Une lyse mandibulaire insolite

Une lyse mandibulaire insolite

Rec¸u le : 11 aouˆt 2009 Accepte´ le : 12 juillet 2010 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Images Une lyse mandibulaire insolite Unus...

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Rec¸u le : 11 aouˆt 2009 Accepte´ le : 12 juillet 2010

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com



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Une lyse mandibulaire insolite Unusual mandibular osteolysis M. Noujeima,*, I. Nassehb a

Programme de spe´cialite´ en radiologie orale et maxillofaciale, Health Science Center at San Antonio, University of Texas, San Antonio, Texas, E´tats-Unis De´partement d’imagerie dentaire et maxillofaciale, faculte´ de me´decine dentaire, universite´ Libanaise, Beyrouth, Liban

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Observation Un homme d’origine hispanique, de 22 ans, a e´te´ adresse´ au centre de soins buccodentaires pour des douleurs mode´re´es mandibulaires gauches e´voluant depuis deux mois et traite´es par Ibuprofe`neW. Ce patient e´tait sans ante´ce´dent notable. L’examen des dents du secteur douloureux ne montrait rien de particulier. La radiographie panoramique re´ve´lait une le´sion lytique he´te´roge`ne e´tendue de la partie distale de la racine me´siale de la

[(Figure_1)TD$IG]

36 a` la re´gion de la 38 absente (fig. 1). La le´sion e´tait he´te´roge`ne et de forme irre´gulie`re. La lamina dura de la 37 e´tait interrompue avec une le´ge`re re´sorption de sa racine distale. Le scanner en coupes coronales (fig. 2) montrait une zone inhomoge`ne hyperdense entoure´e par une mince bordure radioclaire ; il confirmait la lyse des racines de la 37 et de la paroi supe´rieure du canal mandibulaire. Le cortex lingual e´tait rompu sur 7 a` 8 mm.

[(Figure_2)TD$IG]

Figure 1. Image panoramique : oste´olyse mandibulaire gauche (dent 37).

Figure 2. Coupe tomodensitome´trique coronale montrant la le´sion et la perforation de la corticale linguale.

* Auteur correspondant. e-mail : [email protected].

Quel est votre diagnostic ?

0035-1768/$ - see front matter ß 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. 10.1016/j.stomax.2010.07.003 Rev Stomatol Chir Maxillofac 2010;111:241-243

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M. Noujeim, I. Nasseh

Re´ponse Il s’agissait d’un oste´oblastome (OB) de la mandibule.

Suivi postope´ratoire Apre`s ablation et extraction de 37 ; la radiographie panoramique postope´ratoire montrait une image claire correspondant a` l’os lingual perfore´ (fig. 3). Il est a` noter qu’a` J+6, le patient avait signale´ une douleur lancinante au niveau du site chirurgical (nerf alve´olaire infe´rieur gauche ?). Elle a e´te´ traite´e par antibiotiques, analge´siques et bains de bouche. Ces dysesthe´sies du nerf alve´olaire infe´rieur ont re´gresse´ en trois mois. Au troisie`me mois, la radiographie panoramique montrait l’ossification et la gue´rison du site. De´crit pour la premie`re fois en 1956 par Liechtenstein, l’OB est une tumeur osseuse primaire e´volutive localise´e le plus souvent au niveau de la colonne verte´brale et des os longs, survenant plutoˆt au cours de la seconde de´cennie. L’OB be´nin est une tumeur osseuse rare dans notre spe´cialite´ : 1 % de toutes les tumeurs osseuses primaires de la re´gion maxillo-faciale. Elle sie`ge un peu plus volontiers au niveau des re´gions poste´rieures de la mandibule [1,2]. Quatre-vingt-dix pour cent des cas ont e´te´ rapporte´s chez des patients aˆge´s de moins de 30 ans, mais des OB ont e´te´ observe´s de trois a` 78 ans. Le rapport homme/femme est de 2 a` 1 ; mais Jones rapporte 47,2 a` 58,4 % de femmes. Dans sa se´rie, les douleurs et/ou inconfort lie´s a` la tumeur e´taient infe´rieurs a` ceux des autres publications [3]. Des douleurs et une le´ge`re tume´faction e´taient les symptoˆmes les plus souvent rapporte´s. La douleur est de´crite comme sourde, ge´ne´ralement localise´e et survient souvent spontane´ment. Elle ne ce`de pas a` l’aspirine, contrairement a` celle de l’oste´ome oste´oı¨de. La tume´faction peut eˆtre sensible a` la palpation et les dents peuvent devenir mobiles si l’os alve´olaire est atteint [1,2,4]. L’aspect radiographique est extreˆmement variable et de´pend largement du degre´ de calcification tumoral. L’OB peut eˆtre

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totalement radioclair ou contenir des calcifications. Elles peuvent eˆtre localise´es ou diffuses. Diffuses, elles peuvent former de grandes plages calcifie´es voire donner un aspect comple`tement radio-opaque a` la tumeur. L’OB se pre´sente classiquement a` la mandibule sans contours nets, en raison de l’absence de re´action scle´reuse. La tumeur a souvent 1,5 cm de diame`tre ou plus. Meˆme be´nin, l’OB peut de´truire la corticale, aboutissant dans certains cas a` une lyse comple`te. Dans d’autres cas, la corticale osseuse n’est pas rompue mais souffle´e, bordant ainsi la le´sion. L’OB be´nin peut s’e´tendre aux racines dentaires adjacentes en les respectant le plus souvent, et en les lysant plus rarement. Il n’y a pas de connexion entre la tumeur et les dents. Histologiquement, l’e´chantillon est compose´ d’une matrice oste´oı¨de dense hyper-e´osinophilique, irre´gulie`re, ramifie´e et interconnecte´. La matrice paraıˆt en train d’eˆtre forme´e par les oste´oblastes. Histologiquement, la plupart des OB contiennent des ilots de tissu oste´oı¨de plus ou moins calcifie´s et des trabe´culations osseuses immatures, avec un grand nombre d’oste´oblastes et d’oste´oclastes au sein d’un stroma bien vascularise´ (fig. 4). Il existe une forme plus rare (OB agressifs) caracte´rise´e par des atypies cellulaires plus nombreuses et par une agressivite´ locale. Ces tumeurs agressives se produisent ge´ne´ralement chez les patients plus aˆge´s, apre`s 30 ans. Les OB doivent eˆtre distingue´es d’autres le´sions oste´oformatrices telles que l’oste´ome oste´oı¨de, le ce´mentoblastome et l’oste´osarcome. Histologiquement, le kyste osseux ane´vrysmal, le granulome central a` cellules ge´antes, le fibrome ossifiant et la dysplasie fibreuse peuvent e´galement poser proble`me [4–6]. C’est pourquoi il faut parfois comple´ter l’histologie par des e´tudes immuno-histochimiques [7,8]. L’oste´ome oste´oı¨de et l’OB sont deux tumeurs osseuses be´nignes e´troitement lie´es. Il est ge´ne´ralement admis que les caracte´ristiques histopathologiques de ces deux le´sions sont identiques, mais il a e´te´ montre´ que le « nidus » de l’oste´ome oste´oı¨de contient de nombreux nerfs pe´riphe´riques et produit des prostaglandines, ce qui explique l’importance des douleurs et leur soulagement par les inhibiteurs de prostaglan[(Figure_4)TD$IG]

[(Figure_3)TD$IG]

Figure 3. Image panoramique a` trois mois postope´ratoire.

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Figure 4. Oste´oblastes a` noyau excentre´ et cytoplasme e´tendu, au sein de trave´es irre´gulie`res d’os immature.

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dine comme l’aspirine. Classiquement, la distinction de´pend de la taille de la le´sion, l’oste´ome oste´oı¨de ayant moins de 2 cm de diame`tre alors que l’OB mesure plus de 2 cm. Le traitement de l’OB est limite´ a` un curetage ou a` une excision locale. La radiothe´rapie peut parfois comple´ter la chirurgie lorsque l’exe´re`se est incomple`te (atteinte verte´brale, par exemple). Cette technique n’est pas recommande´e a` la face en raison du risque de transformation maligne. L’exe´re`se chirurgicale peut eˆtre he´morragique, l’OB e´tant bien vascularise´. La le´sion en perope´ratoire se pre´sente comme une tumeur rouge-brune avec une texture granuleuse due a` la composante mine´ralise´e. Le traitement doit tenir compte du potentiel re´cidivant, impre´visible, sans me´tastases.

Re´fe´rences [1]

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