Annales de pathologie (2008) 28, 330—332 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
CAS POUR DIAGNOSTIC
Une tumeur inhabituelle de la trompe An unusual tumor of the fallopian tube Salma Chaâbouni a, Lobna Ayadi a,∗, Abdelmajid Khabir a, Khaled Trabelsi b, Naourez Gouiaa a, Rim Kallel a, Ibtissem Bahri a, Makni Saloua a, Guermazi Mohamed b, Tahya Sellami Boudawara a a
Laboratoire d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Habib-Bourguiba, route El-Ain km 0.5, 3029 Sfax, Tunisie b Service de gynécologie, CHU Hédi-Chaker, route El-Ain km 0.5, 3029 Sfax, Tunisie Accepté pour publication le 21 novembre 2007 Disponible sur Internet le 21 aoˆ ut 2008
Observation Une femme âgée de 30 ans, nulligeste, consultait pour infertilité. L’examen clinique révélait une masse latéro-utérine gauche. À l’échographie, la masse était kystique et cloisonnée. La cœlioscopie exploratrice montrait une masse du pavillon de la trompe gauche. Les deux ovaires et la trompe controlatérale étaient sans lésion. L’ablation chirurgicale du segment tubaire pathologique était réalisée. À l’examen macroscopique, le segment tubaire mesurait 3 cm de long. Du côté du pavillon, la paroi tubaire était épaissie ; sa lumière était dilatée par une formation kystique cloisonnée mesurant 4 cm de grand diamètre et renfermant quelques bourgeons végétants de couleur blanc grisâtre (Fig. 1). Par ailleurs, la paroi tubaire était épaissie. À l’examen microscopique, les bourgeons étaient formés par la prolifération de structures papillaires ramifiées ayant un axe tantôt épais et œdématié, tantôt grêle et sclérosé (Fig. 2a). Elles étaient revêtues par un épithélium cubocylindrique pseudostratifié à noyau hyperchromatique (Fig. 2b). Des cellules isolées se détachaient dans la lumière du kyste. La composante conjonctive était peu cellulaire et sans atypie. Le reste du kyste était tapissé par un épithélium cubique régulier. Il n’y avait pas de nécrose. L’étude immunohistochimique réalisée sur des prélèvements fixés et inclus en paraffine montrait une forte positivité pour le CA125 et pour les récepteurs estrogéniques. Le traitement était complété par une annexectomie gauche. Un contrôle cœlioscopique, réalisé huit mois après, était normal.
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Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (L. Ayadi).
0242-6498/$ — see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.annpat.2007.11.007
Une tumeur inhabituelle de la trompe
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Figure 1. Segment tubaire à paroi épaissie et à lumière dilatée renfermant quelques bourgeons végétants blanc grisâtres( ). Fallopian tube with thickened wall and dilated lumen containing some white greyish buds ( ).
Figure 2. a : papilles revêtues par un épithélium montrant des touffes avec atypies modérées ; b : notez la pseudostratification nucléaire et l’aspect en clou de tapissier (HE × 400). a: papillae lined by an epithelium showing tufting with moderate atypia; b: note stratification of the epithelium and hobnail features (HE × 400).
Quel est votre diagnostic ?
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Diagnostic : tumeur séreuse borderline de la trompe Les tumeurs malignes de la trompe sont rares et sont dominées par les adénocarcinomes. Les tumeurs épithéliales borderline de la trompe sont exceptionnelles. Elles peuvent être de type séreux, mucineux ou endométrioïde [1]. À notre connaissance, seulement 11 cas ont été rapportés dans la littérature dont sept sont de type séreux [2]. Le premier cas de tumeur séreuse borderline (TSB) de la trompe a été décrit en 1986 par Gatto et al. [3] comme un adénocarcinome. Le terme de TSB de la trompe a été employé pour la première fois par Zheng et al. [4]. La TSB tubaire survient chez la femme en période d’activité génitale [5] dont l’âge varie de 19 à 34 ans (âge moyen : 29 ans) [2]. Elle peut être de découverte fortuite ou se révéler par une douleur abdominale. Le taux de CA125 est habituellement normal [2]. Elle se présente généralement comme une formation kystique unilatérale avec végétations endoluminales ; plus rarement, il s’agit d’une masse solide polypoïde avec un aspect en chou-fleur [2]. Sa taille varie de 1,7 à 13 cm. Elle peut siéger au niveau du pavillon tubaire (trois cas), la région ampullaire (deux cas) ou englober toute la trompe (un cas). À l’examen microscopique, la tumeur est similaire à son homologue ovarienne [4,5] : elle est formée par des structures papillaires revêtues par un épithélium stratifié, avec des noyaux légèrement ou modérément atypiques et quelques figures de mitose. La TSB paraît naître à partir de l’épithélium tubaire qui appartient au système mullérien. En effet, l’immunoréactivité des cellules tumorales pour CA125 et pour les récepteurs des estrogènes et de la progestérone est en faveur de son origine mullérienne [6]. Dans notre observation, nous avons noté une positivité pour CA125 et pour les récepteurs des estrogènes seulement. La mutation du p53 est corrélée aux stades tardifs de carcinogenèse ; dans notre cas, la négativité du p53 affirme le caractère peu agressif de cette tumeur. Le diagnostic différentiel se pose avec l’adénofibrome papillaire ; ce dernier
S. Chaâbouni et al. ne montre pas d’atypies nucléaires ni de désorganisation de l’architecture épithéliale ; dans la TSB, l’absence d’invasion du stroma permet d’écarter un adénocarcinome séreux. Le carcinome in situ et l’hyperplasie épithéliale pseudocarcinomateuse (HEPC) peuvent simuler une TSB : cependant, ces deux lésions sont infracliniques et ne se manifestent pas par une masse tumorale. L’HEPC est observée au cours des salpingites aiguës ou chroniques [5]. La TSB doit être distinguée de la tumeur métaplasique de la trompe qui est une lésion papillaire caractérisée par une métaplasie éosinophile et mucineuse de la muqueuse tubaire observée pendant la grossesse [7]. Le traitement de la TSB est exclusivement chirurgical. Une salpingectomie unilatérale paraît suffisante [2].
Références [1] Alvarado-Cabrero I, Navani SS, Young RH, Scully RE. Tumors of the fimbriated end of the fallopian tube: a clinicopathologic analysis of 20 cases, including nine carcinomas. Int J Gynecol Patol 1997;16:189—96. [2] Krasevic M, Stankovic T, Petrovic O, Severinski NS. Serous borderline tumor of the fallopian tube presented as hematosalpinx: a case report. BMC Cancer 2005;5:129—32. [3] Gatto V, Selim MA, Lankerani M. Primary carcinoma of the fallopian tube in an adolescent. J Surg Oncol 1986;33:212—4. [4] Zheng W, Wolf S, Kramer EE, Cox KA, Hoda SA. Borderline papillary serous tumor of the fallopian tube. Am J Surg Pathol 1996;20:30—5. [5] Kayaalp E, Heller D, Majmudar B. Serous tumor of low malignant potential of the fallopian tube. Int J Gynecol Pathol 2000;19:398—400. [6] Alvarado-Cabrero, Chung A, Caduff R. Tumors of the fallopian tube. In: Tavassoli FA, Devilee P, editors. Pathology and genetics of tumors of the breast and female genital organs. Lyon: IARC Press; 2003. [7] Saffos RO, Rhatigan RM, Scully RE. Metaplastic papillary tumor of the fallopian tube — a distinctive lesion of pregnancy. Am J Clin Pathol 1980;74:232—6.