Travaux de réhabilitation d’une ancienne friche industrielle

Travaux de réhabilitation d’une ancienne friche industrielle

Courrier des lecteurs Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012;73:934-938 au glutathion qui n’a jamais e´te´ mise en e´vide...

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Courrier des lecteurs

Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012;73:934-938

au glutathion qui n’a jamais e´te´ mise en e´vidence chez l’homme. En cas de forte exposition, la de´ple´tion en glutathion induite pourrait expliquer, au moins en partie, la cytolyse he´patique. En outre chez la souris (mais pas chez l’homme), 4 a` 8 % du styre`ne sont me´tabolise´s par oxydation sur le cycle, avec production de vinylphe´nol qui est he´patotoxique [10] ; cette voie me´tabolique n’est implique´e que dans moins de 1 % du me´tabolisme du styre`ne chez le rat. Cela peut expliquer les diffe´rences de sensibilite´ interespe`ces (mais pas l’adaptation de la souris en cas d’exposition prolonge´e, dont je ne connais pas d’hypothe`se explicative). Quoi qu’il en soit, il apparaıˆt que la souris est une espe`ce particulie`rement sensible et l’homme une espe`ce particulie`rement re´sistante aux effets he´patotoxiques du styre`ne et je suis en accord avec vos propositions de surveillance me´dicale des salarie´s expose´s. De´claration d’inte´reˆts L’auteur n’a pas transmis de de´claration de conflits d’inte´reˆts.

Travaux de re´habilitation d’une ancienne friche industrielle§ Industrial wasteland rehabilitation works F. Testud Toxicologie me´dicale, BTP Sante´ Travail, 69100 Villeurbanne, France

Question Je surveille les salarie´s d’une entreprise de travaux publics faisant de la de´pollution de sols. Un gros chantier est programme´ sur le site d’une ancienne usine chimique : e´vacuation des terres pollue´es (elles seront traite´es ailleurs), mais aussi traitement des boues d’une lagune situe´e a` proximite´ (300 me`tres) et qui a vraisemblablement servi a` recevoir des effluents. Divers dosages, base´s sur l’historique du site, ont e´te´ pratique´s en des points diffe´rents et avec des techniques analytiques paraissant ade´quates. J’ai synthe´tise´ les re´sultats dans le tableau ci-dessous.

Re´fe´rences [1]

[2] [3]

[4]

[5]

[6]

[7]

[8]

[9]

[10]

Thiess AM, Friedheim M. Morbidity among persons employed in styrene production, polymerization and processing plants. Scand J Work Environ Health 1978;4(Suppl. 2): 203–14. Harko ¨nen H, Lehtienemi A, Aitio A. Styrene exposure and the liver. Scand J Work Environ Health 1984;10:59–61. Lorimer WV, Lilis R, Fischbein A, et al. Health status of styrenepolystyrene polylerization workers. Scand J Work Environ Health 1978;4(Suppl. 2):220–6. Hotz P, Guillemein MP, Lob M. Study of some hepatic effects (induction and toxicity) caused by occupational exposure to styrene in the polyester industry. Scand J Work Environ Health 1980;6:206–15. Morgan DL, Mahler JF, O’Connor RW, et al. Styrene inhalation toxicity studies in mice. I. Hepatotoxicity in B6C3F1 mice. Fundam Appl Toxicol 1993;20:325–35. Cruzan G, Cushman JR, Andrews LS, et al. Subchronic inhalation studies of styrene in CD rats and CD-1 mice. Fundam Appl Toxicol 1997;35:152–65. Cruzan G, Cushman JR, Andrews LS, et al. Chronic toxicity/ oncogenicity study of styrene in CD-1 mice by inhalation exposure for 104 weeks. J Appl Toxicol 2001;21:185–98. Vainio H, Jarvisalo J, Taskinen E. Adaptive changes caused by intermittent styrene inhalation on xenobiotic biotransformation. Toxicol Appl Pharmacol 1979;49:7–14. Cruzan G, Cushman JR, Andrews LS, et al. Chronic toxicity/ oncogenicity study of styrene in CD rats by inhalation exposure for 104 weeks. Toxicol Sci 1998;46:266–81. Cruzan G, Carlson GP, Turner M, et al. Ring-oxidized metabolites contribute to styrene-induced Clara-cell toxicity in mice. J Toxicol Environ Health A 2005;68:229–37.

1775-8785X/$ - see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.admp.2012.10.007 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012;73:935-936

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Terres (mg/kg de matie`re se`che)

Eaux lagunaires (mg/L)

pH

5,9 a` 6,7

6,3 a` 8,5

Cyanures totaux



0,25 a` 2

Me´taux lourds Arsenic (As) Baryum (Ba) Cadmium (Cd) Chrome (Cr) Cuivre (Cu) Mangane`se (Mn) Mercure (Hg) Molybde`ne (Mo) Nickel (Ni) Plomb (Pb) Zinc (Zn)

0,13 a` 0,27 0,25 a` 31 0,1 a` 1,2 8 a` 66 32 a` 109 198 a` 1200 0,026 a` 0,180 < 0,1 16,6 a` 62,3 7 a` 24,2 55 a` 1070

– – 23 a` 29 – 0,25 a` 1

BTEX Benze`ne Tolue`ne Xyle`nes Total

< 0,05 < 0,05 < 0,05 0,02 a` 0,3

< 0,0005 < 0,001 < 0,003 –

Hydrocarbures C10-C40

< 5 jusqu’a` 70



HAP totaux

0,32 a` 8,6

< 0,000001

Divers E´thyle`ne glycol Die´thyle`ne glycol

– –

240 a` 380 6400 a` 13 000

< 0,00005 – – – 1,8 a` 10

§ Toute question doit eˆtre transmise, par e´crit, avec vos coordonne´es pre´cises, au Docteur Dominique Lafon, 85 bis Chemin du Bas-des-Ormes, 78160 Marlyle-Roi, France. Email : [email protected].

Courrier des lecteurs

Comment interpre´ter ces re´sultats ? J’ai le sentiment que la plupart de ces valeurs sont faibles mais a` quoi les comparer ? Y a-t-il des risques sanitaires pour les ope´rateurs, forme´s au risque chimique et qui interviendront en tenue prote´ge´e ? Il est pre´vu une dure´e de six semaines pour chaque phase, e´vacuation des terres et traitement des eaux. Le coordonnateur de chantier « pre´conise » une surveillance me´dicale renforce´e qui me paraıˆt disproportionne´e : NFS, bilan he´patique et re´nal, EFR et biome´trologie des me´taux (mais lesquels choisir ?) avant la prise de poste, a` 1 mois et en fin de chantier. Qu’en pensez-vous ? Re´ponse L’activite´ de de´pollution est un secteur en pleine expansion. Une e´valuation a priori du risque est parfaitement possible lorsqu’on dispose de donne´es fiables sur la nature des polluants et leur concentration dans les diffe´rents milieux. L’e´valuation permet de de´terminer les mesures de pre´vention collective a` mettre en place et d’effectuer un choix raisonne´ des EPI [1–3]. Globalement, les re´sultats des analyses pratique´es peuvent s’interpre´ter de la manie`re suivante :  les mesures de pH sur les e´chantillons de terres sont normales. Pour me´moire, le pH des sols forestiers est le plus souvent acide, compris entre 4 et 7. Deux pre´le`vements au niveau de la lagune font e´tat d’une eau tre`s discre`tement alcaline (pH = 7,7 et 8,5) : il n’y a pas de risque de bruˆlure chimique mais le contact prolonge´ sans protection avec les boues peut s’ave´rer le´ge`rement irritant pour la peau, comme le serait e´galement une projection accidentelle dans l’œil ;  les concentrations en cyanures totaux dans les eaux sont faibles, comprises entre 0,25 et 2 mg/L, soit au maximum le double de la teneur autorise´e pour les effluents industriels (1 mg/L). Il faut savoir que la mesure prend en compte des compose´s non cyanoge´ne´tiques comme les ferro- et ferricyanures ainsi que des organocyanures. De plus, le caracte`re tre`s le´ge`rement alcalin de l’eau est de nature a` favoriser l’oxydation spontane´e des cyanures en cyanates non toxiques. En pratique, la proportion de cyanures facilement dissociables (sodium, potassium. . .) n’est pas connue, mais l’e´mission de concentrations significatives d’acide cyanhydrique apparaıˆt improbable ;  les me´taux lourds toxicologiquement pertinents (plomb, mercure, cadmium, arsenic, chrome et nickel) sont pour la plupart a` concentration « physiologique », proche du niveau retrouve´ normalement dans les sols. Ainsi pour l’arsenic et le baryum, les teneurs maximales releve´es sont infe´rieures aux teneurs moyennes de l’e´corce terrestre, soit respectivement 3 et 500 mg/kg. Le cadmium fait exception : les concentrations sont mode´re´ment e´leve´es dans les terres (10 a` 15 fois la concentration moyenne des sols non pollue´s) et e´leve´es dans les eaux lagunaires. Le cadmium est un toxique cumulatif dont les organes cibles sont le rein (tubulopathie proximale) et l’os (oste´omalacie) [4]. Les sels de cadmium sont des

compose´s inorganiques non volatils ; ils ne traversent pas la peau saine. Des travaux de terrassement « standard » ne ge´ne`rent pas de microparticules inhalables ; de surcroıˆt, ils sont maintenant effectue´s avec des engins dote´s de cabines filtre´es et ventile´es. En dehors de l’ingestion de´libe´re´e d’eaux et de boues, il n’y a donc pas d’exposition significative possible. Enfin, la pre´sence de zinc – dont la biodisponibilite´ et la toxicite´ sont extreˆmement faibles – a` niveau mode´re´ment e´leve´ est sans conse´quence sanitaire [4] ;  les concentrations en hydrocarbures aromatiques (fraction BTEX) sont tre`s faibles, dans les terres comme dans les eaux : c’est pratiquement toujours le cas du fait de la haute volatilite´ de tous ces compose´s. Il est meˆme probable que ces substances n’aient pas e´te´ de´tecte´es, mais le mode d’expression des re´sultats ne permet pas de l’affirmer. Pour le benze`ne, la concentration dans les eaux lagunaires est indique´e < 0,5 mg/L, soit infe´rieure a` la norme de potabilite´ de l’eau de distribution (1 mg/L) !  les concentrations en hydrocarbures C10 a` C40 sont comprises entre moins de 5 et 70 mg/kg. Sans surprise, ce sont les C20 a` C40 de poids mole´culaire e´leve´ qui dominent. Ces hydrocarbures ne sont pratiquement pas volatils a` tempe´rature ambiante ; leur consistance huileuse les fait adhe´rer fortement a` la terre ; leur toxicite´ s’assimile a` celle des huiles mine´rales ;  les concentrations en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) totaux dans les terres (16 compose´s mesure´s) varient de moins de 0,3 a` 8,6 mg/kg. Les HAP ne sont pas volatils a` tempe´rature ordinaire ; fortement adhe´rents a` la terre, ils peuvent ne´anmoins contaminer la peau. Les teneurs dans les eaux sont extreˆmement faibles, toutes infe´rieures a` 0,001 mg/L : pour me´moire, dans l’eau de distribution, la concentration en HAP totaux (six compose´s mesure´s) doit re´glementairement eˆtre infe´rieure ou e´gale a` 0,1 mg/L ;  les concentrations en glycols (e´thyle`ne et die´thyle`ne glycol) des eaux lagunaires sont e´leve´es, comprises entre 0,24 et 13 g/ L selon les points de mesure. Tre`s peu volatils et de´pourvus de pe´ne´tration percutane´e sur peau saine, les glycols ne sont toxiques que par ingestion : la` encore, l’absorption involontaire de volumes conse´quents de liquide est improbable dans la situation de travail de´crite. A` ce jour, aucune publication ne fait e´tat d’intoxication aigue ¨ et/ou chronique, ni meˆme d’impre´gnation excessive de l’organisme, par ces diffe´rents compose´s chez les travailleurs expose´s a` des sols et terres pollue´s. En pratique, sur la base des donne´es transmises et sous re´serve qu’aucune substance pre´occupante n’ait e´te´ « oublie´e », le risque toxique pour les salarie´s concerne´s apparaıˆt purement the´orique compte tenu des concentrations pre´sentes et des caracte´ristiques physicochimiques, toxicocine´tiques et toxicodynamiques des compose´s implique´s. La brie`vete´ du chantier permet d’exclure e´galement tout risque a` long terme. De`s lors, le protocole de surveillance pre´vu est effectivement de´connecte´ de la re´alite´ toxicologique. De surcroıˆt, il fait appel a` des

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examens biologiques (NFS, cre´atinine, transaminases, g-GT. . .), dont on connaıˆt la non-spe´cificite´ et la tre`s faible sensibilite´ (nombre conside´rable de faux positifs) [4]. Pour les travaux au contact direct des eaux lagunaires, il faut privile´gier la protection cutane´e par une tenue de travail en mate´riau si possible imperme´able, des gants en PVC ou ne´opre`ne avec manchettes, et des lunettes de protection. Dans une optique de trac¸abilite´, un dosage du cadmium urinaire avant exposition et en fin de chantier peut eˆtre envisage´ ; il faudra informer les ope´rateurs de ses limites et de l’impact du tabagisme sur les re´sultats. De´claration d’inte´reˆts L’auteur n’a pas transmis de de´claration de conflits d’inte´reˆts.

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Re´fe´rences [1] [2]

[3] [4]

Nisse C. Les sols pollue´s : e´valuation du risque et surveillance des personnels. Arch Mal Prof Env 2010;71:54–60. He´ry M, Mouton C, Falcy M. Re´habilitation de sols industriels pollue´s. Pre´vention des risques professionnels. EMC Toxicologie Pathologie Professionnelle 2001;16001(L10):4 p. Intervention sur sols pollue´s. Pre´vention du risque chimique. OPPBTP, Boulogne-Billancourt, 2012;133 p. Testud F. Toxicologie me´dicale professionnelle et environnementale. Paris: ESKA; 2012, 814 p.

1775-8785X/$ - see front matter ß 2012 Publie´ par Elsevier Masson SAS. 10.1016/j.admp.2012.10.006 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2012;73:936-938