Trois axes pour améliorer l’observance dans la prise en charge de l’asthme : cas particulier de l’enfant

Trois axes pour améliorer l’observance dans la prise en charge de l’asthme : cas particulier de l’enfant

Rev Fr Allergol Immunol Clin 2001 ; 41 : 634-40 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0335745701000818/FLA T...

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Rev Fr Allergol Immunol Clin 2001 ; 41 : 634-40 © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0335745701000818/FLA

Trois axes pour améliorer l’observance dans la prise en charge de l’asthme : cas particulier de l’enfant P. Légeron*, G. Azoulaï Stimulus, 205, rue Saint-Honoré, 75001 Paris, France

Résumé Le paradoxe bien connu de la maladie asthmatique (traitements efficaces mais contrôle insuffisant de la maladie lié notamment à une mauvaise observance) est essentiellement lié au facteur humain. Il dépend de la motivation du patient à suivre ou non, partiellement ou intégralement, les mesures et traitements prescrits. Sur quels éléments peut s’appuyer le médecin pour susciter cette motivation chez le patient ? Qu’en est-il chez l’enfant ? En s’appuyant sur les données actuelles concernant la motivation à changer en faveur de comportements plus efficaces, certains principes simples à mettre en œuvre devraient permettre une plus grande efficacité dans la prise en charge de la maladie asthmatique, et en particulier dans le cas de l’enfant. Ces principes concernent trois axes. Le premier est l’axe relationnel. Une attitude de compréhension et d’empathie favorise la mise en confiance, l’ouverture et la motivation du patient. Le deuxième axe est pédagogique. Savoir délivrer une information adaptée au rythme et à la demande du patient contribue à faire évoluer les représentations de ce dernier. Le troisième axe est thérapeutique. Savoir impliquer le patient dans l’élaboration de l’ordonnance augmente les chances d’adhésion aux mesures et traitements prescrits. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS asthme / observance / enfant

Summary – How to improve therapeutic compliance in asthmatic children: three axes. The well-known paradox of treating asthma (efficient treatment but poor compliance) is essentially due to the human factor. It rests on the patient’s motivation to comply partially or totally with the prescribed treatment and measures. What guidelines can the physician use to elicit motivation from his patients? How can he manage children? Based on up-to-date scientific data concerning motivation to change a specific behavior and to acquire a new, more efficient one, certain easy-to-use principles should allow for greater efficiency in treating asthma, in particular with children. These principles are described along three axes. The first one is relational. Showing understanding and using empathy creates confidence, helps the patient express himself, and build motivation. The second one concerns pedagogy. Delivering information that is adapted to the patient’s desires and rhythm helps irrational beliefs to evolve. The third one is therapeutic, being able to imply the patient in the elaboration of the prescription, which creates stronger adhesion to the prescribed treatment and measures. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS asthma / treatment / compliance / child

*Correspondance et tirés à part.

Amélioration de l’observance de la prise en charge de l’asthme

Le paradoxe bien connu de la maladie asthmatique, à savoir l’existence de traitements bien adaptés d’une part et un mauvais contrôle de la maladie dû à une mauvaise observance de l’autre, se complique singulièrement lorsque la relation médecin–patient se joue à trois, ce qui est le cas lorsqu’il s’agit de l’asthme de l’enfant. En effet, on peut dire que l’enfant et le jeune adolescent sont tributaires de leurs parents à des degrés divers pour l’observance, le suivi et le renouvellement de leur ordonnance. Mais ils sont aussi tributaires de leurs parents en ce qui concerne leurs attitudes mentales, leurs représentations et croyances vis-à-vis de la maladie asthmatique et de son traitement. Ces croyances et représentations peuvent être le reflet de celles des parents [1] et influencer l’adhésion au traitement. Par ailleurs, l’enfant asthmatique semble surestimer ses prises de médicaments et peut alors avoir l’impression de suivre normalement son traitement alors qu’en réalité il n’en est rien. Pour aider l’enfant asthmatique a être plus motivé à respecter son traitement, le médecin devra tenir compte de ces réalités et développer une relation efficace avec les parents aussi bien qu’avec l’enfant. L’objectif étant de susciter une motivation interne, d’amener parents et patient à s’engager sur un véritable contrat thérapeutique négocié avec eux, qui permette de tenir compte d’un côté de l’efficacité du traitement, de l’autre des réalités humaines, afin d’aboutir à un compromis adapté accepté de tous, même si ce dernier n’est pas une prescription idéale. Pour cela le médecin dispose de son écoute et de ses habiletés relationnelles. Ces habiletés peuvent influencer le degré de motivation des patients et de l’enfant, si elles sont exploitées avec justesse en respectant l’évolution des attentes du patient en fonction du moment de la consultation. L’ACQUISITION D’UN NOUVEAU COMPORTEMENT L’acquisition d’un nouveau comportement passe par plusieurs étapes. Les Américains Prochaska et DiClemente [2] sont les premiers à avoir longuement étudié les étapes du changement. Ils ont décrit les divers processus en jeux et la progression des étapes du changement dans les années 1980. Pour cela ils ont réalisé plusieurs études chez des milliers de sujets qui avaient changé un comportement difficile à modifier de manière durable : l’arrêt du tabac (plus de 18 mois d’arrêt complet au minimum). Ils ont mon-

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tré que les personnes qui changent de manière durable leur comportement passent par différents stades. Ils ont par ailleurs démontré l’existence des mêmes stades de changement aussi bien au cours d’une thérapie que de manière spontanée. Ils ont également montré que la connaissance préalable du stade des patients permettait d’adapter attitudes et stratégies, afin de favoriser un changement durable. Ces travaux ont été depuis appliqués avec succès dans de nombreux domaines où le changement de comportement était considéré comme particulièrement difficile, notamment la prise en charge des problèmes d’alcool par William Miller. Plusieurs études sur le coût comparé de différents traitements montrent que des approches brèves fondées sur la motivation et s’appuyant sur les stades de changements sont les plus performantes. Le National Cancer Institute utilise un programme fondé sur les stades du changement qui s’avère selon eux deux fois plus efficace pour aider les fumeurs à s’arrêter. En France, le CFES, en coopération avec la CNAM, a mis au point des documents pour arrêter de fumer s’appuyant également sur les étapes du changement. Le changement n’est pas un processus linéaire, et il peut y avoir plusieurs retours au comportement précédent avant l’accomplissement définitif du changement. La mise en application du modèle a été étendue à d’autres comportements (comportement alimentaire, comportement sexuel, comportements de santé, observance, etc.) Chaque étape est caractéristique, et le patient manifeste des comportements spécifiques. Dans chaque étape on peut résumer les enjeux de la manière suivante : – préintention : le patient ne sait pas ou ne veut pas admettre qu’il y a un comportement à faire évoluer. Il ignore l’information ou la refuse. L’enjeu de cette étape est la prise de conscience de la nécessité d’adopter un comportement spécifique afin de stabiliser l’asthme et de réduire les risques : celui de l’observance. Il lui faut posséder l’information. Pour cela, la manière dont l’information est apportée est essentielle. Elle ne doit pas heurter ou choquer, elle doit être dénuée de tout jugement et ne pas paraître menaçante. Elle doit s’accompagner d’éléments permettant de conserver l’espoir et de garder confiance. Elle doit respecter l’envie de savoir, s’ajuster aux représentations déjà présentes de manière à les faire évoluer lorsqu’elles sont erronées. Elle doit respec

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ter également le rythme du patient et être apportée de manière à s’adapter à sa capacité de compréhension. Il y a donc le fond et la forme. La qualité de relation établie et la manière de présenter les choses sont deux éléments essentiels pour permettre d’évoluer vers le stade suivant ; – intention : le patient possède l’information concernant sa maladie et son traitement. Il lui faut alors être convaincu de la nécessité de faire évoluer son comportement vers une observance conforme à la prescription. Il lui faut adhérer à cette information. Pour cela il est important que le médecin puisse aider le patient à s’exprimer sur ses doutes, ses réticences, ses craintes, afin de l’aider à les dépasser. Là encore, la qualité de la relation est essentielle. Celle-ci est conditionnée par la qualité de l’écoute, en particulier l’expression d’empathie, et l’apport d’éléments rassurants, en particulier en ce qui concerne la qualité de vie, l’autonomie, l’efficacité personnelle [3], le traitement, etc. Ici encore, l’accueil de son point de vue et de son ressenti en l’absence de jugement ou de reproches, facilite l’acceptation du patient et son adhésion ; – préparation : adhérer à une information n’implique pas automatiquement se préparer à la mettre en œuvre. Il faut encore que le patient s’engage à être observant, qu’il s’astreigne à une discipline au long cours. Le patient doit décider sa nouvelle attitude. L’engagement n’est jamais aisé tant qu’il n’y a pas de décision ferme sur l’attitude que souhaite adopter le patient. Cette décision sera d’autant plus forte et tranchée que le patient aura clairement envisagé les avantages de ce nouveau comportement et les inconvénients d’un « status quo » En clair, il s’agit de l’aider à voir en quoi sa qualité de vie sera meilleure s’il accepte de prendre un traitement [4]. L’amélioration des symptômes, l’absence d’effets secondaires ou des effets maîtrisés, et la réduction des contraintes liées à la forme galénique et au nombre de prises d’un traitement peut alors avoir un impact considérable ; – action : lorsque le patient est prêt à s’engager dans un nouveau comportement, il lui faut encore le planifier et le mettre en œuvre. Il doit initier le changement, le réaliser de manière concrète. Pour cela, il lui est nécessaire de s’organiser matériellement. Là encore, le médecin par son attitude peut faciliter la résolution de problèmes matériels qui interfèrent avec le traitement ;

– maintien : la mise en œuvre d’un comportement nouveau, même bénéfique, peut rapidement démotiver le patient qui peut alors perdre de vue les bénéfices. Il lui faut alors maintenir par des efforts répétés son comportement. Recevoir du soutien et des encouragements, se sentir renforcé dans son comportement contribue à l’aider à maintenir le cap. Savoir déceler et révéler les progrès accomplis, les restituer et permettre au patient d’en endosser la responsabilité [5] ; – accomplissement : le maintien d’un comportement au long cours par des efforts conscients comporte malgré tout un coût pour le patient, jusqu’au moment où le comportement devient une bonne habitude. La contrainte va alors s’estomper et les efforts conscients diminuer, tout en conservant le bénéfice d’un comportement efficace. Pourtant, même à ce stade, le patient peut rencontrer des difficultés, une lassitude qui le fera abandonner ses bonnes habitudes. Cet abandon peut être anticipé et rapidement récupéré. Un mot clé résume chaque étape : – posséder une information – adhérer à cette information ; – décider de changer un comportement ; – initier le changement ; – maintenir le changement. Retenons l’acronyme PADIM qui permet de se situer rapidement dans la séquence des étapes. QU’EST CE QUE LA MOTIVATION ? Le respect de l’évolution d’un stade vers le suivant permet de susciter et de renforcer la motivation du patient. Celle-ci évolue en intensité et en nature tout au long du processus de changement. Comment définir la motivation ? La motivation reste un terme vague qui regroupe divers aspects, émotions, désirs, représentations, comportements. Elle est définie par le dictionnaire comme : « la relation entre les actes et les motifs qui le justifient. L’action des forces conscientes et inconscientes qui déterminent un comportement. » [6]. Nous retrouvons dans cette définition la notion de motif, de raison plus ou moins consciente qui est du domaine des représentations, et la notion de forces, qui conscientes ou inconscientes sont plus le reflet des émotions, désirs, pulsions, habitudes qui sous-tendent et régissent les comportements. La motivation est ici décrite comme un ensemble figé sous l’entière dépendance de l’individu, et qui, in fine, ne peut s’objectiver que de manière

Amélioration de l’observance de la prise en charge de l’asthme

rétroactive une fois le comportement exprimé. Depuis les années 1980, comme nous l’avons vu, la recherche a montré que le changement était un processus complexe qui dépendait de l’évolution d’une personne au travers de différents stades, que cela se fasse de manière spontanée ou bien dans le contexte d’une psychothérapie. Ainsi il apparaît que pour qu’un changement soit durable, un individu doit évoluer d’un stade vers le suivant. D’une manière générale, proposer une attitude ou une approche qui n’est pas en phase avec les besoins du patient à un moment donné ne l’aidera pas à développer sa motivation à changer. En somme, la motivation n’est plus la seule affaire du patient. L’attitude du médecin devient alors une dimension à part entière dans la motivation du patient, par conséquent dans l’observance du traitement. En offrant à son patient une écoute empathique, en lui permettant d’être rassuré et en confiance, en l’aidant à mieux comprendre sa maladie et le traitement, en construisant avec lui de manière coopérative son traitement, sans l’obliger, sans le juger, le médecin peut aider son patient à être plus observant. Le Conseil des études philosophiques aux États-Unis définit actuellement la motivation comme : « la probabilité qu’un individu adhère, s’engage et poursuive une démarche spécifique de changement. » Cette définition a le mérite de prendre en compte les différents temps du changement d’un comportement et de l’acquisition d’un nouveau comportement : adhérer ; s’engager ; poursuivre. LA RELATION MÉDECIN–PATIENT ET LA MOTIVATION En 1983, William Miller publie un article concernant les principes motivationnels dans les entretiens avec un patient. Il s’agit avant tout d’une façon d’être, un « savoir-être » qui peut s’acquérir et qui amène le patient à développer lui-même sa motivation. Cette façon d’être conduit à développer ce que Miller appelle les « Entretiens motivationnels » [7]. Cette approche s’appuie sur sa pratique, sur la recherche dans le domaine du changement, de la psychologie sociale et de la psychologie cognitive. Il démontre l’importance de la qualité de la relation établie, du rôle directif du médecin ainsi que l’efficacité de certaines attitudes relationnelles. Parmi ces attitudes, notons le développement d’une écoute active et réflective [8], l’expression d’empathie de manière spécifique (lorsque le patient exprime un état émotif

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en rapport avec la situation), l’implication du patient dans une démarche constructive, sans porter de jugements et focalisant sur la recherche de solutions. Il montre que ces attitudes favorisent la confiance et l’écoute chez le patient, facilitent l’ouverture et l’expression, aident à résoudre l’ambivalence à acquérir un nouveau comportement et permettent de véhiculer plus facilement de l’information. Cela facilite l’augmentation de la motivation intrinsèque du patient pour faire évoluer ses comportements. Ces attitudes sont essentielles en particulier dans les premiers stades du changement lorsque le patient est anxieux ou réticent voir lorsqu’il affiche une attitude de « déni » du problème. Le déni a longtemps été décrit comme étant un mécanisme de défense propre à l’individu. La recherche a montré cependant que le déni était largement variable en fonction de l’attitude du médecin et de sa capacité à gérer la résistance. Les aptitudes relationnelles du médecin peuvent aider à réduire ou faire disparaître les résistances. Le déni est alors considéré comme un indicateur de dysfonctionnement dans la relation et doit permettre au médecin d’ajuster son comportement, notamment en montrant plus d’empathie et de compréhension à l’égard de son patient. APPLICATION AUX PATIENTS ASTHMATIQUES Bien qu’il n’y ait aucune étude publiée à ce jour en ce qui concerne l’efficacité dans la prise en charge des patients asthmatiques par des approches motivationnelles, de nombreuses publications ont montré que ces approches étaient particulièrement efficaces pour accompagner les patients qui devaient faire évoluer leurs comportements dans d’autres maladies : hypertension artérielle et maladies cardiovasculaires, diabète, etc. Si on s’appuie sur les stades du changement décrits par Prochaska, et en dehors de tout contexte d’urgence, on peut en fait distinguer trois temps importants : – le patient doit tout d’abord prendre conscience de ce qui lui arrive (posséder l’information) et assumer cette réalité (adhérer à l’information), c’est le temps de prise de conscience ; – ce n’est que lorsque cette étape est franchie qu’il devient possible d’élaborer avec le patient un traitement adapté et accepté (décider de se soigner), c’est le temps de recherche de solutions ;

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– une fois l’étape précédente terminée, le patient va pouvoir passer à l’action (initier le traitement) et maintenir un suivi (maintenir le traitement), c’est le temps de l’action (observance). Ces trois temps nécessitent un accompagnement spécifique afin de répondre de manière adaptée aux besoins du patient. Le premier temps, apport et accompagnement de l’information (annonce du diagnostic et explications sur la maladie et son traitement) doit s’adapter aux attentes du patient en termes de nature, quantité et de rythme des informations. Les qualités pédagogiques et relationnelles permettent de générer et consolider la confiance et de rassurer le patient. Le deuxième temps, élaboration d’un programme de soins [9] (contrat thérapeutique), doit se faire en coopération avec le patient afin de s’adapter de manière spécifique à ses besoins pharmacologiques, aux conditions de vie, aux contraintes et aux possibilités du patient. Les qualités stratégiques et relationnelles permettent ici de gérer les réticences, de mettre l’accent sur les avantages du traitement, de rassurer quant à d’éventuelles craintes (effets secondaires, corticophobie, etc…) et de générer des solutions avec une plus grande implication du patient. Le troisième temps est celui de la mise en application, qui nécessite un suivi avec d’éventuels réajustements, en particulier s’il se produit une baisse de la motivation et un abandon ou une modification de la prescription. Même chez des patients observant depuis de longues périodes, la lassitude, le stress, le changement sont autant de facteurs qui peuvent entraîner un abandon passager du traitement. Ce sont les qualités relationnelles, la confiance qui aura été établie avec le patient qui permettront d’aborder et de résoudre au mieux ces incidents de parcours. Si nous considérons les attentes du patient, elles sont de trois ordres et recouvrent les trois temps que nous avons vu. Le patient attend de la part du médecin une écoute et de la compréhension, il attend également d’être rassuré et mis en confiance. Le patient attend également de savoir ce qu’il a, de comprendre de son côté ce qui lui arrive, de comprendre pourquoi il faut un traitement si s’est le cas, de savoir comment ça marche, s’il y a des effets secondaires, etc. Le patient attend d’être aidé à trouver le meilleur compromis entre la réalité de sa vie et les contraintes du traitement, des mesures de prévention et du suivi. Il lui faut une stratégie adaptée à lui.

En résumé, le patient attend d’être compris (à tout moment) ; le patient attend de comprendre (prise de conscience et acceptation) ; le patient attend d’être aidé (recherche et mise en application de solutions). La recherche montre que la qualité essentielle qui est développée par les professionnels de la santé et les thérapeutes efficaces est l’empathie. Le degré d’empathie spécifique dont fait preuve le soignant est corrélé au développement de la motivation à l’acquisition d’un nouveau comportement. Savoir adopter une attitude relationnelle de compréhension et d’empathie permet de répondre aux attentes de compréhension et de considération du patient qui entendra, acceptera et retiendra d’autant plus facilement ce que le médecin lui dira. La recherche a également permis de distinguer parmi les patients des différences en ce qui concerne l’envie de savoir et la quantité d’information souhaitée. Pour certains l’information est anxiogène, pour d’autres elle soulage. Il convient au médecin de savoir s’adapter à son patient afin de lui délivrer l’information qu’il souhaite à son rythme, sachant qu’à terme les patients auront de toute façon toute l’information nécessaire. En développant simultanément l’axe relationnel et l’axe pédagogique, le médecin peut aider à faire évoluer les représentations erronées du patient et lui permettre une meilleure adhésion à l’information. La recherche montre enfin que lorsque le patient est impliqué dans la recherche de solutions, il y a plus de chances qu’il adhère à la solution qu’il a contribué à construire. La manière dont le médecin gère les réticences permet de les transformer en motivation, à condition d’éviter de contrer, de discuter, de critiquer, de juger, mais plutôt en sachant accompagner la résistance. En développant simultanément l’axe thérapeutique et l’axe relationnel, le médecin peut aider à construire une solution thérapeutique adaptée au patient qui respecte les réalités de la vie quotidienne et les caractéristiques du patient. DANS LE CAS DE L’ENFANT ATTEINT D’ASTHME Dans le cas de l’enfant atteint d’asthme, les besoins se situent aussi bien du côté de l’enfant que des parents et cela à des degrés divers. Il est indispensable de savoir gérer les deux simultanément.

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Parents et enfants peuvent avoir des représentations erronées [10] de la maladie et de son traitement qui engendrent des craintes et peuvent influencer la motivation et entraîner la modification ou l’arrêt du traitement. Les représentations des uns et des autres ne sont pas d’ailleurs toujours les mêmes. Les parents peuvent cependant influencer l’enfant par leurs croyances et leurs attitudes. Il est donc indispensable que le médecin sache offrir une écoute empathique en particulier aux parents, et qu’il sache les rassurer et les aider à faire évoluer leurs représentations. L’annonce du diagnostic aux parents est un moment qui peut être particulièrement difficile. Il est indispensable de leur témoigner de l’empathie face aux diverses réactions possibles (abattement, angoisse, hostilité, révolte, incrédulité, etc.), et de savoir expliquer son point de vu sans dévaloriser le leur. Cela nécessite de savoir explorer leurs représentations et leur attentes, et de respecter leur envie de savoir, de répondre à ce qu’ils ont envie de savoir, de respecter leur rythme et de vérifier leur compréhension. Tout cela bien évidemment demande du temps, et cela peut sembler lourd, en particulier lorsqu’il faut gérer de nombreux autres patients. Le temps investit à ce niveau est souvent récupéré par la suite, dans la mesure où il facilite la compréhension et la coopération et permet d’influencer positivement les attitudes de l’enfant. Il est également important de savoir explorer les craintes et les attentes de l’enfant (poser des questions ouvertes), lui montrer les avantages de la prise régulière du traitement, en quoi cela lui permettra de continuer à faire ses activités préférées (plutôt que de stigmatiser l’oubli ou l’irrégularité des prises.) Il peut arriver que l’enfant se sente diminué du fait de son asthme, il est important d’offrir une écoute empathique et d’aider l’enfant à reconstruire son estime de soi (mettre en avant ses qualités, savoir renforcer ses progrès, etc.) Parfois ce sont des problèmes de honte, par exemple d’utiliser un inhalateur devant les camarades de classe ou de dire qu’ils n’ont pas pris leur traitement. Il est important de savoir accueillir et de renforcer toute confidence faite par l’enfant. L’âge de l’enfant n’est pas un bon indicateur de son degré de maturité, ce sera au médecin de se rendre compte du degré d’autonomie possible de l’enfant pour son traitement. Et de s’adapter en fonction. Il appartient cependant aux parents d’apporter les

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conditions d’une bonne adhésion et d’une observance perçue qui reflète de manière adéquate la réalité [11]. C’est à eux qu’incombe d’apporter le soutien et l’organisation nécessaires. Lorsque la famille est défaillante sur ces aspects, cela augmente le nombre d’hospitalisation des enfants, et d’une manière générale contribue à un mauvais contrôle de l’asthme. Les principaux dysfonctionnements psychologiques dans la famille sont les conflits entre parents et l’attitude critique de ces derniers vis-à-vis des enfants. Dans le cas de l’adolescent, les parents peuvent entrer en conflit avec ce dernier, ne sachant pas gérer sa recherche d’autonomie. L’éducation seule ne suffit pas, le médecin joue un rôle par l’exemple qu’il donne dans sa manière d’aborder et de gérer les problèmes sans juger ni blâmer, mais en écoutant avec empathie et en recherchant des solutions en commun. Par son attitude, le médecin donne l’exemple, il permet aux parents et aux enfants de modéliser sa façon de faire. Le climat émotionnel au sein de la famille joue un rôle dans l’inobservance. Le médecin peut essayer d’évaluer le climat familial, familles monoparentales, familles recomposées, séparations ou divorces en cours, état de tensions, conflits, problèmes économiques, etc. peuvent contribuer à un climat défavorable. S’il s’avère difficile d’obtenir une évolution dans les comportements des parents, le médecin peut essayer d’aider, en fonction de sa maturité, l’enfant à être plus autonome. Parfois c’est l’enfant qui présente des difficultés psychologiques. Le médecin devra, avec tact, aider à orienter l’enfant vers une aide psychologique adaptée. Il peut s’avérer nécessaire d’aider les parents à développer des habiletés à communiquer avec leurs enfants. Un travail sur les comportements, avec un entraînement aux habiletés sociales associés à l’éducation permettent alors d’améliorer sensiblement l’adhésion au traitement. Cela nécessite pour les médecins, soit d’avoir eux-mêmes les compétences nécessaires à cela ou bien de savoir comment et où adresser leurs patients. Les praticiens utilisant les approches de thérapies cognitives et comportementales et pratiquant l’affirmation de soi seul ou en groupes peuvent aider à trouver des solutions. Quelle que soit la situation, le médecin s’appuiera à la fois sur les trois axes, relationnels, pédagogiques et thérapeutiques, pour aider parents et enfants à trouver des solutions adaptées et acceptées.

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P. Légeron, G. Azoulaï

CONCLUSION

RE´ FE´ RENCES

Le médecin n’a d’autres armes que de nouer une relation de confiance efficace avec parents et enfants. L’efficacité de cette relation repose sur trois axes : – l’axe relationnel qui correspond aux attentes du patient d’être compris, d’être considéré dans sa dimension humaine, sans être ni jugé, ni blâmé ; – l’axe pédagogique que correspond aux attentes du patient de savoir, de comprendre ce qui lui arrive et ce que le médecin propose. En fonction des patients, le médecin délivrera plus ou moins d’informations sur un sujet donné, en respectant son envie de savoir et son rythme ; – l’axe thérapeutique qui correspond aux attentes du patient d’avoir un traitement adapté à sa maladie et aux réalités de sa vie. Chez l’enfant, les parents sont des acteurs incontournables et la dynamique familiale est essentielle. L’enfant lui-même peut être particulièrement immature ou bien avoir de l’autonomie. Toute l’habileté relationnelle du médecin est alors requise afin d’aider enfants et parents à mettre en place une organisation du traitement avec des mesures d’urgence et de prévention, acceptées et efficaces.

1 Bandura A. Social Foundations of thought and action : A social cognitive theory. Englewood Cliffs : NJ Prentice Hall ; 1986. 2 Prochaska JO, DiClemente CC. Stages and process of self-change in smoking : towards an integrative model of change. J Consult Clin Psychol 1983 ; 51 : 390-5. 3 Bandura A. Self-efficacy mechanism in human agency. Am Psychologist 1982 ; 37 : 122-47. 4 Festinger L. A theory of cognitive dissonance. Evanston : Row, Peterson ; 1957. 5 Bem DJ. Self-perception : An alternative interpretation of cognitive dissonance phenomena. Psychol Rev 1967 ; 74 : 183-200. 6 Larousse. Dictionnaire de la langue française. Paris : Éditions Larousse ; 1999. 7 Miller WR, Rollnick S. Motivational interviewing. New York : Guiford Press ; 1991. 8 Léonard T, Matheron I. Intérêt des entretiens de motivation pour les thérapies cognitives et comportementales. J Thér Comportementale Cognitive 1998 ; 8 : 125-30. 9 Légeron P, André C. L’observance des traitements prescrits. Concours Méd 2000 ; 25 (suppl) : 27-30. 10 Bender B, Milgrom MD, Rand C, Ackerson L. Psychological factors associated with medication non adherence in asthmatic children. J Asthma 1998 ; 3 : 347-53. 11 Milgrom MD, BenderB, Ackerson L, Bowry P, Smith B, Rand C. Non compliance and treatment failure in children with asthma. J Allergy Clin Immunol 00 ; 98 : 1051-7.