J Radiol 2008;89:813-6 © Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2008 Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
fait clinique
uro-gynécologie
Un cancer du testicule révélé par un syndrome appendiculaire et une tumeur kystique rétropéritonéale L Félix (1), I Bricault (1), L Stéfani (2), O Risse (3), N Terrier (4), F Ringeisen (2) et G Ferretti (1)
Key words: Cystic retroperitoneal lesion. Embryonal and germinal tumor. Metastasis, testicular tumor.
e cancer du testicule est une tumeur rare (1 % des tumeurs malignes de l’homme). Il représente cependant la tumeur la plus fréquente de l’homme jeune entre 20 et 35 ans (1). Le diagnostic est évoqué cliniquement par la palpation testiculaire et confirmé par l’analyse histologique de la pièce d’orchidectomie, mais il est parfois difficile du fait d’une grande diversité de présentations cliniques et radiologiques, ce qu’illustre le cas que nous rapportons ici.
L
Observation Il s’agissait d’un jeune patient de 19 ans, qui était admis aux urgences pour des douleurs abdominales de survenue brutale, localisées en fosse iliaque droite, associées à des vomissements. À l’examen clinique, le patient était en bon état général, apyrétique mais présentait une défense au niveau de la fosse iliaque droite et du flanc droit. Le bilan biologique retrouvait un discret syndrome inflammatoire, sans hyperleucocytose. Le bilan radiologique, demandé à la recherche d’une appendicite, comprenait initialement une échographie abdominopelvienne, complétée secondairement par un scanner. Il révélait une formation expansive rétropéritonéale de 9 cm de
(1) Pôle d’Imagerie, Clinique de Radiologie et Imagerie Médicale, CHU Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09. (2) Département de Cancérologie et d’Hématologie, CHU Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09. (3) Département de Chirurgie Digestive et de l’Urgence, CHU Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09. (4) Département Urologie-Néphrologie-Endocrinologie-Chirurgie, CHU Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble Cedex 09. Correspondance : L Félix E-mail :
[email protected]
Mots-clés : Lésion kystique rétropéritonéale. Tumeur embryonnaire et germinale. Métastase, tumeur du testicule.
hauteur, étendue en avant de la veine cave inférieure, constituée de multiples logettes liquidiennes et d’un contingent supérieur d’allure hémorragique, réalisant une empreinte sur la face antérieure de la veine cave inférieure qui restait néanmoins perméable. Il s’y associait un épanchement intra et rétropéritonéal (fig. 1). Un examen par résonance magnétique était réalisé afin de mieux caractériser cette lésion. Il confirmait sa nature mixte, en partie liquidienne, avec un contingent atypique présentant des hypersignaux spontanés en pondération T1 et un rehaussement partiel après injection (fig. 2). En l’absence d’autre élément d’orientation, un abord chirurgical était réalisé, découvrant une tumeur bilobée dure et suspecte, rouge violacée avec des plages translucides et microkystiques, très adhérante à la veine cave inférieure. L’examen extemporané de cette masse montrait qu’il s’agissait d’une tumeur germinale maligne mixte, associant des contingents de carcinome embryonnaire et de tératome immature. Ces éléments amenaient à découvrir cliniquement une lésion testiculaire droite dure, visiblement tumorale, non dépistée par la palpation initialement réalisée. Cette nouvelle donnée clinique faisait poser l’indication d’une orchidectomie, sans qu’une iconographie complémentaire n’ait été jugée nécessaire. Le dosage sérique des marqueurs tumoraux révélait une importante augmentation des LDH et de l’alpha-foetoprotéine ainsi qu’une discrète élévation des β HCG. L’examen anatomopathologique de la pièce d’orchidectomie droite confirmait la présence d’une tumeur testiculaire primitive, germinale maligne mixte, non séminomateuse, associant des contingents de carcinome embryonnaire, de tumeur vitelline et de tératome immature.
Discussion Ce cas clinique illustre donc certaines difficultés que peut poser le diagnostic de métastases d’un cancer du testicule lorsque s’associent des images radiologiques atypiques, une présentation clinique non spécifique et une tumeur primitive difficilement palpable. Les lésions rétropéritonéales répondent à de très nombreuses étiologies plus ou moins rares, avec des tumeurs qui peuvent être primitives ou secondaires, bénignes ou malignes (2). En l’absence de contexte traumatique et de déglobulisation, le diagnostic d’hématome est peu probable, d’autant que les hématomes rétropéritonéaux sont souvent développés aux dépens du muscle psoas, ce qui n’était pas le cas de cette lésion. En l’absence d’hyperthermie, d’hyperleucocytose et de point d’appel digestif, urinaire ou rachidien, on n’évoque pas non plus un abcès, d’autant qu’il n’existait pas d’infiltration de la graisse adjacente. Des ganglions hypodenses se voient dans la tuberculose, mais la présentation clinique n’était pas en faveur. Le diagnostic de lymphangiome kystique rétropéritonéal pouvait être évoqué, dans l’hypothèse d’une hémorragie intra lésionnelle spontanée (3) à l’origine du tableau abdominal aigu, des remaniements hémorragiques, de l’effet de masse sur la veine cave inférieure et de l’épanchement intra et rétropéritonéal. Mais la mise en évidence en IRM d’un contingent rehaussé par l’injection allait à l’encontre de ce diagnostic. Les lymphomes donnent rarement des adénopathies profondes isolées et classiquement celles-ci ne sont pas spontanément nécrotiques. De plus il n’existait pas d’altération de l’état général. Quant à l’élévation des LDH qui était retrouvée
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Fig. 1 :
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chez ce patient, elle est souvent présente dans les lymphomes mais n’est pas spécifique. Certains rhabdomyosarcomes hémorragiques peuvent présenter des contingents liquidiens (4) mais la lésion n’était pas développée aux dépens d’un muscle. Il existe cependant des sarcomes du tissu conjonctif rétropéritonéal, mais l’aspect nécrotique et l’augmentation des LDH ne sont généralement pas associés à de tels sarcomes (5). L’empreinte vasculaire et l’aspect hétérogène pouvaient orienter vers un léiomyosarcome de la veine cave inférieure, mais ces tumeurs sont rares et l’aspect était ici celui d’une compression extrinsèque plutôt que d’une lésion primitivement cave. Il pouvait s’agir de métastases ganglionnaires d’une tumeur primitive, d’autant qu’un ganglion nécrotique a une forte suspicion de malignité en dehors de la tuberculose (6). Chez ce jeune patient, les
Formation expansive rétropéritonéale avec un contingent inférieur constitué de multiples logettes liquidiennes séparées entre elles par des cloisons plus ou moins épaisses (têtes de flèche blanches), et un contingent supérieur (flèches grises) présentant des remaniements hémorragiques et réalisant un effet de masse sur la veine cave inférieure, celle-ci restant perméable. Échographie (coupe sagittale). Tomodensitométrie injectée (coupes axiales). À noter la présence d’un épanchement intra et rétropéritonéal (astérisques).
diagnostics de carcinomes occultes pulmonaires, digestifs, ou de l’appareil urinaire étaient peu probables. De même, l’absence d’antécédent de lésion cutanée n’orientait pas vers le diagnostic de mélanome métastatique. Par ailleurs, les métastases rétropéritonéales des mélanomes sont typiquement en hypersignal en pondération T1 et en hyposignal en pondération T2 du fait de la présence de mélanine, ce qui ne correspondait pas aux résultats de l’IRM. La lésion présentée par ce patient pouvait faire envisager l’hypothèse d’une métastase kystique de tumeur testiculaire. La dissémination lymphatique de ces tumeurs se fait vers le rétropéritoine, au niveau des ganglions lombo-aortiques, avec à droite, des relais inter aortico-cave sous l’artère rénale droite, précave ou latéro-cave droit, et à gauche, des relais latéro-aortique sous la veine rénale gauche ou pré-aortique (1).
Seules quelques études anciennes (7-9) avaient souligné l’aspect potentiellement kystique des métastases de cancer testiculaire, alors que cette étiologie n’était pas rapportée par une publication récente sur les lésions kystiques rétropéritonéales (10). En cours de traitement en particulier (7), une baisse de la densité est considérée comme un paramètre important pour apprécier une réponse thérapeutique favorable (8). Mais l’aspect kystique peut aussi être secondaire à des phénomènes de nécrose intratumorale survenant en dehors de tout traitement, ou lié à l’histologie propre de la tumeur et corrélé alors à la présence d’un contingent de tératome, avec une gradation fonction de la proportion de ce contingent et de son degré de maturité (9). Ainsi une tumeur mixte sera d’autant plus kystique qu’elle aura un contingent de tératome important et mature, et un tératome pur apparaîtra J Radiol 2008;89
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Fig. 2 : a b c
d’autant plus kystique qu’il sera mature. Par ailleurs, quel que soit le mode de dissémination (hématogène ou lymphatique), les métastases de cancer du testicule peuvent présenter un type histologique différent de celui de la tumeur primitive. Ainsi un tératome testiculaire mature ne doit pas être considéré comme une tumeur bénigne (contrairement aux tératomes ovariens) puisqu’il peut entraîner des métastases avec composante immature (1). Dans le cas rapporté ici, le contingent de tératome immature était plus représenté au niveau des masses ganglionnaires qu’au niveau de la tumeur primitive. Une tumeur germinale rétropéritonéale peut parfois être primitivement extragonadique, secondaire à un arrêt de migration des cellules germinales primordiales ou liée à la présence de tissu testiculaire ectopique. Cependant, il s’agit le plus souvent de la métastase d’une tumeur testiculaire primitive (5), parfois cliniquement occulte, comme un séminome cicaJ Radiol 2008;89
Imagerie par résonance magnétique (coupes axiales). La composante inférieure (têtes de flèche blanches) contient de multiples logettes liquidiennes bien visibles sur cette séquence en pondération T2. La composante supérieure (flèches grises) présente des hypersignaux spontanés en pondération T1, en faveur de remaniements hémorragiques. L’injection de gadolinium révèle un rehaussement partiel de cette composante supérieure (flèches grises).
triciel ou « burn out carcinoma ». Il s’agit en effet d’une forme particulière de tumeur testiculaire qui régresse spontanément, laissant place à une cicatrice fibreuse, parfois calcifiée. Les métastases ganglionnaires de ces tumeurs vont pouvoir évoluer pour leur propre compte et prendre toutes les formes histologiques des tumeurs germinales, même si classiquement la tumeur primitive est un séminome (1). Ceci souligne l’intérêt de compléter l’examen clinique testiculaire par une échographie en cas de tumeur non palpable, afin de poser le diagnostic en évitant l’abord chirurgical de la lésion rétropéritonéale et permettre d’instaurer d’emblée le traitement de référence associant orchidectomie et chimiothérapie (5). La difficulté diagnostique est parfois accentuée par une présentation clinique atypique avec des tableaux abdominaux aigus, mode de révélation trompeur mais possible et déjà rapporté dans une publication (5). Des phénomènes de nécrose et
d’hémorragie intra lésionnelles expliqueraient la possibilité de douleurs abdominales aiguës et d’épanchement intra et rétropéritonéal.
Conclusion La découverte d’une tumeur kystique du rétropéritoine peut donner lieu à des discussions diagnostiques difficiles, en particulier lorsque le contexte clinique n’est pas évocateur. Bien qu’aucune publication radiologique récente, à notre connaissance, n’ait remis en avant l’aspect potentiellement kystique des métastases de cancer du testicule, cette constatation est soulignée par plusieurs études plus anciennes, y compris avant traitement. Le radiologue peut donc avoir un rôle important à jouer pour orienter la démarche diagnostique devant de telles lésions, et pour réaliser une échographie testiculaire lorsque la tumeur primitive reste cliniquement occulte.
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