Un asthme bien difficile à équilibrer

Un asthme bien difficile à équilibrer

Cas clinique n° 4 Un asthme bien difficile à équilibrer A. Scherpereel Commentaires Évolution du patient dans le service Diagnostic Service de Pne...

292KB Sizes 2 Downloads 124 Views

Cas clinique n° 4

Un asthme bien difficile à équilibrer

A. Scherpereel

Commentaires Évolution du patient dans le service Diagnostic

Service de Pneumologie, Hôpital Calmette, CHRU de Lille, Boulevard du Professeur J. Leclercq, 59037 Lille cedex, France.

Correspondance :

Un traitement dans le service comprenait pour la crise d’asthme sévère une majoration de sa corticothérapie, des nébulisations de β-2-mimétiques et d’anticholinergiques avec une association nécessaire secondairement par du salbutamol par voie intraveineuse, et une kinésithérapie respiratoire. Devant l’absence d’amélioration initiale, un bilan nouveau étiologique de l’hyperéosinophilie du patient a été réalisé. L’examen parasitologique des selles isolait alors de nombreuses larves de Srongyloïdes stercoralis. L’interrogatoire retrouvait effectivement un séjour au Vietnam et en Thaïlande en 1950 (guerre d’Indochine). Le reste du bilan montrait un sérodiagnostic aspergillaire positif (probable réaction croisée avec l’anguillulose), des IgE totales à 4 957 KU/l, et des sérologies de trichinose, toxocarose, hydatidose, bilharzose négatives. Pour l’anguillulose, un traitement par Stromectol (ivermectine) a été institué, permettant une amélioration clinique rapide avec régression de la dyspnée et du bronchospasme. Une décroissance de corticothérapie a pu être effectuée à ce moment avant arrêt définitif. Le suivi du patient est depuis satisfaisant sans nouvelle exacerbation sévère de son asthme. En conclusion, il était découvert une anguillulose chez un patient asthmatique corticodépendant et porteur d’une hyperéosinophilie. La réalisation d’un traitement antiparasitaire adapté entraînait une très nette amélioration clinique de l’asthme. La discussion diagnostique (diagnostic différentiel) était celle d’un asthme sévère avec hyperéosinophilie. L’existence de symptomes digestifs associés et l’aggravation paradoxale de l’asthme à chaque institution d’une corticothérapie systémique étaient les éléments suspects et importants pour cette discussion.

[email protected]

148

Rev Mal Respir 2009 ; 1 : 148-149 © 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Un asthme bien difficile à équilibrer

L’anguillulose est une infection intestinale due à un parasite, un ver de la classe des nématodes : Strongyloides stercoralis. Sur le plan épidémiologique, plusieurs dizaines de millions de personnes sont infectées dans le monde, surtout en zone tropicale où la chaleur, l’humidité et les mauvaises conditions d’hygiène favorisent la dissémination de l’infection. Des cas surviennent également dans les régions tempérées, dus à des porteurs venant des zones d’endémie traditionnelle. Le mode habituel de contamination de l’homme repose sur la pénétration des larves par la peau. Cliniquement, la strongyloïdose non compliquée est fréquemment asymptomatique. La pénétration cutanée des larves passe souvent inaperçue (± des éruptions). La migration des larves dans les poumons peut se manifester par l’apparition d’une toux (syndrome de Löffler), d’un essoufflement et une hémoptysie. Lorsque le parasite atteint l’intestin, il existe de possibles douleurs abdominales, nausées, vomissements ou une alternance de diarrhée et de constipation. La strongyloïdose peut devenir chronique et être complètement asymptomatique. Chez certains patients immunodéprimés, atteints de strongyloïdose chronique (corticoïdes, immunosuppresseurs, alcoolisme...), les larves peuvent se disséminer dans d’autres organes (foie, pancréas ± le système nerveux) induisant un tableau grave (fièvre, douleurs abdominales, colite sévère) potentiellement mortel, appelé hyperinfestation. L’examen clinique ne montre aucun élément spécifique du diagnostic d’anguillulose. Le diagnostic de certitude repose sur l’identification des larves dans les selles fraîches (peu sensible) ou par aspiration du liquide duodénal. On peut relever une hyperéosinophilie sanguine et parfois une anémie dans les formes sévères. Le pronostic est bon dans la majorité des cas si le traitement est précoce, mais les formes d’hyperinfestation ont un pronostic particulièrement sombre. Le traitement doit comprendre une éradication du parasite chez tous les patients infectés de façon à limiter la dissémination de l’infection et la survenue de formes mortelles. Les médicaments utilisables sont l’ivermectine, le tiabendazole, voire l’albendazole en cure unique orale. Un contrôle des selles est cependant nécessaire

après traitement et à trois mois, car l’éradication du parasite est parfois difficile : retraitement nécessaire ? La prévention repose sur des mesures élémentaires d’hygiène dans les pays tropicaux : éviter le contact peau (pied) - sol contaminé par le port de chaussures, assurer une décontamination du sol. Chez les patients ayant séjourné en zone d’endémie, l’anguillulose doit être soigneusement recherchée avant le début d’un traitement par corticoïdes qui risque de faire évoluer la maladie vers une forme grave ! L’aggravation des symptomes digestifs et de l’asthme à chaque institution d’une corticothérapie systémique était donc expliquée par l’exacerbation de la parasitose par ce traitement. Pour ce patient, il existait de plus plusieurs pièges de la parasitologie : quand on défèque des larves de Strongyloïdes stercoralis, on ne le fait pas régulièrement ; au début, il s’agit d’ailleurs de petites quantités de larves. Mais plus on traite le patient par corticoïdes, plus il défèque des larves. Par ailleurs, en pratique au CHU de Lille, quand on demande des recherches (prélèvements de selles, sérologies) parasitaires, il nous est demandé d’orienter la demande en disant s’il s’agit de parasitoses autochtones suspectés ou non et en précisant la région à risque (pour ce patient, le pneumologue habituel avait centré sur le Nord-Pas-de-Calais et le Maghreb, en omettant le fait qu’il avait fait la guerre d’Indochine). Finalement, c’est parce qu’un interne zélé en hospitalisation a fait la énième demande d’examen parasitologique des selles (ce jour-là, le patient avait un sévère prurit anal tellement il y avait de larves !) que le parasitologue a diagnostiqué la parasitose. Au final, les données cliniques (symptomes digestifs associés et aggravation paradoxale de l’asthme à chaque institution d’une corticothérapie systémique) étaient la clé du diagnostic. On notera que plusieurs médecins, présents dans la salle lors de la discussion du cas clinique au CPLF 2009, auraient envisagé un traitement systématique par antiparasitaires devant ce tableau clinique, même en l’absence de preuve parasitologique. Cette attitude semble raisonnable chez ce type de patient, surtout avant institution d’immunosuppresseurs (corticothérapie systémique).

© 2009 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

149