Trop de peau, pas de sang !

Trop de peau, pas de sang !

Rev Méd Interne 2000 ; 21 : 806-7 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300002290/SCO Image Trop de ...

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Rev Méd Interne 2000 ; 21 : 806-7 © 2000 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S0248866300002290/SCO

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Trop de peau, pas de sang ! D. Staumont1 3, T. Wiart2, E. Delaporte1, M. Mahieu3, C. Rose3 1

Clinique de dermatologie, hôpital Claude-Huriez, CHRU, place de Verdun, 59037 Lille, France ; 2Armentières, France ; service de médecine interne et d’hématologie clinique, hôpital Saint-Vincent, groupe hospitalier de l’institut catholique de Lille, 59000 Lille, France

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(Reçu le 22 août 1999 ; accepté le 7 juin 2000)

L’HISTOIRE Un homme de 31 ans consultait pour des lésions cutanéomuqueuses évoluant depuis plusieurs années. Cet homme était d’origine caucasienne, troisième enfant d’une fratrie de cinq et issu d’une union non consanguine. Il avait pour antécédents des infections rhinopharyngées à répétition depuis la petite enfance, des conjonctivites purulentes itératives ayant nécessité une désobstruction des canaux lacrymaux à l’âge de six ans et enfin l’exérèse de multiples diverticules œsophagiens responsables d’une dysphagie entre l’âge de sept et 15 ans. L’examen réalisé à l’âge de 17 ans montrait une hyperpigmentation d’aspect réticulé atteignant le visage, le cou et les membres supérieurs, avec présence d’îlots dépigmentés et de télangiectasies (figure 1), une dystrophie unguéale sévère aux mains (figure 2) et aux pieds avec onycholyse distale ; une hyperkératose palmoplantaire ; de multiples plaques de leucoplasie sur la langue et la muqueuse jugale. Lors de la consultation, l’hémogramme révélait des signes d’insuffisance médullaire : anémie macrocytaire (hémoglobine à 6 g/dL, VGM à 112 fL), thrombopénie (71 000/mm3) et leuconeutropénie (3 200 globules blancs/mm3 dont 1 400 polynucléaires neutrophiles/mm3). La biopsie médullaire confirmait l’hypoplasie médullaire avec caryotype médullaire normal. L’examen des téguments retrouvait les éléments cliniques précédemment décrits ainsi qu’une lésion bourgeonnante sur la leucoplasie jugale gauche.

Figure 1. Hyperpigmentation réticulée et télangiectasies du visage.

Figure 2. Dystrophie unguéale sévère avec onycholyse distale.

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Trop de peau, pas de sang

LE DIAGNOSTIC Une dyskératose congénitale ou syndrome de Zinsser-Engman-Cole. LES COMMENTAIRES La dyskératose congénitale ou syndrome de ZinsserEngman-Cole est une maladie héréditaire rare (prévalence inférieure à 1/1 000 000), transmise dans la majeure partie des cas selon le mode récessif lié à l’X. Le gène responsable est localisé sur le locus Xq28 [1, 2]. La physiopathologie de la maladie reste inconnue. La description clinique est caractérisée par une triade dermatologique, complète dans cette observation : pigmentation cutanée réticulée, leucoplasie des muqueuses orales et dystrophies unguéales. Ces signes apparaissent le plus souvent dans la première décennie [3]. Il existe également de nombreuses autres anomalies : sténose œsophagienne ou uréthrale, retard mental modéré, ostéoporose. Une hypoplasie médullaire d’aggravation progressive existe dans 90 % des cas [4] ; elle s’observe plus tardivement que les anomalies cutanéomuqueuses, souvent à l’âge adulte. Ces patients méritent une surveillance attentive en raison du risque évolutif sévère de l’affection, en particulier les complications hémor-

ragiques et infectieuses de l’aplasie médullaire. La prévalence des carcinomes épidermoïdes est élevée (dégénérescence d’une leucoplasie ou carcinome de novo). Dans notre observation, la biopsie réalisée sur la lésion jugale ne montrait pas de signe de malignité. Une greffe de moelle peut être proposée en cas d’évolution aplasiante, si un donneur HLA compatible est disponible [5], ce qui n’était pas le cas pour ce patient. Les autres traitements (corticoïdes, androgènes, splénectomie) n’ont pas jusqu’ici montré de réelle efficacité. Le pronostic reste péjoratif avec une durée de vie moyenne comprise entre 30 et 50 ans. RE´ FE´ RENCES 1 Heiss NS, Knight SW, Vülliamy TJ, Klüuck SM, Wiemann S, Mason PJ, et al. X-linked dyskeratosis congenita is caused by mutations in a highly conserved gene with putative nucleolar functions. Nature Genet 1998 ; 19 : 32-8. 2 Coulthard S, Chase A, Pickard J, Goldman J, Dokal I. Chromosomal breakage analysis in dyskeratosis congenita peripheral blood lymphocytes. Br J Haematol 1998 ; 102 : 1162-4. 3 Mc Grath JA. Dyskeratosis congenita: new clinical and molecular insights into ribosome function. Lancet 1999 ; 353 : 1204-5. 4 Knight S, Vulliamy T, Copplestone A, Gluckman E, Mason P, Dokal I. Dyskeratosis congenita (DC) registery: identification of new features od DC. Br J Haematol 1998 ; 103 : 990-6. 5 Phillips RJ, Judge M, Webb D, Harper JI. Dyskeratosis congenita: delay in diagnosis and successful treatment of pancytopenia by bone marrow transplantation. Br J Dermatol 1992 ; 127 : 27880.