Le phéochromocytome composite : une tumeur rare de la surrénale

Le phéochromocytome composite : une tumeur rare de la surrénale

Annales de pathologie (2017) 37, 158—161 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com CAS ANATOMOCLINIQUE Le phéochromocytome compo...

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Annales de pathologie (2017) 37, 158—161

Disponible en ligne sur

ScienceDirect www.sciencedirect.com

CAS ANATOMOCLINIQUE

Le phéochromocytome composite : une tumeur rare de la surrénale Composite pheochromocytoma: A rare adrenal tumor Gwladys Robinet a,∗, Nathalie Rioux-Leclercq a, Andréa Manunta b, Romain Mathieu b, Frédérique Tissier c, Benoit Peyronnet b, Solène-Florence Kammerer-Jacquet a a

Service d’anatomie et cytologie pathologiques, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France b Service d’urologie, CHU Pontchaillou, 2, rue Henri-le-Guilloux, 35033 Rennes cedex 9, France c Service d’anatomie et cytologie pathologiques, hôpital universitaire de La-Pitié-Salpêtrière, 47—83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France Accepté pour publication le 4 octobre 2016

MOTS CLÉS Phéochromocytome composite ; Ganglioneurome ; Neurofibromatose type 1 ; Surrénale



Résumé Introduction. — Le phéochromocytome composite est une tumeur médullosurrénalienne rare associant un phéochromocytome et une tumeur neuroblastique. Nous présentons le cas d’un phéochromocytome composite découvert chez un patient atteint d’une neurofibromatose de type 1. Observation. — Il s’agissait d’un patient de 61 ans présentant des épisodes de sueurs associés à des palpitations et une hypertension artérielle modérée. Biologiquement, le dosage des dérivés méthoxylés urinaires était élevé. L’imagerie montrait une tumeur intra-surrénalienne hétérogène. À l’examen histologique, la tumeur était composée d’un phéochromocytome et d’un ganglioneurome, faisant porter le diagnostic de phéochromocytome composite. Il s’agit d’une tumeur fréquemment associée à la neurofibromatose de type 1, la mutation germinale du gène NF1 pouvant être impliquée dans sa physiopathologie. Conclusion. — Le phéochromocytome composite est une tumeur rare dont la composante phéochromocytome est suspectée cliniquement mais dont le diagnostic est anatomopathologique. Le pronostic reste mal connu du fait de la rareté de ces tumeurs. © 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Robinet).

http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2016.10.001 0242-6498/© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits r´ eserv´ es.

Le phéochromocytome composite : une tumeur rare de la surrénale

KEYWORDS Composite pheochromocytome; Ganglioneuroma; Neurofibromatosis type 1; Adrenal gland

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Summary Introduction. — Composite pheochromocytoma is a rare tumor of the adrenal medulla composed of pheochromocytoma and neuroblastic tumor. We report the case of a composite pheochromocytoma detected in a patient with neurofibromatosis type 1. Case report. — A 61-year-old male patient presented occasional sweats with palpitation and moderate high blood pressure. Urinary catecholamine level was increased. CT scan showed a heterogeneous tumor limited to the adrenal gland. Histologically, the tumor showed two components: pheochromocytoma and ganglioneuroma and was diagnosed as a composite pheochromocytoma. This tumor is particularly associated with neurofibromatosis type 1, the NF1 germline gene mutation may be involved in its physiopathology. Conclusion. — Composite pheochromocytoma is a rare tumor whose pheochromocytoma component is suspected clinically but the final diagnosis is assessed by pathological examination. Prognosis is still difficult to establish due to the rarity of these tumors. © 2016 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Introduction Le phéochromocytome composite est une entité rare, associant un phéochromocytome et une composante neuroblastique, le plus souvent de type ganglioneurome. Le phéochromocytome est issu des cellules chromaffines de la médullosurrénale et le ganglioneurome est une tumeur du système nerveux sympathique [1]. D’origine embryologique commune, les cellules chromaffines et les cellules ganglionnaires dérivent des crêtes neurales et migrent vers les aires somatiques [2]. Nous présentons le cas d’un phéochromocytome composite découvert chez un patient de 61 ans atteint d’une neurofibromatose de type 1 (NF1).

éosinophile. On retrouvait, dans certains secteurs avec hypercellularité, un pléomorphisme nucléaire. Il n’était pas observé de mitose ou de nécrose. Le score de Pheochromocytoma of the Adrenal Gland Scaled Score (PASS) était estimé à 5/20 [3]. La deuxième composante associait des cellules de type ganglionnaire mature à une prolifération de cellules de Schwann. L’examen immunohistochimique retrouvait une expression de la protéine S100 au niveau des cellules sus-tentaculaires et des cellules de Schwann (Fig. 3). Les cellules chromaffines exprimaient la chromogranine. L’index de prolifération Ki67 était de moins de 1 %. Le diagnostic de phéochromocytome composite, associant phéochromocytome et ganglioneurome, était alors retenu.

Observation

Discussion

Un patient de 61 ans ayant pour antécédent une NF1 présentait un neurofibrome de la fesse. Lors du bilan préopératoire, la présence d’une hypertension artérielle modérée associée à des épisodes de sueurs abondantes à l’effort et des palpitations faisait suspecter un phéochromocytome. Le dosage des dérivés méthoxylés urinaires était élevé : normétanéphrine à 5,06 umol/24 h (normale < 2,5) et métanéphrine à 2,59 umol/24 h (normale < 1,5). Le scanner abdomino-pelvien alors réalisé montrait la présence d’une lésion de la surrénale droite de 20 × 17 mm spontanément hétérogène, rehaussée de fac ¸on hétérogène et non spécifique, compatible avec un phéochromocytome (Fig. 1). Le bilan d’extension était négatif. Une surrénalectomie droite était effectuée à visée diagnostique et thérapeutique. Les suites opératoires étaient simples. L’examen macroscopique portait sur une pièce de surrénalectomie droite comportant au niveau de la médullaire une lésion de 18 × 8 mm d’architecture multi-nodulaire, de couleur jaunâtre avec des territoires blanchâtres (Fig. 2). L’examen histologique montrait une prolifération tumorale intra-surrénalienne, sans extension extrasurrénalienne, avec une double composante (Fig. 3). La première composante, d’architecture diffuse, était constituée de cellules chromaffines comportant un abondant cytoplasme

Les phéochromocytomes composites sont des tumeurs rares de la médullosurrénale qui représentent moins de 3 % des phéochromocytomes surrénaliens [2]. Ces tumeurs associent un phéochromocytome et une tumeur neuroblastique, issus des cellules chromaffines et des cellules ganglionnaires qui ont une origine embryologique commune [2]. La composante neuroblastique peut être un ganglioneurome, un ganglioneuroblastome, un neuroblastome ou un schwannome [1]. Il convient de noter que de rares cellules nerveuses peuvent être observées dans un phéochromocytome classique et que c’est l’association avec un contingent schwannien qui fait le diagnostic du phéochromocytome composite. Le phéochromocytome composite peut être également associé à un adénome cortical ou à un carcinome neuroendocrine [4]. Les phéochromocytomes composites surviennent à égale fréquence chez l’homme et la femme avec un âge de survenue entre 40 et 60 ans [1]. Dans 20 à 30 % des cas, le phéochromocytome composite est associé à une NF1, elle-même étant plus fréquemment associée au phéochromocytome composite [5,6]. Moins de 15 cas de phéochromocytome composite avec une composante de ganglioneurome ont été décrits chez des patients atteints de NF1 [7]. Sur le plan clinique, les patients atteints de phéochromocytome composite présentent des symptômes

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Figure 1. TDM abdomino-pelvien : masse surrénalienne droite de 20 mm. Abdominal and pelvic CT scan: right adrenal mass of 20 mm

essentiellement en lien avec l’hypersécrétion hormonale de la composante phéochromocytome associant sueurs, céphalées et palpitations ; réalisant la triade de Ménard (présente dans 50 %) [2]. Notre patient présentait des palpitations et des épisodes de sueurs associés à une hypertension artérielle modérée. La composante ganglioneurome est la plupart du temps asymptomatique. Rarement, elle peut aussi sécréter des catécholamines et du vaso-actif intestinal peptide, responsables de diarrhée et d’hypertension artérielle [8]. À l’imagerie, il est difficile de distinguer le phéochromocytome composite du phéochromocytome classique [9]. Histologiquement, le phéochromocytome est habituellement le principal constituant de la tumeur et est facile à distinguer de la composante ganglioneurome [10]. Chaque composante du phéochromocytome composite a le même profil immunohistochimique que la tumeur classique du même type [2]. L’index de prolifération Ki67 évalué sur la composante phéochromocytome était de 1 %, un pourcentage supérieur à 5 % étant un marqueur d’agressivité [11]. Le score de PASS

G. Robinet et al.

Figure 2. Aspect macroscopique : pièce de surrénalectomie droite comportant au niveau de la médullaire une lésion de 18 × 8 mm d’architecture multi-nodulaire, de couleur jaunâtre et blanchâtre. Gross aspect: right adrenal surgical specimen showing yellowish and whitish multi-nodular tumor of the medulla of 18 × 8 mm.

était de 5/20, classant la composante phéochromocytome en tumeur de potentiel de malignité incertain [3]. Dans le cas des phéochromocytomes composites, le pronostic repose sur la composante la plus agressive [2]. Chez notre patient, il s’agissait de la composante phéochromocytome. La NF1 est une pathologie génétique à transmission autosomique dominante. La mutation constitutionnelle inhibe un allèle du gène suppresseur de tumeur NF1 [5]. La neurofibromine, protéine codée par le gène NF1, inhibe l’oncogène RAS sur la voie des MAP kinases par son activité GTPase Activating Protein (GAP) [12]. La survenue d’une altération de novo du deuxième allèle du gène NF1 entraîne une perte d’expression de la neurofibromine [5]. Dans les phéochromocytomes composites, l’étude de Kimura et al. retrouvait cette perte d’expression de la neurofibromine en immunohistochimie au niveau des cellules sus-tentaculaires et des cellules de Schwann, favorisant ainsi leur prolifération et le développement du phéochromocytome composite [5].

Figure 3. a : aspect histologique : double composante du phéochromocytome composite : phéochromocytome ( ) et ganglioneurome ( ) (HES × 200) ; b : étude immunohistochimique : expression de la protéine S100 par les cellules sustentaculaires et les cellules de Schwann et absence de marquage des cellules ganglionnaires et des cellules chromaffines ( × 200). a: histologic findings: composite pheochromocytoma with double component: pheochromocytoma ( ) and ganglioneuroma ( ) (HES × 200); b: immunohistochemistry: S100 protein positivity in sustentacular cells and Schwann cells and negativity in ganglion cells and chromaffin cells ( × 200).

Le phéochromocytome composite : une tumeur rare de la surrénale

Conclusion En résumé, les phéochromocytomes composites sont des tumeurs rares dont le diagnostic reste anatomopathologique puisque les données cliniques et radiologiques ne permettent pas de les différencier d’un phéochromocytome classique. Souvent associés à la NF1, la mutation du gène codant pour la neurofibromine est impliquée dans son oncogenèse. Du fait de sa rareté, et plus particulièrement chez les patients atteints de NF1, son pronostic est mal connu.

Déclaration de liens d’intérêts

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[7]

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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. [9]

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