Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 28 (2009) 962–975
Revue ge´ne´rale
Utilisation des me´dicaments prokine´tiques en re´animation : indications et limites ? Promotility drugs use in critical care: Indications and limits? N. Libert a,*, S. De Rudnicki a, A. Cirodde a, F. Janvier b, T. Leclerc a, M. Borne a, L. Brinquin a a
De´partement d’anesthe´sie re´animation, hoˆpital d’instruction des arme´es du Val-de-Graˆce,74, boulevard de Port-Royal, 750005 Paris, France b De´partement de biologie me´dicale, hoˆpital d’instruction des arme´es du Val-de-Graˆce, 74, boulevard de Port-Royal, 750005 Paris, France Rec¸u le 14 janvier 2009 ; accepte´ le 20 aouˆt 2009 Disponible sur Internet le 11 novembre 2009
Re´sume´ En re´animation, la nutrition ente´rale est fre´quemment perturbe´e par les troubles moteurs gastro-intestinaux, en particulier dans les e´tats de choc. L’utilisation de prokine´tiques est la parade la plus fre´quemment utilise´e. Plusieurs me´dicaments sont disponibles avec des efficacite´s et des effets secondaires tre`s variables. Apre`s un rappel des me´canismes physiopathologiques de la motilite´ intestinale, cette revue pre´sente les diffe´rents agents prokine´tiques a` la disposition des re´animateurs, les donne´es existantes sur leur utilisation en pratique clinique et enfin les principales limites a` leur emploi. Les donne´es actuelles sont ne´anmoins peu nombreuses. L’impact sur la morbidite´ et la mortalite´ n’est toujours pas de´montre´. Le me´toclopramide et l’e´rythromycine sont les plus efficaces. Compte tenu des risques de se´lection bacte´rienne, il est plus prudent d’utiliser du me´toclopramide en premie`re intention en associant en cas d’inefficacite´ de l’e´rythromycine. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. Mots cle´s : Motilite´ gastro-intestinale ; Re´animation ; Prokine´tiques ; Nutrition ente´rale ; E´rythromycine ; Me´toclopramide ; Ne´ostigmine ; Naloxone
Abstract Enteral feeding is often limited by gastric and intestinal motility disturbances in critically ill patients, particularly in patients with shock. So, promotility agents are frequently used to improve tolerance to enteral nutrition. This review summaries the pathophysiology, presents the available pharmacological strategies, the clinical data, the counter-indications and the principal limits. The clinical data are poor. No study demonstrates a positive effect on clinical outcomes. Metoclopramide and erythromycin seems to be the more effective. Considering the risk of antibiotic resistance, the first line use of erythromycin should be avoided in favor of metoclopramide. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Keywords: Gastrointestinal motility; Critical care; Prokinetics; Enteral nutrition; Erythromycin; Metoclopramide; Neostigmine; Naloxone
1. Introduction Les patients de re´animation ne´cessitent des apports nutritionnels importants et adapte´s a` leur pathologie. La nutrition ente´rale (NE) est actuellement privile´gie´e [1]. Elle stimule la motilite´ intestinale, re´duit l’atrophie villositaire, pre´vient la translocation bacte´rienne et participe au maintien
* Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (N. Libert).
des capacite´s immunitaires. Cela se traduit par une re´duction des risques d’infection et une re´duction des dure´es de se´jour. Une NE adapte´e re´duit e´galement les risques de laˆchage de suture en chirurgie digestive. La moitie´ des patients de re´animation pre´sentent une intole´rance a` la NE. En particulier, ceux en e´tat de choc et/ou ventile´s. Ces perturbations sont associe´es a` une mortalite´ et une morbidite´ accrue. Ces dernie`res anne´es, de nombreuses e´tudes ont cherche´ a` ame´liorer la tole´rance de la NE. L’utilisation de prokine´tiques est la parade la plus fre´quemment utilise´e. Plusieurs me´dicaments sont disponibles avec des efficacite´s et des effets secondaires tre`s
0750-7658/$ – see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits re´serve´s. doi:10.1016/j.annfar.2009.08.008
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variables. Apre`s un rappel des me´canismes physiopathologiques de la motilite´ intestinale, cette revue va pre´senter les diffe´rents agents prokine´tiques a` la disposition des re´animateurs, les donne´es existantes sur leur utilisation en pratique clinique et les principales limites a` leur emploi. 2. Rappel physiopathologique 2.1. Physiologie et re´gulation de la motilite´ intestinale 2.1.1. Motilite´ gastro-intestinale La motilite´ gastro-intestinale repose sur la contraction des muscles lisses de la paroi du tube digestif. Chez le sujet sain, le relaˆchement des sphincters supe´rieur et infe´rieur de l’œsophage ainsi que les mouvements pe´ristaltiques sont responsables du transfert du bol alimentaire dans l’estomac proximal. Le fundus joue le roˆle de re´servoir, sa contraction entraıˆne le transfert du contenu gastrique vers la re´gion antrale. C’est dans cette zone que les aliments sont fragmente´s. Le pylore permet le passage des aliments « lique´fie´s » dans le duode´num. Le contenu luminal est ensuite propulse´ et brasse´ a` l’inte´rieur du greˆle [2,3]. Le profil moteur gastro-intestinal reveˆt deux aspects distincts : le profil interdigestif et le profil postprandial. Au cours du jeuˆne, le profil interdigestif de l’estomac et du greˆle a une organisation cyclique ou` l’on distingue trois e´tapes [2–4]. La phase I est une phase de repos moteur sans aucune activite´ constrictive, elle dure 45 minutes a` une heure. La phase II dure 30 a` 45 minutes, elle correspond a` une phase d’activite´ motrice irre´gulie`re non propage´e. La dernie`re phase, plus courte (cinq a` 15 minutes), comprend des contractions plus intenses et re´gulie`res. Ces contractions se propagent de manie`re pe´ristaltique jusqu’a` l’ile´on terminal. Cette phase III est suivie d’une pe´riode de repos moteur (phase I). Ces trois pe´riodes forment le complexe moteur migrant (CMM). Son roˆle est extreˆmement important dans l’e´limination des re´sidus alimentaires et le controˆle de la prolife´ration bacte´rienne [5]. La prise alimentaire supprime la motricite´ interdigestive. Les CMMs laissent place a` une activite´ contractile soutenue entrecoupe´e de courtes pe´riodes de repos moteur. L’activite´ contractile se propage sur une distance plus courte. Elle comprend des contractions segmentaires, des mouvements pendulaires et une propulsion pe´ristaltique du contenu digestif. Les mouvements lents et limite´s favorisent les processus d’absorption. L’arrive´e du chyme dans l’ile´on engendre un freinage de l’activite´ motrice gastro-intestinale. L’ensemble de ces me´canismes (contractions gastriques, vidange de l’estomac et cine´tique des mouvements du greˆle) est finement re´gule´ par des me´canismes neurologiques et hormonaux. L’activite´ contractile de´pend e´galement du contenu alimentaire (charge calorique, teneur lipidique, osmolarite´, acidite´) qui module en particulier la dure´e de la pe´riode postprandiale [6]. De nombreux facteurs, a priori inde´pendants, peuvent e´galement influencer la re´ponse motrice comme l’aˆge ou le rythme nycthe´me´ral. 2.1.2. Controˆle neuronal de la motilite´ La motricite´ interdigestive est essentiellement sous le controˆle du syste`me nerveux intrinse`que. Le muscle lisse de
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la paroi digestive pre´sente une variabilite´ spontane´e du potentiel de membrane et appele´ rythme e´lectrique de base (REB). Cette rythmicite´ est de´clenche´e par les cellules interstitielles de Cajal (ICC) qui pre´sentent e´galement des variations rythmiques de leur potentiel membranaire [7]. Elles forment des re´seaux e´lectriquement couple´s, assurant l’organisation spatio-temporelle des ondes lentes de de´polarisation de la musculature lisse digestive (roˆle de pacemaker de l’activite´ contractile). Les ICC sont aussi implique´es dans la transmission de l’influx nerveux au muscle lisse et ont un roˆle de me´canosenseur. Le REB ne permet habituellement pas de de´clencher des contractions, mais quand des potentiels de pointes s’additionnent a` la de´polarisation sous l’influence d’un neurotransmetteur, cela entraıˆne une contraction musculaire. Par exemple, l’ace´tylcholine (Ach) augmente le nombre de potentiels de pointe et donc la tension du muscle lisse alors que l’adre´naline diminue le nombre de potentiels de pointe et donc la tension du muscle lisse. Les cellules de Cajal vont eˆtre le relais des syste`mes nerveux intrinse`que (compose´ des plexus myente´rique et sous-muqueux) et extrinse`que. Le plexus myente´rique (plexus d’Auerbach) qui innerve les couches musculaires longitudinales et circulaires est responsable du controˆle moteur. Le plexus sous-muqueux (plexus de Meissner) est responsable du controˆle des se´cre´tions et du de´bit sanguin local. En plus du syste`me nerveux ente´rique (SNE), la motilite´ digestive est e´galement controˆle´e par les syste`mes nerveux sympathique et parasympathique qui forment le syste`me nerveux extrinse`que. Ce dernier, en particulier sa composante vagale, joue un roˆle essentiel dans la re´gulation. Il permet la transmission d’influx sensitifs cre´e´s par la prise alimentaire ainsi que la transmission d’influx moteur. L’activite´ parasympathique cholinergique stimule les muscles lisses alors que l’activite´ sympathique noradre´nergique l’inhibe. De nombreux re´cepteurs informent le syste`me nerveux central sur le contenu luminal, la distension des segments digestifs ou sur la libe´ration locale de me´diateurs (neuropeptides et hormones). Plusieurs neurome´diateurs sont implique´s par les neurones excitateurs et inhibiteurs du SNE. Les plus connus sont : l’Ach, la noradre´naline, la dopamine, la se´rotonine, l’acide g-amino butyrique, la purine ATP, la substance P, le NO, le CO et d’autres peptides comme le peptide intestinal vaso-actif. Certains agissent de fac¸on paracrine, d’autres plus a` distance apre`s transport dans la circulation et deviennent donc des hormones. La dopamine via ses re´cepteurs situe´s sur la paroi de l’estomac et du greˆle inhibe fortement la motilite´ digestive et la coordination antroduode´nale [8]. Elle re´duit la tonicite´ du sphincter infe´rieur de l’œsophage (SIO) et la tonicite´ des contractions gastriques. Ses effets sont surtout dus a` l’activation des re´cepteurs a` la dopamine de type D2 [9] qui re´duit la libe´ration d’Ach des neurones du SNE. Les antagonistes du re´cepteur D2 tendent a` annuler cet effet. Contrairement aux agents cholinergiques, ils n’agissent pas en permanence sur les re´cepteurs muscariniques, mais le`vent le frein dopaminergique. Cela permet l’ame´lioration de la coordination antroduode´nale [2]. La se´rotonine ou 5-hydroxytryptamine est un neurome´diateur dont le me´tabolisme et les effets sont module´s par
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plusieurs me´dicaments [10]. Elle est tre`s fortement pre´sente au niveau du tube digestif, stocke´e dans les cellules ente´rochromaffines [11]. La pre´sence de chyme stimule le relargage de se´rotonine par les granules denses soit dans la lumie`re digestive soit dans la lamina propria [12–14]. Chez l’homme, elle augmente la motilite´ du duode´num et de l’intestin greˆle via la stimulation des re´cepteurs 5-HT4 et 5-HT3 (Fig. 1). La stimulation des re´cepteurs 5-HT4 augmente le re´flexe pe´ristaltique du plexus myente´rique (ils stimulent le pe´ristaltisme œsophagien, la vidange gastrique et le transit du greˆle). Les agonistes 5-HT3 stimulent chez l’homme le CMM, les contractions antrales et les affe´rences vagales (effet e´me´tisant et inducteur de nause´es) [15]. Les antagonistes 5HT3 bloquent la phase 3 des CMM. Chez l’homme, ces re´cepteurs pourraient e´galement participer a` la re´gulation de la se´cre´tion de motiline [15] (Fig. 1). 2.1.3. Controˆle hormonal de la motilite´ Les hormones les plus connues re´gulant les CMMs sont la motiline, la chole´cystokinine (CCK), la gastrine, l’insuline, polypeptide pancre´atique, le peptide gastrique inhibiteur ou encore la somatostatine qui de´clenche la phase III du CMM dans le duode´num [18]. Les hormones ont un roˆle tre`s important dans la re´gulation de la motricite´ postprandiale qui est complexe et ne´cessite une inte´grite´ entre le tube digestif et le syste`me nerveux extrinse`que. Cependant, si l’effet isole´ de ces hormones est connu, leur libe´ration e´tant simultane´e pour la plupart, les effets
re´gulateurs re´sultant de leurs interactions sont relativement peu connus. Les effets moteurs analogues de certains me´dicaments expliquent leur utilisation the´rapeutique. Par exemple, l’e´rythromycine est un agoniste des re´cepteurs a` la motiline, hormone polypeptidique compose´e de 22 acides amine´s [16]. La motiline est se´cre´te´e de manie`re cyclique (pendant les phases interdigestives) par les cellules ente´rochromaffines de l’e´pithe´lium intestinal [17]. Elle augmente la motilite´ gastro-intestinale en stimulant les contractions interdigestives antrales et duode´nales (initiation de la phase III des CMM a` point de de´part antral) [18,19]. Elle stimule e´galement la production de divers enzymes au niveau de l’estomac et du pancre´as, dont la pepsine [20,21]. L’action de la motiline sur le muscle lisse est directe et calcium de´pendante [17]. Il existe un gradient de concentration de ces re´cepteurs de l’estomac (forte concentration) au coˆlon (faible concentration) [17,22]. La motiline est e´galement se´cre´te´e au niveau ce´re´bral ou` ses re´cepteurs ont e´galement e´te´ retrouve´s [23] et peut avoir des effets digestifs via son action sur le syste`me nerveux central [24–26]. Le controˆle de sa se´cre´tion est relativement mal connu. Certaines e´tudes sugge`rent qu’un pH alcalin dans le duode´num stimulerait sa se´cre´tion. De plus, a` un pH gastrique bas elle inhibe l’activite´ motrice, tandis qu’a` un pH e´leve´, elle a un effet stimulant [17,27]. L’impact du pH sur le relargage de motiline a e´te´ mode´re´ par des e´tudes animales et humaines qui n’ont pas montre´ de modification significative des concentrations de motiline [17,28]. La pre´sence de nutriments dans le duode´num de´prime la se´cre´tion de motiline [17].
Fig. 1. Principaux effets de la se´rotonine sur les re´cepteurs se´rotoninergiques cibles au niveau du syste`me nerveux ente´rique. 5-HT : se´rotonine ; TSER : transporteurs de se´rotonine ; 5-HTp1, 5-HT3 et 5-HT4 : re´cepteurs se´rotoninergiques ; SP : substance P ; Ach : ace´tylcholine ; CGRP : calcitonine gene-related peptide ; NO : monoxyde d’azote ; VIP : peptide intestinal vasoactif. La libe´ration de se´rotonine par les cellules ente´rochromaffines sous l’effet de divers stimulus active le neurone primaire intrinse`que affe´rent (action paracrine) via les re´cepteurs 5-HT1p. L’activation des re´cepteurs 5-HT4 facilite la neurotransmission vers le plexus myente´rique en augmentant la libe´ration d’Ach et du peptide relie´ au ge`ne de la calcitonine. L’activation de ce dernier entraıˆne simultane´ment : au niveau proximal : une libe´ration de substance P et d’Ach (excitateurs), avec relaxation des muscles circulaires et contractions des muscles longitudinaux en aval du point de stimulation ; au niveau distal : une libe´ration de VIP et de NO (inhibiteurs), avec relaxation des muscles lisses circulaires en direction orale au-dessus du point de stimulation. La se´rotonine active e´galement la voie dorso-vagale via les re´cepteurs 5-HT3. L’action de la se´rotonine est arreˆte´e par son captage au niveau des ente´rocytes via les transporteurs de se´rotonine. La se´rotonine est de´grade´e dans les ente´rocytes par la mono-amine-oxydase.
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2.2. Troubles de la motilite´ gastro-intestinale en re´animation Il est e´tabli depuis de nombreuses anne´es que les patients de re´animation pre´sentent fre´quemment une anomalie de la motilite´ gastro-intestinale [29–31]. L’incidence varie selon le type de patient (en particulier pathologie me´dicale ou chirurgie digestive) et selon les crite`res diagnostiques utilise´s. La tole´rance a` la NE est particulie`rement alte´re´e chez les patients en choc septique [32], les traumatise´s craˆniens pre´sentant une hypertension intracraˆnienne [32–34] et chez les grands bruˆle´s [32]. L’incidence dans ces groupes de patients est fre´quemment supe´rieure a` 60 %. Une se´rie franc¸aise de re´animation polyvalente, refle´tant une population plus diversifie´e, rapporte une intole´rance de la voie digestive supe´rieure dans 46 % des cas ainsi que des troubles de la motilite´ gastro-intestinale dans 32 % des cas [31]. Certains facteurs de risque sont relativement bien connus comme : un score de gravite´ e´leve´, un remplissage vasculaire tre`s abondant, les opiace´s, les cate´cholamines, les anticholinergiques, les agonistes a2-adre´nergiques et les anticalciques [32,2,3]. D’autres comme le parace´tamol, l’hyperglyce´mie ou certains troubles ioniques (en particulier les dyskalie´mies et les dysmagne´se´mies) le sont moins [2,3]. Des pathologies sous-jacentes peuvent e´galement perturber le transit digestif et la vidange gastrique (par exemple la gastropathie diabe´tique). Ces troubles peuvent eˆtre responsables de nause´es ou de vomissements. Ils pourraient ainsi favoriser les pneumopathies acquises sous ventilation me´canique et les translocations bacte´riennes [30,31]. Ils sont surtout a` l’origine d’un apport calorique insuffisant qui peut eˆtre tre`s important pour l’e´volution de certaines pathologies (trophicite´ musculaire, cicatrisation, escarres. . .). Ce sujet a fait l’objet d’une mise au point re´cemment en langue franc¸aise [2]. Un rappel sur les principales perturbations permet de mieux comprendre l’inte´reˆt des diffe´rentes me´dicaments disponibles en pratique clinique. Chez le patient en e´tat critique, une perturbation de la motilite´ peut eˆtre observe´e a` tous les niveaux : œsophage, estomac, greˆle et coˆlon. Ces organes peuvent eˆtre perturbe´s isole´ment ou de manie`re plus globale. Au niveau œsophagien, la fre´quence et l’amplitude des contractions musculaires sont diminue´es [35]. La tonicite´ du SIO est e´galement affaiblie, favorisant le reflux gastrique [35]. Chez le patient stable se´date´, il est souvent observe´ une hypomotilite´ antrale associe´e a` une disparition totale du CMM au niveau gastrique [36]. Le CMM est alors amorce´ dans le duode´num [37]. Cette diminution de motilite´ est responsable d’une stase de l’alimentation ente´rale [38]. Les contractions fundiques sont e´galement de´pre´cie´es. Mais au-dela` de la perturbation motrice proximale et distale de l’estomac, c’est toute la coordination re´gionale (antre, fundus, pylore et duode´num) qui est perturbe´e [39]. La pre´sence de nutriments dans le duode´num de´prime l’activite´ antrale et augmente l’intensite´ et la fre´quence des contractions pyloriques qui ne sont pas propage´es [40]. L’admission de nourriture entraıˆne e´galement un relargage exage´re´ de peptides neuroendocrines (CCK, se´rotonine, peptide YY) responsable d’un feedback ne´gatif inhibant la vidange gastrique [41–43]. Chez le
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patient sous se´dation, d’autant plus dans le cas d’une alimentation continue digestive, on observe e´galement une incapacite´ a` passer d’un profil interdigestif a` un profil moteur postprandial [3]. En pratique, l’alte´ration de la vidange gastrique est un proble`me quotidien touchant de nombreux patients [31,32]. L’intole´rance gastrique est la cause la plus fre´quente d’e´chec de l’alimentation ente´rale [44,45]. Plusieurs re´ponses the´rapeutiques peuvent eˆtre apporte´es. L’optimisation du milieu inte´rieur et l’utilisation raisonne´e des me´dicaments implique´s ne sont souvent pas suffisants. L’administration postpylorique de l’alimentation n’e´tant pas toujours simple, l’utilisation de prokine´tiques est donc souvent propose´e. 3. Agents prokine´tiques : me´canismes d’action, effets secondaires et risques particuliers en re´animation Les prokine´tiques peuvent eˆtre classe´s selon leur organe cible (estomac, greˆle, coˆlon) ou selon leur classe the´rapeutique. En pratique clinique, les troubles de la vidange gastrique sont e´value´s par la surveillance du volume des re´sidus gastriques (VRG). Cela fait partie des parame`tres mesure´s re´gulie`rement par les e´quipes parame´dicales. Une e´tude re´cente sur les pratiques nutritionnelles et le traitement des troubles de la motilite´ dans les re´animations allemandes rapporte une forte utilisation de prokine´tiques (40 % des patients de re´animation) [46]. Le placement endoscopique des tubes nasoje´junaux, principale alternative au traitement me´dicamenteux, est complique´ en pratique courante (le tube revient fre´quemment dans l’estomac). Cela ne´cessite souvent plusieurs tentatives et un placement endoscopique [47]. De plus, l’alimentation par tube transpylorique ne re´duit pas le taux d’inhalation de liquide gastrique [48,49]. Un reflux de nourriture dans l’estomac est fre´quent dans ce type d’alimentation [50]. Les donne´es cliniques sur les patients de re´animation concernant les agents actuellement disponibles sont pauvres et concernent surtout l’e´rythromycine et le me´toclopramide. Les crite`res d’inclusion et de non-inclusion sont extreˆmement variables et ne pourront eˆtre comple`tement cite´s faute de place. Les crite`res d’e´valuation varient e´galement d’une e´tude a` l’autre avec souvent peu de pertinence clinique. L’interpre´tation en est donc tre`s de´licate. Nous ne citerons pas les e´tudes sur le cisapride du fait de son indisponibilite´. L’e´rythromycine est tre`s fre´quemment utilise´e en France. L’usage de cet antibiotique est re´gulie`rement sujet a` pole´miques bien qu’il soit le prokine´tique le plus e´tudie´. 3.1. Agents cholinergiques La ne´ostigmine est le seul agent cholinergique a` avoir e´te´ teste´e chez les patients critiques. Elle agit sur la motilite´ digestive en inhibant l’ace´tylcholineste´rase au niveau du SNE. Elle a des effets oppose´s aux cate´cholamines et aux opioı¨des qui inhibent le relargage d’Ach au niveau des neurones ente´riques [51–53]. La ne´ostigmine augmente l’incidence et l’amplitude des contractions du muscle lisse via les re´cepteurs muscariniques M2. Seules les concentrations faibles (< 0,1 mmol/l, voire 0,03 mmol/l) ont un effet prokine´tique
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[54,55]. Les concentrations plus e´leve´es entraıˆnent des spasmes et bloquent le pe´ristaltisme. La ne´ostigmine n’ame´liore pas la coordination antroduode´nale. Elle augmente les se´cre´tions gastriques et digestives. La seule e´tude disponible sur la vidange gastrique des patients critiques ne peut conclure a` un effet be´ne´fique par manque de puissance statistique du fait d’un faible effectif (11 patients) [56]. La posologie utilise´e dans cette e´tude e´tait de´bute´e a` 0,4 mg/h et pouvait eˆtre augmente´e a` 0,8 mg/h si ne´cessaire. La principale indication de la ne´ostigmine est le syndrome de pseudo-obstruction colique [57,58]. La ne´ostigmine administre´e en perfusion continue sur 24 heures est tre`s bien tole´re´e contrairement a` l’administration en bolus [57]. La ce´rule´ine, peptide CCK like, qui agit sur les re´cepteurs a` CCK pourrait eˆtre une mole´cule inte´ressante [54]. Elle augmente le relargage d’Ach et de substance P des neurones ente´riques [59,60]. 3.2. Antagonistes des re´cepteurs dopaminergiques Le me´toclopramide est un antagoniste du re´cepteur dopaminergique D2 qui posse`de des effets centraux et pe´riphe´riques. Il interagit e´galement avec les re´cepteurs se´rotoninergiques : c’est un agoniste partiel des re´cepteurs 5-HT4 et un antagoniste des re´cepteurs 5-HT3 [9]. L’activation des re´cepteurs 5HT-4 augmente le relargage d’Ach et stimule les neurones moteurs (Fig. 1) [61,62]. Le me´toclopramide augmente la fre´quence et l’amplitude des contractions de l’œsophage et de l’estomac. Il stimule la vidange gastrique tout en ame´liorant la coordination antroduode´nale [63]. Ses nombreux effets secondaires (syndrome extrapyramidal, dystonie, agitation, insomnie, hallucinations, fatigue, de´sorientation, hyperprolactine´mie) peuvent en limiter l’utilisation [64]. Ils sont plus fre´quents chez la femme et chez la personne aˆge´e [65] et touchent jusqu’a` 30 % des patients traite´s [9]. Il e´tait cependant bien tole´re´ dans les e´tudes sur les patients critiques. Seules dix e´tudes ont e´value´ le me´toclopramide en re´animation depuis 1997, dont six le comparant a` un placebo, un au cisapride, deux a` l’e´rythromycine et une aux deux mole´cules pre´ce´dentes en cross-over (Tableau 1). Sur ces dix e´tudes, sept e´taient de faible effectif (entre 10 et 22 patients inclus) [66–72] dont deux de tre`s faible effectif (cinq patients par groupe) [67,68]. La majorite´ des e´tudes pre´sente´es ont des limites statistiques importantes. Par exemple, celles de Calcroft, Jooste, Sustic, Marino et la premie`re de McLaren ne mentionnent pas le calcul du nombre de sujets ne´cessaires. Par ailleurs, elles ont utilise´ des doses et des voies d’administration diffe´rentes de me´toclopramide (10 mg toutes les 12 heures PO a` 10 mg toutes les six heures i.v.). Or, dans la seconde e´tude de MacLaren, le VRG diminuait progressivement apre`s chaque dose dans le groupe me´toclopramide, ce qui laisse penser qu’un taux circulant minimum est ne´cessaire pour obtenir un effet clinique. La dure´e d’e´valuation du traitement variait de 120 minutes (test d’absorption au parace´tamol apre`s une seule dose) [73] a` toute la dure´e de NE en re´animation [74]. Ces e´tudes avaient des crite`res d’inclusion tre`s diffe´rents : certaines ont inclus des malades en e´chec de NE (avec des
de´finitions d’e´chec de NE diffe´rentes) et d’autres simplement des patients alimente´s. Par exemple, dans l’e´tude de Marino et al. [70], aucun patient ne pre´sentait d’intole´rance clinique a` la NE alors que le de´bit cible e´tait de 80 ml/h. Elles avaient e´galement des crite`res d’e´valuation tre`s diffe´rents : absorption du parace´tamol apre`s une ou plusieurs doses, VRG a` plus ou moins court terme, quantite´ de NE administre´e sur la dure´e de l’e´tude ou encore l’incidence des pneumopathies nosocomiales. La pertinence clinique du test d’absorption du parace´tamol ou du VRG est tre`s discutable par rapport a` l’e´tat nutritionnel ou a` l’incidence des pneumopathies nosocomiales. L’e´tude de Yavagal et al. [74] est cliniquement tre`s pertinente. Cependant, d’une part, la dure´e d’inclusion et donc de traitement dans chaque groupe n’est pas pre´cise´e et, d’autre part, elle portait sur des patients ne´cessitant une sonde nasogastrique (SNG) pour plus de 24 heures et pas seulement ceux sous NE ou pre´sentant une intole´rance a` la NE. Il faut e´galement noter que le me´toclopramide e´tait administre´ par voie ente´rale et non par voie intraveineuse et que la puissance statistique e´tait tre`s faible (65 % pour de´tecter une re´duction de 50 % des pneumopathies, le risque a n’e´tait pas pre´cise´). L’e´tude de Nguyen et al. [75], la plus rigoureuse au niveau me´thodologique, retrouve une supe´riorite´ de l’e´rythromycine sur le me´toclopramide. Les deux e´tudes re´alise´es chez des traumatise´s craˆniens ne retrouvaient pas de supe´riorite´ vis-a`-vis du placebo [70,71]. La dose optimale de me´toclopramide n’est pas connue, certains auteurs ont propose´ d’administrer des doses beaucoup plus importantes (20 mg toutes les huit heures) que les doses habituellement utilise´es [76]. Contrairement au me´toclopramide, la dompe´ridone, qui posse`de des proprie´te´s antidopaminergiques (sur les re´cepteurs D2 pe´riphe´riques) n’a pas d’effet sur le syste`me nerveux central [77]. Elle augmente la pression du SIO et acce´le`re la vidange gastrique (inhibition de la relaxation fundique, ame´lioration de la coordination gastroduode´nale) [77]. Les re´actions secondaires de type extrapyramidal sont tre`s rares du fait d’une absence de franchissement de la barrie`re he´matoence´phalique. Elle posse`de a` forte dose une activite´ inotrope positive et vasodilatatrice mode´re´e. Elle stimule e´galement la se´cre´tion de prolactine. La dompe´ridone n’est pas disponible par voie veineuse et n’a pas e´te´ e´value´e chez le patient critique. 3.3. Agonistes des re´cepteurs 5-HT4 En dehors du me´toclopramide que nous avons vu pre´ce´demment, aucun agoniste des re´cepteurs 5-HT4 n’est actuellement disponible pour la pratique courante. Le cisapride a e´te´ retire´ du marche´ nord-ame´ricain en 2000 a` cause de ses effets secondaires cardiaques rares, mais potentiellement graves. L’Afssaps a e´mis une restriction des indications the´rapeutiques et une modification des conditions de prescription et de surveillance en 2002. Son utilisation est re´serve´e a` certaines spe´cialite´s (gastroente´rologue, pe´diatre, endocrinologue ou interniste) et uniquement dans le cadre d’essais cliniques. Le tegaserod n’a jamais e´te´ commercialise´ en Europe. Il est disponible pour des utilisations d’exception aux E´tats-Unis (retire´ du marche´ nord-ame´ricain en 2007). Tout
Tableau 1 E´tudes sur le me´toclopramide utilise´ a` vise´e prokine´tique en re´animation publie´es depuis 1999. Nombre de patients
Dose(s)
Essai randomise´, double insu Me´to vs placebo Dure´e = 36 h
16 patients
Essai cross-over randomise´, simple insu Me´to vs placebo Dure´e = 2jours
Crite`re d’e´valuation
Dure´e d’efficacite´ re´sultat
Me´to : 10 mg/6 h (i.v.) Intole´rance NE : Vs VGR > 100 ml/4 h SSI Ne´cessite´ d’une NE
Absorption du parace´tamol
Calcroft et al. [66] Me´to > placebo ASC me´to > ASC placebo a` 60 min Effet non significatif sur le VGR De´bit de NE non renseigne´
10 patients 5 patients avec me´to a` j1 et SSI a` j2 et inversement
10 mg (i.v.) a` 24 h d’intervalle Vs SSI
VGR a` H6 Et Absorption du parace´tamol
Me´to > placebo ASC me´to > ASC placebo Cmax me´to > Cmax placebo Mais : VGR non corre´le´s
Jooste et al. [67]
Essai randomise´
305 patients
10 mg/8 h (PO)
Pneumopathie nosocomiale mortalite´
Pas d’effet
Yavagal et al. [74]
Me´to vs placebo
174 placebo 131 me´to
Vs
Dure´e = jusqu’au retrait de la SNG, sortie du service, de´veloppement d’une pneumopathie nosocomiale, ou de´ce`s du patient.
Crite`re d’inclusion
Ne´cessite´ SNG
Re´fe´rence
De´calage apparition : 1,5 j vs placebo
SSI
Essai cross-over randomise´, double insu Cisapride vs e´rythro vs me´to vs placebo Dure´e = 48 h
10 patients inclus 8 analyse´s
1 dose/12 h (PO) Cisapride 10 mg E´rythro : 200 mg Me´to : 10 mg Placebo : SSI
VGR > 150 ml au moins une fois en 12 h ou 2 fois > 120 ml sous NE
VGR a` 180, 360 et 720 min Cisapride = Me´to > E´rythro Test d’absorption du parace´tamol Mais non significatif vs placebo
MacLaren et al. [68]
Essai randomise´, double insu
14 patients 7 par groupe
Me´to 10 mg/6 h (PO)
VGR 150 ml au moins une fois en 24 h ou 2 fois 120 ml sous NE
Test d’absorption au parace´tamol Me´to > cisapride Efficacite´ du cisapride NS
MacLaren et al. [69]
Me´to Vs Cisapride Dure´e = 7 doses
Vs Cisapride 10 mg/6 h
VGR et de´bit de NE
Nombre de patients insuffisant
Essai randomise´ Me´to vs placebo Dure´e = 48 h
22 patients inclus 20 analyse´s
10 mg/8 h (i.v.) Vs SSI
Traumatise´s craˆniens graves de moins de 72 h
Absorption du parace´tamol a` H0 et H48
ASC apre`s 1 dose : NS ASC a` H48 : me´to > placebo E´volution entre h0 et h48 : NS
Marino et al. [70]
Essai randomise´ Me´to vs placebo Dure´e = 120 min
40 patients 20 par groupe
1 seule dose : 10 mg (i.v.) Vs SSI
Pontage Aorto-coronaire et NE pre´coce
Absorption du parace´tamol Vidange de la ve´sicule biliaire
Me´to > placebo Pour absorption Pas d’effet sur la ve´sicule
Sustic et al. [73]
Essai randomise´, double insu Me´to vs placebo Dure´e = 5 jours
19 patients 10 vs 9
10 mg/8 h (i.v.) Vs SSI
Traumatise´s craˆniens graves de moins de 48 h
Absorption du parace´tamol Calories administre´es voie NE VGR Intole´rance Complications NE
Absorption me´to > placebo mais NS Calories NE placebo > me´to Reste NS
Nursal et al. [71]
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Type d’e´tude
967
MacLaren et al. [72] VGR150 ml/4 h sous NE Test d’absorption au parace´tamol Me´to = E´rythro Les 2 augmentent : de´bit NE De´bit de NE apre`s chaque dose ASC (0–60) E´rythro : augmente Cmax, C60 et ASC (0-360)
VGR 250 ml a` H2 puis toutes les 6 h pendant 7j et De´bit de nutrition 40 ml/h
20 patients (10 par groupe) Essai randomise´ Me´to vs e´rythro Dure´e = 24 h
200 mg/12 h (i.v.) Vs 10 mg/6 h 107 patients inclus 90 analyse´s en per protocole (45 par groupe) Essai randomise´, double insu E´rythro vs me´to Dure´e = 7 jours
10 mg/6 h (i.v.) Vs 250 mg/6 h
Nguyen et al. [75]
Re´fe´rence
VGR 250 ml/6 h sous NE 40 ml/h
E´rythro > me´to Succe`s : j1 :87 % vs 62 % j3 : 47 % vs 27 % j7 : 31 % vs 16 % VGR moyen des 24 h a` j1 : 201 ml vs 435 ml
Dure´e d’efficacite´ re´sultat Crite`re d’e´valuation Crite`re d’inclusion Dose(s) Nombre de patients Type d’e´tude
Tableau 1 (Continued )
La seconde e´tude de Mac Laren a e´te´ arreˆte´e pre´mature´ment du fait du retrait de la vente du cisapride. Me´to : me´toclopramide ; e´rythro : e´rythromycine ; VGR : volume gastrique re´siduel ; NE : nutrition ente´rale ; ASC : aire sous la courbe ; Cmax : concentration maximale ; NS : non significatif ; SSI : se´rum sale´ isotonique ; PO : per os ; SNG : sonde naso-gastrique ; Vs : versus.
N. Libert et al. / Annales Franc¸aises d’Anesthe´sie et de Re´animation 28 (2009) 962–975
968
cela explique pourquoi cette classe the´rapeutique n’est quasiment plus utilise´e en pratique clinique. Le plucalopride, agoniste 5-HT4 hautement se´lectif pourrait eˆtre de´pourvu d’effets secondaires cardiaques [78]. Il fait actuellement l’objet d’essais the´rapeutiques de grande taille et n’est pas encore valide´ pour la pratique clinique. 3.4. E´rythromycine et agonistes des re´cepteurs a` la motiline Le plus connu des agonistes non peptidiques des re´cepteurs de la motiline est l’e´rythromycine. Elle stimule la motilite´ gastro-intestinale en agissant sur ces re´cepteurs au niveau des muscles lisses, ainsi qu’au niveau du SNE. Elle reproduit e´galement les effets de la motiline au niveau des re´cepteurs du SNC chez le rat [79]. Elle stimule la tonicite´ du SIO [80], mais cette action est mineure chez les malades souffrant de reflux gastro-œsophagien [81]. Plusieurs e´tudes ont rapporte´ une efficacite´ dans le traitement des gastropare´sies (diabe´tiques, idiopathiques ou postvagotomie) [82,83]. L’administration du produit par voie veineuse est plus efficace que par voie orale [84]. Il existe une tachyphylaxie limitant son efficacite´ dans la dure´e. Son effet sur le fundus est direct (muscle lisse), alors que celui sur l’antre est relaye´ par le syste`me nerveux [85,86]. L’e´rythromycine stimule faiblement le transit colique. Les effets secondaires de l’e´rythromycine rapporte´s sont ceux observe´s aux doses « antibiotiques » et peu d’informations sont disponibles aux doses « prokine´tiques ». Les macrolides peuvent prolonger la repolarisation (allongement du QTc). Des cas de torsade de pointe ont e´te´ rapporte´s avec l’utilisation d’e´rythromycine par voie intraveineuse [87,88]. L’effet e´lectrophysiologique est similaire aux anti-arythmiques de classe III et est dose de´pendant. Plusieurs me´canismes ont e´te´ propose´s : inhibition de l’inhibiteur enzymatique cytochrome P450 (type 3A4 ou CYP3A4), blocage des canaux potassiques rapides (HERG et Kv1.5) et inhibition des canaux sodiques [89]. Le risque est faible aux doses « prokine´tiques » et concerne les patients pre´sentant des troubles du rythme, ainsi que ceux traite´s par des me´dicaments retardant la repolarisation ventriculaire [90]. Dans une e´tude e´pide´miologique, l’utilisation d’e´rythromycine a` dose « antibiotique » e´tait associe´e a` un risque de mort subite multiplie´ par deux [91]. Ce risque e´tait multiplie´ par cinq en cas d’association a` un traitement inhibiteur enzymatique de CYP3A [91]. Une e´tude sur des patients critiques retrouvait un allongement moyen du QTc de 31 ms pour des doses comprises entre 500 et 1000 mg administre´s en intraveineuse sur 55 a` 90 minutes [92]. Aucune donne´e n’est disponible pour des doses plus faibles. Des interactions avec les calciums bloqueurs ont e´galement e´te´ rapporte´es. L’association e´rythromycine et ve´rapamil augmente l’intervalle PR et entraıˆne des troubles de conduction auriculoventriculaire [93,94]. La diminution du me´tabolisme he´patique du ve´rapamil par l’e´rythromycine est l’hypothe`se propose´e [94]. L’e´rythromycine est un inhibiteur enzymatique du cytochrome P450 qui perturbe le me´tabolisme de nombreux me´dicaments [95,96]. Elle se lie fortement au CYP3A4. Cette liaison rend l’enzyme indisponible pour le me´tabolisme
Tableau 2 E´tudes sur l’e´rythromycine a` vise´e prokine´tique en re´animation publie´es depuis 2000. Type d’e´tude
Nombre de patients
Dose(s)
10 patients inclus
1 dose/12 h (PO)
Cisapride vs e´rythro vs me´to vs placebo Dure´e = 48 h
8 analyse´s
Cisapride 10 mg
Essai randomise´, double insu
20 patients (10 par groupe)
Dure´e d’efficacite´ et re´sultat
Re´fe´rence
VGR a` 180, 360 et 720 min
Cisapride = Me´to > E´rythro
MacLaren et al. [68]
Test d’absorption du parace´tamol
Mais NS vs placebo
VGR 250 ml a` h1, H12, H24 VGR sur 4 h
E´rythro > placebo
Ration calorique administre´e et VGR ou volume transpylorique 150 ml
E´rythro = tube transpylorique
E´rythro : 200 mg Me´to : 10 mg Placebo : SSI
E´rythro vs placebo Dure´e = 24 h
Une seule dose (i.v.)
VGR 250 ml/6 h sous NE 40 ml/h
200 mg Vs SSI
Essai randomise´
80 patients inclus
E´rythro vs tube transpylorique
78 analyse´s en perprotocole (39 par groupe)
200 mg/8 h (i.v.)
Ne´cessite´ NE
Chapman et al. [105]
Succe`s : H1 : 90 % vs 50 % H12 :100 % vs 50 % H24 : NS VGR h4 :139 ml vs 46 ml Boivin et al. [106]
Succe`s : j1 : 55 % vs 44 %
Dure´e = 96 h Essai randomise´, double insu
68 patients inclus
250 mg/6 h (i.v.)
E´rythro vs placebo Dure´e = pe´riode de NE
32 dans le groupe e´rythro 36 dans le groupe placebo
Vs Solute´ glucose´ 5 %
Essai randomise´, double insu
48 patients inclus
250 mg/6 h (i.v.)
E´rythro vs placebo
25 (e´rythro)
Vs
Dure´e = 5j
23 (placebo) 40 analyse´s en per protocole (20 par groupe)
VGR > 150 ml/4 h sous NE dans les 48 h de sa mise en place
Ration calorique administre´e a` 48 h, puis sur toute la pe´riode de NE VGR 150 ml
j4 : 74 % vs 67 % (NS) E´rythro > placebo
E´rythro > placrbo
Solute´ glucose´ 5 %
Et
VGR Succe`s : j1 a` j3 e´rythro < placebo j4 et j5 : NS
Arreˆt temporaire de la NE (pour VGR > 250 ml ou vomissement) Test a` l’acide octanoique (mesure du de´bit de vidange gastrique) a` j1 (e´tat de base) et a` j2 (apre`s 1 dose)
44 patients inclus
1 dose (i.v.)
Dose re´ponse vs placebo
35 analyse´s
200 mg vs 70 mg
Dure´e = 48 h
12 (placebo)
Vs
11 (e´rythro 70 mg) 12 (e´rythro 200 mg)
SSI
107 patients inclus
200 mg/12 h (i.v.)
Ne´cessite´ d’une NE de plus de 5 jours
Ne´cessite´ NE
Berne et al. [110]
Succe`s : j2 : 58 % vs 44 % Pe´riode NE : 65 % vs 59 % (NS) Succe`s : j2 : 56 % vs 39 % (NS)
VGR
Essai randomise´, double insu
Essai randomise´, double insu
VGR > 150 ml au moins une fois en 12 h ou 2 fois > 120 ml sous NE
Crite`re d’e´valuation
Reignier et al. [108]
Arreˆt de NE : 35 % vs 70 %
E´rythro > placebo
Ritz et al. [107]
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Essai cross-over, randomise´, double insu
Crite`re d’inclusion
Pas de diffe´rence entre 70 et 200 mg sur la vidange gastrique a` mi-temps Pas d’impact sur les patients a` vidange gastrique normale
VGR 250 ml a` H2 puis toutes les 6 heures pendant 7j et de´bit de nutrition 40 ml/h
E´rythro > me´to
Nguyen et al. [75]
969
VGR 250 ml/6 h sous NE 40 ml/h
Les 2 augmentent : de´bit NE ASC (0–60) E´rythro : augmente Cmax, C60 et ASC (0–360)
MacLaren et al. [72] Me´to = E´rythro
250 mg/6 h
Vs
10 mg/6 h (i.v.)
Dure´e = 24 h
Me´to vs e´rythro
20 patients (10 par groupe) Essai randomise´
Dure´e = 7j
61 analyse´s en per protocole (31 vs 30) E´rythro vs e´rythro + me´to
200 mg/12 h (i.v.) 75 patients inclus (38 vs 37) Essai randomise´, double insu
Vs 10 mg/6 h
10 mg/6 h
VGR 250 ml/6 h sous NE 40 ml/h
VGR150 ml/4 h sous NE
VGR 250 ml toutes les 6 heures pendant 7j et de´bit de nutrition 40 ml/h
Test d’absorption au parace´tamol De´bit de NE apre`s chaque dose
Tachyphylaxie plus tardive avec le traitement combine´ Moins de recours aux tubes d’alimentation transpyloriques dans le groupe combine´
Nguyen et al. [109]
Re´fe´rence
Succe`s : j1 :87 % vs 62 % j3 : 47 % vs 27 % j7 : 31 % vs 16 % VGR moyen des 24 h a` j1 : 201 ml vs 435 ml E´rythro + Me´to > E´rythro seule
Dure´e d’efficacite´ et re´sultat Crite`re d’e´valuation
90 analyse´s en per protocole (45 par groupe)
Crite`re d’inclusion Dose(s) Nombre de patients
E´rythro vs me´to Dure´e = 7j
Type d’e´tude
Tableau 2 (Continued )
Me´to : me´toclopramide ; e´rythro : e´rythromycine ; VGR : volume gastrique re´siduel ; NE : nutrition ente´rale ; ASC : aire sous la courbe ;Cmax : concentration maximale ; NS : non significatif ; SSI : se´rum sale´ isotonique.
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970
d’autres me´dicaments, dont l’e´limination sera diminue´e, d’ou` le risque de toxicite´. L’e´rythromycine augmente la biodisponibilite´ de la digoxine, potentiellement a` des concentrations toxiques [97]. Cet effet n’existe probablement pas aux doses utilise´es a` vise´e prokine´tique, car cette interaction avec la digoxine est due a` la destruction de bacte´ries (Eubacterium lentum) participant a` son e´limination [98]. L’e´rythromycine peut augmenter la concentration et la demi-vie des statines [99,100] et donc leur toxicite´ musculaire [101]. De la meˆme manie`re, l’e´rythromycine augmente les effets des anticoagulants oraux [102,103]. Depuis 2000, neuf e´tudes sur l’e´rythromycine ont e´te´ publie´es (Tableau 2). Nous avons pre´sente´ les deux e´tudes ayant compare´ l’e´rythromycine au me´toclopramide et l’essai en cross-over ayant compare´ le cisapride, l’e´rythromycine, le me´toclopramide et un placebo dans le chapitre sur les antagonistes des re´cepteurs dopaminergiques [68,72,75]. Les critiques de ces neuf e´tudes sont globalement les meˆmes que celles ayant e´value´ le me´toclopramide. Cinq sont de courte ou tre`s courte dure´e d’e´valuation (allant de 24 a` 96 heures) [68,72,104–106]. Trois sont de dure´e interme´diaire (cinq a` sept jours) [75,107,108] et une seule a porte´ sur toute la dure´e du se´jour [109]. Elles avaient toutes des crite`res d’inclusion et d’e´valuation diffe´rents (NE ou VRG e´leve´ avec des seuils et des intervalles de mesure diffe´rents). Aucune e´tude n’a e´value´ l’impact sur l’e´tat nutritionnel. Seule l’e´tude de Berne et al. [109] a e´value´ un crite`re clinique pertinent (apport calorique sur la dure´e de se´jour). Cependant, il n’y avait pas d’e´valuation de l’e´tat nutritionnel et l’e´tude ne retrouvait aucune diffe´rence en termes de dure´e de se´jour en re´animation et a` l’hoˆpital, de dure´e de ventilation me´canique, de nombre d’infections nosocomiales ou de mortalite´. Comme dans la plupart des e´tudes on ne retrouve pas de pre´cision sur le calcul de sujets ne´cessaires ou encore sur la puissance de l’e´tude, qui pourrait avoir e´te´ trop faible. Enfin, deux e´tudes bien conduites de Nguyen et al. [75,108] ont retrouve´ une supe´riorite´ de l’association e´rythromycine-me´toclopramide. Cependant, il n’y avait pas de diffe´rence en termes d’e´volution clinique (vomissements, dure´e de se´jour ou encore de mortalite´). Les autres agonistes des re´cepteurs a` la motiline ne sont pas utilise´s en pratique courante [9]. Ils font actuellement l’objet d’e´tudes sur des patients souffrant de gastropare´sies [9,110]. Ils sont pour la plupart de´rive´s de l’e´rythromycine et leurs effets paraissent bien supe´rieurs. Ils ont surtout l’avantage d’eˆtre de´pourvus de proprie´te´ antibiotique. 3.5. Naloxone La constipation est un effet secondaire courant des morphiniques, en particulier chez le patient critique. La naloxone est un antagoniste compe´titif au niveau des re´cepteurs morphiniques, qu’ils soient dans le syste`me nerveux central ou en dehors. Compte tenu du me´tabolisme he´patique (effet de premier passage), l’administration par voie ente´rale est responsable d’une biodisponibilite´ syste´mique tre`s faible [111]. The´oriquement, cette voie d’administration permet donc de bloquer se´lectivement les re´cepteurs opioı¨des intestinaux
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sans bloquer ceux permettant l’analge´sie. En cance´rologie, la naloxone est une alternative the´rapeutique des constipations induites par les morphiniques, elle ame´liore e´galement la vidange gastrique [112]. Une e´tude prospective, randomise´e en double insu chez 84 patients ventile´s rapporte une efficacite´ inte´ressante [113]. Le groupe traite´ par 8 mg toutes les six heures de naloxone vs placebo avait des re´sidus gastriques moins importants et surtout moins de pneumopathies acquises sous ventilation me´canique (34 % vs 56 %, sans modification de la dure´e de ventilation me´canique). Les besoins en morphiniques n’e´taient pas augmente´s. Cette e´tude incluait tous les malades sous ventilation me´canique recevant une se´dation avec un morphinique et pas seulement ceux pre´sentant une intole´rance a` la NE. Compte tenu du faible effectif, certains facteurs confondants non pre´cise´s pourraient avoir joue´ un roˆle sur les re´sultats, comme l’administration de ne´ostigmine, de me´toclopramide ou de dexpanthe´nole. Le maniement de la naloxone par voie orale pourrait eˆtre difficile. Une diffusion dans le syste`me nerveux central sans effet sur le transit intestinal a ainsi e´te´ rapporte´e dans des e´tudes sur la douleur [114]. Des antagonistes morphiniques ne diffusant pas dans le syste`me nerveux central sont actuellement en de´veloppement (methylnatrexone et alvimopan). 4. Discussion 4.1. Peut-on formuler des recommandations ? Comme nous l’avons vu, peu d’e´tudes bien conduites sont disponibles et la majorite´ s’apparente a` des e´tudes pilotes. La plupart ont cherche´ a de´montrer un effet a court, voire tre`s court terme sur la vidange gastrique avec des crite`res tre`s he´te´roge`nes sans e´valuation de crite`res cliniques pertinents. Les donne´es sont insuffisantes pour conclure a` une ame´lioration de l’e´tat nutritionnel avec les prokine´tiques. De manie`re e´tonnante, si le but est de re´duire les pneumopathies nosocomiales, seule la naloxone avec l’e´tude de Meissner et al. [113] pourrait eˆtre recommande´e sur une pre´somption scientifique (e´tude de niveau II). Ne´anmoins, comme nous l’avons vu, cette e´tude de faible effectif ne portait pas sur les malades intole´rants a` la NE, mais sur tout malade recevant un morphinique. Aucune e´tude n’a utilise´ l’e´rythromycine dans ce but et l’e´tude de Yavagal et al. [74] ne retrouvait pas d’effet du me´toclopramide. Bien que de faible puissance, cette e´tude de niveau II est celle qui a inclus le plus grand nombre de patients avec un objectif clinique pertinent. En termes de tole´rance, e´value´e sur les re´sidus et le maintien du de´bit, le me´toclopramide est peu efficace a` sept jours (une e´tude de niveau II) [75]. L’e´rythromycine est efficace, mais une tachyphylaxie apparaıˆt rapidement de`s le troisie`me jour (trois e´tudes de niveau II, dont deux de la meˆme e´quipe) [75,107,108]. La tachyphylaxie apparaıˆt plus rapidement que dans les e´tudes sur les gastropare´sies. L’association de l’e´rythromycine au me´toclopramide est plus efficace et retarde la tachyphylaxie (une e´tude de niveau II) [108]. Une seule e´tude a e´value´ la ration calorique administre´e sur toute la dure´e de NE et l’ame´lioration apporte´e par l’e´rythromycine n’e´tait pas
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significative (une e´tude de niveau II) [109]. La dure´e de traitement ide´ale n’est pas connue, mais l’efficacite´ au-dela` de sept jours est faible. 4.2. Quel seuil de re´sidu pour de´buter le traitement ? Le concept d’utiliser le VRG comme marqueur de la tole´rance de NE est fonde´ sur la pre´somption que le VRG refle`te le volume du contenu gastrique. L’augmentation du VRG va alerter le clinicien sur une dysfonction de la vidange gastrique et donc sur un risque a` court terme de vomissement ou d’inhalation. D’une part, il n’existe pas de consensus sur le seuil de VRG de´finissant une intole´rance digestive ni sur l’intervalle de temps entre deux mesures. Le VRG est soit appre´cie´ comme un volume arbitraire sur une pe´riode donne´e (variant dans la litte´rature de 120 ml a` 500 ml), soit comme un pourcentage du de´bit de NE. D’autre part, plusieurs e´tudes ont montre´ que le VRG e´tait un mauvais reflet du volume du contenu gastrique. Il varie selon la position du malade et le diame`tre de la sonde gastrique utilise´e. Certains patients avec un VRG normal peuvent avoir une vidange gastrique perturbe´e ` notre connaissance, et pre´senter des vomissements [115,31]. A seule une e´tude a retrouve´ un VRG e´leve´ comme e´tant un facteur de risque de vomissement [31]. Aucune donne´e sur la re´duction de ce re´sidu ne permet de de´finir un seuil de the´rapeutique efficace. Toutefois, la fre´quence des inhalations pulmonaires est nettement augmente´e quand deux mesures de re´sidus retrouvent un VRG supe´rieur a` 250 ml toutes les quatre heures [116]. Ce seuil a e´te´ repris dans de nombreuses e´tudes et, en l’absence d’autres donne´es, pourrait servir de seuil d’alerte. Les recommandations ame´ricaines sur la NE tole`rent un VRG jusqu’a` 500 ml [117], elles se fondent pour cela sur l’e´tude REGANE, dont les re´sultats n’ont pas encore e´te´ publie´s. De manie`re ge´ne´rale, l’inte´reˆt de surveiller le VRG n’est pas prouve´ : le lien entre pneumopathie et re´sidus gastriques e´leve´s n’est pas e´tabli et rien ne prouve qu’ame´liorer les re´sidus ame´liore l’e´tat nutritionnel [118]. Comme nous l’avons vu, beaucoup d’e´tudes ont utilise´ ce marqueur comme objectif principal. Cela est d’une tre`s faible pertinence clinique sur le se´jour d’un malade de re´animation. 4.3. Que faire en pratique ? Les donne´es disponibles sur la naloxone et la ne´ostigmine sont tre`s insuffisantes pour recommander leur utilisation en pratique clinique. L’utilisation d’un antibiotique comme prokine´tique est a` l’origine d’une controverse dans la litte´rature concernant le risque d’induction de re´sistance. Aucune preuve ne permet de trancher actuellement sur le risque avec l’e´rythromycine a` faible dose. Cependant, de nombreux articles ont de´montre´ que l’e´mergence de re´sistances est directement lie´e a` la consommation de macrolides, notamment aux posologies insuffisantes [119,120]. Cela est e´galement vrai pour l’e´rythromycine a` dose anti-infectieuse [121]. De plus, les posologies utilise´es a` vise´e prokine´tique, bien en dessous des doses antibacte´riennes, sont particulie`rement favorables a` l’induction de mutations bacte´riennes et a` la se´lection de
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souches re´sistantes [122,123]. Plusieurs auteurs ont donc rappele´ l’importance de ne pas utiliser les antibiotiques dans d’autres indications que la chimiothe´rapie anti-infectieuse [124] et en particulier, l’e´rythromycine utilise´e a` vise´e prokine´tique [125–127]. Le risque de colite pseudomembraneuse n’est pas majore´ en re´animation [128]. Quant a` la dose d’e´rythromycine a` utiliser, rien ne permet de trancher clairement. Des sche´mas tre`s diffe´rents ont e´te´ utilise´s : de 70 mg dans un essai sur l’efficacite´ d’une dose, a` 250 mg toutes les six heures en passant par 200 mg toutes les 12 heures (Tableau 2). Toutes sont efficaces, aucune donne´e dose re´ponse ne permet de les de´partager. En pratique, afin de limiter l’usage d’antibiotique et en l’absence d’efficacite´ de´montre´e sur la morbimortalite´, il apparaıˆt plus raisonnable d’utiliser le me´toclopramide (bien qu’il soit moins efficace sur les donne´es actuelles) en premie`re intention et d’y associer rapidement de l’e´rythromycine a` la dose de 200 mg toutes les huit a` 12 heures en cas d’e´chec. Le me´toclopramide ne semble pas eˆtre efficace chez le traumatise´ craˆnien. 5. Conclusion L’alimentation ente´rale est actuellement favorise´e pour ces avantages en termes de morbidite´. Elle est beaucoup moins couˆteuse que l’alimentation parente´rale. Il n’est toujours pas e´tabli que la NE ame´liore le pronostic des patients. Les crite`res de jugement des principales e´tudes e´tant diffe´rents, il est alors hasardeux d’en tirer des conclusions pre´cises. Ces crite`res ont d’ailleurs peu de significativite´ clinique a` l’e´chelle du se´jour en re´animation d’un malade en e´tat critique. Compte tenu des donne´es cliniques, on ne peut recommander de sche´ma the´rapeutique. Cependant, au vu des « dangers » potentiels de l’e´rythromycine a` un moment ou` les re´sistances bacte´riennes sont une pre´occupation majeure, l’essai du me´toclopramide en premie`re intention est logique. En cas d’inefficacite´, il est licite d’associer de l’e´rythromycine. Il manque actuellement des e´tudes bien conduites, multicentriques, comparant les diffe´rentes the´rapeutiques disponibles en termes de morbidite´ (e´tat nutritionnel, pneumopathie acquise sous ventilation me´canique, dure´e de ventilation me´canique, dure´e de se´jour) et surtout de mortalite´. Conflit d’inte´reˆt Ancun. Re´fe´rences [1] Thuong M, Leteurtre S. Recommandations des experts de la Socie´te´ de re´animation de langue franc¸aise sur la nutrition ente´rale en re´animation. Re´animation 2003;12:350–4. [2] Dive A. Troubles de la motilite´ gastro-intestinale chez le patient critique. Re´animation 2008;5:454–61. [3] Fruhwald S, Holzer P, Metzler H. Intestinal motility disturbances in intensive care patients pathogenesis and clinical impact. Intensive Care Med 2007;33:36–44.
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