Microelectron. Reliab., Vol. 22, No. 3, pp. 385-392, 1982.
0026-2714/82/030385-08503.0010
Printed in Great Britain.
© 1982 Pergamon Press Ltd.
U N E M O D E L I S A T I O N BAYESIENNE D U TAUX DE DEFAILLANCE EN FIABILITE J. RINGLER MATRA 37, avenue Louis Br6guet, 78140 V61izy, France (Received for publication 10 April 1981) Resume--L'approche classique en fiabilit~, dans laquelle il n'est pas fait de "d6tail" entre les taux de d~faillance des divers composants ~lectroniques constituant un lot r~put6 homog~ne, conduit ~i un certain nombre de difficult~s formelles qui seront mises en ~vidence. I1 est alors propos~ une nouvelle approche, dans laquelle chaque composant du lot est caract~ris~ par sa "capacit~ propre de r~sistance ~i la contrainte". Cette approche conduit/t postuler l'existence d'un "lambda" individuel attach6 ~i chaque composant, et donc celle d'une distribution statistique des "lambda" au niveau du lot. Prenant cette distribution pour loi a priori, un traitement bayesien est alors mis en oeuvre. I1 en r~sulte la formalisation d'un taux de panne inconditionnel refl~tant le taux de panne moyen du lot consid&r~. En choisissant pour distribution a priori une Ioi de type gamma, justifi~e par des raisons d'ordre pratique et th~orique, il sera montr~ que le taux de panne inconditionnel d6croit hyperboliquement avee le temps. I1 s'eu suit un nouveau profil de la "courbe en baignoire", dans lequel le palier horizontal devient l~g~rement inclin6. Enfin, le module propos~ permet de trouver une relation simple entre le temps de d~verminage r~alis6 sur un lot de composants et le taux de panne inconditionnel de ce lot en fin de d~verminage. classical approach in reliability in which no difference is made between the failure rates of various electronic components making up an assumed homogeneous batch, leads to some formal difficulties which will be demonstrated. A new approach is proposed in which each component in the batch is characterized by its own "stress resistance capability". This approach leads us to postulate the existence of an individual "lambda" attached to each component and thus that of a statistical distribution of the "lambdas" at batch level. Taking this distribution as a distribution a priori, a bayesian treatment is then applied. The result is a formalisation of an unconditional failure rate reflecting the mean failure rate of the batch considered. Choosing a priori a gamma type distribution (justified by reasons of a practical and theoretical nature), it will be shown that the unconditional failure rate decreases hyperbolically with time. Consequently, a new "bath-curve" profile is obtained in which the horizontal line becomes slightly inclined. Lastly, the proposed model reveals a simple relationship between the burn-in time for a batch of components and the unconditional failure rate of the same batch after burn-in. Abstract--The
1. Q U E L Q U E S
CONSIDERATIONS
GENERALES
I1 est fort peu douteux que, dans le domaine de la fiabilit6, aucun concept n'ait eu, ~ ce jour, une faveur ~quivalente fi celle du tr~s--et peut-~tre trop--c~l~bre "taux de d~faillance" d6sign6 commun6ment par la lettre grecque "lambda". Sur un plan purement formel, le "lambda" des fiabilistes doit ~tre ~troitement associ~ au probl~me de la survivance d'un m6canisme pris au sens large: composants--m~caniques ou 61ectriques--chaines cin6matiques, dispositifs ~lectroniques complexes, syst~mes pyrotechniques, etc. Plus pr~cis~ment, si r o n d6signe par R(t) la fiabilit~--ou probabilit6 de s u r v i e - - d ' u n m~canisme d&ermin~ li l'instant t, et par dR la probabilit6 ~16mentaire d'avarie de ce m6canisme entre les instants t et t + d t , le taux de d~faillance peut &re consider6 c o m m e une fonction du temps 2(0 ayant pour expression: - 1 dR 2(t) = R - ~ x -dr-"
Dans un domaine confin8 au champ de l'~lectronique, il semblerait, de maniSre empirique, que, dans le cas d'un lot suffisamment important de composants homogSnes, c'est-fi-dire du mSme type et 385 M.R. 22/3--E
d'un niveau de qualit6 analogue, les instants d'apparitions de pannes franches de ces composants soient r6gis par un processus de mortalit6 sensiblement poissonnien, ce qui conduit fi admettre une valeur peu pr6s c o n s t a n t e - - d o n c ind6pendante du t e m p s - du taux de d6faillance associ6 aux composants du lot consid6r& Bien entendu, ce taux constant d$pend ft. la fois du type de composant, de son niveau de qualit6, et de son profil d'utilisation. L'admission quasi unanime d'un taux de panne constant des composants 61ectroniques conduit ainsi ~i une grande simplification des calculs de fiabilit6, pour ne citer que l'addition des "lambda" lorsque r o n a affaire li des composants en s&ie, et permet par ailleurs l'61aboration de banques de donn6es de "lambda". Ce sont probablement ces deux raisons qui, elles seules, expliquent ce succ6s incontest6 du "lambda" dans le champ d'activit6s de la fiabilit6. Si l'on veut bien se rem6morer, enfin, que l'6closion de la fiabilit6 en tant que technique sp6cifique de la pr6vision s'est faite en phase avec l'av6nement de l'61ectronique, il n'y a d6s lors plus lieu de s'6tonner de cet engouement des sp6cialistes en fiabilit6 ~ raisonner en terme de "lambda", quitte m~me, parfois, ~ 6tendre ce concept, non sans certains risques, ~ des domaines
386
J. RINGLER
I i t
I I t,t
,. I
Temps d'utilisation
Fig. 1. La courbe en baignoire classique ou "bathtub-curve". autres que l'61ectronique, pour ne citer que celui de la m6canique. Ces quelques rappels &ant faits, si l'on se propose d'aller un peu plus loin au fond des choses, on peut cependant se rendre compte, au prix de quelques r6flexions 616mentaires, que la signification profonde du "lambda" n'est pas aussi simple qu'il n'y para~t. Par exemple, lorsque ron consid6re un ensemble de composants 61ectroniques, doit-on attribuer h chaque composant la m~me valeur de "lambda", quand bien m~me cet ensemble constituerait un lot assez homog6ne ? A la limite, cette question a-t-elle m6me un sens, et, dans la n6gative, seule la notion de "lambda" attach6 h u n composant abstrait qui repr6senterait en quelque sorte le composant le plus banalis6 du lot consid6r6 ne devrait-elle pas ~tre susceptible d'etre prise en compte? La c616bre "courbe en baignoire"-ou bathtub-curve--(Fig. 1), elle aussi largement reconnue comme digne de foi par la majorit6 des sp6cialistes en fiabilit6, invite d'ailleurs ~i aller dans ce sens, car, si l'on raisonnait en terme de "lambda" individuel, on voit real pourquoi, durant les premiers temps de fonctionnement d'un composant donn6, le taux de panne de ce composant diminuerait ou, autrement dit, par quel facteur miraculeux la capacit6 :~ survivre de ce composant s'am61iorerait au cours du temps. II s'en suit que l'image de la courbe en baignoire est bien plut6t repr6sentative d'un taux de panne correspondant ~i celui d'un composant moyen d'un lot donn6, lot dont le niveau de qualit6 s'am61iore au fur et ~, mesure que les composants qui 6taient potentiellement les plus faibles se voient progressivement 61imin6s. Ainsi, sur la vue de la classique "bath-curve", pass6 la p6riode dite "infantile"--partie AB sur Fig. 1--1e taux de panne du composant repr6sentant le mieux le composant moyen du lot ~ u n moment donn6 de rexistence de celui-ci, appara~t se stabiliser autour d'une valeur bien d6termin6e. Le composant est ~ ce moment consid6r6 comme 6tant dans sa p6riode de "vie utile" dont raboutissement conduit, beaucoup plus tard, ~. un &at oti les ph6nom6nes d'usure font que le "lambda" se remet h cro~tre. En suivant cette approche classique, c'est durant la p6riode de "vie utile" que se manifesterait un processus de mortalit6 de type poissonien dans la mesure off c'est darts cette p6riode que le taux de panne, qui est celui fourni par les tables de donn6es, semble ~tre constant.
Toutefois, un nouveau probl6me se pose relativement h cette p6riode de "vie utile" des composants. Une difficult6 apparalt en effet fi la lecture des tables de donn6es elles-m~mes. Ces tables indiquent en effet diverses valeurs de "lambda" pour un type de composant d~termin6 travaillant dans des conditions de contraintes et d'environnement bien sp6cifi6es, en fonction de certains niveaux de qualit6 attribu6s ~t ce composant. Par niveau de qualit6, nous entendons rensemble plus ou moins important des tests et contr61es qui ont ~t~ mis en oeuvre pour 61iminer la plus grande proportion de composants potentiellement vici6s. D'un bout ~. rautre de r6chelle, par exemple, nous trouvons le composant le plus standard d'une part, et le composant "spatial" d'autre part, dont les "lambda" associ6s peuvent ~tre entre eux dans un rapport sup6rieur ~. cent. Une technique parmi celles visant ~, ~liminer les composants les plus faibles--techniques dites de "screening"--consiste fi laisser vieillir un certain temps, parfois sous contraintes acc616r6es, un lot de composants. On admet alors qu'au terme de ce vieillissement artificiel ou "d6verminage", on est pass6 du point A au point B de la courbe en baignoire, et que la p6riode de vie utile ~i "lambda" constant peut ~tre consid6r6e comme abord~e. Dans ces conditions, comment expliquer qu'un "d6verminage" plus prolong6 par exemple que le pr6c6dent et correspondant de la sorte ~i un niveau de qualit~ sup6rieur du lot de composants consid6r6, aurait conduit, apr~s consultation des tables de donn6es, ~i un taux de panne meilleur, c'est-~-dire plus faible en valeur absolue? Car il s'agit bien, ~ ce niveau, de taux de panne constants, dans un cas comme dans l'autre. Faut-il alors, comme le font certains auteurs, admettre l'existence de paliers horizontaux diff6rents de la courbe en baignoire--en pointill6s sur Fig. 1-paliers d'autant plus b a s q u e le d6verminage a 6t6 davantage prolong6? Dans cette vision des choses, on peut toutefois se demander pourquoi, une fois amorc6 le palier nominal en trait plein, le taux de panne ne continue pas ~i d6croltre, par raison de similitude avec un compl6ment de d6verminage. Dans roptique inverse, o0 l'on consid6re que le fait de passer d'un d6verminage de dur6e t ~ u n d6verminage de dur6e t + tl conduit ~ passer du point B au point B 1 sur la partie descendante de la courbe en baignoire, on ne peut plus, en toute rigueur, raisonner en terme de taux de panne constant dans une p6riode d'utilisation du composant compris entre t et t + tl, ce qui va ~i rencontre du principe des tables de donn6es qui, pour un niveau de qualit6 de ce composant correspondant h un d6verminage de dur6e t, lui assigneraient un "lambda" bien d6termin6 et parfaitement constant. En r6sum6, si ron postule l'existence des paliers horizontaux des courbes en baignoire, on est amen6 caract6riser un niveau de d6verminage par un palier donn6--hypoth~se de multi-paliers pour la m~me courbe en baignoire--ou bien, dans rhypoth6se, d'un
Modelisation Bayesienne palier unique, par une position plus ou moins basse sur la partie gauche de la courbe. Ces deux approches conduisant, comme on l'a vu,/t des contradictions de principe avec les tables de donn6es, il appara[t 16gitime d'envisager une nouvelle approche susceptible de d6boucher sur un profil quelque peu diff6rent de la classique "bath-curve". Pour cela, quelques compl6ments de r6flexion sur la nature profonde du lambda vont &re apport6s dans le cadre du chapitre suivant. 2. UN POINT DE VUE SUR LA SIGNIFICATIONDU LAMBDA De mani~re sous-jacente ~i sa formulation math~matique, le"lambda" traduit, sur un plan plus physique, la capacit6 plus ou moins grande d'un composant--ou d'un type d6termin6 de composant--~ r6sister avec succ6s aux diff~rentes contraintes d'environnement auxquelles il est susceptible d'etre soumis. Or, comme nous pensons ravoir d6montr6 au cours de nos r6flexions pr6c6dentes, il apparatt que le "d6tair' n'est pas fait parmi les composants issus d'un m6me lot de fabrication, ayant le m~me niveau de qualit6 et un profil d'utilisation identique. La fiabilit6 de tousles composants du lot est ainsi rendue banalis6e, ce qui revient ~i affecter le m~me "lambda"/L chacun de ces composants. Plus pr6cis6ment, la succession des d6faillances survenant au cours du temps n'est envisag6e ainsi que sous les auspices d'un processus de mortalit6 poissonien affectant l'ensemble du lot, sans pr~jug6 du fait que tel composant ayant 6t~ trouv6 d6faillant avant tel autre pouvait ~tre"potentiellement" moins r6sistant que ce dernier. Dans ces conditions, une philosophie diff6rente consiste ~ine plus admettre cette identit6 de"r6sistances potentielles" pour chacun des composants d'un m~me lot. Nous allons, au contraire, caract6riser un composant donn6 par un certain degr6 de r6sistance ~ une contrainte de nature d6termin6e (61ectrique, thermique ...). On d6signera ainsi par r~ la r6sistance potentielle du i~me composant ~i la contrainte de nature j. En premi6re approximation, il suffira d'admettre que la quantit6 r u repr6sente le niveau maximum decontrainte de nature j que peut supporter sans d6t6rioration notable lei ~m~composant consid6r6. Le processus est, en r6alit6, plus complexe, en raison des effets cumulatifs des contraintes r6p6t6es et, afortiori, de contraintes combin6es de natures diff6rentes. La pr6sente philosophie n'en serait pour autant pas invalid6e, car il suffirait, pour ~tre plus pr6cis, de consid6rer de mani6re plus extensive une fonction globale ri,o~dans laquelle le symbole (j) traduit la prise en compte de contraintes simultan6es 1, 2. . . . . j , . . . . En suivant cette philosophie, nous nous trouvons ainsi fond6s ~tadmettre que le ph6nom6ne"d6faillance" d'un composant "i" est, en r6alit6, la r6sultante de deux facteurs tout h fait ind6pendants run de l'autre: --d'une part la r6sistance rl. j du composant ~i toute contraintej
387
t-
'~: =8
~
rk'j
_/~.~dv~
.
r i , J ~ Spectre de
I
co'h'ainte
I i i
j
I
tl
tk
Temps
Fig. 2. --d'autre part le spectre veritable de chacune des contraintes auxquelles ce composant est soumis. De mani6re plus imag6e, on a repr6sent6, sur Fig. 2, un m~me spectre de contrainte de naturej appliqu6e ~ deux composants i et k, d'un m~me type, mais pr6sentant des niveaux diff6rents de r6sistance ~ la contrainte j, soit respectivement ri.~ et rkj. Si l'on admet, en premi6re approximation, que ces niveaux restent a peu pr6s constants dans la p6riode de "vie utile" des composants consid6r6s--autrement-dit avant les premiers syrnpt6mes de rusure-- on voit, su r Fig. 2, que les composants iet kseraient respectivement d6faillants auxinstants t~et t kavec t k > q. En r6alit6, deux composants diff6rents ne sont jamais soumis ~ des spectres de contraintes j rigoureusement identiques. C'est pourquoi, en pratique, deux composants qui pr6senteraient, dans un cas limite th6orique, des niveaux 6quivalents de r6sistance ~ l'ensemble des contraintes (j), ont peu de chance de tomber d6faillants simultan6ment. Plus pr6cis6ment, celh signifie que, si le taux de d6faillance d'un compasant donn6 est, pour un environnement d6termin6, directement corr616 h sa r6sistance aux contraintes (j) auxquelles il est soumis c'est, en revanche, le spectre exact des contraintes (j) qui est la cause d'un processus de mortalit6 apparemment poissonien. La connaissance parfaite d'un tel spectre multidimensionnel 6tant pratiquement inaccessible, on con~oit bien que le ph6nom~ne de d6faillance catalectique puisse ~tre consid6r6 comme 6tant davantage de nature al6atoire que de nature d6terministe. Cettephilosophie6tant accept6e, il apparatt ~tpr6sent int6ressant d'en explorer les cons6quences au niveau d'un lot entier de composants. Dans cet objectif, la prise en compte de l'existence d'un 6ventail, plus ou moins 6tendu, des r6sistances ~ila contrainte des diff6rents composants du lot conduit, de fa~on naturelle, h l'utilisation d'une approche bayesienne. 3. UNE MODELISATIONBAYESIENNEDU TAUX DE DEFAILLANCE Consid~rons un lot de composants d'un type d6termin6 et issu d'une m~me ligne de fabrication. Si l'on admet, pour chaque composant individualis6 "i" de ce lot, une r6sist ance rl.u~au spectre de contraintes
J. RINGLER
388
(j), on est conduit ~ admettre l'existence d'une distribution statistique #(r~.t/))des quantit6s r~,tj). Or, on l'a vu pr6c6demment, le taux de d~faillance 2i du composant i est une quantit6 math6matique directement corr616e/t la r6sistance au spectre de contraintes r~.o~ de ce composant, ce qui signifie qu'~i une fonction r~,o3donn6e correspond univoquement une valeur 2i d6termin6e. Par cons6quent, l'existence de la distribution #(r~.o3) entralne celle, de mani6re aussi univoque, de la m~me distribution #(20 sur les taux de d6faillance des composants du lot consid6r6. Notons bien que, contrairement h l'approche bayesienne classique dans laquelle la quantit~ 2i appara~trait comme une variable al6atoire cens6e repr6senter un taux de d6faillance unique mais inconnu, chaque 2i est ici parfaitement d6termin6 par univocit6 avec la fonction r~,(j~et a, par cons6quent une valeur "objective". La distribution g(2i)--que nous d6signerons dor6navant, pour simplifier l'6criture par g0.)--repr6sente ainsi la distribution de quantit6s physiques parfaitement d6termin6es--celle des taux de d6faillance des composants d'un lot--et non celle d'une variable al6atoire. Cependant, fi partir du moment od le nombre de composants du lot est suffisament important, ce que nous supposerons, nous sommes fond6s ~, admettre une variation sensiblement continue sur l'ensemble des "lambda" du lot consid6r6, et donc traiter la distribution 9(2) comme celle d'une variable al6atoire pour laquelle la quantit6 diff6rentielle d2 repr6senterait, en r6alit6, la diff6rance 616mentaire des taux de d6faillance entre deux composants de r6sistances h la contrainte infiniment voisines. Ces remarques 6tant faites, revenons sur la fonction #(2). Celle-ci refl6te la distribution statistique des "lambda" des composants survivants du lot ~ un moment d6finidel'existence--oude rutilisation--dece dernier. En effet, il a 6t6 vu pr6c6demment--sur l'exemple de Fig. 2--que les composants ayant les "lambda" les plus 61ev6s sont ceux qui, a priori, ont tendance fi tomber d6faillants le plus rapidement. Cel:~ signifie qu'au fur et ~ mesure de l'6volution de la vie op6rationnelle des composants du lot consid6r6, la moyenne de la distribution 9(2) vase d6placer vers la gauche, comme le pr6cise Fig. 3. Nous allons ~ pr6sent pr6ciser ces r6flexions de mani6re plus analytique, en d6signant par:
--f(t/2)
la densit6 de probabilit6 de l'instant de panne d'un composant ayant un taux de d6faillance 6gal ~i 2 --f(t) la distribution inconditionnelle de l'instant d'une panne portant sur l'ensemble des composants du lot consid6r6. Sur la base de ces d6finitions, l'expression de la distribution inconditionnelle f(t) peut ~tre 6tablie, en suivant la m6thode bayesienne, comme 6tant une probabilit6 marginale de l'instant de panne portant sur l'ensemble des valeurs des "lambda', c'est-fi-dire, a priori, entre z6ro et l'infini. I1 s'en suit que:
f(t) = f : f(t/2)gO.)
d2.
La difficult6 majeure r6side en fait, comme dans route approche de nature bayesienne, dans le "bon choix" de la distribution a priori--c'est-fi-dire~il'instant "zaro"-go(2). II va de soi que cette distribution doit refl6ter au mieux la v6ritable dispersion des "lambda" des composants du lot en d6but de vie op6rationnelle de ce dernier. Or, cette dispersion est, dans la pratique, plus ou moins mal connue. On pourrait, par exemple, imaginer une distribution uniforme dans le cas de l'incertitude maximum, ou, dans l'hypoth6se de meilleures connaissances sur cette dispersion, des distributions de type Weibull ou log-normales. Dans le cas prasent, nous pr6f6rerons partir d'une distribution de type gamma ~ideux param6tres, ctet fl, et celfi pour les deux raisons suivantes: - - l a conjugu6e naturelle bayesienne de la loi de probabilit6 exponentielle, correspondant ici/t la fonctionf(t/2), n'est autre que la Ioi gamma --de par l'existence de deux param6tres et des aspects tr6s diff6rents susceptibles d'atre pris par la loi gamma suivant les valeurs attribu6es ~i ces param6tres, cette loi s'adapte bien ~i des types de distribution tr6s vari6s et prasente de la sorte une grande souplesse d'utilisation. Nous consid6rons donc comme distribution initiale des "lambda" du lot de la fonction:
e-;'l~2 = 9°(2) - fl=+lF(c<+ 1)
:~,,g (X/t+tl) / \ t /
g(X)
//~(X/t) ,' / '\ ~ J'~:R~gionh / / x \ [ d~failances ~ . ~inantes /
.
X
Fig. 3.
(1)
(2)
o6 F(c<+ 1) repr6sente la fonction gamma incompl6te pour la valeur c<+ 1 de la variable. De plus, nous admettrons que cette distribution gamma initiale est celle des "lambda" d'un lot dont les composants "franchement d4fectueux'--c'est-~-dire qui ne fonctionneraient d4jh pas ~ l'instant z6ro--ont pr4alablement 6t4 61imin6s par un certain nombre de contr61es pr4liminaires (contr61es visuels, tests 61ectriques, etc.). La notion de "lambda" li4e ult6rieurement ~ un processus de mortalit6 exponentiel ne semble, en effet, devoir pr6senter aucune signification pour des corn-
Modelisation Bayesienne
posants d~jfi d6fectueux en d6but d'utilisation, autrement dit pr6alablement fi rinstant z&o. En tenant compte de l'hypoth~se de mortalit6 exponentielle pouvant s'appliquer ~ un composant bien d6fini, on peut 6crire:
f(t/2) = 2e -~'
(3)
expression dans laquelle 2 repr6sente le taux de d~faillance propre au composant consid6r6. La distribution i nconditionnelle de l'instant de panne au niveau de rensemble des composants du lot peut donc s'6crire, d'apr6s (1):
nettement inf6rieure ft. 10-4 pour la majorit6 des types de composants, &ant reconnu comme repr6sentant assez bien l'effet du vieillissement sur le taux de d6faillance. I1 est ais6 de d6montrer, enfin, que la d6croissance du taux de d6faillance inconditionnel h(t) traduit bien le d6placement vers la gauche de la distribution a priori go(2). Soit, en effet, #(2/t) la distribution des taux de d6faillance des composants encore en vie &l'instant t. Cette distribution a pour expression, en vertu du th6or6me de Bayes:
g(2/t) = f(t)
f o 2e-;.,e-~-/~2• = fl,+~F(ct+ 1) d2.
(.+l)fl
f(t) = (1 +fit) ~+2"
(4)
u)du
F~° (~t+l)fl
d.
j,
(
=
I
'~'+'
•
(5)
f(t) R(t)
soit, d'apr6s (4) et (5): (0t+ 1)8 l+ft
h(t) =
(6)
Ce dernier r+sultat est tr6s important. I1 montre en effet que, sous l'angle bayesien et dans l'hypoth6se d'une distribution a priori de type gamma, le taux de d6faillance inconditionnel d+cro~t hyperboliquement avec le temps de fonctionnement. Nous admettrons toutefois une telle repr6sentation comme valide dans la limite de p&iode dite de"vie utile" caract6risant le type de composant consid6r& En effet, le module (6) ne traduit pas l'effet de vieillissement qui, comme l'on sait, appara~t au bout d'une p6riode g~n~ralement assez longue. Plus pr~cis6ment, si l'on revient aux consid&ations th6oriques expos6es au paragraphe 2, on devra relier le ph6nom~ne de vieillissem e n t & une d6croissance, & partir d'un temps de fonctionnement plus ou moins long, de la fonction "r6sistance f la contrainte" t~j qui avait +t6 suppos6e constante pour un composant donn6 (Fig. 2). La prise en compte du ph6nom6ne de vieillissement pourrait conduire fi un mod61e g6n6ral, quel que soit t, du taux de d6faillance inconditionnel ayant pour forme:
(a+ l)f h(t)
-
-
-
l+flt
e~'
(7)
le facteur exponentiel, dans lequel la constante ~, est
e-t(w#)+']~ 2=
(8)
Jo e-;'[('/a)+°2=d2
1
1
fl, f+t. La valeur moyenne m'(2) de cette nouvelle distribution n'est autre que le taux de d~faillance inconditionnel & l'instant t. On peut en effet v6rifier que:
Enfin, si l'on d6signe par h(t) le taux de d6faillance inconditionnel sur le lot ~ l'instant t, on a: h(t) =
= ,~
I1 appara~t donc que la distribution g(2/t) est une distribution de type gamm a dont les param6tres ~' et ff sont tels que:
En d6signant par R(t) la fiabilit6 inconditionnelle sur le lot ~il'instant t, on peut encore 6crire:
=
9o(2)" e -;t ~
I Oo(2)e-;"d2
Apr~s int6grations par partie successives, il vient:
R(t) = 1 -
389
m'(2) = 3'(0(+ 1) =
( a + 1)f l+flt
mo(2 ) l+flt'
en d6signant par too(2) la valeur moyenne de la distribution initiale 00(2). Le d6placement dans le temps vers la gauche de la distribution 0(2/0 peut donc &re mesur6 par la quantit~ 1 +Bit: rapport entre les moyennes des distributions 0(2/0 et 00(2). On peut enfin noter le resserrement de la distribution g(2/t ) au cours du temps. En effet, sil'on d6signe par a'(2) l'6cart-type de cette distribution fi,l'instant t, on a: a'(2) = f f x / ~ - - 1 =
~_
aO.)
a(2) = 1 + f t
off a(2) repr6sente l'6cart type de la distribution initiale
g0(A). Le resserrement au cours du temps de la distribution
0(2/0 peut doric &re 6galement caract6ris~ par la quantit6 l + f t : rapport entre les 6cart-types des distributions 9(2/t) et go(A).
4. CONCLUSION ET PERSPECTIVES D'APPLICATION
L'approche bayesienne qui vient d'&re men6e sur le taux de d6faillance des composants 61ectroniques d6bouche naturellement sur un nouveau profil de la "classique" courbe en baignoire. En r6alit6, le terme de "baignoire" appliqu6 &ce nouveau profil devient m~me incorrect, dans la mesure off le palier horizontal n'existe plus. Si l'on se base, en effet, sur le mod61e g6n6ralis6 (7) du taux de d6faillance inconditionnel, on voit en effet
390
J. RINGLER
go{)`)
g O,/tl)
~g {X/t2)
,,
vis6 n'est pas d6jh atteint ~ rinstant z6ro, ce qui impose: (~ + 1)fl > 2". Dans cette hypoth~se, la dur6e cherch6e a pour expression: t
t*
(c~+ 1)fl-2*
(9)
Kilt
P
0
glX) Fig. 4.
appara~tre, sur la courbe en trait plan trac6e dans le plan (t, 2) du diagramme tridimensionnel de Fig. 4: --une p6riode de decroissance hyperbolique qui caract6rise la vie utile du lot de composants --une remont6e exponentielle qui caract6rise le •vieillissement des composants ~ partir d'un temps de fonctionnement 61ev6. Dans cette optique, la mise en fonctionnement d'un lot donn6 de composants peut appara/tre comme un d6verminage qui se poursuit dans le temps, dans la mesure 06, avant usure, le taux de panne inconditionnel au niveau des composants survivants continue d6croltre. Le d6verminage"effectif" reste, toutefois, une op&ation de vieillissement particuli6re qui consiste ~i amener, darts un minimum de temps, le taux de panne inconditionnel depuis l'extr6mit6 gauche M0 de la courbe h(t)jusqu'~i un point M suffsamment ~. droite sur cette courbe, la raise en oeuvre de contraintes accel6r6es (Ex: temp6rature de 125°C, tension de blocage maximum pour les semi-conducteurs, etc.) permettant de r6duire artificiellement la dur6e n6cessaire ~ cette op6ration. Par vole de fait, le d~verminage "effectif" peut ~tre pergu comme un essai de vieillissement artificiel d'une dur6e telle qu'au bout de l'op6ration, les composants survivants aient atteint un niveau de fabilit6 compatible avec un objectif requis. En effet, soit: --2* l'objectif requis sur le taux de d6faillance dans des conditions d6termin6es de fonctionnement du composant - - K le coefficient d'acc616ration de pannes dfi aux contraintes en d6verminage par rapport aux contraintes op~rationnelles. La dur6e t* du d6verminage n6cessaire pour atteindre robjectif vis~ est telle que: h ( K t * ) = ~.*, soit, dans l'hypoth6se d'une distribution a priori de type gamma sur les taux de d6faillance des composants du lot: (a + 1)fl = 2".
1 + Kilt* . Cette relation ne prend un sens que lorsque robjectif
La formule (9) est susceptible de pr6senter un int6r~t pratique lorsqu'on est en mesure de connaitre les param6tres g et fl de la distribution gamma a priori. Ces param~tres d6pendent en particulier du type de composant consider6, du niveau de qualit6 correspondant et du fournisseur. Une m6thode possible pour d6terminer et fl consiste ~ analyser le comportement, en vieillissement contr616, d'un ou de plusieurs lots de composants du type consid6r6 et issus de lignes de fabrication homog6nes chez le m~me fournisseur. Cette m6thode, illustr6e en annexe sur un cas d'esp6ce trait6 par l'auteur, permet d'une part de tester la vaiidit6 du mod61e "gamma" a priori, et, d'autre part, cette validit6 6tant suppos6e acquise, de d6terminer les meilleurs estimations de ~ et fl en fonction de la distribution des pannes observ6es sur l'essai de vieillissement. En d6finitive, il apparait que l'hypoth6se d'une distribution a priori sur les taux de d6faillance des composants d'un m~me lot pr6sente un int6r~t rant sur un plan pratique que sur un plan formel. Pour sa part, l'auteur a pu 6prouver la validit6 d'un mod61e de type gamma lors de rexploitation d'un certain nombre de r6sultats d'essais de vieillissement relatifs ~ des r6sistances et ~i des semi-conducteurs discrets. I1 est probable, toutefois, que le mod61e "gamma" ne saurait pr6tendre ~il'exhaustivit6 en vue d'une application ~ des composants issus de certaines lignes de fabrication et, a fortiori, ~ila totalit6 des types de composants existants. C'est la raison pour laquelle il apparalt indispensable, aux yeux de l'auteur, de poursuivre les investigations darts un champ d'application plus vaste--circuits int6gr6s logiques ou analogiques, m6moires, etc.--afin de connaltre les limites de la loi gamma dans ce type d'utilisation et, hors de ces limites, de d6terminer d'autres natures des lois "a priori" susceptibles de pr6senter une meilleure compatibilit6 avec les r6sultats exp6rimentaux.
ANNEXE
Une illustration num6rique de l'approche men6e dans le pr6sent article est pr6sent6e ici sur rexemple d'un essai de vieillissement portant aur des transistors non fiabilis6s du type 2N 1565. Les conditions de l'essai ont 6t6 les suivantes: --dur6e totale de l'essai: 5000 h --fonctionnement continu: 600 mW; ~e = 40 V --temp6rature ambiante: 25°C --nombre d'616ments conformes ~ t = 0:893 --d6finition des d6fauts: selon crit6res CCTU.
Modelisation Bayesienne
391
Tableau 1. R6sultat d'un essai de vieillissement portant sur 893 transistors 2N 1565 Intervalles de temps (t~,t2)
Temps milieu (tin)
0 h- 500 h 500 h-1000 h 1000 h-2000 h 2000 h-3000 h 3000 h-5000 h
Nombre de composants d6faillants (C)
Nombre de composants survivants (N)
,~- 1 instantan6 x 104 (h)
19 9 17 12 18
893 874 857 845 827
2.35 4.86 5.04 7.04 9.19
250 h 750 h 1500 h 2500 h 4000 h
Le tableau I pr6sente les r6sultats de l'essai de vieillissement. O n y a fait apparaJtre les informations suivantes: --les cinq tranches de temps successives (tl, t2) comprises entre les points de relev6s tt+t2 --les temps milieux: t,~ = - 2 --le nombre de composants trouv6s d6fectueux dans chaque tranche (t 1, t2) : C - - l e nombre de composants survivants en d6but de chaque tranche (t 1, t2): N --l'inverse de l'estimateur du taux de panne instantan6 aux temps t,~: N
Cette m&hode de calcul ayant 6t6 choisie dans notre exemple, on a trac6, sur Fig. 5, la droite (D) s'ajustant le mieux avec les cinq points exp6rimentaux (m6thode des moindres carr6s). Les r6sultats obtenus sont les suivants: --coefficient de corr61ation: r = 0.971 --ordonn6e de (D) ~t l'origine: a = 26.933 (hrs) --pente de (D): b = 16,682. On constate donc une excellente corr61ation entre la droite th6orique et les r6sultats exp6rimentaux, ce qui d6montre, surcet exemple, lebien-fond6delaloigamma c o m m e distribution a priori. Les estimateurs de ctet de ont ici pour valeurs:
(t 2 --tl. )
x
= - 0 . 9 4 0 et/~ = 6.19x 10 -4.
C Les rgsultats de cet essai peuvent se corr61er avec l'approche th6orique men6e dans cet article de la fa~on suivante. I1 a 6t6 vu que, lorsqu'on prend pour distribution a priori des taux de panne une loi gamma, le taux de panne inconditionnel au niveau du lot est une fonction hyperbolique du temps. Si l'on reprend l'expression (6), on voit que l'inverse du taux de panne inconditionnel s'~crit:
h-l(t)
=
1
t
(ct+ 1)fl
ct+l'
_
Le taux de panne instantan6 a alors pour expression: h(t) =
3.71 x 10 -5 1+6.19 x 10-4t"
A titre d'exemple, on obtiendrait par extrapolation, dans les limites de validit6 de ce mod61e: --~. 10000hs: h(10000) = 5.16 x 10-6/h --fi 50000hs: h ( 5 0 0 0 0 ) = l . 1 6 x l 0 - 6 / h - - h 100 000 hs: h(100 000) = 5.9 x 10- 7/h.
_
SS SS
Autrement dit, h-~(t) est une fonction lin6airement croissante avec le temps. Dans le syst6me d'axe (t, h - ~), la droite h-~(t) peut &re d6finie par les deux caract6ristiques suivantes: --ordonn6e ~ l'origine: a = - -
(~+i)~
--pente: b =
1 ~+1'
Si done r o n parvient ~ 6valuer exp&imentalement les deux caract&istiques a et b dans un essai de vieillissement d'un lot de composants d&ermin6, on voit que les estimateurs des param&res a et /~ de la distribution gamma a priori peuvent &re obtenus par les relations:
X
1-b b
i
I
i
I
lOOO
2000
3000
4ooo
Temps a
( heures )
Fig. 5. Evolution de ~'- 1 avec le temps.
I 5000
392
J. RINGLER BIBLIOGRAPHIE
1. I. Bazovsky, Fiabilitd-- Th~orie et Pratique de la Suret~ de Fonctionnement, Dunod, Paris. 2. Special issue on Bayesian techniques, IEEE Trans. Reliab. (August 1972). 3. J. Ringlet, R6duction des cofits d'essais de fiabilit6 par la pratique des techniques bayesiennes, Colloque International sur la Fiabilit6 et la Maintenabilit6, Paris (juin 1978).
4. R. Stewart, A causal redefinition of failure rate. Theorems, stress dependence, and application to devices and distributions, IEEE Trans. Reliab. (December 1966). 5. C. Harris and N. Singpurwalla, Life distributions derived from stochastie hazard functions, IEEE Trans. Reliab. (June 1968). 6. M. Shooman, Reliability physic models, IEEE Trans. Reliab. (March 1968). 7. T. Calvin, Modeling the bathtub curve, Annual Reliability and Maintenability Symposium (1974).