Une tumeur médiastinale rare

Une tumeur médiastinale rare

Ann Pathol 2006 ; 26 : 43-5 Une tumeur médiastinale rare Cas pour diagnostic A rare mediastinal tumor Samia Hannachi Sassi (1), Ahlem Ammar Boukhri...

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Ann Pathol 2006 ; 26 : 43-5

Une tumeur médiastinale rare

Cas pour diagnostic

A rare mediastinal tumor Samia Hannachi Sassi (1), Ahlem Ammar Boukhris (2), Neïla Kammoun Sellami (2), Raja Haltiti (3), Habiba Horchani (4), Khaled Ben Romdhane (1) (1) Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, Institut Salah Azaiez, Bab Saadoun 1006, Tunis, Tunisie. (2) Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologiques, Hôpital Abderrahmen Mami, Ariana. (3) Service de Pneumologie, Hôpital Menzel Bourguiba, Bizerte. (4) Service de Chirurgie cardio-thoracique, Hôpital Abderrahmen Mami, Ariana.

Hannachi Sassi S, Ammar Boukhris A, Kammoun Sellami N, Haltiti R, Horchani H, Ben Romdhane K. Une tumeur médiastinale rare. An pathol 2006 ; 26 : 43-5

Observation Un homme âgé de 58 ans, sans antécédent pathologique, a été hospitalisé en juillet 1996, pour une fièvre et une toux d’installation brutale, évoluant dans un contexte d’altération de l’état général avec anorexie et amaigrissement. La radiographie du thorax de face a montré une opacité dense, homogène, para-hilaire et para-cardiaque gauche de siège médiastinal. L’examen tomodensitométrique révélait une masse tumorale de grande taille, de densité graisseuse, située au niveau du médiastin antérieur et latéralisée à gauche. Elle était bien limitée et parcourue par de fins lacis denses (figure 1). Le bilan d’extension était négatif. Une tumorectomie complète était réalisée. La tumeur pesait 1750 g et mesurait 22 × 18 cm. Elle était arrondie, bien limitée et de consistance ferme. À la coupe, elle avait un aspect jaunâtre pâle luisant. Il n’y avait pas de foyer de nécrose. L’examen histopathologique au faible grossissement montrait une prolifération tumorale de cellules adipocytaires agencées en lobules séparés par des tractus fibreux. Les cellules adipocytaires étaient de taille variable. Les noyaux étaient atypiques, pléomorphes et hyperchromatiques (figure 2). Il n’a pas été observé de lipoblaste, de mitose anormale, de nécrose tumorale et de composante dédifférenciée. Les septa fibreux contenaient des cellules atypiques. L’évolution avec un recul de 8 ans était favorable sans récidive locale ni métastase à distance.

FIG. 1. — Examen tomodensitométrique montrant une volumineuse masse graisseuse, bien limitée, localisée au niveau du médiastin antérieur et traversée par de fins lacis denses. FIG. 1. — Computed tomographic scan showing an anterior mediastinal broad mass of adipose attenuation laced throughout by strands of soft tissue attenuation.

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Accepté pour publication le 14 mars 2005 FIG. 2. — a : Prolifération de cellules adipocytaires de taille variable. b : présence de cellules atypiques au sein de septa fibreux (→). FIG. 2. — a: Proliferation of adipocytes of varying size. b: atypical cells in fibrous areas (→).

Quel est votre diagnostic ?

© Masson, Paris, 2006

Tirés à part : S. Hannachi Sassi, Villa 7, impasse 3, rue des Mères de Tunisie, les Jardins d’El Menzah, El Manar I, 2092 Tunis, Tunisie. e-mail : [email protected]

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Samia Hannachi Sassi et al.

Diagnostic : liposarcome bien différencié primitif du médiastin, de type adipocytaire (lipoma-like) de grade I selon la FNLCC Les liposarcomes (LPS) bien différenciés représentent 40-45 % de l’ensemble des liposarcomes. Le rétropéritoine et les membres sont des localisations habituelles suivies par la région paratesticulaire et le médiastin [1]. Les LPS intrathoraciques sont très rares, représentant moins de 1 % des tumeurs primitives [2]. Le LPS primitif du médiastin est exceptionnel, son incidence varie de 0,13 à 2,7 % de l’ensemble des tumeurs médiastinales [3]. Son siège est ubiquitaire [4] et fréquemment localisé au niveau du médiastin antéro-supérieur [5]. L’âge de survenue varie de 9 mois à 77 ans [4] avec un âge moyen de 45 ans, plus jeune que celui du siège rétropéritonéal (51 ans) et des membres inférieurs (53 ans) [5]. L’âge moyen du LPS médiastinal varie en fonction du type histologique comme le montre la série de Klimstra [5] : il est plus élevé dans la forme bien différenciée et plus jeune dans les autres formes indifférenciées. Le LPS du médiastin montre une discrète prédominance masculine (52 %). La symptomatologie clinique comporte une toux, une dyspnée, des douleurs thoraciques, un amaigrissement et plus rarement un syndrome cave supérieur. Il peut même être asymptomatique [4]. La taille tumorale et le poids sont souvent considérables. Une taille de 40 cm [5] et un poids de 7 000 g [4] ont été rapportés. Les LPS bien différenciés réalisent habituellement des masses lobulées et bien limitées [1]. Quelle que soit la localisation, la classification de l’OMS distingue 5 types histologiques : les LPS bien différenciés, myxoïdes, à cellules rondes, pléiomorphes et dédifférenciés. Les LPS du médiastin sont souvent bien différenciés et de faible grade de malignité [5]. Les variantes histopathologiques adipocytaire (lipoma-like) et sclérosante du LPS bien différencié sont plus fréquentes que les variantes inflammatoire et à cellules fusiformes [1]. Le liposarcome bien différencié de type adipocytaire est encore appelé lipome atypi-

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que lorsqu’il se trouve en situation sous cutané [1]. Le diagnostic différentiel se pose essentiellement avec les autres tumeurs adipeuses du thymus et du médiastin antérieur [5]. Le lipome médiastinal se pose comme diagnostic différentiel avec le LPS bien différencié de type adipocytaire. Mais, le lipome médiastinal est en général de petite taille et ne comporte pas d’atypie cyto-nucléaire. Toutefois, le diagnostic de lipome médiastinal doit être fait avec prudence même en présence de peu d’atypies car toute tumeur profonde, médiastinale ou rétropéritonéale, est souvent considérée comme maligne et suscite la recherche minutieuse de lipoblastes. Le thymo-lipome, tumeur thymique bénigne, est cliniquement caractérisé par une myasthénie n’existant pas dans le LPS et histologiquement par la coexistence de tissu adipeux mature et de tissu thymique. L’absence d’atypie permet d’écarter le diagnostic de thymo-liposarcome [5]. Le traitement est chirurgical. L’exérèse doit être la plus complète possible. La radiothérapie est indiquée dans les récidives locales et les tumeurs inopérables ou dont l’exérèse est incomplète [4]. Les récidives locales et le décès caractérisent le profil évolutif des LPS du médiastin. La survie à 5 ans est de 24 %. Soixante quatre pour cent de cas de décès ont été rapportés dans une série de 39 cas [3]. Les métastases sont inhabituelles et siègent au niveau du poumon, cerveau, os et foie [5]. Le pronostic dépend du type histologique et de la qualité de l’exérèse chirurgicale. Toutes les variantes histopathologiques du LPS bien différencié ont un potentiel de récidive locale et ne donnent jamais de métastases à distance sauf en présence de composante dédifférenciée [1]. La survie des patients atteints de formes différenciées est de 3 à 17 ans alors que dans les formes indifférenciées, elle ne dépasse pas 2 ans. Dans les LPS bien différenciés, la présence d’une composante dédifférenciée grève le pronostic justifiant un bon échantillonnage de la masse tumorale. Dans notre observation, le patient est encore en vie sans récidive locale ni métastase à distance après un recul de 8 ans. En conclusion, les LPS du médiastin sont très rares. Leur pronostic dépend étroitement du type histopathologique et de la qualité de l’exérèse chirurgicale. ■ Key words: liposarcoma, mediastinum. Mots-clés : liposarcome, médiastin.

Une tumeur médiastinale rare

Références [1]

[2]

Fletcher C, Leader M. Controversial topics in soft tissue pathology. Histopathology 2002 ; 41 (suppl 2) : 227-48. Hofman V, Venissac N, Mouroux J, Dugue P, Hofman P. Liposarcome de la plèvre : une tumeur exceptionnelle. Étude de deux observations. Ann Pathol 2003 ; 23 : 332-5.

[3]

[4]

[5]

Mikkilineni RS, Bhat S, Cheng AW, Prevosti LG. Liposarcoma of the posterior mediastinum in a child. Chest 1994 ; 106 : 1288-9. Grewal RG, Prager K, Austin JHM, Rotterdam H. Long term survival in non-encapsulated primary liposarcoma of the mediastinum. Thorax 1993 ; 48 : 1276-7. Klimstra DS, Moran CA, Perino G, Koss MN, Rosai J. Liposarcoma of the anterior mediastinum and thymus. Am J Surg Pathol 1995 ; 19 : 782-91.

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