JMV—Journal de Médecine Vasculaire (2017) 42, 213—220
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ARTICLE ORIGINAL
Traitement chirurgical et endovasculaire des atteintes aortiques inflammatoires : expérience d’un centre tunisien Surgical and endoluminal management of the inflammatory aortitis: A Tunisian center experience H. Ben Jmaà a,∗, R. Karray a, H. Jmal a, T. Cherif a, F. Dhouib a, I. Souissi b, A. Karoui b, Z. Bahloul c, S. Masmoudi a, N. Elleuch a, I. Frikha a a
Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, hôpital Habib Bourguiba, 3029 Sfax, Tunisie Service d’anesthésie-réanimation, hôpital Habib Bourguiba, Sfax, Tunisie c Service de médecine interne, hôpital Hédi Chaker, Sfax, Tunisie b
Rec ¸u le 3 octobre 2016 ; accepté le 8 avril 2017 Disponible sur Internet le 2 juin 2017
MOTS CLÉS Aortite ; Maladie de Takayasu ; Maladie de Behc ¸et ; Chirurgie ; Traitement endovasculaire
∗
Résumé La maladie de Horton ou artérite giganto-cellulaire, la maladie de Takayasu et la maladie de Behc ¸et sont les principales causes des aortites non infectieuses. Les lésions élémentaires sont représentées essentiellement par les sténoses et les anévrismes au cours de la maladie de Takayasu, et par les anévrismes et les faux anévrismes au cours de la maladie de Horton et de la maladie de Behc ¸et. Le traitement de ces aortites est basé essentiellement sur la corticothérapie et la chirurgie. Le traitement endovasculaire trouve actuellement une place de plus en plus importante dans la stratégie thérapeutique de ces pathologies. Nous rapportons une série rétrospective portant sur 10 patients opérés pour une atteinte aortique inflammatoire entre janvier 2000 et décembre 2015. La pathologie en cause était une maladie de Takayasu dans 4 cas et une maladie de Behc ¸et dans 6 cas. Une atteinte anévrismale était retrouvée chez tous les patients atteints de maladie de Behc ¸et. En cas de maladie de Takayasu, les lésions aortiques étaient essentiellement occlusives et associées à d’autres atteintes artérielles. La prise en charge de nos patients atteints de maladie de Behc ¸et était chirurgicale dans 4 cas et endovasculaire dans 2 cas. Tous les patients atteints de la maladie de Takayasu ont été opérés à ciel ouvert. Nous avons noté dans les suites opératoires 2 décès
Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (H. Ben Jmaà).
http://dx.doi.org/10.1016/j.jdmv.2017.04.006 2542-4513/© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
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H. Ben Jmaà et al. postopératoires précoces et 2 décès tardifs. La fréquence des anévrismes de l’aorte incite à leur dépistage systématique, ainsi qu’à la surveillance régulière de toute l’aorte au cours du suivi de ces vascularites. © 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.
KEYWORDS Aortitis; Takayasu disease; Behc ¸et disease; Surgery; Endovascular treatment
Summary Non-infectious aortitis is usually due to giant-cell arteritis, Takayasu disease or Behc ¸et disease. The main aortic lesions are stenoses, occlusions and aneurysms in the Takayasu disease and aneurysms in the Behc ¸et disease and giant-cell arteritis. Treatment is based on corticosteroid therapy and surgery. Endoluminal management is now the rule. We report a retrospective descriptive study of 10 patients who underwent surgical or endoluminal management of inflammatory lesions of the aorta between January 2000 and December 2015. There were 4 cases of Takayasu disease and 6 cases of Behc ¸et disease. The aortic lesions were aneurysmal in all of the patients with Behc ¸et disease. In the patients with Takayasu disease, aortic occlusions predominated, associated with other arterial lesions. Four patients with Behc ¸et disease were managed surgically, and 2 patients underwent endovascular repair. All of the patients with Takayasu disease underwent surgery. Two patients died in the postoperative period, and two patients died during long-term follow-up. Systematic screening, as well as regular monitoring of the entire aorta during the follow-up, is necessary due to the frequency of aortic aneurysms. © 2017 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Introduction Les aortites inflammatoires sont des maladies caractérisées par l’infiltration de la paroi aortique par des cellules inflammatoires pouvant aboutir à des sténoses, des thromboses et/ou des ectasies vasculaires [1]. La maladie de Takayasu, la maladie de Horton et la maladie de Behc ¸et constituent les trois principales causes de ces aortites. Leur traitement reposait classiquement sur une prise en charge chirurgicale conventionnelle associée à une corticothérapie préalable. Ces dernières années, la prise en charge endovasculaire de ces atteintes s’est développée, permettant une diminution de la morbi-mortalité [2]. Nous rapportons une série rétrospective portant sur 10 patients opérés pour une atteinte aortique inflammatoire entre janvier 2000 et décembre 2015.
Matériel et méthodes Il s’agit d’une série rétrospective, descriptive menée dans le service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique du CHU Habib Bourguiba de Sfax. Les patients inclus étaient ceux présentant une atteinte occlusive ou anévrismale de l’aorte thoracique ou abdominale, d’origine inflammatoire, et qui ont été pris en charge par un traitement chirurgical ou endovasculaire durant la période allant de janvier 2000 à décembre 2015. Les patients dont le traitement était exclusivement médical ont été exclus de cette série. Pour tous les patients, les paramètres recueillis ont compris la nature, le type et la topographie de la vascularite, les caractéristiques démographiques et cliniques, les paramètres biologiques et radiologiques, le type et la topographie de l’atteinte aortique.
Nous avons précisé aussi pour chaque patient le traitement médical préopératoire, la nature du geste chirurgical ou endovasculaire réalisé, les résultats de l’examen anatomo-pathologique de la pièce opératoire et les données postopératoires précoces et à long terme.
Résultats Dix patients ont été retenus dans cette étude. Quatre de nos patients avaient une maladie de Takayasu et 6 patients une maladie de Behc ¸et. L’âge moyen des patients atteints de la maladie de Takayasu était de 28,7 ans, avec des extrêmes entre 19 et 37 ans. Parmi ces patients, 2 étaient de sexe masculin et 2 de sexe féminin. L’âge moyen des patients atteints de la maladie de Behc ¸et était de 43,8 ans, avec des extrêmes entre 27 et 54 ans. Cinq de ces patients étaient de sexe masculin et une patiente était de sexe féminin. Nous avons noté des douleurs thoraciques chez 3 patients, des douleurs abdominales chez 3 patients, une claudication intermittente du membre inférieur droit chez 1 patient, et la découverte d’une masse abdominale chez un patient l’amenant à consulter aux urgences. L’examen a révélé une HTA chez tous les patients atteints de maladie de Takayasu, dont un avait une abolition de tous les pouls des membres inférieurs. Il a révélé aussi une voussure abdominale chez 1 patient et une masse abdominale battante à la palpation chez 3 patients. Deux de ces patients étaient en état de choc avec une hypotension artérielle et une tachycardie. Les données de l’examen clinique sont résumées dans le Tableau 1. Un syndrome inflammatoire biologique a été constaté chez tous les patients.
Traitement chirurgical et endovasculaire des atteintes aortiques inflammatoires
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Tableau 1 Tableau récapitulatif des signes cliniques chez les patients. Patient population. Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient Patient
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Âge (ans)
Sexe
Pathologie
Signes fonctionnels
27 19 37 32 46 53 38 54 47 27
Féminin Masculin Masculin Féminin Masculin Masculin Masculin Masculin Masculin Féminin
Takayasu Takayasu Takayasu Takayasu Behc ¸et Behc ¸et Behc ¸et Behc ¸et Behc ¸et Behc ¸et
Claudication intermittente Claudication intermittente Claudication intermittente Douleurs abdominales Douleurs abdominales Douleurs thoraciques et douleurs abdominales Asymptomatique Découverte d’une masse abdominale par le patient lui-même Asymptomatique Douleur thoracique
Un écho-Doppler artériel a été pratiqué chez 4 patients. Il a révélé une masse d’écho-structure solide rétro cave contiguë à l’aorte abdominale à la hauteur de l’artère rénale droite faisant évoquer un anévrisme thrombosé, avec une oblitération de l’artère rénale droite chez 1 patient ; un volumineux anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale sous-rénale faisant 10 × 7 cm, étendu jusqu’à la bifurcation iliaque chez 1 patient et un volumineux anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale très probablement fissuré. Un angio-scanner a été réalisé chez 7 patients. Il a révélé : • une rupture d’une ectasie fusiforme de l’aorte thoracoabdominale avec un faux anévrisme développé dans la région sous-hépatique dans un cas ; • un anévrisme sacciforme qui fait presque 14 cm de diamètre de grand axe, au niveau de l’aorte abdominale sous-rénale dans un cas (Fig. 1) ; • un anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale susrénale avec des stigmates tomodensitométriques de fissuration dans un cas (Fig. 2) ; • une image d’addition partiellement thrombosée de la face latérale de l’aorte abdominale sus-rénale en faveur d’un
Figure 1 Coupe scanographique montrant un anévrisme sacciforme de 14 cm de diamètre au niveau de l’aorte abdominale sous-rénale. CT scan showing a saccular aneurysm of the infra-renal abdominal aorta measuring 14 cm in diameter.
Figure 2 Anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale susrénale avec des stigmates tomodensitométriques de fissuration : hématome rétro-péritonéal (flèche). Ruptured saccular aneurysm of the suprarenal aorta: retroperitoneal hematoma (arrow).
faux anévrisme situé à 5 cm de l’ostium du tronc cœliaque dans un cas (Fig. 3) ; • un anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale mesurant 13 × 9 × 5 cm, siège d’une dissection spiroïde avec
Figure 3 Faux anévrisme de la face latérale de l’aorte abdominale sus-rénale à 5 cm de l’ostium du tronc cœliaque. A pseudo-aneurysm of the suprarenal aorta.
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Figures 4 et 5 Multiples pseudo-anévrismes au niveau de l’aorte thoracique descendante et de la bifurcation aortique. Multiple location of pseudo-aneurysms: in the descending aorta and the aortic bifurcation.
une thrombose partielle du faux chenal, dans un cas. Il commenc ¸ait à 1,5 cm au-dessous des artères rénales pour finir à 3 cm au-dessous de la bifurcation aortique ; • deux pseudo-anévrismes : un de l’aorte thoracique descendante et l’autre de la bifurcation aortique dans un cas (Fig. 4 et 5) ; • un pseudo-anévrisme de la crosse de l’aorte dans un cas (Fig. 6). Une artériographie a été pratiquée chez 4 patients atteints de maladie de Takayasu. Elle a mis en évidence :
Figure 6 Angio-scanner montrant un pseudo-anévrisme de la crosse de l’aorte. CT scan showing a pseudo-aneurysm of the aortic arch.
• une sténose de l’aorte abdominale sus et sous-rénale avec une oblitération de l’artère rénale gauche et de l’artère mésentérique inférieure, une sténose modérée à l’origine de l’artère rénale droite dans un cas. L’opacification des troncs supra-aortiques a montré une sténose de l’artère sous-clavière gauche ; • une sténose modérée de l’aorte abdominale sous-rénale, associée à une sténose modérée de l’artère mésentérique supérieure, un aspect grêle de l’artère rénale gauche vascularisant un petit rein non fonctionnel et une sténose tronculaire de l’artère rénale droite à 80 % dans un cas ; • une oblitération de l’aorte abdominale sous-rénale avec une reprise au niveau des deux trépieds fémoraux et une oblitération de l’artère rénale gauche avec un petit rein dans un cas ; • une aorte thoraco-abdominale anévrismale au niveau de son segment sus-rénal et sténosée dans sa partie sousrénale, une oblitération complète de l’artère rénale droite, une sténose ostiale de l’artère rénale gauche et une oblitération de l’origine de l’artère mésentérique supérieure dans un cas. L’échocardiographie a été pratiquée chez 5 patients en préopératoire. Elle était sans anomalie chez 3 patients. Elle a révélé une dysfonction ventriculaire gauche modérée dans 1 cas et un anévrisme sacciforme de la crosse aortique dans 1 cas. Les autres patients n’ont pas bénéficié d’une échographie cardiaque pré-opératoire car ils ont été opérés dans un contexte d’urgence. Les données de l’imagerie artérielle sont résumées dans le Tableau 2. Tous nos patients ont eu une corticothérapie à forte dose pendant une durée d’attaque de 6 à 8 semaines avec une dégression ultérieure progressive. La colchicine a été prescrite chez tous les patients atteints de maladie de Behc ¸et. Huit de nos patients ont eu un traitement chirurgical et 2 patients ont eu un traitement endovasculaire. Les données opératoires sont résumées dans le Tableau 3.
Traitement chirurgical et endovasculaire des atteintes aortiques inflammatoires
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Tableau 2 Tableau récapitulatif des données de l’imagerie chez les patients. Imaging data. Patient
Pathologie
Exploration radiologique
Lésions artérielles
Patient 1
Takayasu
Artériographie
Patient 2
Takayasu
Artériographie
Patient 3
Takayasu
Artériographie
Patient 4
Takayasu
Artériographie
Patient 5
Behc ¸et
Angio-scanner
Patient 6
Behc ¸et
Angio-scanner
Patient 7
Behc ¸et
Angio-scanner
Patient 8
Behc ¸et
Angio-scanner
Patient 9
Behc ¸et
Angio-scanner
Patient 10
Behc ¸et
Angio-scanner
Sténose de l’aorte abdominale avec oblitération de l’artère rénale gauche et de l’artère mésentérique inférieure, et sténose modérée à l’origine de l’artère rénale droite Sténose modérée de l’ensemble de l’aorte sous-rénale, aspect grêle de l’artère rénale gauche vascularisant un petit rein non fonctionnel, sténose tronculaire de l’artère rénale droite à 80 %, et sténose de l’artère mésentérique supérieure Oblitération de l’aorte abdominale sous-rénale avec reprise au niveau des deux trépieds fémoraux, oblitération de l’artère rénale gauche avec un petit rein, et oblitération de l’artère poplitée droite Aorte thoraco-abdominale anévrismale au niveau de son segment sus-rénal et sténosée dans son segment sous-rénal, oblitération complète de l’artère rénale droite, sténose ostiale de l’artère rénale gauche, et oblitération de l’origine de l’artère mésentérique supérieure Anévrisme sacciforme et thrombosé de près de 14 cm de diamètre, au niveau de l’aorte abdominale sous-rénale Énorme anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale sus-rénale avec des stigmates de fissuration Faux anévrisme partiellement thrombosé de la face latérale de l’aorte abdominale sus-rénale mesurant 80 × 40 × 38 mm à 5 cm de l’ostium du tronc cœliaque Anévrisme sacciforme de l’aorte abdominale sous-rénale mesurant 13 × 9 × 5 cm, siège d’une dissection spiroïde avec thrombose partielle du faux chenal, étendu jusqu’à la bifurcation aortique Deux pseudo-anévrismes : un de l’aorte thoracique descendante et l’autre de la bifurcation aortique Pseudo-anévrisme de la crosse de l’aorte
Parmi les 4 patients opérés pour une atteinte aortique au cours de la maladie de Takayasu, 3 patients ont eu une évolution postopératoire précoce sans complications, et un patient a été repris en postopératoire immédiat pour hémostase chirurgicale suite à l’apparition d’un hémopéritoine abondant. Parmi les 6 patients atteints de maladie de Behc ¸et, 4 patients ont eu une évolution postopératoire précoce sans complications. Deux de nos patients étaient décédés : le premier en peropératoire suite à un état de choc hémorragique et le deuxième patient à j8 postopératoire suite à un choc septique secondaire à une pneumopathie infectieuse. Dans le suivi à long terme de ces patients, nous avons noté que deux patients étaient décédés. Un patient ayant bénéficié d’une prothèse bifurquée aorto-bi-iliaque, consultait un an après pour hémorragie digestive de grande abondance, extériorisée sous forme d’hématémèse et de méléna, avec installation d’un état de choc qui s’est stabilisé par la réanimation. La fibroscopie œso-gastro-duodénale initiale faite en urgence montrait un saignement du duodénum. Le scanner objectivait une fistule prothéto-digestive avec un magma d’anses en regard de la prothèse. Étant donné le contexte de chirurgie aortique d’étiologie inflammatoire,
d’hémorragie digestive non expliquée par un ulcère, une explantation de la prothèse avec une résection duodénale et un pontage axillo-bifémoral ont été pratiqués en urgence (Fig. 7). Mais le patient était décédé en postopératoire dans un tableau d’état de choc septique.
Figure 7 Vue peropératoire montrant une fistule prothétodigestive. Intraoperative view showing a fistula between the prosthesis and the duodenum.
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H. Ben Jmaà et al.
Tableau 3 Données opératoires et suivi des patients. Operative and follow-up data. Patient
Voie d’abord
Geste réalisé
Suites
Patient 1
Thoraco-phrénolaparotomie
Favorables
Patient 2 Patient 3
Patient 4
Laparotomie médiane Laparotomie médiane xypho-pubienne et abord des deux Scarpa Laparotomie médiane
Acte présumé : un pontage entre l’aorte thoracique et l’aorte abdominale avec réimplantation si possible de l’artère rénale gauche Acte réalisé : la prise de pression au niveau de l’aorte thoracique et abdominale de part et d’autre de la sténose n’a pas mis en évidence de gradient de pression important, d’où la décision de renoncer à l’idée du pontage et de réaliser uniquement une néphrectomie gauche Pontage ilio-rénal droit par prothèse Thrombectomie aortique et pontage aorto-bifémoral
Patient 5
Laparotomie médiane
Patient 6
Laparotomie médiane
Mise à plat de l’anévrisme et interposition d’une prothèse aorto-aortique
Patient 7
Abord chirurgical du Scarpa gauche Laparotomie médiane
Exclusion du faux anévrisme par une endoprothèse couverte supra-cœliaque Mise à plat du faux anévrisme avec interposition d’une prothèse aorto-bi-iliaque
Thoraco-phrénolaparotomie Abord chirurgical du Scarpa gauche
Mise à plat des deux faux anévrismes avec greffe prothétique Exclusion du faux anévrisme par une endoprothèse couverte de la crosse aortique
Patient 8
Patient 9 Patient 10
Acte présumé : mise en place d’une prothèse aortique avec réimplantation de l’artère mésentérique supérieure et réimplantation de l’artère rénale gauche. Mais l’acte a été refusé par la patiente Acte réalisé : pontage ilio-rénal gauche par prothèse Mise à plat de l’anévrisme et interposition d’une prothèse aorto-aortique
Une autre patiente ayant bénéficié d’une endoprothèse aortique pour un pseudo-anévrisme de la crosse de l’aorte, consultait deux mois après pour des douleurs thoraciques. Un angio-scanner pratiqué en urgence, montrait un faux anévrisme à la terminaison de l’endoprothèse qui s’est rapidement compliqué de rupture et du décès de la patiente. L’examen anatomo-pathologique des pièces opératoires montrait un épaississement de l’intima, qui était infiltrée par quelques cellules inflammatoires et des histiocytes, avec dissociation de la limitante élastique interne par la fibrose dans 4 cas, confirmant le diagnostic de maladie de Takayasu. Il a montré une architecture totalement désorganisée de la paroi artérielle par la présence d’une fibrose diffuse dissociant les limitantes élastiques, une hypertrophie des fibres musculaires de la media, et un infiltrat
Favorables Précoces : réintervention pour hémopéritoine Tardives : favorables Précoces : favorables Tardives : réintervention 4 ans après pour anévrisme de l’aorte thoraco-abdominale Décès précoce par pneumopathie infectieuse Décès peropératoire par état de choc hémorragique Favorables Précoces : favorables Tardives : réintervention pour fistule prothéto-digestive et décès
Précoces : favorables Tardives : décès par rupture d’un faux anévrisme à la terminaison de l’endoprothèse
inflammatoire comportant en particulier des polynucléaires neutrophiles chez les 6 patients atteints de maladie de Behc ¸et. L’évolution à long terme a été marquée par la normalisation de la pression artérielle chez 4 patients avec arrêt du traitement antihypertenseur, une occlusion de la prothèse ilio-rénale gauche chez la patiente qui a refusé l’intervention sur l’aorte au moment de son diagnostic initial (patiente 4). Cette dernière a présenté 4 ans après l’intervention, une douleur abdominale d’aggravation progressive dans un contexte d’anévrisme de l’aorte thoraco-abdominale sacciforme pris en charge chirurgicalement avec un rétablissement de la continuité aortique par une prothèse sous thoraco-phréno-laparotomie. Les suites de cette intervention ont été simples.
Traitement chirurgical et endovasculaire des atteintes aortiques inflammatoires
Discussion Les aortites représentent 2 à 4 % de l’ensemble des pathologies aortiques opérées. Parmi ces aortites, une faible proportion d’entre elles est associée à une maladie systémique diagnostiquée (4 à 18 %) [3]. L’aortite doit être suspectée en cas d’épaississement de la paroi aortique, et en cas d’anévrisme ou d’occlusion de l’aorte ou de ses branches en l’absence de facteurs de risque cardiovasculaire habituels [4]. La maladie de Horton ou artérite giganto-cellulaire, la maladie de Takayasu et la maladie de Behc ¸et sont les principales causes des aortites non infectieuses. La maladie de Behc ¸et est une affection systémique caractérisée par un grand polymorphisme clinique avec une fréquence particulière des manifestations dermatologiques [5]. Les autres atteintes sont essentiellement oculaires, rhumatologiques, vasculaires et neurologiques. L’atteinte vasculaire ou angio-Behc ¸et est surtout observée chez des hommes jeunes sans facteurs de risque thrombotiques ou cardiovasculaires. Tous les vaisseaux aussi bien les artères que les veines, quelles que soient leur taille ou leur localisation, peuvent être touchés [6,7]. L’atteinte artérielle est faite de thromboses et/ou de faux anévrismes (aphtes artériels). Elle peut toucher tous les vaisseaux avec une prédilection pour les membres inférieurs, l’aorte et les artères pulmonaires. Cette étiologie a été retrouvée chez 6 de nos patients dont 5 étaient de sexe masculin. La maladie de Takayasu est une artérite des vaisseaux de gros et moyen calibre, à prédominance féminine, atteignant principalement l’aorte de manière diffuse ou segmentaire, ses principales branches, et les artères pulmonaires. Les lésions occlusives sont plus fréquentes que les anévrismes [8]. Les localisations artérielles multiples sont aussi fréquentes. Quatre de nos patients avaient une maladie de Takayasu. Nous avons noté chez ces patients des lésions aortiques occlusives associées à des lésions sténosantes ou occlusives de ses branches collatérales. L’aorte abdominale est la plus touchée au cours de cette pathologie, suivie de l’aorte thoracique descendante. Dans notre série, la localisation était au niveau de l’aorte abdominale dans 3 cas et au niveau de l’aorte thoraco-abdominale dans 1 cas. L’atteinte inflammatoire aortique au cours de la maladie de Takayasu est caractérisée aussi par l’association fréquente à des lésions sténosantes des ostiums de ses branches collatérales. Fields et al. [9] ont retrouvé que cette double atteinte est décrite chez les trois quarts des patients atteints de maladie de Takayasu. Nous avons noté une sténose ostiale associée de l’artère rénale dans 2 cas et une sténose ostiale de l’artère mésentérique supérieure dans 1 cas. La maladie de Behc ¸et peut s’exprimer par une forme vasculaire, atteignant entre autres l’aorte, dont la lésion élémentaire s’apparente à un aphte artériel, localisé, responsable d’un faux anévrisme et/ou du décès du patient par rupture en l’absence de dépistage et de traitement [1,4]. Une localisation anévrismale multiple a été aussi rapportée. Les thromboses sont plus exceptionnelles. Dans notre série, l’atteinte est anévrismale chez tous les patients. Une
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double localisation anévrismale était notée chez l’un de nos patients atteints de maladie de Behc ¸et : au niveau de l’aorte thoracique descendante et de la bifurcation aortique. Les anévrismes étaient localisés au niveau de l’aorte abdominale dans 4 cas, dont 1 était rompu, et au niveau de la crosse de l’aorte dans 1 cas. Le diagnostic de ces aortites a bénéficié de l’apport de l’échographie Doppler, de la TDM, de l’IRM et du TEP Scan qui permettent d’étudier le diamètre aortique, l’épaisseur des parois et pour certaines techniques la prise de contraste pariétale. Ces examens révèlent un épaississement pariétal circonférentiel de plus de 3 mm ou un épaississement prenant le contraste ou sur un hyper-métabolisme de la paroi [4]. Il faut proscrire l’angiographie dans la maladie de Behc ¸et puisqu’elle est pourvoyeuse de faux anévrismes au point de ponction [10]. Un syndrome inflammatoire biologique est aussi fréquent. Le diagnostic de certitude est fait a posteriori sur l’aspect histologiquement inflammatoire de la paroi aortique d’une pièce opératoire [4]. Le traitement médical fait appel aux corticoïdes et aux immunosuppresseurs. Le traitement corticoïde peut faire disparaître l’épaississement pariétal visible au scanner, mais ne permet pas de faire régresser une dilatation anévrismale qui évolue alors pour son propre compte [4]. Un traitement chirurgical ou endovasculaire est nécessaire en cas de faux anévrismes. Le risque évolutif est fort et les indications chirurgicales doivent être larges devant la présence d’un anévrisme aortique car la mortalité opératoire est faible alors que le risque vital associé à la rupture est important en l’absence de traitement [11—13]. Ce risque de rupture n’est pas corrélé avec le diamètre de l’anévrisme ou du faux anévrisme [14]. Tel était le cas dans notre série, où le traitement des anévrismes était une mise à plat chirurgicale avec greffe prothétique dans 4 cas et une exclusion par endoprothèse couverte dans 2 cas. Une résection avec fermeture directe ou par un patch est une autre alternative rapportée dans le traitement chirurgical des faux anévrismes de la maladie de Behc ¸et [15]. L’indication à une intervention dans la maladie de Takayasu inclut les hypertensions artérielles incontrôlées dues à une sténose des artères rénales ou à des sténoses pré-bulbaires des carotides, à l’atteinte symptomatique ou multiple des troncs supra-aortiques, l’insuffisance aortique sévère, les lésions occlusives responsables d’ischémie des membres inférieurs et les anévrismes aortiques supérieurs à 50 mm de diamètre ou rapidement évolutifs [4]. Dans notre série, un pontage aorto-bifémoral a été pratiqué dans 1 cas pour lésion occlusive de l’aorte abdominale et une revascularisation de l’artère rénale pour des lésions sténosantes associées à l’atteinte aortique a été pratiquée dans 2 cas. Les suites de la chirurgie des anévrismes de la maladie de Behc ¸et peuvent être grevées de récidive anévrismale au niveau de l’anastomose, de thrombose du greffon, d’embolies distales et de fistule aorto-duodénale par contamination infectieuse des prothèses vasculaires étant donné que ces patients sont sous traitement immunosuppresseur.
220 Chez nos patients, nous avons noté un seul cas de fistule prothéto-digestive apparue 10 ans après l’intervention, ayant nécessité l’explantation de la prothèse, une résection digestive et une revascularisation extra-anatomique. Les complications évolutives de la chirurgie au cours de la maladie de Takayasu sont dominées par la resténose, l’occlusion des pontages et les faux anévrismes anastomotiques [4]. Nous avons noté un cas de thrombose de pontage ilio-rénal. Le traitement endovasculaire peut être utilisé dans le traitement des atteintes aortiques secondaires à la maladie de Takayasu et à la maladie de Behc ¸et. Il est basé sur l’angioplastie avec mise en place d’un stent pour les lésions occlusives et l’exclusion des anévrismes par des endoprothèses couvertes. Le premier cas de faux anévrisme aortique d’une maladie de Behc ¸et traité avec succès par endoprothèse a été décrit par Vasseur et al. [16] en 1998, puis plusieurs séries rétrospectives ont été publiées [17—19]. La mortalité opératoire lors de ces procédures est presque nulle, et le taux d’exclusion anévrismale postprocédurale est bon. Cependant, l’apparition d’un faux anévrisme à l’une des extrémités de l’endoprothèse a été décrite [4]. Cette complication a été notée chez l’une de nos patientes, aboutissant au décès de la patiente par rupture du faux anévrisme. Aussi, les résultats des pontages chirurgicaux à long terme sont meilleurs que les résultats de l’angioplastie des sténoses. Keser et al. [20] ont démontré dans une revue de la littérature, que les pontages chirurgicaux sont associés à une meilleure perméabilité que les angioplasties notamment en cas de sténoses longues ou d’occlusion secondaires à une maladie de Takayasu. Le pronostic à court et à long terme du traitement chirurgical dans les maladies de Behc ¸et et de Takayasu dépend de l’activité inflammatoire au moment de l’intervention et au cours du suivi. En effet, la quiescence de la maladie et l’absence de syndrome inflammatoire sont des facteurs de bonne évolution de la maladie et de perméabilité des restaurations artérielles [21].
Conclusion Les anévrismes et les lésions aortiques occlusives sont fréquents lors de l’évolution de la maladie de Takayasu et la maladie de Behc ¸et. Un traitement médical associant corticoïdes et immunosuppresseurs doit être associé à une prise en charge chirurgicale ou endovasculaire. Ces dernières années, l’approche endovasculaire est de plus en plus utilisée dans le traitement de ces anévrismes inflammatoires, mais les résultats au long cours sont controversés.
Déclaration de liens d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
H. Ben Jmaà et al.
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