Un diagnostic qui nécessite de s'accrocher!

Un diagnostic qui nécessite de s'accrocher!

Rev M6d Interne 2002 ; 23 Suppl 2 : 269-71 © 2002 ]~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s Un diagnostic qui n cessite...

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Rev M6d Interne 2002 ; 23 Suppl 2 : 269-71 © 2002 ]~ditions scientifiques et m6dicales Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s

Un diagnostic qui n cessite de s'accrocher ! S. A b a d 1, R M a s s a u l t 1, C. T o u r t e - S c h a f f e r 3, D. S a l m o n - C 6 r o n 1, D . S i c a r d 1, E Blanche 1 1Service de mddecine interne, h@ital Cochin~_~aint-Vincent-de-Paul, 27, rue faubourg St-Jacques, 75679 Paris Cedex 14 ; 2service de chirurgie viscdrale, hdpital Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue faubourg St-Jacques, 75679 Paris Cedex 14 ; 3service de parasitologie, hOpital Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, 27, rue faubourg St-Jacques, 75679 Paris cedex 14

FAITS CLINIQUES Une femme ~g6e de 36 ans est hospitalis6e pour un syndrome abdominal douloureux. Cette patiente d'origine alg6rienne, n6e en France, est mari6e e t a un ills de 6 arts bien portant. Elle est agent de mattrise dans une grande surface, ne consomme pas d'alcool mais a un tabagisme ?~ 15 paquets/ann6e et ses seuls voyages sont l'Espagne ~ 2 reprises en 1988 et la Tunisie deux mois auparavant. Enfin, elle a eu durant 2 arts un caniche dont elle s'est s6parEe en 1988. Son ant6c6dent majeur est une infection par le VIH-1 ddcouverte en 1988, contractEe dans le cadre d'une toxicomanie intraveineuse h l'hdroine dont elle est sevrde sans substitution depuis 1995. Sa situation immunovirologique est stable avec des lymphocytes CD4 h 270/ram 3 et une charge virale VIH plasmatique < 50 ARN/mL sous un traitement antir6troviral associant Zerit®/Sustiva ® et Kaletra ®. Elle a une hEpatite chronique C non trait6e et a gu6ri d'une hEpatite B. La prevention de la pneumocystose est assurEe par Pentacarinat ® en aerosols mensuels en raison d'une allergic all Bactrim ®. Enfin au plan gynEcologique, elle signale l'existence de condylomes cervicaux e t a eu 2 interruptions volontaires de grossesse. Elle ne prend aucune contraception orale. Depuis janvier 2001, la patiente perqoit une pesanteur pelvienne sans alt6ration de l'Etat g6n6ral, fi~vre, sueurs, ou trouble digestif. A cette 6poque, une 6chographie abdominopelvienne montrait des formations kystiques dans la loge hEpatique mais aussi dans la r6gion ovarienne, faisant 6voquer une dystrophic ovarienne multikystique bilat6rale. D~s lors, elle ne consulte plus. A la fin du mois d'octobre 2001, la g~ne est devenue une dou-

leur sourde et permanente, et une masse sus pubienne est apparue, incitant la patiente ~ consulter en urgence. A l'examen, le poids est de 53 kg pour une taille de 167 cm, la TA : 1 t/7, FC : 80/min, T : 37,4°C. L'abdomen est souple darts son ensemble, la palpation retrouve une masse suspubienne, sensible et dlastique. I1 n ' y a pas d'hdpatospldnom6galie, les aires ganglionnaires sont libres. Enfin, les touch6s pelviens ainsi que le reste de l'examen sont normaux. Biologic : ° N F S : G B : 6 900/ram 3, (PNN: 3730, L y m p h : 2210, PNE : 280), Hb : 11,2g/dL, Plaq : 468 000/ram 3. • TP : 83 %, TCA : 37/34. • Iono. sang. : Na+ : 136 mmol/L, K+ : 4.3 mmo/L, C I - : 100 mmol/L, H C O 3 - : 29 mmol/L, Prot : 78 g/L, creat : 87 gmol/L, urde : 4,7 mmol/L. • ASAT/ALAT : 16/11 UI/L, ~GT : 51UI/L PAL : 98 UI/L. • CRP = 60 mg/L, fibrinog~ne : 6,7 g/L. ° EPP : Alb : 30,4 g/L, c~l : 2,9 g/L, c~2 : 2,9 g/L, [3 : 10,5 g/L, "~: 18,7 g/L. S6rologie hydatidose : IFI : 1/20 (seuil de positivit6 1/ 40), hEmagglutination 1/80 (seuil de positivitE 1/640). Radiographic thoracique de face (figure 1).

DI~MARCHE DIAGNOSTIQUE L'analyse radiologique premiere va conclure ~ la prEsence de kystes homog~nes du pEritoine et ~ l'absence de kyste au sein du parenchyme h~patique (figures 2 et 4). Compte tenu de la nEgativit6 de la s~rologie de l'hydatidose et en l'absence d'argument pour une maladie opportuniste liEe ~t l'immunod6pression, l'hypoth~se d'une maladie kystique du p6ritoine semble alors la plus probable. Sa confirmation n6cessite alors une laparotomie. L'examen perop6ratoire de l'abdomen met en Evidence de nombreux kystes localis6s au p6fitoine mais aussi au

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Les Printempsde la m6decineinterne

Figure 1. Sous Ie thorax, une <>.

Figure 2. l~chographieabdominale : nombreuxkystescontenus dans la cavit6 abdominalede localisationdifficile.

foie et 5 la rate, dont le contenu liquidien et vdsiculaire fait 6voquer une hydatidose secondaire multiple. La pr6sence de scolex ~ l'int6rieur d'un kyste et surtout la positivit6 a posteriori du Western-blot pour les d6terminants p21, p16 et p28, permettront de retenir le diagnostic d'hydatidose p6ritondale ~ Ecchinococcus granulosus.

trotransfer-blot et plus r6cemment le Western-blot) assurant des sensibilit6s et sp6cificit6s respectives de 88,2 et 100 %, et 88,8 % et 100 % [4, 5]. Le traitement repose essentiellement sur l'exdr~se chirurgicale la plus compl&e des kystes p6riton6aux ou visc6raux apr~s st6rilisation des 16sions par le s6rum sal6 voire l'eau oxyg6n6e. La r6duction des r6cidives ~ long terme aprbs la raise sous albendazole est controvers6e [6]. Notre patiente, bien que d'origine alg6rienne, n'a jamais sdjournd dans les pays du Maghreb avant janvier 2001. N6anmoins, ses deux s6jours en Espagne, zone enddmique, et son chien probablement errant, constituent des arguments 6pid6miologiques importants.

DISCUSSION L'6chinococcose hydatique due au d6veloppement chez l'homme de la forme larvaire (hydatide) du taenia du chien ou Echinococcus granulosus, se contracte par l'ingestion d'oeufs 6mis dans les selles des chiens parasit6s. Par consdquent, la contamination est assur6e par le contact direct avec les chiens ou indirectement par l'ingestion d'aliments souill6s par leurs d6jections (p6ril f6cal). Bien que cosmopolite, elle s'observe surtout dans les r6gions d'61evage, en particulier celles off les moutons sont gard6s par les chiens, comme en Afrique du Nord. Du fait de son arriv6e dans la circulation sanguine par la veine porte, l'embryon se d6veloppera prdf6rentiellement dans le foie (75 % des cas) sous la forme de kystes contenant de multiples scolex issus du bourgeonnement interne de la membrane proligbre. I1 atteindra possiblement les poumons dans 15 % des cas, enfin les autres organes (10 %) [1]. Les kystes hydatiques p6riton6aux sont secondaires dans 92 % des cas et plus pr6cis6ment, dans 75 % des cas, 5 la rupture d'un kyste h6patique, pass6e inapergue et r6v616e pour 75 % des cas par des douleurs abdominales ou une fi~vre [2]. Le diagnostic d'hydafidose repose sur la d6tection de la membrane des kystes, des septa et des v6sicules contenus ~t l'int6rieur [3], mais aussi sur la s6rologie de type ELISA et les techniques de confirmation (immunoelec-

Figures 3 et 4. Scanner adominopelvien.

Communicationsaffich6es Cette hydatidose probablement secondaire fi la rupture de 16sions visc6rales est une forme clinique bien ddcrite chez des patients immunocompdtents. Toutefois, le statut immunitaire de notre patiente (CD4 ~ 270/ram 3) a peut~tre favoris6 l'expansion p6riton6ale des v6sicules filles. En effet, selon une 6tude r6alisde chez la souris Balb/c, un d6terminant antig6nique carbohydrat6 des scolex induirait une immunosupprdsion en orientant la r6ponse immune de l'h6te vers un biais TH2, en particulier en stimulant la production d'IL-10 [7]. Or, il est bien connu chez les patients infect6s par le VIH que le profil de s6crEtion cytokiniques se fait d'autant plus vers TH2 que le taux de lymphocytes CD4 diminue. Par cons6quent, la baisse de l'immunit6 pourrait ici avoir facilit6 le d6veloppement de l'hydatidose p6riton6ale. De m4me, la sdron6gativit6 pour l'hydatidose, bien que compatible avec le manque de sensibilit6 de la s4rologie en IFI (12 % des cas) poun'ait atre expliqude par le taux de lymphocytes CD4 diminu& Compte tenu du peu de cas de kystes hydatiques rapport6s a c e jour chez les patient infect6s par le VIH, il est difficile de d6finir un seuil de CD4 autorisant une rdponse anticorps comparable ~tcelle de l'immunocomp6tent. La patiente a b6n6fici4 d'une exdr6se la plus compRte des kystes aprhs une st6rilisation par un lavage abondant de la cavit6 abdominale au s6rum physiologique, t~tant donn6 l'immunoddpression sous-jacente, un traitement par Zentel ® a 6t6 d6but6.

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L'dvolution post-op6ratoire imm6diate a 6t6 marqu6e par une hypernatr6mie 5 200 mmol/L, complication connue du salage pdritondal, d'dvolution favorable avec un retour ~tla normale en 72 heures. D'une fa~on g6n6rale, un diagnostic pr6opdratoire est souhaitable afin d'6viter l'essaimage per-op6ratoire. Ainsi, en prdsence d'une s6rologie nOgative ou faiblemerit positive pour un patient chez lequel la suspicion d' hydatidose est forte, il est contributif de demander un Blot, dont la sensibilit6 est de 100 %.

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