Vade-mecum du chirurgien en mission humanitaire

Vade-mecum du chirurgien en mission humanitaire

Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 380—383 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com NOTE TECHNIQUE Vade-mecum du chirurgien...

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Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 380—383

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

NOTE TECHNIQUE

Vade-mecum du chirurgien en mission humanitaire Vade mecum for a surgical humanitarian mission L. Guyot a,*, P. Seguin b, G. Thiéry c a

Service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique et stomatologie, CHU Nord, chemin des Bourrely, 13015 Marseille, France ´ tienne cedex 2, France ˆ pital Nord, 42055 Saint-E Service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique et stomatologie, ho c Service de chirurgie maxillofaciale, chirurgie plastique et stomatologie, HIA Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex 13, France b

ˆt 2011 ; accepte´ le 23 octobre 2011 Rec¸u le 30 aou

MOTS CLÉS Mission médicale ; Chirurgie maxillofaciale ; Chirurgie plastique

KEYWORDS Medical missions; Surgery; Maxillofacial surgery; Plastic surgery

Résumé La chirurgie humanitaire permet de réaliser des interventions réparatrices en milieu précaire et dans des conditions techniques difficiles. La préparation de ces missions est une étape obligatoire pour un déroulement optimum. Avant le départ, les formalités administratives (visas, passeport. . .) et médicales (vaccinations obligatoires et facultatives, prévention du paludisme. . .) nombreuses ne doivent pas faire oublier la préparation humaine et technique. L’objet de cet article est de présenter un vade-mecum pratique pour tout chirurgien, en particulier, pour les moins expérimentés partant en mission humanitaire à l’étranger pour que le séjour se déroule au mieux. # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Summary Humanitarian surgical missions provide cares in developing countries and in difficult conditions. Preparation of these missions is a mandatory step for both technical and human points of view. Before the departure, care must be taken to accomplish all the administrative (visa application, valid passport. . .) and the medical formalities (mandatory and recommended vaccinations). The aim of this article is to present a helpful vade mecum allowing any surgeon, especially the juniors, to prepare a humanitarian mission abroad. # 2011 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

La chirurgie humanitaire ou chirurgie en situation précaire trouve, dans la chirurgie maxillofaciale et la chirurgie plastique, des disciplines les plus adaptées aux missions. De nombreuses interventions peuvent être réalisées dans des

* Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (L. Guyot).

conditions précaires avec des structures relativement simples et avec des équipes restreintes. La prise en charge des fentes faciales, la pathologie infectieuse chronique, les séquelles de traumatismes, de brûlures ou de noma, les tumeurs maxillofaciales osseuses et/ou des tissus mous. . . [1,2] en sont les parfaits exemples. L’objectif de cet article est de réaliser un vade-mecum pratique avant de partir en mission à l’étranger et s’adresse

0294-1260/$ — see front matter # 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2011.10.009

Vade-mecum du chirurgien en mission humanitaire plus particulièrement aux chirurgiens dont l’expérience est limitée dans ce domaine, on prendra comme exemple une mission courte dans un pays d’Afrique sub-saharienne.

Avant le départ La préparation d’une mission ne s’improvise pas à la dernière minute. C’est l’aboutissement de nombreux mois pour constituer l’équipe de soins et organiser le séjour. La rencontre des différents membres de l’équipe permet de faire le point sur l’objectif, le lieu et la logistique de la mission. Cette réunion préparatoire est importante d’un point de vue technique et humain :  technique pour s’assurer que les objectifs sont en adéquation avec les moyens alloués à la mission et que la préparation de la venue sur le site soit réalisée de manière optimale ;  humain pour rencontrer les autres membres médicaux et paramédicaux. Le groupe va travailler en vase clos pendant une à plusieurs semaines, en moyenne 15 jours, dans des conditions souvent difficiles : environnement matériel et culturel inconnu, conditions climatiques et de confort sommaires, fatigue, pathologies rares, choix éthiques de traitement des patients [3]. Cette rencontre va également être le moment de l’expression des objectifs de chacun, des mises au point et des recadrages réalistes par les plus expérimentés [4,5].

Préparation technique L’idéal est de se faire préciser avant de partir le nombre de cas et les pathologies principales pour anticiper les besoins en matériel chirurgical et en consommable. Un « pré-tri » peut être fait avec l’envoi des dossiers et des photos par courrier classique ou électronique. Des correspondants médicaux avec un chirurgien référent local permettront d’encadrer et d’aider à la gestion des patients en pré- et postopératoire après que la mission soit partie. Concernant la structure de la mission, il faut connaître l’équipement « lourd » et son état de fonctionnement : tables opératoires, scialytiques, bistouri électrique, système d’aspiration, disponibilités en oxygène, moteur chirurgical, système de stérilisation. La structure conditionne les limites des interventions que l’on peut réaliser. Une reconnaissance sur site aura, au préalable, été réalisée par les organisateurs de la mission pour évaluer la structure [6] et rencontrer les acteurs locaux responsables (chef de service, directeur de l’établissement de soins, voire membres du ministère de la Santé) pour avoir les autorisations d’opérer. Concernant le matériel amené, il doit être de même qualité que celui utilisé habituellement, les dates de péremption auront été vérifiées. Chaque chirurgien composera ses boîtes d’instruments en fonction des pathologies prévisibles : d’une manière générale, on préparera deux boîtes métal avec des instruments simples dupliqués pour les plus courants (ciseaux de dissection, pinces à disséquer, porte-aiguille). Une lampe frontale à LED permettra de

381 continuer une intervention en cas de coupure d’électricité (à acquérir dans un magasin de sport). Certaines pathologies peuvent nécessiter des instruments spécifiques :  pour les brûlures et leurs séquelles, il est particulièrement utile d’amener un dermatome manuel ou électrique à pile si la structure permet de les recharger, sans oublier les lames adaptées au rasoir en nombre suffisant ;  pour les résections osseuses (noma, ankylose des mâchoires, amputations mandibulaires ou des os longs), il faut amener au minimum une scie de Gigli. Un moteur électrique ou pneumatique avec câble, pièce à main et fraise ou scie adaptée seraient l’idéal mais cet équipement est volumineux à transporter et pas toujours disponible sur les sites opératoires. Le matériel consommable (Annexe 1) constitue un poste de dépense important à prévoir dans le budget avec éventuellement l’aide de partenaires pharmaceutiques (dons, tarifs spécifiques). Il ne faut pas hésiter à contacter la direction de son établissement de soins, puis les cadres de bloc et les ingénieurs biomédicaux pour récupérer du matériel dont la date de péremption est proche ou remisés mais encore fonctionnels (cas de certains équipements lourds comme les scopes, tables opératoires. . .). Les sets à usage unique (instruments simples, champs, tenues, pansements. . .) sont intéressants car ils évitent des processus de stérilisation mais on n’oubliera pas qu’ils sont très volumineux à transporter sauf si un transport préalable est prévu (container). Tout le matériel chirurgical et les consommables seront listés et la liste à présenter aux services douaniers du pays de mission lors du contrôle aux frontières. L’encombrement aura été évalué et les bagages organisés pour pouvoir amener le maximum de matériel. Amener des ouvrages techniques généralistes et complets, sur support informatique pour diminuer le poids des bagages, permettra aux plus jeunes de faire le point sur des interventions dont ils n’ont peut être pas l’habitude [7,8]. La visite de site Internet tel que http://www.maitriseorthop.com/viewPage.do?id=969 permet d’obtenir des informations très utiles au futur missionnaire et pendant la mission pour réfléchir à des problématiques techniques.

Préparation médicale personnelle Une consultation dans un centre spécialisé type « Conseil aux voyageurs » (http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/ fr/sante/centre-medical/vaccinations-internationalesmedecine-des-voyages, http://www.cimed.org/index.php/ cimed_fr/Grand-public, http://www.vaccinations-voyages. com/ [Annexe 2]) s’impose afin de réaliser les formalités vaccinales obligatoires ou recommandées avant un voyage dans un pays d’endémie : vaccination antiamarile (fièvre jaune) obligatoire dans de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne, réalisée dans des centres spécialisés et notifiée sur un carnet de vaccination international (jaune), vaccination contre le méningocoque, la typhoïde, l’hépatite A, la rage, vérification et un rappel le cas échéant des vaccinations les

382 plus courantes contre l’hépatite B, la diphtérie, le tétanos et le poliomyélite. Prophylaxie antipalustre : une médication adaptée aux zones d’endémie et des mesures de protection contre les piqûres de moustique (moustiquaire, répulsifs, spray, diffuseurs sur prise, port de vêtements amples et longs) sont fortement recommandées. Trousse médicamenteuse : faire une liste et avoir sur soi l’ordonnance (douane) des principaux traitements symptomatiques :  antidiarrhéique, antiseptiques intestinaux, antibiotiques, spasmolytiques, antalgiques de niveau I et II (pas de niveau III et de stupéfiants car il existe des risques lors du passage à la douane), produits pour des soins locaux buccaux, auriculaires et oculaires ;  antiseptiques cutanés, compresses stériles, sparadrap, vaseline et divers pansements ;  traitement anti-VIH en cas de contamination accidentelle (information auprès des CISIH http://cisih-paris-est.aphop-paris.fr/liens/liens.html). On n’oubliera pas une paire de lunettes de protection contre les projections.

Effets personnels et bagages Le poids des bagages est limité dans les avions, entre 40 et 50 kg sans franchise, répartis en deux valises en soute et un bagage à main d’une dizaine de kilogramme au maximum. Toutes ces informations sont indiquées sur le billet d’avion (Annexe 3). Il faut éviter de se surcharger en effets personnels sachant qu’il faudra inclure, dans certains cas, le matériel médical (instruments et consommables) que l’on amène. On privilégiera des vêtements légers que l’on prévoira de laisser sur place et divers effets pratiques : lampe de poche à recharge manuelle, adaptateur de prise de courant, prise électrique et rallonge, protections auditives et solaire (crème, chapeau, lunettes de soleil), ceinture avec poche interne pour les affaires de valeur, petits cadeaux de bienvenue et pour les enfants (livres, stylos, vêtements, jouets), dosettes de lessive, comprimés de désinfection de l’eau de boisson et un ouvrage-guide touristique local. On peut utiliser pour communiquer son téléphone portable avec une carte SIM débloquée pour utiliser les cartes téléphoniques prépayées. Un ordinateur portable permettra de gérer les dossiers des patients, le planning opératoire, les comptes rendus opératoires et le rapport de mission. Il permettra, en outre, de communiquer vers la France avec un logiciel de conversation (type Skype1) si une connexion à haut débit est disponible. À titre professionnel, il faut amener son appareil photonumérique avec une carte mémoire suffisante et le câble pour transférer les photos sur l’ordinateur.

Formalités et documents administratifs Il est indispensable sous peine de ne pas rentrer sur le territoire de la mission d’avoir un :  passeport en cours de validité de plus de six mois après la date de retour et sa photocopie ;  visa valide du pays d’accueil et sa photocopie ;

L. Guyot et al.  carnet de vaccination international avec notification d’une vaccination contre la fièvre jaune à jour. Par précaution et en cas de perte ces documents peuvent être disponibles s’ils sont mis sur un serveur Internet après avoir été scannés. Sont également utiles d’avoir :  de la monnaie locale pour l’arrivée (paiement du taxi. . .) en s’étant fait préciser à l’avance le coût des dépenses courantes, des euros et/ou des dollars américains en espèce et en petites coupures pour le change ;  deux à quatre photos d’identité ;  une carte de crédit internationale valide type Visa (plus facilement acceptée que la Mastercard). Les cartes de crédit permettent de faire des retraits dans les capitales de la plupart des pays actuellement mais il vaut mieux se renseigner sur les réseaux bancaires et la disponibilité des distributeurs automatiques de billet ;  un contrat d’assurance rapatriement imprimé avec numéro de téléphone à contacter en cas de problème et numéro de police. Fortement recommandé, il est fourni le plus souvent par l’organisme avec lequel vous partez ou par l’intermédiaire de votre carte de crédit. Il faut penser à vérifier les conditions générales et particulières avant de partir ;  une information sur les conditions locales sociales, géopolitiques et météorologiques du pays de mission (http:// www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs_ 909/index.html).

Le jour du départ et à l’arrivée Dans le cas d’un voyage en avion ce qui est le plus fréquent, il faut avoir en poche :    

le billet d’avion aller et retour ; le passeport et le visa ; le carnet international de vaccination ; les coordonnées du site de mission et l’ordre de mission de l’organisme qui vous envoie.

Si le voyage est long, on conseille des bas de contention veineuse, un coussin de voyage, une ceinture lombaire, un vêtement chaud (climatisation dans l’avion). L’arrivée dans le pays d’accueil est souvent déroutante et difficile même lorsque l’on a l’habitude des missions en raison de la fatigue, de la chaleur. . . Il faut garder son calme devant la longueur des démarches administratives. Après avoir réalisé les formalités d’entrée sur le territoire avec production du passeport, du visa et du carnet de vaccination, on veille à la bonne réception de tous les bagages nécessaires au bon déroulement de la mission. En cas de perte d’un bagage, il faut de suite réaliser les formalités de recherche auprès de la compagnie aérienne pour le localiser. Dans la plupart des cas, le bagage est récupéré le lendemain ou le surlendemain de l’arrivée. À la sortie de l’aéroport, la présence de personnes pour vous accueillir est bienvenue afin de faciliter le transport des bagages et du matériel. Votre mission va pouvoir commencer. . . Bonne mission.

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Déclaration d’intérêts

Annexe 2. Sites Internet utiles

Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de conflits d’intérêts.

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-auxvoyageurs_909/index.html. http://www.pasteur.fr/ip/easysite/pasteur/fr/sante/ centre-medical/vaccinations-internationales-medecinedes-voyages. http://www.cimed.org/index.php/cimed_fr/Grandpublic. http://www.vaccinations-voyages.com/. http://cisih-paris-est.ap-hop-paris.fr/liens/liens.html. http://www.maitrise-orthop.com/viewPage.do?id=969.

Remerciements Les auteurs remercient l’organisation les « Enfants du Noma », le Dr René Allary et Christine Allary pour leur dynamisme et leur implication dans la gestion des missions.

Annexe 1. Principaux consommables à prévoir Quantité moyenne par intervention

Remarques

Gel pour antisepsie cutanée

5 ml

1 flacon de 100 ml pour 20 interventions

Gants chirurgicaux stériles

1

Antiseptiques (préparation pariétale)

Très variable

Volumineux à transporter

Champs opératoires

1

Dermotrace

1

Volumineux à transporter sauf les petits champs circulaires

Aiguille SC

1

Compresses stériles

10

Taille à adapter en fonction du type de chirurgie

Seringues 10 ml

1

Avec système Luer-Lock

Lidocaïne adrénalinée

1/2 flacon

Permet une diminution de la quantité d’anesthésique général

Lame de bistouri

1

Fils non résorbables 3/0 4/0 5/0

1

Fils résorbables 3/0 4/0 5/0

1

Systèmes de drainage

1

Crins, systèmes aspiratifs

Système d’immobilisation

Selon interventions

Attelles plâtrées. . .

Pansement adhésif protecteur

1

Lame de 15 le plus souvent Lames de 11 et 22 utiles

Vaseline stérile

Annexe 3. Vade-mecum à imprimer  Visite dans un service spécialisé en médecine tropicale pour mise à jour des vaccins deux à six mois avant le départ  Passeport en cours de validité (six mois avant la date de retour)  Visa  Billets d’avion aller et retour  Photographies d’identité  Carnet de vaccination international et vaccination antiamarile à jour  Traitement antipaludéen adapté et protection contre les moustiques  Traitements personnels : antidiarrhéiques, antipyrétiques. . .  Trithérapie contre le VIH pour l’équipe  Lunettes de protection contre les projections  Ordre de mission délivré sur papier à entête de l’association  Coordonnées de la mission  Assurance rapatriement  Liste de tout le matériel chirurgical et consommable  Carnet d’adresse exhaustif : ambassade de France, représentants locaux médicaux et administratifs, taxi. . .  Bagages repartis dans deux sacs ou valises à peser

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