Rec¸u le : 30 avril 2014 Rec¸u sous la forme re´vise´e le : 7 novembre 2014 Accepte´ le : 9 octobre 2015
Disponible en ligne sur
ScienceDirect www.sciencedirect.com
Quel est votre diagnostic ? H. Bensaad*, A. Rami, I. Mostafa, H. Boumdin, T. Amil, S. Chaouir, H. Ennouali
Tume´faction du maxillaire supe´rieur
Hoˆpital militaire d’instruction de Rabat, Rabat, Maroc
Observation Un patient aˆge´ de 38 ans, sans ante´ce´dent pathologique connu, a consulte´ pour une tume´faction du maxillaire supe´rieur, augmentant progressivement de volume. L’examen
clinique a retrouve´ la tume´faction du maxillaire supe´rieur dure, indolore, sans signes inflammatoires en regard, la biologie e´tait normale. Une TDM maxillo-faciale a e´te´ re´alise´e en coupes axiales (fig. 1 et 2) et coronales (fig. 3 et 4) en feneˆtre osseuse.
Figures 1 et 2. Coupes scanographiques axiales des maxillaires en feneˆtre osseuse.
* Auteur correspondant. e-mail :
[email protected] (H. Bensaad). http://dx.doi.org/10.1016/j.frad.2015.10.004 Feuillets de radiologie 2016;56:38-41 0181-9801X/ß 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s.
38
Tume´faction du maxillaire supe´rieur
Figures 3 et 4. Coupes scanographiques coronales en feneˆtre osseuse.
Quel est votre diagnostic ?
39
H. Bensaad et al.
Feuillets de radiologie 2016;56:38-41
Diagnostic
multiples et jusqu’a` 75 % du squelette peut eˆtre inte´resse´ [3,7]. Le syndrome de Mac Cune-Albright est une troisie`me varie´te´ de dysplasie fibreuse ou` les le´sions osseuses multiples, souvent unilate´rales, sont associe´es a` des le´sions cutane´es et muqueuses de type taches « cafe´ au lait » et a` un dysfonctionnement endocrine [3,8,9]. La dysplasie fibreuse touche des sujets jeunes au cours des deuxie`me et troisie`me de´cennies avec une discre`te pre´dominance fe´minine plus marque´e dans le syndrome de Mac Cune-Albright. La grossesse est un facteur favorisant de re´activation ou d’apparition de nouvelles localisations [2].
Dysplasie fibreuse du maxillaire supe´rieur.
Analyse de l’imagerie L’examen tomodensitome´trique a montre´ un aspect souffle´ de l’os maxillaire supe´rieur avec multiples images lacunaires mal limite´es et quelques cloisons osseuses, cet e´paississement refoule et re´duit la lumie`re du sinus maxillaire, par ailleurs absence de lyse corticale. Devant ces donne´es cliniques et radiologiques, une biopsie de la le´sion a e´te´ effectue´e. L’examen anatomopathologique du tissu pre´leve´ conclut a` une dysplasie fibreuse osseuse.
Discussion La dysplasie fibreuse est une affection be´nigne de pathoge´nie inconnue de´crite en premier par Jaffe´ et Lichtenstein. C’est une pathologie osseuse rare, conge´nitale mais non he´re´ditaire. Elle affecte le massif cranio-facial dans 20 % des cas. A` ce niveau, cette tumeur se comporte comme un « processus a` malignite´ locale » [1]. Elle exprime une anomalie de de´veloppement osseux caracte´rise´e par le remplacement de l’os normal par un tissu fibroosseux vascularise´ comportant des degre´s variables de me´taplasie osseuse [2]. Elle repre´sente environ 2 % des tumeurs du squelette osseux [3]. L’aˆge au diagnostic est le plus souvent compris entre 5 et 30 ans.
Clinique La dysplasie fibreuse peut se distinguer sous trois formes cliniques distinctes. Dans la forme mono-oste´ale (monostotique), plus fre´quente que la forme poly-oste´ale (polyostotique), un seul os est atteint, il s’agit le plus souvent des coˆtes, du fe´mur proximal, ou des os de la re´gion cranio-faciale surtout au niveau maxillaire [3]. Le tableau clinique est le plus souvent celui d’une de´formation faciale progressive, indolore et asyme´trique qui peut aller d’une minime de´formation asymptomatique a` des de´formations tre`s importantes de la face [2]. Pour les localisations maxillaires, une extension fre´quente dans les sinus, les fosses nasales, le plancher de l’orbite, l’os temporal et la base du craˆne a e´te´ rapporte´e dans la litte´rature. Ceci pouvant eˆtre a` l’origine de de´placements et mobilite´s dentaires avec troubles de l’occlusion, douleurs localise´es, ce´phale´es, anosmie, diplopie, exophtalmie et une baisse de l’acuite´ visuelle qui est un risque potentiellement grave, de survenue souvent brutale et d’e´tiologie multifactorielle, par compression du nerf optique, mais aussi par e´tirement de celui-ci, et par compression et de´placement du globe oculaire [2,4–6]. Dans la forme poly-oste´ale, les atteintes sont
40
Imagerie L’aspect radiologique varie en fonction de la dure´e d’e´volution. Les le´sions re´centes se manifestent par un foyer d’oste´olyse mal circonscrite. Ulte´rieurement, au fur et a` mesure de l’e´dification osseuse, apparaissent des ˆılots denses plus ou moins calcifie´s. Ailleurs, il s’agit d’un aspect plus homoge`ne et plus dense en classique « verre de´poli » [4], l’aspect peut eˆtre plus he´te´roge`ne avec association de zones hypodenses et de zones plus denses en mottes. Des zones kystiques ne sont pas rares, elles peuvent s’associer a` un e´paississement de densite´ interme´diaire relativement homoge`ne. Les limites pe´riphe´riques corticales sont tre`s denses, d’e´paisseur variable, parfois tre`s e´paisses [2]. Les cliche´s standard suffisent parfois a` e´tablir le diagnostic tandis que la tomodensitome´trie est essentielle pour faire le bilan des le´sions et pre´ciser l’extension. Le caracte`re primordial reste l’absence de limite nette entre l’os normal et les le´sions dysplasiques [3]. L’examen histologique montre un tissu conjonctif plus ou moins riche en fibroblastes et en fibres collage`nes avec des trave´es osseuses dystrophiques, immatures a` contours irre´guliers, en « lettres chinoises », rarement borde´es d’oste´oblastes. Ces trave´es sont constitue´es de substance oste´oı¨de plus ou moins calcifie´e et pourvue d’une trame collage`ne irre´gulie`rement re´partie confe´rant a` l’os, en lumie`re polarise´e, un aspect « peigne´ ». Les remaniements sont fre´quents, inflammatoires, he´morragiques, ou kystiques [2,10]. Les principaux diagnostics diffe´rentiels devant l’atteinte maxillaire sont le che´rubisme, le fibrome ce´mento-ossifiant, l’oste´oblastome, la maladie de Paget, l’oste´ope´trose et l’oste´ogene`se imparfaite. La prise en charge de dysplasie fibreuse est difficile, dicte´e par l’aˆge des patients, la localisation de la le´sion, son retentissement fonctionnel et esthe´tique et surtout son agressivite´ : re´section modelante ou exe´re`se en bloc [11]. L’e´volution se fait par pousse´es successives, lors de la puberte´, ou apre`s agression chirurgicale, traumatique ou radiothe´rapique [1]. Des cas tre`s rares de de´ge´ne´rescence sarcomateuse ont e´te´ rapporte´s surtout apre`s irradiation dans les formes polyostotiques. Celle-ci pourra eˆtre e´voque´e en tomodensitome´trie devant l’effraction des corticales osseuses avec envahissement des parties molles [12].
Tume´faction du maxillaire supe´rieur
Conclusion [5]
La dysplasie fibreuse est une tumeur be´nigne qui peut se comporter comme un « processus a` malignite´ locale » malgre´ la lenteur de son e´volution. Le diagnostic de certitude de cette tumeur est anatomopathologique.
[6]
De´claration de liens d’inte´reˆts
[7]
Les auteurs de´clarent ne pas avoir de liens d’inte´reˆts.
[8]
Re´fe´rences
[9]
[1]
[2] [3]
[4]
Hsissen MA, Kadiri F, Zamiati S, Jabri L, Rifki S, Touhami M, et al. A` propos d’un cas de dysplasie fibreuse faciale chez une fratrie. Rev Stomatol Chir Maxillofac 1997;98:96–9. Martin-Duverneuil N, Chiras J. Imagerie maxillo-faciale. Paris: Flammarion; 1997: 106–9. Pinsol V, Rivel J, Michelet V, Majoufr C, Pinsol J. Traitement de la dysplasie fibreuse des os du craˆne et de la face. Ann Chir Plast Esthet 1998;43:234–9. Favre-Dauvergne E, Auriol M, Fleuridas G, Le Charpentier Y. Tumeurs et pseudotumeurs non odontoge´niques be´nignes des
[10] [11]
[12]
maxillaires. EMC Stomatologie-Odontologie I, Paris-France: Masson; 1995 [11p., 22-062-H-10]. Lustig LR, Holliday MJ, McCarthy EF, Nager GT. Fibrous dysplasia involving the skull base and temporal bone. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 2001;127:1239–47. Yuceer N, Kutluhan A, Bekerecioglu M, Arslan H, Akman E. Polyostotic fibrous dysplasia with craniofacial localization presenting with frontal lobe compression in a 14-year-old girl. Acta Neurochir (Wien) 1999;141:203–7. Garau V, Tartaro GP, Aquino S, Colella G. Fibrous dysplasia of the maxillofacial bones. Clinical considerations. Minerva Stomatol 1997;46:497–505. Sakaki S, Yokoyama S, Mamitsuka K, Nakayama M, Goto M, Kuratsu J. A case of pituitary adenoma associated with McCune-Albright syndrome. Pituitary 1999;1:297–302. Szwajkun P, Chen YR, Yeon VK, Breidahl AF. The ‘‘Taiwanese giant’’: hormonal and genetic influences in fibrous dysplasia. Ann Plast Surg 1998;41:75–80. Le charpentier Y, Auriol M. Histopathologie bucco-dentaire et maxillo-faciale. Paris: Masson; 1997: 171. Favre-Dauvergne E, Guilbert F. Traitement des kystes, tumeurs et pseudotumeurs be´nignes des maxillaires. EMC Stomatologie-Odontologie I, Paris: Elsevier; 1996 [9p., 22062-K-10]. Cheng MH, Chen YR. Malignant fibrous histiocytoma degeneration in patient with facial fibrous dysplasia. Ann Plast Surg 1997;39:638–42.
41