Tumeurs testiculaires : le patient garde le secret !

Tumeurs testiculaires : le patient garde le secret !

Rev M6d Interne 2001 ; 22 Suppl 2 : 277-8 © 2001 l~,ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s Tumeurs testiculaires : le ...

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Rev M6d Interne 2001 ; 22 Suppl 2 : 277-8 © 2001 l~,ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s

Tumeurs testiculaires : le patient garde le secret ! D. Schiller 1, K. B6hm-Jurkovic 2, H. B6smtiller 3, R.

Cihal 4

IService de m~deeine interne, 2service d'urologie, 3service d'anatomopathologie, 4service de radiologie, h@ital Elisabethinen, Fadingerstrasse 1, A-4010 LINZ, Autriche

LES FAITS C L I N I Q U E S Un homme de 41 ans, d'origine autrichienne, mari6, p~re de deux enfants, est adress6 dans le service d'urologie pour une tumeur du testicule gauche, d6couverte fortuitement lors d'un bilan de sant6. Ce patient a pour seul ant6c6dent une rupture de rate par suite d'un accident de tra~neau n6cessitant une spl6nectomie ?t l'fige de 9 ans. Du reste il affirme avoir toujours 6t6 en bonne sant6. l'admission il se porte bien, sans notion de prise m6dicamenteuse. Le poids est stable ~ 62 kg pour une taille de 1,54 m. Au p61e sup6rieur du testicule gauche on note une tumeur mesurant environ 2 cm et l'extr6mit6 inf6rieure du testicule droit semble indur6e. Les deux gonades paraissent relativement petites et d'une consistance r6duite. Le reste de l'examen clinique est normal mis h part une cicatrice 6pigastrique m6diane. Le bilan sanguin n'indique aucune valeur pathologique : h6mogramme, VS, CRP, 61ectrophor~se des prot6ines plasmatiques, ionogramme, ur6e, cr6atinin6mie, glyc6mie, CPK, LDH, bilan h6patique, bilirubine, bilan d'h6mostase, a-hCG, [3-f~etoprot6ine, enzyme de conversion de l'angiotensine normaux. L'examen de l'urine ~ la bandelette r6active est normal. Les s6rologies TPHAVDRL et du VIH s'av~rent n6gatives. L'6chographie confirme une formation tumorale homog~ne et hypo6chog6ne de 2,2 cm dans le testicule gauche et montre une 16sion similaire de 1,1 cm pros du p61e inf6rieur du testicule droit. La radiographic thoracique et l'6chographie abdominale sont sans particularit& I1 est alors d6cid6 de r6aliser une orchidectomie gauche et une 6nucl6ation de la tumeur du testicule contralat6ral. L'examen anatomopathologique montre deux tumeurs cellules de Leydig entour6es d'un parenchyme testiculaire atrophi6 avec une spermatog6n6se rudimentaire. En postop6ratoire, la tomodensitom6tfie abdominopelvienne r6v~le un aspect tum6fi6 et nodulaire des surr6nales sans ad6nopathie r6tr0p~riton6ale ni d'autres 16sions

suspectes (figures 1 et 2). A premiere vue les images 6voquent une complication m6tastatique.

DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE Ce tableau associe donc un d6ficit statural ~ une augmentation de volume des surr6nales. Ensuite il faut trouver une explication de la pathologic exceptionnelle des gonades car les tumeurs h cellules de Leydig constituent seulement 1 ~t 3 % des n6oplasies testiculaires et ne sont que rarement bilat6rales (environ 3 % des cas) ou malignes (11% des cas). La taille tout ~ fait ordinaire des parents dont le patient est le seul enfant exclut un nanisme familial. La possibilit6 d'hyperplasie cong6nitale des surr6nales (HCS) incite ~ compl6ter l'interrogatoire relatif ?t l'histoire de la croissance et 5 la pubert6. Le patient d6crit alors une pouss6e staturale en 6cole primaire accompagn6e d'un

Figure 1. Scanner abdominal de la surrdnale droite gauche.

Figure 2. Scanner abdominal de la surrdnale.

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Les Pfintemps de la mtdecine interne

dtveloppement prtcoce de la pilosit6 pubienne, de la libido et de la verge tandis que ses testicules restaient relativement petits. I16tait le plus grand de sa classe jusqu'~t l'age de 11 ans quand eut lieu un art& inattendu de la croissance ttmoignant d'une acctltration prtcoce de la maturation osseuse. Celle-ci est due ~t l'hyperandrogtnie d'origine apparemment surrtnale vu la taille rtduite des testicules. Le diagnostic d'un dtficit en 21-hydroxylase est ensuite confirm6 par le taux de 17-OH progesttrone de base suptrieur ~t 20 ng/mL. Le dosage du cortisol de base est normal h 112 ng/mL (N 50-200 ng/mL) avec une rtponse subnormale ~t 116 ng/mL apr~s stimulation par Synacth~ne Immtdiat ® alors que le taux d ' A C T H de base est tr~s 61ev6 ~ 576 pg/mL (N 9-70 pg/mL). Les taux de LH et de FSH sont effondrts tandis que les dosages de testosttrone et de DHEA-S sont normaux. Une 6tude familiale du g~ne CYP21B de la 21-hydroxylase rtv~le que chacun des deux alleles du patient montre une mutation ponctuelle difftrente le rendant htttrozygote mixte. En plus la gtnttique moltculaire dtvoile que ses deux enfants sont htttrozygotes, chacun ayant htrit6 une mutation paternelle. Aucune mutation n'est dtcelte chez son 6pouse. Une complication rare de I'HCS inaper~ue ou insuffisamment traitte est une pseudotumeur testiculaire (voir plus bas). Apr~s six mois de traitement substitutif (initialement dexamtthasone 0,75 mg le soir en une prise), le scanner abdominal montre une diminution de 30 % des surrtnales. DISCUSSION L'hyperplasie congtnitale des surrtnales (HCS) est caracttriste par un dtficit enzymatique sur la voie de synth~se du cortisol, une hyperstcrttion hypophysaire secondaire d ' A C T H et une stimulation permanente de la s~cr~tion surr6nalienne. Le type le plus fr&luent est le d6ficit en 21-hydroxylase (environ 90 % des HCS). C'est une maladie monog6nique transmise selon un mode autosomique r6cessif. Son d6ficit entrdne une accumulation de pr6curseurs (essentiellement de la 17-OH progest&one) qui sont convertis en androg~nes. Le d6ficit enzymatique est s6v~re darts la forme classique (incidence environ 1 pour 10 000) et s'exprime en p6riode n6onatale par des signes de viri-

lisation et/ou par un syndrome de perte de sel. La forme tardive est beaucoup plus frtquente (incidence 1 pour 1 000). C'est une forme atttnute, oh un dtficit enzymatique est partiel et ne se manifeste que par une hyperandrogtnie modtr~e dans l'enfance (adr~narche pr~coce, pousste staturale) ou plus souvent apr~s la pubertt. Ces signes plus tardifs passent inaperqus chez l'homme, comme darts notre observation, et leur intensit6 est extrSmement variable d'une femme h l'autre (hirsutisme isolt, dystrophic ovarienne polykystique, oligospaniomtnorrhte anovulatoire, infertilitt). L'hyperplasie pseudotumorale de cellules de type quasi corticosurrtnal dans le testicule (et beaucoup plus rarement dans l'ovaire) est une complication exceptionnelle de l'hyperstcrttion hypophysaire d ' A C T H qui se produit dans I'HCS en l'absence d'un traitement efficace [1, 2, 3]. Ces <~tumeurs >>testiculaires sont dans la plupart des cas bilattrales et synchroniques. Si I'HCS n'est pas connue, la survenue de cette pseudotumeur peut ~tre un pi~ge diagnostique parce que l'aspect histologique est tr~s similaire, voire identique ~ la tumeur aux cellules de Leydig [4]. I1 est important de faire le diagnostic d ' H C S en prtop&atoire puisque la corticoth&apie supprimant le taux 61ev6 d ' A C T H est typiquement capable de rtduire le volume d'une telle hyperplasie trompeuse dont l'extr~se peut ainsi ~tre 6vitte.

Nous remercions le docteur Egbert Schulze (Institut de Pharmacologie, Universitd d'Heidelberg) pour les tests de gdndtique moldculaire.

P~FI~RENCES 1 Rutgers JL, Young RH, Scully RE. The testicular ~ tumor >>of the adrenogenital syndrome: a report of six cases and review of the literature on testicular masses in patients with adreaocortical disorders. Am J Surg Pathol 1988 ; 12 : 503-13. 2 Russo G, Paesano P, Taccagni G, Del Maschio A, Chiumello G. Ovarian adrenal-like tissue in congenital adrenal hyperplasia. N Engl J Med 1998 ; 339 : 853-4. 3 Combes-MoukhovskyME. Kottler ML, Valensi P, Boudou P, Sibony M, Attali JR. Gonadal and adrenal catheterizationduring adrenal suppression and gonadal stimulation in a patient with bilateral testicular tumors and congenital adrenal hyperplasia. J Clin Endocrinol Met 1994 ; 79 : 1390-4. 4 Knudsen JL, Savage A, Mobb GE. The testicular ~ tumour >>of adrenogenital syndrome - a persistent diagnostic pitfall. Histopathology 1991 ; 19 : 468-70.