le larynx de l'enfant normal est situ6 plus haut (cartilage cricoide en C3 ou C4) que celui d ' u n adulte (en C6). Le larynx d ' u n enfant ayant une hypoplasie mandibulaire est

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dans sa position normale, mais la langue - - du fait de sa position post6rieure - - gSne la vision du larynx et donne l'impression qu'il est plac6 plus haut [5]. L'intubation est r6alis6e soit sous anesth6sie g6n6rale (halothane ou k6tamine), soit ~ l'6tat de veille, mais toujours en ventilation spontan6e. L'anesth6sie g6n6rale est particuli6rement d6conseill6e chez un nouveau-n6 ou chez un nourrisson en mauvais 6tat g6n6ral, ou lorsqu'il existe des signes de d6tresse respiratoire. Diff6rentes techniques ont 6t6 propos6es, souvent associ6es : 1) la tSte peut 8tre plac6e en hyperextension, alors que chez l'enfant normal l'intubation doit 8tre pratiqu6e dans la position dite << amend6e >> (cou 16gSrement fl6chi, t8te reposant sur un petit coussin); 2) la langue peut 8tre tir6e par l'interm6diaire d'un fil plac6 en pleine masse linguale; 3) la lame du laryngoscope peut 5tre introduite par voie r6tromolaire [1] au niveau de la commissure labiale droite et dirig6e vers la ligne m6diane (position permettant de gagner un angle de 30 ° par rapport h la position classique m6diane); 4 ) l ' i n t u b a t i o n peut 8tre orotrach6ale (sonde enfil6e sur un mandrin m6tallique auquel on donne la forme d6sir6e ou sur un stylet optique rigide) [5] ou nasotrach6ale (permettant d'utiliser la technique dite fi l'aveugle) [6]. L'utilisation du bronchofibroscope ou d'un guide r6trograde translaryng6 n ' a pas semble-t-il fait l ' o b j e t de publication dans ce contexte, contrairement h d'autres cas d'intubation difficile chez l'enfant. Malheureusement le bronchofibroscope utilis6 comme mandrin de la sonde d'intubation ne permet pas d'utiliser des sondes de diam~tre int6rieur inf6rieur h 4 mm, et ne peut donc pas ~tre utilis6 chez le nouveau-n6. Quant aux techniques utilisant un guide transtrach6al, elles ne doivent pas 6tre utilis6es car trop traumatisantes. L'hyperextension majeure de la tSte, qui am6ne l'occiput dans la r6gion interscapulaire, 61oigne au maximum l'6piglotte de la glotte, si bien que la sonde introduite par voie nasale, avec sa courbe naturelle, va passer derriere l'6piglotte dans le larynx, ce qui permet l'utilisation de la technique d'intubation h l'aveugle. Si la position dorsale permet une hyperextension de la tSte en pla~ant le thorax de l'enfant sur un billot d'alSzes suffisamment volumineux, elle fait par contre perdre les effets b6n6fiques de gravit6 sur la langue et la mandibule de la position ventrale. En conclusion, cette technique facile et atraumatique peut 8tre tent6e lorsqu'il existe une difficult6 d'intubation chez un enfant porteur d ' u n syndrome de Pierre Robin.

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Partial curarization in the postoperative period. - -

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Scand., 28: 260-262, 1984. Malgre une pratique deja ancienne, la curarisation n'est pas encore parfaitement maTtrisee ou plutOt reste mal surveillEe. Cette etude montre que malgre une dEcurarisation syst6matique avant I'extubation une curarisation patente est constatEe chez un quart des patients. Le test du maintien de la t~te surElevEe sous-estime la curarisation r6siduelle apprEciEe par le train de quatre. II existe dans notre pays un phEnom~ne d'aveuglement en face de la curarisation qui revient a la sous-estimer. Le d6veloppement du monitorage, qui doit devenir systEmatique, est certainement imperatif; d'autre part il faut garder sous surveillance les malades qui prEsentent un train de quatre anormal, alors mEme que le test du

maintien de la t~te est normal. Faut-il alors une decurarisation systematique de tous les patients ? Ce travail aurait tendance a montrer que faite syst6matiquement, sans contr61e, elle crEe une fausse sEcuritE. Le critique aurait tendance a garder et surveiller le malade le temps qu'il faut. II convient aussi de se mefier des conclusions trop h&tives sur les durees d'action des differents curares : un travail recent, prEsent~ a une reunion de la SociEtE, a bien montre que ralcuronium & doses 6quipotentielles avec le pancuronium avaiL la m~me dur6e d'action. V. BANSSILLON.