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ANNPLA-1240; No. of Pages 11 Annales de chirurgie plastique esthétique (2016) xxx, xxx—xxx
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Traitement secondaire des fentes labio-palatines Secondary treatment of cleft lip and palate J.C. Talmant *, J.C. Talmant, J.P. Lumineau ´ tence de traitement des fentes labio-palatines des Pays-de-Loire, clinique Jules-Verne, 2, Centre de compe route de Paris, 44300 Nantes, France
MOTS CLÉS Fente labiale ; Fente palatine ; Développement maxillo-facial ; Maxillaire ; Nez
KEYWORDS Cleft lip; Cleft palate; Facial growth; Maxilla; Nose
Résumé Depuis 18 ans, notre protocole corrige la déformation narinaire et transpose les muscles élévateurs du voile dès la première opération, tout en maîtrisant la rançon cicatricielle. Pas de doute, le meilleur traitement des séquelles est leur prévention : la narine est presque normale ; les fistules bucco-nasales ont disparu ; une large arcade maxillaire monobloc est restaurée en dentition primaire. Tout concourt à une ventilation nasale. Les traitements secondaires en sont transformés. Dans ce contexte nouveau ne sont décrites ici que les techniques utiles. La correction des déformations labio-narinaires s’inspire des procédés primaires. La qualité de la réparation musculaire ne peut, à elle seule, éviter l’insuffisance vélopharyngée. Il faut compenser la brièveté vélaire et l’hypotonie par reprise de la technique de Sommerlad, lipofilling du pharynx et dans les rares échecs, sphinctéroplastie d’Orticochea. # 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary For 18 years our protocol has corrected the cleft lip nose and achieved an intravelar veloplasty at the time of the first operation, leaving the least scaring as possible. No doubt that the best treatment of the sequellae is their prevention: — the oro-nasal fistulas have disappeared; the nostril is almost normal; the continuity of a wide maxillary arch is restored in primary dentition — all that favor a nasal ventilation. This context has changed the nature of the secondary treatment described here. When lip and nose are not good enough we must address the residual deformities with the primary surgery principles. The velopharyngeal insufficiency calls for a velar re-repair and the pharyngeal depth is to be reduced by lipofilling. The rare cases of failure are improved by an Orticochea sphincteroplasty. # 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
* Auteur correspondant. Adresses e-mail :
[email protected] (J.C. Talmant),
[email protected] (J.C. Talmant). http://dx.doi.org/10.1016/j.anplas.2016.06.012 0294-1260/# 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Introduction. Le meilleur traitement des séquelles est préventif Les indications des traitements secondaires relèvent de deux facteurs : une correction incomplète des déformations et la rançon cicatricielle. La plupart des protocoles ont différé la correction nasale en fin de croissance et fermé le palais osseux en laissant à une cicatrisation spontanée les surfaces osseuses dénudées ou les lambeaux vomériens en un plan placés dans la fente. Nous avons décrit la correction de leurs nombreuses séquelles dans un chapitre de l’EMC [1] toujours d’actualité. L’espace contraint de ce rapport incite à focaliser notre attention sur la chirurgie qui reste utile après notre protocole primaire [2] ou après certaines techniques à la mode mais décevantes.
Séquelles labio-nasales [3—5] Fentes unilatérales La symétrie complète est hors de portée de la chirurgie primaire. Elle centre le bord antérieur de la cloison et sépare l’alaire de sa couverture cutanée et du myrtiforme sans en soulever le périchondre, beaucoup plus adhérent à ce cartilage fin et souple qu’aux autres cartilages rigides, la proprioception et la mobilité de la narine expliquant sans doute cette particularité anatomique. Mais bien des déformations nasales persistent à 5/6 ans : dôme alaire mal défini, cassure du contour narinaire, épaississement du vestibule externe qui s’ajoutent à la courbure antérieure résiduelle du septum et à la luxation de son bord inférieur hors de la gouttière voméroprémaxillaire couchée sur la plancher de la fosse nasale du côté de la fente. Du côté opposé, les cornets inférieur et moyen hypertrophiques occupent la vaste fosse nasale. Les troubles de l’occlusion maxillaire (endognathie, perte du verrouillage incisif) doivent inciter à restaurer la perméabilité nasale dès que possible. Cette dernière dépend de la largeur inter-canine, elle-même liée à celle du palais (et donc à sa technique de fermeture), et à celle de l’orifice piriforme (liée au maintien de l’espace de l‘incisive latérale manquante), mais elle dépend aussi de l’orifice narinaire et de la valve nasale. Il faut donc associer, dès 5/6 ans, expansion maxillaire antérieure et correction de la narine et de la cloison. Correction nasale isolée Si la lèvre est satisfaisante, la voie d’abord le long du cartilage alaire côté fente, et inter-septo-columellaire du côté opposé donne accès au septum et à sa gouttière voméroprémaxillaire. La face superficielle du cartilage alaire est exposée ainsi que celle du dorsum et du dôme opposé. La fibrose du périchondre septal et de l’épine nasale antérieure voisine est excisée. À cet âge on peut soulever le périchondre superficiel de l’alaire en respectant l’intégrité du cartilage malgré son adhérence. Immédiatement, le dôme replié dans son carcan se déploie comme un ressort (Fig. 1). La gouttière du vomer est redressée par fracture en bois vert. Le cartilage septal en excès est soit ajusté pour l’y reposer, soit laissé appuyé contre elle. Après suture, deux attelles en silicone souple (0,5 mm d’épaisseur) sont installées et modelées dans les narines : elles centrent la cloison, projettent le dôme, creusent la concavité du vestibule. On les réunit par des
Figure 1 Abord marginal du cartilage alaire. Le stripping de son périchondre superficiel avec dissection du bord supérieur et de la face inférieure du dôme replié en W libère le ressort du cartilage.
points transfixiants, après qu’une suture résorbable transcolumellaire ait assuré l’approximation des dômes. Une troisième attelle posée sur la peau et réunie aux précédentes participe à la symétrie et ferme les espaces morts prévenant la coagulation des épanchements sanguins et leur transformation fibreuse rapide en une rétraction circonférentielle [6]. Un packing asymétrique de mèches grasses, plus volumineux dans la fosse nasale fendue, complète ce dispositif, enlevé au 6/7e jour et remplacé par un conformateur amovible de silicone souple maintenu 4 mois. Correction secondaire labio-nasale Les défauts structuraux de la lèvre, trop haute, trop courte, ou trop tendue le long du bord libre nécessitent un travail de totale épaisseur et/ou une redistribution de la tension musculaire. La réouverture labiale avec les mêmes dissections étendues qu’en chirurgie primaire permet d’agir à tous les niveaux : lèvre, narine, cloison et fente alvéolaire. Elle est indiquée chaque fois que le protocole primaire n’a pas corrigé la narine en même temps que la lèvre, et peut être associée à partir de l’âge de 4 ans à la fermeture alvéolaire par gingivo-périostéoplastie et greffe osseuse sous réserve d’avoir restauré par expansion antérieure la fonction canine (Fig. 2 et 3). Lorsqu’il s’agit des séquelles d’une rhinoplastie primaire dont le résultat labial et/ou nasal reste trop imparfait, une telle réouverture permet d’aborder chaque défaut. Il faut alors s’assurer du respect d’une conformation postopératoire de 4 mois qui en même temps maîtrise l’évolution de la cicatrice labiale. En fin de croissance, on peut y associer par voie endonasale une rhinoplastie de réaxation et d’harmonisation (Fig. 4). Certains défauts exigent une prise en charge adaptée. La rétraction cicatricielle du seuil narinaire La correction de la rétraction du seuil est impérative avant toute rhinoplastie. Elle n’est performante que si l’orifice piriforme est normal. Seule la réouverture labiale totale avec large dissection permet de reconstruire le plancher narinaire et le seuil avec un lambeau en îlot muqueux labial levé aux dépens de l’excision élargie de la cicatrice muqueuse
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Figure 2 a et b : fente gauche opérée en néonatal. Arc de Cupidon mutilé, lèvre haute, seuil élargi ; c et d : résultat de la reprise de chacun des défauts en un temps ; e et f : fente totale gauche opérée au 9e jour sans correction narinaire. Reprise lèvre/narine à 6 mois et fermeture vélaire ; g et h : résultat à 5 ans.
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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J.C. Talmant et al. narine, il faut en attendre 6 mois à 1 an la stabilisation pour juger des proportions d’une rhinoplastie d’harmonisation où la réduction de la cyphose équilibre la pointe du nez sans la modifier outre mesure. Il est souvent utile de réduire le lobule de la narine non fendue par une excision cunéiforme respectant la lumière nasale et le pli alo-labial. Désépidermisée, l’excision tunellisée sous la cicatrice labiale galbe la colonne philtrale (Fig. 6). Les rhinoplasties avec réduction significative font appel aux mêmes attelles qu’en chirurgie primaire. La suture transfixiante doit épargner la peau, surtout chez l’adolescent. L’incomparable efficacité de la conformation montre que seuls les cartilages originaux restaurent un nez naturel et fonctionnel. L’observation de Veau [7] : « les structures normales sont présentes sur les deux berges de la fente, uniquement modifiées du fait de la fente » rejoint le principe 14 de Millard [8] : « Return what is normal to normal position and retain it there ». Ce « retain it there » c’est la conformation postopératoire !
Figure 3 Dissection sous-périostée et sous-périchondrale d’une reprise totale labio-narinaire en tous points identique à celle d’une intervention primaire (même cas que Fig. 2a et b).
prolongée en boomerang dans le vestibule (Fig. 5a). Le pédicule sous-muqueux placé en regard de l’angulation du lambeau facilite sa plicature et sa mise en place sans tension (Fig. 5b et c). Un conformateur stabilise la largeur du seuil.
Les rhinoplasties par approche externe Elles s’éloignent du principe précédent ! Soit elles altèrent des structures normales, comme la plastie en U inversé de Tajima et Maruyama [9—11] prélevée sur le triangle mou du contour narinaire pour l’invaginer dans la narine, avec une suspension du cartilage alaire. Le nez asiatique ne justifie pas plus cette plastie que le nez caucasien (Fig. 3, chapitre du traitement primaire). Soit, selon une tendance qui en fait la méthode de référence pour une majorité d’équipes, elles combinent approche externe et greffes de cartilage septal, auriculaire ou costal pour symétriser et projeter la pointe du nez sans correction réelle de la déformation sous-jacente, ni réouverture labiale [12]. Le camouflage est aussi inadapté que la récidive est rapide. Ce trompe l’œil laisse un nez rigide où l’épaisseur des greffes empiète sur la valve nasale, et au fil du temps elles transparaissent sous la peau qui s’affine. Cette méthode vieillit mal. Rien n’égale les structures normales. La reprise tertiaire des rhinoplasties par approche externe exige une dissection labio-narinaire totale difficile et l’ablation de toutes les greffes avec 4 mois de conformation, mais les résultats sont sans équivalent (Fig. 8).
Les fentes bilatérales totales et symétriques La narine éversée L’abord doit être marginal pour éliminer avec précision l’excédent cutané sous le bord caudal de l’alaire avant suture et remodelage par les attelles de silicone. Lèvre trop haute latéralement avec un arc de Cupidon horizontal Un lambeau cutané labial en îlot plus haut latéralement, en forme de cimeterre, est levé juste sous la narine et pédiculé sur le muscle sous-jacent (Fig. 6). Il est transposé dans une incision horizontale du plancher narinaire après tunellisation du seuil. Cette plastie réduit la hauteur de la lèvre entre narine et ligne cutanéo-muqueuse, et abaisse le seuil narinaire. Elle peut même repositionner le lobule narinaire lorsque celui-ci a été à tort transposé auparavant (Fig. 7). La rhinoplastie d’harmonisation dans un troisième temps Si un nez puissant, charnu et dévié demande un premier temps de reprise labio-narinaire pour symétriser la lèvre et
Une cloison centrée, des fosses nasales et des narines symétriques, une ventilation nasale installée dès la première opération assurent une occlusion labiale au repos et le retour rapide à un bon équilibre facial. La croissance maxillaire évolue dans le même esprit sous réserve d’un traitement orthopédique respectant les principes essentiels : centrer les points médians, ouvrir les espaces des futures éruptions et maintenir ceux des agénésies, niveler l’arcade. L’orthopédie n’étant efficace que dans la phase de croissance active jusqu’à 12 ans, il ne faut pas la différer. Nous avons observé que la croissance de la columelle et du philtrum, hypoplasiques et concernés par la rétraction cicatricielle, n’est pas toujours bonne après le changement de dentition. La columelle s’allonge peu et le contact bilabial au repos, acquis à 1 an, se perd progressivement. La lèvre supérieure, suspendue avec une béance inter-labiale, favorise la ventilation orale. Il ne s’agit pas d’une simple posture disparaissant après retour de la perméabilité nasale. En fait, les tissus cicatriciels sont trop rigides pour suivre le creusement de
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Figure 4 a, b, c et d : fente totale labio-palatine gauche traitée avec notre protocole. À 15 ans, nez dévié, seuil narinaire rétracté, lèvre plate ; e, f, g et h : résultat à 17 ans de la reprise labio-narinaire totale avec rhinoplastie dans un deuxième temps.
Figure 5 Lambeau muqueux en îlot pour rétraction cicatricielle du seuil narinaire: a : l’excision de la cicatrice muqueuse est élargie et allongée en boomerang dans le vestibule ; b : le pédicule sous-muqueux est centré sur l’angulation du lambeau ; c : lambeau replié sur lui-même le long de l’orifice piriforme. Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Figure 6 a : du côté opposé à la fente le lobule narinaire est réduit en respectant le vestibule ; b : sa peau désépidermisée et glissée sous la cicatrice labiale simule une colonne philtrale ; c : du côté de la fente l’excès de hauteur de la lèvre est transformé en un lambeau cutané en îlot transposé dans le seuil narinaire pour l’abaisser et corriger la lèvre en même temps.
Figure 7 a, b, c et d : séquelle labio-narinaire droite. La plastie en Z a repoussé en haut le lobule narinaire qui a été transposé à tort en dehors pour masquer la sténose du seuil sans la réparer. Dystopie narinaire caricaturale lors des mouvements ; e, f, g et h : résultat d’une reprise totale avec lambeau muqueux en îlot pour le seuil et relocalisation du lobule narinaire par lambeau en îlot sous-narinaire.
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7 l’angle naso-labial. Chez les premiers patients de ce protocole, le sacrifice du prolabium réparé par rotation inférieure de lambeaux latéraux selon la technique de Millard [13] tend le bord libre de la lèvre qui recule malgré une bonne croissance maxillaire (Fig. 10). Si le respect du prolabium améliore la situation, la croissance cutanée de la columelle et du philtrum reste cependant limitée. Correction secondaire des fentes bilatérales En l’absence d’élasticité cutanée, c’est une plastie en VY qui allonge la columelle et le philtrum (Fig. 9—11). Pédiculé d’un côté sur le vermillon, le philtrum est abaissé et déroulé. La fermeture des zones donneuses reporte la tension maximale juste sous les narines, ce qui éverse la ligne cutanéomuqueuse et le vermillon central. Si cette plastie est réalisée avec les mêmes dissections sous-périostées et sous-périchondrales qu’en chirurgie primaire, au point d’en faire un véritable remake, suivie du système d’attelles nasales fermant les espaces morts, puis d’une conformation pendant 4 mois, le résultat est souvent assez convaincant pour abandonner l’idée d’un lambeau d’Abbe. Pour la première fois la lèvre d’une fente bilatérale ressemble à une lèvre normale. Cette reprise réalisée vers l’âge de 15 ans pour les patients du nouveau protocole pourrait être proposée entre 9 et 12 ans car rétablir un contact bilabial au repos et une perméabilité narinaire conforte la ventilation nasale nécessaire à l’équilibre facial. Une dysharmonie interlabiale résiduelle avec une lèvre supérieure un peu plate mérite un lipofilling.
Les séquelles vélopharyngées
Figure 8 a, b et c : reprise labio-narinaire totale unilatérale droite avec ablation de toutes les greffes de cartilage ; d, e, f et g : état préopératoire ; h, i, j et k : résultat stabilisé depuis 2 ans.
L’abandon de la suture des piliers postérieurs du voile et la transposition des muscles élévateurs par dissection radicale selon la technique de Sommerlad a transformé les résultats de notre chirurgie primaire surtout dans les fentes labiomaxillo-palatines aux structures vélopharyngées souvent proches de la normale alors que l’hypoplasie et l’hypotonie se conjuguent dans les fentes palatines isolées plus complexes surtout si elles s’associent plus ou moins à des troubles mentaux dans le cadre de syndrome poly-malformatifs comme le syndrome 22 q 11. L’insuffisance vélopharyngée bénéficie aujourd’hui de progrès techniques bienvenus car les solutions proposées jusqu’alors étaient aussi radicales que peu fonctionnelles, avec le recours systématique à l’écran passif des pharyngoplasties, facteur de rhinolalie fermée mais aussi de ventilation orale avec leur cortège de troubles de croissance faciale, de rétention de sécrétions, de ronflements et d’apnées obstructives du sommeil. Ces lambeaux pharyngés postérieurs à pédicule supérieur ou inférieur ont été décrits de long en large au cours des dernières décennies y compris dans notre dernier article de l’EMC [1]. La section de leur pédicule en cas d’apnée obstructive du sommeil n’a généralement pas de traduction sur la phonation, ce qui laisse à penser que cette opération pourrait n’être que transitoire, l’élongation vélaire persistant après un délai raisonnable d’1 à 2 ans. En tous les cas, ses suites justifient tous les efforts pour promouvoir d’autres solutions. Avant de poser l’indication de sphinctéroplasties d’Orticochea ou de Hynes, plus subtiles que les pharyngoplasties, il faut exploiter les progrès de la chirurgie vélaire et les
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Figure 9 Reprise bilatérale avec élongation verticale du philtrum et de la columelle par plastie en VY, report du maximum de tension transversale sous les narines et déroulement muqueux du prolabium.
possibilités du lipofilling selon Coleman, certes récentes mais encourageantes dans cette indication et dont l’efficacité n’est plus à démontrer dans d’autres chirurgies. La réalisation doit en être précoce, avant 7 à 8 ans, pour profiter au mieux des capacités d’apprentissage du langage chez l’enfant et qu’il puisse affronter une vie scolaire plus exigeante. Des amygdales hypertrophiques, bas situées, obstructives lors du sommeil et ne participant pas au mécanisme de fermeture de l’isthme vélopharyngé doivent être enlevées 3 mois auparavant en respectant les piliers postérieurs. L’hypertrophie adénoïdienne avec retentissement auditif peut être traitée sélectivement autour des orifices des trompes d’Eustache.
consacré à la chirurgie primaire et dans l’EMC [1] en 2012. On peut associer à la véloplastie une élongation du voile par une plastie en Z du plan oral plus épais et peu sujet aux désunions. Une plastie simultanée du plan nasal expose au risque d’une perforation du voile. On est souvent étonné de l’ampleur de la transposition musculaire réalisable, même dans les cas que l’on a soi-même opérés en chirurgie primaire dans de bonnes conditions ! Le chevauchement de leur suture donne aux muscles une course verticale surprenante. Dans la grande majorité des cas (presque 90 %) la véloplastie secondaire donne un bon résultat, mais pour Sommerlad l’indication d’une sphinctéroplastie de Hynes représente encore 12 % des cas.
Véloplastie intravélaire secondaire
Véloplastie de Furlow [16]
Elle repose sur une transposition postérieure intra-vélaire des muscles élévateurs et palatopharyngiens décrite en chirurgie primaire par Sommerlad [14] qui la préconise aussi en chirurgie secondaire [15] où sa réalisation plus difficile en raison des cicatrices précédentes s’avère performante. Nous avons décrit ces techniques dans le chapitre précédent
Elle a l’avantage conceptuel d’associer en un seul geste plastie en Z et construction d’un anneau musculaire postérieur. Elle n’est pas aussi anatomique que la véloplastie de Sommerlad. Pour ceux qui en ont l’expérience, sa réalisation difficile dans un voile scléreux comporte un risque d’asymétrie vélaire.
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Traitement secondaire des fentes labio-palatines
Figure 10 a, b et c : 2e cas de notre protocole bilatéral ; d, e, f et g : résultat à 15 ans. Dans ce cas où la muqueuse du prolabium avait été excisée, la tension maximale le long de la lèvre rouge entraîne son recul ; h, i, j et k : reprise par la plastie en VY, complétée par lipofilling de la lèvre, avec un recul de 18 mois.
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Figure 11 a, b et c : 5e cas de notre protocole bilatéral où le prolabium a été préservé ; d, e, f et g : résultat à 15 ans avec brièveté verticale du philtrum et de la columelle ; h, i, j et k : correction par plastie en VY. La lèvre est pratiquement normalisée 18 mois plus tard.
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Lipofilling vélopharyngé [17]
J.C. Talmant et al. C’est avant tout la chirurgie primaire et l’orthopédie qui doivent progresser, en bonne coopération, d’autant plus que le traitement des déformations résiduelles s’appuie avec succès sur les mêmes techniques qu’en chirurgie primaire. L’insuffisance vélopharyngée est différente : si elle répond en partie à la logique d’une reconstruction musculaire efficace elle nous confronte à l’hypoplasie et l’hypotonie de structures courtes et peu performantes. Véloplasties et lipostructures se complètent dans ce challenge qui s’efforce de respecter la ventilation nasale, réservant les échecs à la sphinctéroplastie d’Orticochea.
Lorsque le voile est trop court et mobile, le plus simple moyen de réduire la béance rétrovélaire est la lipostructure des parois postérieure et latérales du pharynx selon la technique de Coleman. Dans cette chirurgie, il faut être très attentif à une éventuelle disposition vasculaire anormale par l’observation soigneuse des battement artériels. Le lipofilling n’est possible que dans l’espace musculaire limité en haut par le tissu adénoïdien, or c’est précisément à ce dernier niveau qu’il faudrait en faire l’apport. Cette difficulté peut être en partie surmontée par un lipofilling de la face postérieure du voile et des piliers postérieurs : 6 à 7 cm3 sur le pharynx et 2 cm3 sur le voile sont le plus souvent possibles [1]. Le lipofilling du pharynx et des piliers postérieurs peut être associé à une reprise du voile avec transposition intravélaire, améliorant ainsi mobilité et longueur. Dans tous les cas, et cela concerne plus souvent les fentes palatines, surtout syndromiques, le lipofilling peut être renouvelé avec des progrès intéressants. Il améliore la trophicité locale ainsi que la solidité des sutures d’une sphinctéroplastie indiquée en dernier lieu.
Cet article ne bénéficie d’aucun financement. Toutes les données qui y sont développées résultent d’une expérience de 18 années consécutives avec le même protocole. Le conformateur souple utilisé pendant toute cette période a été mis au point et réalisé par l’auteur principal, à sa charge et bénévolement. Depuis mars 2016, ce conformateut est fabriqué et distribué par la société SEBBIN sous la marque Talmant.
La sphinctéroplastie d’Orticochea
Références
Premier recours dans certains syndromes sévères, cette sphinctéroplastie n’est indiquée qu’après l’échec des méthodes précédentes. La modification de Jackson [18—20] commentée par Riski et al. a été notre approche de la sphinctéroplastie dite dynamique depuis notre premier cas. Ils ont montré que les deux larges lambeaux latéraux à pédicule supérieur, centrés sur les piliers postérieurs, doivent être attachés sur la paroi postérieure pharyngée le plus haut possible, en regard du relief de l’atlas pour assurer le meilleur contrôle de l’insuffisance vélopharyngée. En pratique, ce point est juste sous la frontière séparant la muqueuse orale de la fragile muqueuse nasale adénoïdienne. Quant à ce sphincter, créé entre les deux piliers, est-il vraiment dynamique [21,22] ? Lorsque les incisions pharyngées latérales atteignent le pôle supérieur des amygdales, elles interrompent l’innervation des muscles palatopharyngiens dont la traction postérieure limite l’action ascentionnelle des élévateurs. Leur course est donc libérée après sphinctéroplastie. Or l’élévation vélaire ne peut que contribuer au rapprochement des piliers du sphincter. Il faut souligner que cette néoconstruction n’exerce pas de traction sur le maxillaire à l’opposé des pharyngoplasties à lambeaux pharyngés postérieurs et qu’elle respecte mieux la ventilation nasale.
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La sphinctéroplastie de Hynes Les piliers postérieurs sont transposés en regard de l’atlas, l’un au-dessus de l’autre. C’est le choix de Sommerlad en cas d’échec de sa véloplastie intravélaire.
Conclusion Le meilleur traitement des séquelles des fentes labio-maxillo-palatines est leur prévention par une reposition anatomique des structures et la maîtrise des rétractions cicatricielles. La vie des patients s’en trouve transformée.
Déclaration de liens d’intérêts
Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012
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Pour citer cet article : Talmant JC, et al. Traitement secondaire des fentes labio-palatines. Ann Chir Plast Esthet (2016), http://dx.doi.org/ 10.1016/j.anplas.2016.06.012