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Toujours pas de preuve en faveur du dépistage systématique du cancer de la prostate
L
e 15 septembre était la “journée nationale et européenne de la prostate”. Ce n’est donc sans doute pas un hasard si ce jour-là le British Medical Journal (BMJ) publiait les résultats d’une méta-analyse sur les effets du dépistage systématique du cancer de la prostate sur la mortalité.
Une revue systématique depuis 2006 En 2006, la Cochrane Library avait déjà commis une revue systématique sur le même thème, incluant au total 55 512 participants, et conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour recommander un dépistage de masse. Mais le sujet reste au centre d’une très sérieuse polémique, de nombreuses sociétés
savantes continuant à recommander le dépistage systématique par toucher rectal et dosage des PSA (prostate specific antigen), selon des protocoles variables. Encouragées par la controverse, d’autres études ont été réalisées depuis, et une nouvelle revue systématique n’était donc pas inutile. Les auteurs ont repris les deux essais qui composaient la méta-analyse de la Cochrane en 2006 et 4 nouveaux de grande envergure, effectués depuis, ce qui porte à 387 286 le nombre total de participants. Les essais sélectionnés comparaient l’efficacité du dépistage par PSA, avec ou sans toucher rectal, à l’absence de dépistage, sur la mortalité par cancer de prostate et sur la mortalité globale.
Un dépistage précoce favorisé avec le PSA, mais pas de bénéfice en termes de survie spécifique Sans trop de surprise, ce dépistage est associé à une probabilité plus élevée de diagnostics de cancer prostatique (RR 1,46, IC 95 % : 1,21 à 1,77, p < 0,0001), et cette augmentation est liée principalement à un plus grand nombre de diagnostics de cancers au stade I. Le dépistage systématique ne semble pas avoir d’impact significatif sur le diagnostic des stades II, III et IV. Mais aucun effet significatif n’est démontré concernant les décès par cancer de la prostate (0,88 ; 0,71 à 1,09, p = 0,25), ni sur la mortalité totale (0,99 ; 0,97 à 1,01, p = 0,44).
Q
Avec des taux plasmatiques de testostérone et de PSA Une étude a repris les données issues de trois enquêtes transversales sur des échantillons représentatifs de la population générale des États-Unis pour évaluer les liens entre obésité et 1) les concentrations plasmatiques de testostérone (dans NHANES III soit Third National Health
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and Nutrition Examination Survey ; n = 845) ; 2) les taux plasmatiques de PSA (dans NHANES 2001-2004 ; n = 2 458) ; 3) le taux de recours à la biopsie prostatique (NHIS 2000 dans la National Health Interview Survey ; n = 4 789). Les concentrations de testostérone étaient inversement associées à l’obésité (p<0,001) dans l’enquête NHANES III. Dans la NHANES 2001-2004, les sujets avec un IMC >35 étaient moins susceptibles que des sujets plus minces (IMC < 35) de présenter un taux de PSA requis pour justifier une biopsie prostatique (>4 ng/mL), soit 3 % vs 8 % (p < 0,0001). Chez les participants de l’enquête NHIS, où la fréquence des dosages de PSA était semblable pour toutes les catégories d’IMC (p = 0,24), on constate à nouveau que 11 % des sujets ayant un IMC > 30 ont atteint
Une base pour élaborer l’information au patient
En bref, si l’on en croit les résultats de ces études transversales, les biopsies prostatiques pratiquées en fonction du taux de PSA, sont moins fréquemment réalisées chez des hommes obèses. Il reste à déterminer si cela affecte le dépistage du cancer de la prostate chez ces sujets. |
Idéalement, l’organisation des dépistages systématiques doit être fondée sur des essais randomisés attestant de l’impact positif de ces dépistages. Ces preuves manquent pour l’instant pour recommander le dépistage systématique du cancer de la prostate. Si l’on se place au niveau individuel cependant, chaque patient doit pouvoir choisir, en toute connaissance de cause, et cela nécessite une information claire sur les incertitudes qui restent attachées au dépistage. Les auteurs de la revue considèrent que cette méta-analyse peut servir de base à l’élaboration d’une information basée sur des preuves à l’usage des différentes organisations concernées et à la mise à jour rapide de certaines recommandations qui continuent, en dépit de l’absence de preuve, à promouvoir le dépistage systématique en routine. |
PHILIPPE TELLIER
ROSELINE PÉLUCHON
L’obésité affecte-t-elle le dépistage du cancer de la prostate ? uelques études ont déjà attiré l’attention sur la possibilité d’une relation significative entre obésité et cancer prostatique, sans qu’un lien de causalité ait été pour autant établi. Il semblerait que l’incidence de cette tumeur maligne soit plus faible chez les sujets obèses, mais que sa progression soit aussi plus rapide et sa mortalité plus élevée sur ce terrain, ce qui est, pour le moins, paradoxal.
Ces résultats montrent que le dépistage augmente les diagnostics au stade précoce, mais que cela ne se traduit par aucun bénéfice en termes de survie spécifique ni globale. Les causes en sont sans doute multifactorielles, et les auteurs évoquent l’évolution lente et prolongée de certaines formes, notamment de bas grade, fournissant un lot important de surdiagnostics (56 % selon l’étude ERSPC). Les effets indésirables du dépistage et des sur-traitements, et leur impact sur la qualité de vie des patients ne sont toutefois pas suffisamment évalués dans les essais sélectionnés.
la valeur d’au moins 4 ng/mL de PSA lors de ces tests contre 16 % en cas d’IMC < 25 (p = 0,01). En outre, il y a eu moins de biopsies prostatiques chez les participants avec IMC > 30 ( 4,6 % versus 5,8 % en cas d’IMC < 25 (p = 0,05).
Moins de candidats à la biopsie chez les obèses
© www.jim.fr
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Source Parekh N et al. Obesity and Prostate Cancer Detection: Insights from Three National Surveys. Am J Med. 2010 ; 123 : 829-35.
Source Djulbegovic M et al. Screening for prostate cancer: systematic review and metaanalysis of randomised controlled trials. BMJ. 2010 ; 341 : c4543.
OptionBio | Lundi 17 janvier 2011 | n° 447