Vascularite cutanée révélant une infection à Mycoplasma pneumoniae

Vascularite cutanée révélant une infection à Mycoplasma pneumoniae

Presse Med 2004; 33: 1365-6 Vincent Orlandini, Hervé Dega, Louis Dubertret Service de dermatologie, Hôpital St Louis, Paris (75) Correspondance: Vi...

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Presse Med 2004; 33: 1365-6

Vincent Orlandini, Hervé Dega, Louis Dubertret

Service de dermatologie, Hôpital St Louis, Paris (75)

Correspondance: Vincent Orlandini, Service de dermatologie, Hôpital du Haut-Lévêque, avenue de magellan, 33604 Pessac Cedex Tél.: 0557656565 [email protected]

Reçu le 21 juillet 2003 Accepté le 15 septembre 2003

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© 2004, Masson, Paris

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Vascularite cutanée révélant une infection à Mycoplasma pneumoniae

Summary

Résumé

Cutaneous vasculitis revealing a Mycoplasma pneumoniae infection

Introduction M. pneumoniae est un agent bactérien à évoquer devant une vascularite cutanée, notamment dans un contexte fébrile et inflammatoire, ceci malgré l’absence de signes d’appel pulmonaire. Observation Un patient âgé de 16 ans a été hospitalisé pour une vascularite cutanée fébrile sans signes respiratoires d’appel. Une séroconversion récente à M. pneumoniae a été mise en évidence. Commentaires Mycoplasma pneumoniae est un germe intracellulaire responsable de 20 à 35 % des pneumopathies communautaires de l’adulte. L’absence de signes respiratoires dans l’infection à M. pneumoniae est une éventualité non exceptionnelle. Les manifestations extra-respiratoires de l’infection à M. pneumoniae sont fréquentes et diverses, notamment dermatologiques. Les vascularites cutanées associées à M. pneumoniae sont peu rapportées dans la littérature. Elles sont décrites comme des vascularites à immuns complexes ou sous la forme de purpura rhumatoïde. Les éruptions cutanées sont dominées par les rashes maculo-papuleux et l’érythème polymorphe.

Introduction Mycoplasma pneumoniae is a bacterial agent that must be evoked when confronted with cutaneous vasculitis, notably within a context of fever and inflammation, and despite the absence of respiratory symptoms. Observation A young 16 year-old boy was hospitalised for cutaneous vasculitis with fever but without respiratory symptoms. A recent M. pneumoniae sero-conversion was revealed. Discussion M. pneumoniae is an intra-cellular pathogen responsible for 20 to 35% of community-acquired pneumonia in adults. The absence of respiratory symptoms in M. pneumoniae infection is not uncommon. Extra-pulmonary complications of M. pneumoniae infections are frequent and varied, notably dermatological. Cutaneous vasculitis associated with M. pneumoniae is seldom found in the medical literature. It is reported as immune-complex –mediated vasculitis or HenochSchonlein purpura. Cutaneous eruptions are dominated by maculopapular rashes and multiform erythema. V. Orlandini, H. Dega, L. Dubertret Presse Med 2004; 33: 1365-6 © 2004, Masson, Paris

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ycoplasma pneumoniae, germe intra-cellulaire pathogène des voies respiratoire,est responsable de 20 à 35 % 1,2 des pneumopathies communautaires chez l’adulte . La symptomatologie est généralement dominée par les signes respi3,4 ratoires,notamment la toux .Néanmoins,les manifestations extrarespiratoires sont fréquentes,en particulier dermatologiques (envi3 ron 25 % des infections à M. pneumoniae) . Nous rapportons une primo-infection à M.pneumoniae révélée par une vascularite cutanée, originale par l’absence de signes respiratoires.

Observation Un jeune homme de 16 ans, d’origine indienne, sans antécédents, était hospitalisé pour une éruption acrale fébrile évoluant depuis 1 mois. Les lésions associaient des papules érythémateuses et purpuriques sur les mains, les pieds, puis secondairement sur le nez et les oreilles (figure 1). La fièvre, vespérale, comprise entre 39 et 40 °C, était accompagnée d’un syndrome pseudogrippal.Le reste de l’examen clinique était sans particularités, en dehors d’adénopathies infra-centimétriques cervicales. 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 2

Le bilan biologique usuel était normal en dehors d’un syndrome inflammatoire modéré avec une protéine C réactive (CRP) à 27 mg/L (nl < 5 mg/L). Il existait une élévation des lacticodéshydrogénases à 271 UI/L (nl < 190 UI/L) sans stigmates d’hémolyse biologique (haptoglobine et réticulocytes normaux) rapportés à une myolyse transitoire.Les radiographies pulmonaires et des sinus étaient normales. L’examen histologique d’une lésion purpurique montrait une capillarite nécrosante avec leucocytoclasie,et l’immunofluorescence directe trouvait un dépôt de C3 et d’IgM dans la paroi des capillaires. Il n’y avait pas d’atteinte viscérale spécifique (rénale, neurologique, articulaire,digestive ou cardiaque).La recherche d’anticorps antinucléaires, d’anticorps anticytoplasme de polynucléaires, de cryoglobulinémie, d’immunoglobuline monoclonale,de facteur rhumatoïde,d’anticorps antiphospholipides était négative.Les sérologies suivantes étaient soit négatives,soit témoins d’une immunisation ancienne:Parvovirus B19, VIH,virus Epstein Barr,cytomégalovirus,virus d’hépatite B,C,brucellose, salmonellose, streptococcique. Les hémocultures étaient négatives.L’échographie cardiaque éliminait une endocardite. En revanche, un test de Coombs direct de type IgG était positif, non retrouvé sur un second prélèvement 15 jours plus tard. La recherche La Presse Médicale - 1365

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Figure 1 Lésions de purpura infiltré sur les doigts.

d’agglutinines froides était négative. La sérologie M. pneumoniae en technique Elisa était positive en IgM et en Ig G,avec élévation du taux d’IgG sur un prélèvement 15 jours plus tard, témoins d’une séroconversion récente.La recherche de M.pneumoniae dans la peau atteinte par technique de réaction de polymérisation en chaîne était négative. Le diagnostic retenu était celui d’une primo-infection à M. pneumoniae révélée par une vascularite cutanée isolée fébrile.L’évolution était rapidement favorable,sous traitement par 15 jours de roxithromycine, avec un recul de 2 ans,sans récidive.

Discussion Il s’agit d’un cas de primo-infection à M. pneumoniae sans signes respiratoires d’appel.Cette éventualité n’est pas exceptionnelle.Dans une série de 60 patients chez lesquels il y avait une séroconversion à M. pneumoniae, 7 malades (12 %) n’avaient pas de signes respira3 toires .Sur ces 7 patients,5 avaient une éruption cutanée. Chez notre patient, il y avait une séroconversion à M. pneumoniae, avec positivité des IgM et ascension des IgG à 15 jours d’intervalle.La spécificité du test Elisa est excellente (80 à 90 %), permettant d’exclure un faux positif.Il n’existe pas de réaction croisée avec les autres mycoplasmes. Par ailleurs, la guérison rapide sous roxithromicine, sans récidive,est évocatrice d’une infection aiguë. Les symptômes les plus fréquemment rapportés dans l’infection à M. pneumoniae sont la toux, souvent sèche et incoercible, et la 3,4 fièvre .Les autres signes habituellement trouvés sont les céphalées et les signes ORL (atteinte sinusienne,otite,gêne pharyngée). De nombreuses manifestations extra-respiratoires sont décrites. Celles-ci peuvent être neurologiques (encéphalite, myélite, méningite, polyradiculonévrite), ophtalmologiques (conjonctivite, uvéite antérieure), rhumatologique (mono ou polyarthrite, myosite), cardiologiques (péricardite, myocardite), néphrologiques (glomérulonéphrite,néphrite tubulo-interstitielle),ou hématologiques (anémie hémolytique avec agglutinines froides, purpura thrombopénique, purpura thrombotique thrombopénique). Parmi les manifestations extra-respiratoires,les atteintes cutanées sont 3,5 les plus couramment observées (10 à 25 % des cas) . Il s’agit classi1366 - La Presse Médicale

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quement d’éruptions maculo-papuleuses,vésiculeuses,urticariennes, 5 souvent fugaces .L’érythème polymorphe est fréquent.Ont aussi été 6 rapportés: syndrome de Steven Johnson et nécrolyse épidermique 7 toxique (syndrome de Lyell) , un cas de syndrome d’hypersensibi5 lité , des éruptions ressemblant cliniquement à un syndrome de 8 8 Sweet ,des érythèmes noueux . Les éruptions purpuriques sont connues dans cette affection. Elles sont probablement induites par deux mécanismes physiopathologiques distincts. Il peut exister des lésions vasculaires micro-thrombotiques liées aux agglutinines froides, le plus souvent associées à 4 un acrosyndrome (pouvant évoluer vers une nécrose digitale) ,par9 fois à un livedo,une urticaire et des bulles hémorragiques .Dans ce cas, l’histologie ne trouve pas de lésion de capillarite nécrosante et leucocytoclasique,mais une dilatation des vaisseaux du derme,avec amincissement de la paroi vasculaire et infiltrat cellulaire péri-vascu9 laire modéré . La seconde explication physiopathologique est celle de lésions de vascularite avec médiation par complexes immuns (vascularite d’hypersensibilité,de type leucocytoclasique),dont plusieurs cas sont décrits dans la littérature,certains avec un tableau de 10-12 . Notre patient avait cliniquement une vaspurpura rhumatoïde cularite,avec une histologie typique.Le caractère acral a fait évoquer une pathologie déclenchée par le froid, mais la recherche de cryoglobuline et d’agglutinines froides était négative.

Conclusion La sérologie de M.pneumoniae peut s’avérer utile lors du bilan étiologique d’un purpura vasculaire,en particulier dans un contexte fébrile, et ceci,malgré l’absence de signes respiratoires d’appel. ■ Références 1 Editorial. Mycoplasma Pneumoniae. Lancet 1991; 337: 62. 2 Lieberman D, SchlaeferF, Boldur I et al. Multiples pathogens in adult patients admitted for community-acquired pneumonia; a one year prospective study of 346consecutive patients. Thorax 1996; 51: 179-84. 3 Sillis M, Harrisson B. Clinical aspects of Mycoplasma Pneumoniae infection. Lancet 1992; 339: 301-2. 4 Lesobre V, Azarian R, Gagnadoux F, Harzic M, Pangon B, Petitprez P. Pneumopathie à Mycoplasma pneumoniae. Presse Med 1999; 28: 59-66. 5 Kosseian-Bal I, Bocquet H, Beneton N et al. Syndrome d’hypersensibilité au cours d’une infection à Mycoplasma pneumoniae. Ann Derm Venereol 1998; 125: 328-30. 6 Levy M, Shear NH. Mycoplasma Pneumoniae infections and Stevens-Johnson syndrome. Report of eight cases and review of the litterature. Clin Ped 1991; 30: 42-9. 7 Fournier S, Bastuji-Garin S, Leonard F et al. Syndrome de Lyell attribué à Mycoplasma pneumoniae. J Dermatologiques de Paris, Paris, France.1993; CC19: 17-20. 8 Magro CM, Crowson AN. A distinctive cutaneous reaction pattern indicative of infection by reactive arthropathy-associated microbial pathogens: the superantigen ID reaction. J Cutan Pathol 1998; 25: 538-44. 9 Porras-Luque JI, Fernandez-Herrera J, Dauden E, Fraga J, Fernandez Villalta MJ, Garcia-Diez A. Cutaneous necrosis by cold agglutinins associated with glomeruloid reactive angiotheliomatosis. Br J Dermatol 1998; 139: 1068-72. 10 Callens A, Machet MC, Vaillant L et al. Purpura rhumatoïde de l’adulte et infection à mycoplasme. Ann Med Interne 1993; 144: 297-9. 11 Perez C, Montez M. Cutaneous leukocytoclastic vasculitis associated with Mycoplasma Pneumoniae infection. Arch Intern Med 2002; 162: 352-4. 12 Perez C, Mendoza H, Hernandez R, Valcayo A, Guarch R. Leucocytoclasic vasculitis and polyarthritis associated with Mycoplasma pneumoniae infection. Clin Infect Dis 1997; 25: 154-5. 6 novembre 2004 • tome 33 • n°19 • cahier 2