Une tumeur rare de la côte

Une tumeur rare de la côte

Ann Pathol 2007 ; 27 : 333-335 Une tumeur rare de la côte Cas pour diagnostic A rare tumor of the rib Aïda Ayadi-Kaddour(1), Olfa Ismail(1), Leïla ...

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Ann Pathol 2007 ; 27 : 333-335

Une tumeur rare de la côte

Cas pour diagnostic

A rare tumor of the rib Aïda Ayadi-Kaddour(1), Olfa Ismail(1), Leïla Abid(1), Adel Marghli(2), Habiba Djilani(2), Faouzi El Mezni(1) (1) Service d’Anatomie Pathologique, Hôpital A. Mami de L’Ariana, Tunisie. (2) Service de Chirurgie Thoracique, Hôpital A. Mami de L’Ariana, Tunisie.

Ayadi-Kaddour A, Ismail O, Abid L, Marghli A, Djilani H, El Mezni F. Une tumeur rare de la côte. Ann Pathol 2007 ; 27 : 333-335.

Observation Une femme âgée de 29 ans, asthmatique, consultait pour douleur basithoracique gauche suivie de l’apparition d’une tuméfaction sous-axillaire. L’examen clinique trouvait une masse sousaxillaire gauche de 15 cm de grand axe, bien limitée, fixe par rapport aux plans profonds et douloureuse à la palpation. Le grill costal visualisait une perte de substance de l’arc postérieur de la 8e côte gauche et des arcs moyens des 6e et 7e côtes gauches. Le scanner objectivait un processus expansif des tissus mous de la région sous axillaire gauche. L’examen per-opératoire mettait en évidence une tumeur solide allant du rachis jusqu’à l’angle antérieur des côtes, motivant une pariétectomie emportant les 7e, 8e et 9e côtes (arcs postéro-latéraux). La tumeur, de couleur blanc-grisâtre, renfermait des foyers hémorragiques et de nombreux îlots calcifiés. Il s’agissait d’une prolifération tumorale dense et diffuse, faite de nappes de petites cellules rondes indifférenciées à noyau ovoïde hyperchromatique et à cytoplasme basophile, avec une riche vascularisation de type hémangiopéricytaire (figure 1). Les mitoses étaient estimées à environ 4 par 10 grands champs. Il existait des foyers chondroïdes bien différenciés faits de chondrocytes à noyaux volumineux et irréguliers (figure 2). L’étude immunohistochimique a révélé une expression du CD99 par le contingent indifférencié et de la PS100 par les foyers cartilagineux. Les limites de résection chirurgicale étaient saines. Les suites opératoires étaient simples avec une radiographie du thorax de contrôle satisfaisante. La patiente a débuté une

FIG. 1. — Ilôts cartilagineux entourés d’une prolifération tumorale dense avec une vascularisation de type hémangiopéricytaire. FIG. 1. — Islands of cartilaginous tissue surrounded by highly cellular proliferation with hemangiopericytoma-like vasculature (HE×100).

FIG. 2. — Prolifération tumorale indifférenciée à petites cellules rondes associée à des foyers cartilagineux bien différenciés. FIG. 2. — Undifferentiated small and round cells intermingled with islands of well-differentiated cartilage (HE×200).

chimiothérapie adjuvante, mais elle a été perdue de vue après un recul de 4 mois.

Quel est votre diagnostic ?

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Accepté pour publication le 20 mars 2007 Tirés à part : A. Ayadi-Kaddour, 17 Rue Ali Ben Khélifa — El Menzah 9A, 1013 Tunis, Tunisie. e-mail : [email protected]

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Aïda Ayadi-Kaddour et al.

Diagnostic : Chondrosarcome mésenchymateux costal Décrit initialement en 1959 par Lichtenstein et Bernstein, le chondrosarcome mésenchymateux (CSM) est une tumeur maligne cartilagineuse rare, variante particulière des chondrosarcomes, n’en représentant que 2 à 8 % de l’ensemble et intéressant aussi bien les os que les tissus mous [1]. En effet, sur 400 cas de chondrosarcomes osseux et extraosseux, Huvos et al n’ont colligé que 35 cas de CSM dont 30 étaient osseux et seulement 2 de siège costal (6 %) [2]. La forme osseuse semble avoir une prédilection pour les os du crâne et de la face. La localisation costale est peu commune et sa fréquence est variable selon les séries. Dans une série de 111 cas de CSM rapportée par Nakashima et al, 72 étaient d’origine osseuse et 13 d’entre eux étaient de localisation costale (18 %) [3]. Chong et al et Dahlin et al rapportent respectivement 22 % et 27 % de CSM costaux dans leur série de 45 et 33 CSM osseux [1]. Le CSM survient chez l’adulte jeune entre 15 et 35 ans et une légère prédominance féminine est rapportée [4]. Ceci le distingue du chondrosarcome conventionnel qui touche surtout l’homme de 50 ans. Les signes cliniques dépendent du siège de la tumeur, toutefois la douleur et la présence d’une tuméfaction sont les symptômes les plus rapportés [2]. La radiologie montre habituellement une lésion lytique mal limitée qui peut contenir des calcifications et plus rarement des foyers d’ossification [2, 3]. Elle permet d’évoquer une tumeur de nature maligne mais ne peut permettre la distinction entre le CSM, les autres tumeurs cartilagineuses et l’ostéosarcome. Macroscopiquement, le CSM se présente comme une néoformation nodulaire, parfois lobulée, circonscrite et de taille variable. Sur la tranche de section, le tissu tumoral d’aspect marbré gris-rosâtre est parsemé de foyers cartilagineux et osseux d’abondance variable [1]. Le diagnostic est histopathologique basé sur l’aspect stéréotypé et bi phasique de cette tumeur qui est de haut grade de malignité. Elle associe un contingent indifférencié fait de petites cellules mésenchymateuses immatures et un contingent cartilagineux mature ou de bas grade de malignité parfois calcifié ou ossifié. Les cellules mésenchymateuses sont agencées en plages cellulaires ou autour des vaisseaux réalisant un aspect pseudo-hémangiopéricytaire [4, 5]. L’étude immunohistochimique montre une positivité à la PS100, diffuse au niveau

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du contingent cartilagineux et focale peu détectable au niveau du contingent indifférencié qui exprime le CD99 [5]. Le CSM est en revanche stritement négatif aux anticorps anti-actine muscle lisse, cytokératine, EMA et desmine [5]. Des anomalies chromosomiques notamment une translocation intéressant les chromosomes 13 et 21 sont décrites dans les CSM. Le principal diagnostic différentiel du CSM, lorsque les deux composantes sont bien échantillonnées, est le chondrosarcome dédifférencié mais la séparation entre les deux contingents de ce dernier est nette et le contingent indifférencié variable n’est pas fait de petites cellules rondes. Le diagnostic du CSM est ainsi aisé sauf sur un prélèvement biopsique réduit où l’une des deux composantes peut faire défaut. Si seule la composante cartilagineuse est prélevée, le problème d’un chondrosarcome conventionnel peut se poser. Un échantillonnage biopsique limité à la composante tumorale indifférenciée conduit à discuter les autres entités tumorales à cellules rondes, en particulier dans le cadre d’une tumeur osseuse primitive, un sarcome d’Ewing [2, 3, 5]. Peuvent aussi être discutés un ostéosarcome à petites cellules, un lymphome et dans le cas d’une tumeur volumineuse dont le point de départ osseux ou dans les parties molles est difficile à établir, un synovialosarcome peu différencié ou un rhabdomyosarcome. Le diagnostic d’hémangiopéricytome malin peut être évoqué mais reste un diagnostic d’élimination. Le traitement est basé sur la résection chirurgicale qui doit être aussi large que possible [2, 3]. Elle conditionne le pronostic qui reste cependant mauvais marqué par un taux élevé de récidives locales et de métastases, principalement pulmonaires puis ganglionnaires [1-4]. Une radiothérapie ou une chimiothérapie peuvent être associées bien que leur efficacité ne soit pas démontrée. Le taux de survie est de 42 à 54 % à 5 ans et de 28 % à 10 ans [1]. ■ Key words: Mesenchymal chondrosarcoma, bone neoplasms, rib. Mots-clés : Chondrosarcome mésenchymateux, tumeur osseuse, côte.

Références [1]

Aok T, Watanabe M, Takagi K, Tanaka S, Aida S. Mesenchymal chondrosarcoma of the rib: Report of a case. Jpn J Surg 1996 ; 26 : 1020-3.

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[2]

[3]

Huvos AG, Rosen G, Dabska M, Marcove RC. Mesenchymal chondrosarcoma: a clinicopathologic analysis of 35 patients with emphasis on treatment. Cancer 1983 ; 51 : 1230-7. Nakashima Y, Unni KK, Shives TC, Swee RG, Dahlin DC. Mesenchymal chondrosarcoma of bone and soft tissue: a review of 111 cases. Cancer 1986 ; 57 : 2444-53.

[4]

[5]

Dorfman HD, Czerniak B. Malignant cartilage tumors. In: Dorfman HD, Czerniak B (eds). Bone Tumors. St Louis, Mosby, 1998, Inc, 353-440. Dobin SM, Donner LR, Speights VO. Mesenchymal chondrosarcoma: a cytogenetic, immunohistochemical and ultrastructural study. Cancer Genet Cytogenet 1995 ; 83 : 56-62.

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