Traitement des spondylarthropathies. Nouveautés et perspectives en 2001

Traitement des spondylarthropathies. Nouveautés et perspectives en 2001

Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 923-30 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001002095/SSU Traitement d...

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Rev Rhum [E´d Fr] 2001 ; 68 : 923-30 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833001002095/SSU

Traitement des spondylarthropathies. Nouveautés et perspectives en 2001 Maxime Dougados* Université René-Descartes, service de rhumatologie B, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France

Résumé – La prise en charge des patients souffrant de spondylarthropathie est en train d’être bouleversée sur plusieurs points et pour différentes raisons. Il semble que la raison essentielle tienne à une meilleure prise de conscience de la relative grande prévalence de ce groupe d’affections (voisine de celle de la polyarthrite rhumatoïde). L’appréciation des différentes modalités thérapeutiques est maintenant facilitée grâce à une standardisation des critères d’évaluation obtenue à l’échelon international via le groupe ASAS (ASsessment in Ankylosing Spondylitis). L’évaluation des traitements non pharmacologiques comme les exercices physiques, mais également l’information des patients est facilitée par la conduite d’essais thérapeutiques contrôlés. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont toujours la base du traitement médicamenteux. Les études récentes montrent que les inhibiteurs spécifiques de la cyclooxygénase de type II sont mieux tolérés au plan digestif et tout aussi efficaces sur les symptômes cliniques que les anti-inflammatoires non stéroïdiens conventionnels. Enfin, et d’importance, il semble que des thérapeutiques de fond peuvent être efficaces, non seulement sur les manifestations articulaires périphériques, mais également chez les patients souffrant d’atteinte axiale réfractaire aux AINS. C’est notamment le cas du thalidomide et des anti-TNF. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anti-TNF / coxibs / éducation / spondylarthropathie

Summary – Treatment of spondylarthropathies. New data and prospects for 2001. The management of patients with spondyloarthropathy is undergoing radical changes in several areas and for several reasons. The main reason seems to be improved awareness of the fairly high prevalence of this group of disorders, which is close to that of rheumatoid arthritis. Evaluation of the various treatment modalities has benefited from work by the international ASsessment in Ankylosing Spondylitis group (ASAS) group aimed at developing standardized evaluation criteria (). Controlled treatment trials have provided useful information on nonpharmacological treatments such as physical exercise programs and patient information. Nonsteroidal anti-inflammatory drugs (NSAIDs) remain the cornerstone of the pharmacological treatment. Recent studies have shown that NSAIDs capable of selectively inhibiting type 2 cyclooxygenase have a better gastrointestinal safety profile and are as effective in relieving clinical symptoms as conventional NSAIDs. Importantly, maintenance treatment seems effective not only on peripheral joint manifestations but also on

*Correspondance et tirés à part. Adresse e-mail : [email protected] (M. Dougados).

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axial manifestations that fail to respond to NSAIDs. Thalidomide and TNF antagonists are promising maintenance agents. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS anti-TNF / coxibs / education / spondylarthropathy

Le groupe des spondylarthropathies comprend plusieurs affections et notamment les arthrites réactionnelles, le rhumatisme psoriasique, les arthrites accompagnant les entérocolopathies inflammatoires, un sous groupe d’arthrite chronique juvénile et la spondylarthrite ankylosante qui en représente le prototype. Quelle que soit l’affection, la présentation clinique peut comprendre une atteinte axiale (fessalgie, rachialgie, douleur de la paroi thoracique antérieure), une atteinte articulaire périphérique (soit dactylite, soit oligoarthrite asymétrique prédominant aux membres inférieurs), une atteinte enthésiopathique (et notamment des talalgies). À côté de ces manifestations rhumatologiques et des manifestations extra-articulaires spécifiques de certains sous groupes (psoriasis du rhumatisme psoriasique, troubles digestifs des entérocolopathies), il existe des signes extra-articulaires communs à ces différentes affections et notamment la possibilité de voir survenir une uvéite antérieure aiguë [1]. La prise en charge des patients tient plus de la présentation clinique que du sous-groupe de spondylarthropathies [2]. L’importance de ce groupe d’affections a été récemment renforcée par des études épidémiologiques mettant en exergue leur relative grande prévalence. C’est ainsi qu’à Berlin, par exemple, Braun et al. ont trouvé une prévalence de 13,6 % de spondylarthropathies dans la population B27 positive et, partant de là, ont estimé une prévalence de 1,9 % de la maladie dans la population berlinoise générale [3]. Une autre étude menée en Bretagne (France) suggère que la prévalence des spondylarthropathies dans la population générale (0,74 %) est voisine de celle de la polyarthrite rhumatoïde (0,62 %) [4]. Des progrès récents ont été faits dans le traitement des spondylarthropathies et ce dans différents domaines telles la standardisation des méthodes d’évaluation des spondylarthropathies, l’évaluation des traitements non pharmacologiques, l’émergence des traitements symptomatiques (coxibs) moins toxiques et aussi efficaces que les traitements anti-inflammatoires non stéroïdiens traditionnels et des traitements de fond efficaces dans

les formes axiales réfractaires aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). STANDARDISATION DES MÉTHODES D’ÉVALUATION Un groupe international s’intéressant à la fois aux critères d’évaluation des affections rhumatismales et aux spondylarthropathies s’est réuni sous l’acronyme ASAS (ASsessment in Ankylosing Spondylitis) et travaille en étroite collaboration avec le groupe OMERACT (qui s’intéresse à la méthodologie de la recherche clinique en rhumatologie) et les instances internationales rhumatologiques telle l’ILAR (International League Against Rheumatism) et/ou non rhumatologique comme l’OMS (Organisation mondiale de la santé). Les principales conclusions récentes sont les suivantes [5]. Une évaluation spécifique à chaque présentation clinique L’appréciation des traitements sur les seules données publiées dans la littérature est rendue difficile par le fait qu’il est rarement fait mention de la présentation clinique. On sait par exemple que les malades souffrent de spondylarthrite, que le traitement s’est avéré efficace sur la douleur, mais on ne sait pas si les malades souffraient d’une atteinte axiale, enthésiopathique ou articulaire périphérique. L’évaluation des atteintes articulaires périphériques est voisine de celle de la polyarthrite rhumatoïde (avec mise en exergue du nombre d’articulations douloureuses et du nombre d’articulations tuméfiées). L’évaluation de l’atteinte enthésiopathique est moins bien standardisée si ce n’est par le fait qu’elle doit être individualisée de l’atteinte axiale et articulaire périphérique. L’évaluation extra-articulaires est spécifique à chaque manifestation (étendue des lésions pour le psoriasis, nombre de poussées pour les uvéites, etc.). En fait, c’est surtout sur l’atteinte axiale qu’ont porté les efforts de standardisation.

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Évaluation de l’atteinte axiale Plusieurs étapes ont été récemment franchies. Sélection des domaines Comme pour toute autre affection rhumatismale, des domaines très variés peuvent être évalués au cours des spondylarthropathies et notamment la douleur, l’inflammation, l’impotence fonctionnelle, la mobilité, la fatigue, l’appréciation globale, les traitements concomitants, la qualité de vie, etc. Après analyse de la littérature et avis d’experts, il a été retenu de prêter une particulière attention aux cinq domaines suivants : douleur, fonction, mobilité rachidienne, fatigue, appréciation globale du patient. Sélection des instruments Pour chacun des domaines, plusieurs instruments ont été proposés. Par exemple, pour le seul domaine « mobilité », l’analyse de la littérature a recensé 32 instruments. Après l’avis des experts concernant la « faisabilité pratique » et la « généralisabilité », ce nombre a été réduit à 17. Enfin, selon une technique Delphi, il a été possible de réduire encore ce nombre. Le tableau I résume les domaines sélectionnés et pour chacun des domaines les instruments non seulement préférés par les experts, mais également ayant fait leur preuve (dans la mesure du possible) de leur qualité métrologique (validité, reproductibilité et sensibilité au changement). Présentation des résultats Pour chacun des instruments Nombre d’instruments ont leurs résultats définis par une variable continue (de 0 à 100 pour la douleur mesurée par une échelle visuelle analogique par exemple). D’emblée, l’accent a été mis sur le fait que plutôt que de présenter les résultats d’un essai thérapeutique sous forme d’une variation moyenne du groupe de

patients traités, il valait mieux présenter les résultats à l’échelon individuel, c’est-à-dire sous forme de pourcentage de malades s’étant améliorés (ou aggravés) après traitement. Ici, la question est de définir le seuil au delà duquel on considère qu’il y a une variation cliniquement pertinente de la variable. Il existe plusieurs techniques permettant de définir un tel seuil (connu en anglais sous le terme de MCID pour minimum clinically individual difference). Une des techniques proposées repose sur le fait qu’au minimum il faut prendre en compte la variabilité de la mesure [6, 7]. Au sein du groupe ASAS, il a été décidé de mener une étude de recherche clinique dans quatre centres rhumatologiques (Rabat, Maroc ; Cordoue, Espagne ; Paris, France, Bath, Angleterre et Maastrich, Hollande) permettant de définir un tel seuil pour 14 instruments [7]. Les résultats de cette étude sont résumés dans le tableau I. Par exemple, on considère qu’un patient s’est amélioré au point de vue de l’ampliation thoracique si, par comparaison au début du traitement, cette variable s’est améliorée d’au moins 2,4 cm. D’autres études sont en cours pour permettre de préciser ces résultats. Pour plusieurs domaines L’inconvénient d’avoir trop de domaines et/ou d’instruments réside dans la difficulté de choisir celui qui servira de critère principal dans une étude et ce nombre ne facilite pas la communication médicale. Ainsi, et par analogie à ce qui existe pour la polyarthrite rhumatoïde et/ou l’arthrose des membres, le groupe ASAS a décidé de proposer un système de critères de réponse à partir de données obtenues dans cinq essais thérapeutiques précédemment publiés. Ce système de critères (critères de réponse de l’ASAS) est un index composite qui prend en compte non seulement la variation relative des instruments (pourcentage de variation durant l’étude),

Tableau I. Proposition de critères d’évaluation de la spondylarthrite ankylosante (d’après [5–8]). Domaine Douleur Fonction Mobilité Fatigue Appréciation globale

Instrument EVA globale, rachis EVA nocturne rachis BASFI Indice de Dougados Schöber modifié Distance occiput–mur Ampliation thoracique ? EVA

Présentation des résultats Étendue des valeurs posssibles Variation jugée cliniquement pertinente 0–100 0–100 0–100 0–36 0–10 cm 0–10 cm 0–12 cm ND 0–00

34 39 21 7 33 2,5 2,4 ND 38

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Tableau II. Critères de réponse selon le groupe ASAS. – Un patient est considéré comme répondant si il (elle) répond aux critères suivants : + une amélioration d’au moins 20 % et une amélioration absolue d’au moins 10 sur une échelle de 0 à 100 dans au moins 3 des domaines suivants : • appréciation globale du patient • douleur • fonction • inflammation + Absence d’aggravation (d’au moins 20 % et une aggravation absolue d’au moins 10 sur une échelle de 0 à 100) dans le domaine potentiellement restant. – Définition des domaines : – l’appréciation globale est évaluée grâce à une échelle visuelle analogique (EVA) (0–100) – la douleur est évaluée grâce à une EVA (0–100) – la fonction est évaluée grâce au BASFI (0–100) – l’inflammation est évaluée par : – 1er choix : la moyenne des deux dernières questions du BASDAI concernant l’intensité et la durée de la raideur matinale (0–100) – 2e choix : la durée de la raideur matinale avec un maximum de 120 minutes sur une échelle de 0 à 100.

mais également la variation absolue de l’instrument. Ce système de critères prend en compte l’information obtenue à partir des domaines « douleur », « fonction », « appréciation globale » et « inflammation » [8]. Pour chacun des domaines, des instruments spécifiques sont proposés (tableau II). À côté de ce système de critères de réponse (qui correspond à la question : « Allez vous mieux depuis le début du traitement ? »), ce groupe de travail a proposé un système de critères d’activité « résiduelle » ou de rémission partielle de la maladie (qui correspond à la question : « Comment allez-vous aujourd’hui ? »). Ce système de critères d’activité résiduelle de la maladie prend en compte les mêmes domaines que le système de critères de réponse et est résumé dans le tableau III. En conduisant une étude d’AINS contre placebo, on s’attend à observer dans le groupe placebo 25 % de répondeurs et 3 % de patients ayant une activité rési-

duelle à la fin de l’étude et, dans le groupe actif, 51 % de répondeurs et 11 % de patients ayant une activité résiduelle. Ici encore, des études sont en cours pour valider ces systèmes de critères. Évaluation structurale de la maladie Il existe deux systèmes permettant d’évaluer la sévérité structurale de la spondylarthrite : le SASSS et le BASRI [9, 10]. Ces critères sont des index composites tenant en compte l’existence et la sévérité d’une coxite éventuelle, d’une sacroiliite éventuelle, d’une syndesmophytose rachidienne. Les études récentes et en cours suggèrent une faible sensibilité au changement [13], sauf pour les patients ayant un syndrome inflammatoire biologique au départ [11]. Rappelons que parmi les patients souffrant de spondylarthrite axiale pure, 40 % ont une élévation de la protéine C-réactive [12] et que ce sous-groupe de

Tableau III. Critères d’activité résiduelle (rémission partielle) selon le groupe ASAS. – Un patient est considéré comme étant en rémission partielle si il (elle) répond aux critères suivants : • une valeur au dessous de 20 sur une échelle de 0 à 100 dans chacun des quatre domaines suivants : • appréciation globale du patient • douleur • fonction • inflammation – Définition des domaines : – l’appréciation globale est évaluée grâce à une échelle visuelle analogique (EVA) (0–100) – la douleur est évaluée grâce à une EVA (0–100) – la fonction est évaluée grâce au BASFI (0–100) L’inflammation est évaluée par : – 1er choix : la moyenne des deux dernières questions du BASDAI concernant l’intensité et la durée de la raideur matinale (0–100) – 2e choix : la durée de la raideur matinale avec un maximum de 120 minutes sur une échelle de 0 à 100.

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patients est donc à risque d’évolution structurale plus rapide. Des études en cours devraient permettre d’améliorer encore ce système d’évaluation de l’atteinte axiale. Gageons par ailleurs que les résultats extraordinairement encourageants des anti-TNF dans ce cadre (spondylarthrite axiale réfractaire avec syndrome inflammatoire biologique) vont rapidement conduire à mener des études incluant une évaluation structurale de la maladie. ÉVALUATION DES TRAITEMENTS NON PHARMACOLOGIQUES Information–éducation du patient Comme pour toute affection chronique, une prise de conscience s’est faite concernant l’intérêt de l’éducation du patient. Celle-ci passe par une information aussi claire que possible. Une étude récente suggère qu’une connaissance de la maladie par les patients est d’autant plus grande que les patients font partie d’une association de malades et/ou ont lu un livret d’information sur la spondylarthrite tel le manuel intitulé La spondylarthrite ankylosante en 100 questions [13]. Exercices physiques Si tout le monde reconnaît l’importance de la rééducation dans la prise en charge des patients souffrant de spondylarthrite [14], il n’en reste pas moins vrai que son mode de dispensation et son évaluation n’ont pas fait l’objet, jusqu’à récemment, d’études méthodologiquement bien conduites. En terme de dispensation de tels traitements, rappelons que l’on peut procéder de plusieurs façons : – ne pas administrer le traitement ; – donner quelques conseils ; – distribuer un manuel contenant une proposition d’exercices physiques à effectuer par le malade de manière quotidienne ; – rédiger une ordonnance et adresser le patient à un kinésithérapeute pour quelques exercices ou pour une prise en charge plus continue ; – adresser le patient en centre de rééducation ; – éduquer le patient dans un centre d’éducation prenant en charge plusieurs patients dans une même séance. Des études récentes mettent l’accent sur l’intérêt de l’apprentissage des exercices physiques dans les groupes de patients [14], mais, de manière encore plus récente, l’intérêt non seulement pour le patient, mais également pour la société. À ce titre, une étude présentée au

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congrès de l’EULAR (European League Against Rheumatism) à Prague en juin 2001, suggère qu’un séjour en centre de rééducation (type station thermale), est non seulement plus efficace sur les symptômes et notamment l’impotence fonctionnelle, mais également est, in fine, moins coûteuse que les exercices physiques effectués à domicile [15]. Parions que par analogie avec d’autres affections rhumatismales, le nombre d’essais thérapeutiques seront de plus en plus souvent conduits pour évaluer l’effet symptomatique des traitements non pharmacologiques, mais qu’également des études de coût–utilité seront également menées dans ce domaine. LES COXIBS : UNE AVANCÉE DANS LE DOMAINE DES TRAITEMENTS SYMPTOMATIQUES Les AINS représentent le traitement de choix des spondylarthropathies et notamment des formes axiales et/ou enthésiopathiques. La mise à disposition des inhibiteurs spécifiques de la cyclo-oxygénase de type 2 représente une avancée thérapeutique en raison, à la fois, de leur profil de tolérance et d’efficacité. Tolérance Les coxibs ont une meilleure tolérance gastro-intestinale « haute » que les AINS conventionnels. Le risque de ces complications gastro-intestinales est dominé par celui des complications d’ulcère à savoir le saignement et/ou la perforation. On connaît les facteurs prédisposant à ces complications digestives et notamment l’âge au delà de 65 ans et la notion d’antécédent d’ulcère. La question qui se pose est de savoir à quel sousgroupe de patients les coxibs pourraient être les plus utiles. Pour répondre à cette question, il faut d’abord avoir à l’esprit les concepts de « réduction de risque » et de « risque résiduel ». Les études à grande échelle comparant l’effet des coxibs à celui des AINS conventionnels sur ces complications digestives (comme l’étude CLASS et l’étude VIGOR) [16, 17] ont permis d’appréhender cette question. Le concept de « réduction de risque » consiste à évaluer dans quel sous-groupe de patients les coxibs permettent de diminuer au mieux le risque. Dans l’étude VIGOR, la réponse est que la réduction de risque de complications digestives hautes est plus importante dans le sous-groupe de patients ayant au moins un facteur prédisposant. Suivant ce concept, il semble que les

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coxibs soient plus indiqués chez les patients ayant au moins un facteur prédisposant à une complication digestive haute. Le concept de « risque résiduel » consiste, lui, à évaluer dans quel sous-groupe de patients les coxibs permettent d’avoir un risque minimal. Dans l’étude VIGOR, la réponse est que le risque résiduel est voisin de zéro dans le sous-groupe de patients n’ayant aucun facteur prédisposant, alors que bien que diminué, ce risque persiste chez les autres patients. En raison de ce dernier concept, certains considèrent que l’objectif est d’atteindre le risque zéro et donc de proposer des coxibs de préférence dans le sous-groupe de patients n’ayant aucun facteur prédisposant et de discuter chez les autres patients de la coadministration de protecteurs gastriques. Les patients souffrant de spondylarthrite ankylosante sont des personnes, pour la plupart, jeunes sans aucune affection concomitante et répondant donc, pour la majorité d’entre eux, à la définition de sous-groupe sans facteur de risque prédisposant. Efficacité Les études menées dans l’arthrose et la polyarthrite rhumatoïde nous ont appris que l’efficacité symptomatique des coxibs était similaire à celle des AINS conventionnels. Une étude en double aveugle contre placebo, comparant sur six semaines 200 mg de celecoxib à 200 mg de kétoprofène, a conclu à une supériorité de ces deux médicaments en comparaison au placebo et à une efficacité au moins similaire du célécoxib 200 mg à celle du kétoprofène 200 mg. Il faut de plus souligner ici que dans cette étude, tous les critères suggéraient une tendance à une meilleure efficacité du célécoxib en comparaison au kétoprofène [18]. À côté de ces essais thérapeutiques et en tenant compte du profil de tolérance des coxibs, il est possible que l’on pourra plus facilement traiter les patients avec les coxibs qu’avec les AINS conventionnels pour au moins deux raisons : – la première tient au fait que la dose toxique des coxibs est bien plus élevée que la dose efficace. Par ailleurs, on sait qu’au cours de la spondylarthrite ankylosante, s’il est facile de détecter une différence en comparaison à du placebo de faibles doses d’AINS, on sait également que les poussées inflammatoires de la maladie nécessitent d’augmenter cette posologie au delà de celle recommandée. C’est ainsi qu’en cas de poussée

inflammatoire, des doses de 50 à 75 mg de rofécoxib et/ou de 400 à 800 mg de célécoxib seront probablement essayées sur de courtes périodes ; – la deuxième tient au fait qu’une faible dose de coxibs est certainement peu toxique et que, par conséquence, une prise quotidienne continue ne sera plus vécue comme potentiellement dangereuse. Toutefois, l’impact d’une prise quotidienne systématique de coxibs versus une prise seulement en cas de poussée inflammatoire nécessite d’être évaluée tant en ce qui concerne la tolérance que l’efficacité au plan symptomatique, mais également structural de ces deux modalités thérapeutiques. DES TRAITEMENTS DE FOND EFFICACES DANS LES FORMES AXIALES RÉFRACTAIRES AUX AINS Positionnement du problème Les atteintes articulaires périphériques observées au cours des spondylarthropathies peuvent nécessiter le recours à des traitements de fond en cas de récidive trop fréquente d’une forme mono- ou oligoarticulaire et/ou d’une atteinte polyarticulaire résistante aux AINS et/ou s’accompagnant d’une chondrolyse. Dans cette situation, et même en l’absence d’études thérapeutiques bien conduites, l’expérience permet de conclure à l’efficacité de la plupart des traitements de fond « conventionnels » utilisés au cours de la polyarthrite rhumatoïde et notamment de la salazopyrine, des sels d’or, du méthotrexate et des immunosuppresseurs. Il n’est donc pas étonnant pour le rhumatologue d’observer une réponse favorable de ces patients aux nouveaux traitements tels que les anti-TNF. Il en est tout autrement en ce qui concerne les formes axiales des spondylarthropathies qui sont considérées comme soit rebelles, soit faiblement répondeurs à ces traitements de fond [2]. Force était donc de reconnaître qu’en cas de forme axiale diffuse rebelle à de fortes doses d’AINS, on se trouvait dans une impasse thérapeutique. Trois médicaments ont été récemment proposés dans cette indication : bisphosphonates, thalidomide, anti-TNF. Bisphophonates On sait qu’au cours de la spondylarthrite ankylosante, l’ostéoporose est fréquemment observée et semble d’autant plus sévère que la maladie est récente et/ou s’accompagne d’une inflammation biologique [19]. En fait, les bisphosphonates, et notamment le pamidronate, ont été utilisés non pas pour cette raison, mais

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pour une potentielle action anti-inflammatoire. Les résultats observés chez peu de patients suggèrent un effet favorable, mais très modéré sur les symptômes douloureux et fonctionnels [20]. Ces données ne peuvent être considérées que comme préliminaires et ne permettent pas de préconiser ce type de traitement. Thalidomide Le thalidomide voit un regain d’intérêt ces dernières années en raison d’une meilleure connaissance de son mécanisme d’action et, notamment de sa capacité potentielle à inhiber la synthèse du TNF [21]. Bréban et al., dans une étude de dix patients, ont rapporté l’effet symptomatique de relativement fortes doses de thalidomide (100 à 400 mg/j) [22, 23]. Ce traitement, administré à des patients particulièrement actifs et ce malgré de fortes doses d’AINS, a été capable de réduire la gène douloureuse, mais également le syndrome inflammatoire biologique. Toutefois, force est de reconnaître qu’aux doses les plus efficaces, ce traitement était mal toléré en raison notamment d’une somnolence et d’une constipation. Il n’en reste pas moins que cette étude a permis de mettre en exergue que ce type de médicaments pourrait être efficace. Nombreuses sont les molécules dérivées du thalidomide. On peut espérer que ces molécules seront aussi, voire plus, efficaces en tant qu’immunomodulateur sans avoir le profil toxique du thalidomide. Anti-TNF Ils représentent l’avancée thérapeutique majeure de ces dernières années dans la prise en charge des spondylarthropathies [24]. Ils ont montré leur efficacité dans les formes digestives des entérocolopathies et sont d’ailleurs indiqués dans certaines formes actives de maladie de Crohn [25]. Nous avons récemment rapporté deux observations d’enthésiopathies particulièrement rebelles qui ont répondu très favorablement à des perfusions d’infliximab [26]. Après deux études ouvertes, menées en Allemagne et en Belgique [27, 28], il vient d’être rapporté les résultats d’une étude en double aveugle contre placebo confirmant aisément l’efficacité de perfusions d’infliximab dans cette maladie [29], non seulement en cas d’atteinte articulaire périphérique, mais également en cas d’atteinte axiale. Ces résultats ont été également confirmés par deux autres études non contrôlées, menées pour l’une en France et l’autre en Espagne [30, 31].

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Il reste maintenant à répondre à différentes questions : – en premier lieu, espérer que les autorités sanitaires nationales et/ou européennes accepteront cette indication. Il faut rappeler ici que, jusqu’à maintenant, les études menées dans cette indication l’ont été grâce à une promotion d’investigateurs et non de firmes pharmaceutiques. Cette procédure, si elle est tout à fait acceptable au plan scientifique, mérite maintenant d’être reconnue au plan réglementaire. – La grande majorité des études ont été menées avec l’infliximab (anticorps monoclonal anti-TNF). Il reste maintenant à évaluer l’effet des autres anticorps antiTNF et également des récepteurs solubles du TNF. – Toutes ces études utilisant l’infliximab ont pris comme modalité thérapeutique celle préconisée dans la maladie de Crohn, à savoir d’utiliser sans méthotrexate la dose de 5 mg/kg/perfusion, perfusion effectuée au début puis après deux et six semaines. – La prise en charge au long cours de ces patients reste à préciser. En effet, après les trois premières perfusions d’infliximab, l’efficacité persiste selon des délais variables, mais une rechute est en moyenne observée six semaines après la dernière perfusion (avec toutefois des délais très variables d’un patient à l’autre). – L’indication de cette thérapeutique reste à préciser. En particulier, l’étude en double aveugle menée en Allemagne suggère qu’une réponse clinique est plus fréquemment observée chez les patients ayant un syndrome inflammatoire biologique. – À long terme, gageons que, par analogie aux autres rhumatismes et notamment la polyarthrite et l’arthrose, à côté de l’évaluation de l’effet symptomatique, sera évalué l’effet structural de cette modalité thérapeutique. Bien entendu, la tolérance doit être précisée et ce, d’autant que des cas de tuberculose ont déjà été observés dans l’étude allemande et dans l’étude française. RE´FE´RENCES 1 Arnett FC. Seronegative spondylarthropathies. Bull Rheum Dis 1987 ; 37 : 1-12. 2 Dougados M, Revel M, Khan MA. Spondylarthropathy treatment : Progress in medical treatment, physical therapy and rehabilitation. Baillière’s Clin Rheumatol 1998 ; 12 : 717-36. 3 Braun J, Bollow M, Remlinger G, Eggens O, Rudwaleit M, Distler A, et al. Prevalence of spondylarthropathies in HLAB27 positive and negative blood donors. Arthritis Rheum 1998 ; 41 : 58-67. 4 Saraux A, Guedes C, Allain J, Devauchelle V, Valls I, Lamour A, et al. Survey of the prevalence of rheumatoid arthritis and spondylarthropathy in Brittany (France). J Rheumatol 1999 ; 26 : 22-7.

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