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Vascularites el granulomatoses pulmonaires
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Vascularites et granulomatoses pulmonaires Commentaires b propos d,un cas avec Iocalisation colique par G. OZENNE~, Ph. HI~LIOT~, J.-P. LEMERCIER~, G. LEREBOURG~ , C. HOUDENT~
et L. M. WOLF ~**
Observation d'un cas de vascularite et granulomatose pulmonaire atypique, d'evolution s6v6re, resistante au traitement, avec localisation digestive responsable d'h6morragies. Commentaires nosologiques, physiopathologiques, therapeutiques. La responsabilit6 des deriv6s organochlor6s est evoqu6e.
Mots clds: vascularite necrosante, vascularite et granulomatose pulmonaire, granulomatose de Wegener, granulomatose lymphomatoide,
hemorragie digestive, cyclophospharnide,organochlores.
Dans le groupe des vascularites n6crosantes diffuses, h c6te de la periart6rite noueuse, de la granulomatose allergique de Churg et Strauss, de l'ang6ite d'hypersensibilit6 de Zeek, u n ensemble de maladies rares s'individualisent par leur expression initiale pulmonaire commune. Elles sont habituellement regroupees sous le terme de vascularites et granulomatoses pulmonaires (18). Elles posent des probl~mes pratiques complexes que nous avons voulu illustrer par une observation remarquable h plusieurs titres.
OBSERVATION J.-L T... est fige de 46 ans, sans passe pathol0gique, lorsque, le 11 juin 1979, apres manipulation d'un produit insecticide (Bondex'), surviennent une eruption urtica-
* Service de pneumophtisiologie, CHR de Rouen, hdpital de Boisguillaume, 147, avenue du MardchaI-Juin, 76230 Boisguillaume. ** Service des maladies de l'appareil digester, CHR, hdpital ClTarles-Nicolle, 1, rue de Germont, 76000 Rouen. *** Service de mddecine interne et endocrinologie, CHR de Rouen, hdpital de Boisguillaume.
rienne etendue, une toux seche et une dyspnee d'effort. La persistance des sympt6mes respiratoires douze jours apres leur apparition motive un examen clinique qui revele un etat g6neral conserve, une temperature normale, des rfiles crepitants aux bases pulmonaires, des adenopathies axillaires mobiles, fermes, non inflammatoires. La radiographie du thorax met en 6vidence des images micronodulaires multiples des bases predominantes gauche (fig. 1). Les constantes hematologiques et biologiques usuelles sont normales, la vitesse de sedimentation ~t 1 ram. Les hypoth6ses de tuberculose, d'cedeme cardiogenique, de carcinose pulmonaire, d'alveolite allergique extrinseque ne sont pas retenues par les explorations. Les sympt6mes s'ameliorent en quelques jours avec, comme tout traitement, du furosemide 40 mg par jour. M. J.-L. T... mene une vie normale jusqu'a fin aoOt 1979, off dyspnee, toux, sueurs reapparaissent ainsi qu'une fi6vre a 38° avec frissons. L'antibiotherapie n'emp~che en rien une aggravation de la dyspnee, un amaigrissement rapide alors que la fievre evolue en plateau a 39°. Une seconde hospitalisation fin septembre permet de constater un etat g6neral altere, des adenopathies susclaviculaires gauches qui s'ajoutent aux ganglions axillaires ; surtout les images radiographiques se sont modifiees laissant place a des opacites arrondies, multiples, homogenes, bien limitees, siegeant aux bases, pr6dominant gauche, evocatrices de metastases pulmonaires neoplasiques ou septiques (fig. 2). Les recherches paracliniques multiples fares en ce sens sont toutes restees negatives: endoscopies bronchiques, cytologies, biopsies bronchiques, front pas permis de conclure.
L a R e v u e de Mddecine interne, tome IV, n ° 1, mars 1983, pp. 27 /t 33.
Requ le : 7-6-1982. Renvoi pour correction le: 21-10-1982. Acceptation d6finitivele: 19-11-1982.
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des petits dep6ts fibrineux au niveau de l'intima. L'infiltrat inflammatoire engaine aussi quelques filets nerveux. I1 diffuse largement dans le tissu adipeux voisin. ~) La biopsie d'un nodule cutane permet de retrouver (Pr J. Tayot) ~ darts un tissu fibro-adipeux, de nombreux foyers inflammatoires. Ces foyers interessent le conjonctif lui-m6me et un certain nombre de vaisseaux surtout art6riels. Les art6rioles sont presque enti6rement n6crosees, avec des aspects de necrose fibrinoide circulaire et une infiltration leucocytaire polymorphe tres dense. L'inflammation se r6pand largement dans le tissu conjonctif et adipeux voisin dans lequel se situent des infiltrats hematiques et des infiltrats leucocytaires polymorphes. L'aspect realise est celui d'une vascularite segmentaire necrosante. )~ Le diagnostic de vascularite et de granulomatose pulmonaire est retenu. I1 n'existe aucune anomalie renale, clinique, ni biologique. Des 16sions de l'oreille moyenne, tr6s anciennement connues n'ont aucune specificit6. Les el6ments biologiques principaux sont groppes au tableau I. En janvier 1980, une semaine apr6s la mise sous cyclophosphamide, 100 rag, associe a Prednisolone 60 mg/j, la temperature est normale, l'etat g6n6ral est bon, le syndrome inflammatoire biologique moins intense, alors m6me qu'une tum6faction de la joue avec ulc6ration buccale, que l'histologie permet d'attribuer a la vascularite, t6moigne de l'evolutivit6 persistante de la maladie. Un syndrome infectieux s6v~re, une anemie font interrompre le traitement immunosuppresseur en f6vrier 1980. Quelques jours plus tard, des rectorragies cataclysmiques D
Fig. 1 Diss6mination micronodulaire pr6dominant aux bases.
L'antibioth6rapie, associant gentamycine, staphylomycine, metronidazole, n'a aucune action sur la fi6vre et sur l'6volution de la maladie: l'etat general s'alt6re, un syndrome imflammatoire biotogique non sp6cifique apparait, les opacit6s pulmonaires augmentent de volume. Le 20 octobre, une vomique abondante est contemporaine de l'excavation d'une des opacit6s de la base gauche (fig. 3). D~s lots, la maladie v a s e g6neraliser sous la forme de nouvelles ad6nopathies, de 16sions cutanees nodulaires, dont certaines sont necros6es, escarriformes. La biopsie d'un ganglion axillaire montre (Dr Landreat) le t~ ganglion lymphatique bien encapsule en involution adipeuse partielle dont l'architecture folliculaire est pratiquement effacee ; ce ganglion contient une population lymphocytaire avec de plus grandes cellules dispers6es, de type immunoblastique. Les vaissseaux capillaires sanguins ont une paroi 16g~rement epaissie, fibreuse et un endoth61ium turgescent. C'est clans l'ensemble l'aspect d'une stimulation immunitaire sans 616ment neoplasique identifiable. ~ Le tissu fibro-adipeux situe en bordure de la structure ganglionnaire lymphatique est remani6 par un foyer de n6crose acidophile au sein duquel on reconnait quelques silhouettes cellulaires, un filet nerveux pratiquement n6cros6, et quelques silhouettes de vaisseaux capillaires sanguins thrombos6s. En bordure de ce foyer de necrose, on retrouve un vaisseau sanguin entoure par un infiltrat inflammatoire dense, lymphohistiocytaire, avec quelques polynucleaires eosinophiles. Ce vaisseau est progressivement oblit6r6 au voisinage du foyer de necrose avec alors
Fig. 2 Opacites rondes predominant ~i la base gauche.
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Fig. 3 Syndrome cavitaire retrocardiaque.
avec collapsus cardio-vasculaire obligent /l une resection colique d'hemostase en urgence (Dr Menard), apr6s avoir visualise le saignement au c61on transverse par une art6riographie mesent6rique superieure (Dr Janvresse). La pi6ce de r6section colique (Pr Hemet) ~ est occupee par une tr~s large ulceration, transversale, predominant sur le bord antimdsenterique. Cette ulceration colique est tr6s profonde, elle est surplombee par des berges congestives ; dans le fond de l'ulceration, apparait un mat6riel necrotique, adherant. Dans les mesos, on trouve deux nodules qui s'individualisent relativement' facilement et qui semblent se d6velopper au voisinage de vaisseaux thromboses. ~ Les coupes histologiques pratiquees au niveau de l'ulceration montrent une large br6che mutilant tous les plans de la paroi, et bordee par un tissu inflammatoire, dans lequel aboutissent de nombreux Vaisseaux veineux et arteriels oblit6res par des phenomenes de thrombose. Le nodule ndcrotique situe au sein de l'ulceration est en r6alite une paroi vasculaire tres dilatee, d'aspect anevrysmal, et necros6e. Les coupes pratiqu6es au niveau des nodules des
TABLEAU I ELI~MENTSBIOLOGIQUES • Eosinophilie sanguine : toujours < 4 0 0 / m m 3. • Compl6ment s6rique total, CH 50 : 152 %. • Immuno-electrophorese serique : augmentation de l'haptoglobine et de l'alpha 2 macroglobuline. • Recherche d'immun complexes circulants : precipitation par le P E G : negative ; inhibition de l'agglutination du latex: negative. • Test au latex : negatif. • Test au Waaler-Rose : negatif. • • Dosage des lgE globales (PRIST) : 175 U/ml. • Typage HLA et etudes en immuno-fluorescence non effectuees. -
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mesos correspondent a des foyers inflammatoires tr6s particuliers ; ils sont centres sur des arteres ; ces arteres sont n6crosees avec, clans les lesions les moins developp6es, un exsudat fibrineux qui se d6veloppe clans la couche sous-intimale, dissocie la musculeuse et s'etend vers les mesos jusqu'a l'adventice. Dans cet adventice, se d6veloppe progressivement une necrose acidophile de type ischemique homogen6isant les structures, en particulier le tissu adipeux. ~ La cicatrice de la plaie operatoire ne sera possible, apres deux 6visc6rations, qu'avec la reprise du traitement par le cyclophosphamide (100 mg par jour) et la prednisolone (60 mg par jour). L'am61ioration de l'etat general contraste avec l'apparition d'une pericardite. Des echanges plasmatiques sont pratiques les 31 mars, 3, 9,~ 11 et 22 avril, un arr& cardiaque r6versible au cours de la 5e seance fait interrompre ce traitement pour lequel aucun argument clinique ne permet de conclure ~ un effet favorable. D'avril ~t juin 1980, les lesions pulmonaires, cutanees, buccales sont stables. L'etat gen6ral est d'autant meilleur que le cyclophosphamide est administre ~t la dose de 150 mg par jour ; une mauvaise tolerance hematologique contraint/i de fr6quentes diminutions de posologie et/~ une interruption du traitement fin juin. Quelques jours plus tard, la reprise evolutive d'une lesion cutanee de la fosse iliaque gauche avec extension rapide en surface sous forme de blindage p6ri-ulcereux phlyctenulaire, secondairement n6crose, s'accompagne d'une atteinte majeure de l'etat gen6ral qui aboutit au d6c6s en aoflt 1980. La v6rification anatomique ne peut 6tre faite. La maladie a evolue 14 mois.
DISCUSSION
Cette observation sugg6re des c o m m e n t a i r e s nosologiques, cliniques, th6rapeutiques et 6tiopathogeniques.
1. Nosologie. Le cadre des vascularites et g r a n u l o m a t o s e s p u l m o n a i r e s (18) rassemble u n certain n o m b r e d'entit6s nosologiques a u x fronti6res imprecises, qui sont definies par u n e atteinte histologique p u l m o n a i r e associant vascularite focale necrosante t o u c h a n t des vaisseaux de type et de mille diff6rents et une r6action g r a n u l o m a t e u s e n6crosante p o l y m o r p h e
(20). O n y distingue : -D'une part la g r a n u l o m a t o s e de W e g e n e r classique, la plus f r e q u e n t e et la plus a n c i e n n e m e n t decrite (9), la g r a n u l o m a t o s e de W e g e n e r limit6e qui n'est p o u r certains auteurs q u ' u n e f o r m e particuli6re de la g r a n u l o m a t o s e de W e g e n e r classique ; D ' a u t r e part, on isole la g r a n u l o m a t o s e l y m p h o m a t o i d e et la vascularite g r a n u l o m a teuse l y m p h o c y t a i r e benigne. Cette derniere affection, rare, le plus s o u v e n t limit6e au poumon, a une evolution spontanement -
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benigne qui l'oppose aux trois premi6res de caract&e franchement malin. Nous ne l'envisagerons pas darts cette discussion, bien que pour certains auteurs elle represente un mode de debut particulier de la granulomatose lymphomatoide (7, 14).
focalis6e necrosante. D'autres localisations de la maladie sont inconstantes. - La granulomatose de Wegener limitee est une granulomatose h laquelle manque un ou deux 61ements de la triade classique. Mais d'autres localisations viscerales de la maladie sont possibles. L'evolution spontanee, moins rapide que celle de la forme classique, est habituellement mortelle. - La granulomatose lymphomatoide (t7) s'oppose a la granulomatose de Wegener classique,, par l'absence de 16sion oto-rhino-laryngologique, mais une localisation buccale est frequente (3). L'atteinte renale y est plus rare et plus tardive, le caract6re nodulaire des lesions cutanees est plus evocateur de cette maladie, de m6me que la survenue au cours de son evolution d'accidents allergiques aigus et de leucopenie (13). L'6volution spontanee est tres rapidement fatale.
a) Toutes ces entites ont en c o m m u n une atteinte pulmonaire cliniquement variable, le plus souvent febrile, mais dont l'evolution radiographique est caracteristique (1). I1 s'agit essentiellement d'opacites rondes ou d'infiltrats, de mille variable de 1 a 10 cm de diam~tre, tres rarement uniques, bilateraux avec souvent une predominance d'un c6te, de topographie pr6ferentielle aux bases." La tendance /t l'excavation de ces images est tres particuli6re, ainsi que l'evolution independante de chaque 616ment avec r6gression frequente de certaines images alors que d'autres se developpent (8). Des epanchements pleuraux de petite abondance et des opacit6s r6tractees sont possibles (25). M6me en dehors de tout traitement, l'atteinte pulmonaire est volontiers regressive alors que, par ailleurs, dans un second temps, la maladie evolue a grand bruit (25).
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c) Les signes g6neraux de la maladie et la biologie ne permettent pas de differencier ces maladies dont le diagnostic repose avant tout sur des arguments anatomopathologiques. La granulomatose de Wegener est une maladie de caract6re histologique purement inflammatoire, la granulomatose lymphomatoide comme son nom l'indique a les traits a la fois d'une maladie inflammatoire et d'une maladie lymphoproliferative (7) (tableau Ill).
b) Ce sont les atteintes extra-pulmonaires qui permettent le plus souvent le diagnostic histologique de vascularite et granulomatose pulmonaire et qui apportent des arguments cliniques aux histologistes pour classer la maladie dans un cadre nosologique precis (tableau II). - La granulomatose de Wegener classique comporte une atteinte triple : pharyngo-rhinosinusienne, pulmonaire et renale. I1 s'agit de rhinorrhee purulente chronique, d'ulcerations nasales, de sinusites, d'otites purulentes, parfois de necrose cartilagineuse ou osseuse de voisinage. L'atteinte renale realise une glomdrulonephrite
d) L'observation rapportee souleve un probleme nosologique. L'absence de localisation renale caracteristique ne permet pas de trancher nettement entre granulomatose de Wegener limitee et granulomatose lymphomatoide. Les localisations buccales, la notion d'urticaire au debut de la maladie, les nodules cutanes, la rapidite et la s6verit6 de l'evolution evoquent la granulomatose lymphomatoide. En revanche, les caracteres anatomopathotogiques des
TABLEAU II GRANULOMATOSE " GRANULOMATOSE DE WEGENER DE WEGENER CLASSIQUE LIMITI~E
Localisation rhino-pharyngee Localisation sinusienne Localisation buccale Localisation r6nale
75 90 20 85
% % % %
-+ -+ +
GRANULOMATOSE LYMPHOMATOIDE
+ + + (histologiques) (45 %) Localisation cutanee 45 % + + + + (45 % nodules) Atteinte neurologique 22 % + + Atteinte oculaire 39 % + Atteinte cardiaque pericardique 28 % + Reactions allergiques + + + Evolution maligne + + + + + + Addnopathies + Expression clinique des vascularites et granulomatoses pulmonaires (d'apr6s 3, 6, 7, 9, 14, 18, 19, 25).
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TABLEAU III GRANULOMATOSE GRANULOMATOSE DE WEGENER LYMPHOMATOIDE
Infiltrat lymphocytaire + + + + Cellules atypiques + + Necrose fibrinoide + Necrose glomerulaire + Arguments histologiques du diagnostic differentiel des angeites et granulomatoses pulmonaires (d'aprSs 5, 9, 14, 17, 18).
lesions, la necrose fibrinoide vasculaire sont plut6t ceux de la granulomatose de Wegener dont le diagnostic a ete finalement retenu. Cette observation pourrait constituer une forme frontiSre entre les deux affections.
2. Symptomatologie. Cette observation est exceptionnelle par la survenue d'une hemorragie digestive imputable de fagon formelle St une localisation specifique de la maladie au c61on. Les localisations intestinales des angeites et granulomatoses pulmonaires ont exceptionnellement une expression clinique, les manifestations intestinales ne se rencontrent pas dans les series les plus nombreuses de la litterature (5, 14), ou sont attribuees St une complication du traitement (24). Une revue recente de la litterature sur ce sujet ne r6vSle que deux observations d'hemorragie digestive cataclysmique au cours d'une maladie de Wegener (16). Aucune de ces observations n'a montre, de faqon formelle des 16sions specifiques d'angeite de la paroi du tube digestif, telles qu'elles ont 6te objectivees dans cette observation. A l'oppos6, la decouverte de lesions de vascularite cliniquement muettes St l'examen autopsique de malades decedes d'angeite et de granulomatose pulmonaire est une 6ventualite frequente. Walton dans 54 etudes anatomiques signale des localisations intestinales dans 24 p. 100 des cas (23). I1 faut rapprocher ces lesions des angeites de la paroi du tube digestif observees dans d'autres ang6ites necrosantes de type p6riart6rite noueuse et frequemment responsables d'hemorragies digestives, en particulier au cours de la granulomatose allergique de Churg et Strauss (2).
3. Therapeutique. La therapeutique et l'6volution sont sensiblement diff6rentes suivant qu'il s'agit de granulomatose de Wegener ou de granulomatose lymphomatoide.
a) Pour la granulomatose de Wegener, aussi bien dans
sa
forme
classique
que
limitee,
jusqu'st
l'introduction des immunosuppresseurs clans les armees soixante, les moyens th6rapeutiques utilis6s (antibiotiques, corticoides, radiotherapie) n'ont pas fait preuve d'une efficacite appreciable. L'utilisation de l'azathioprime et du cyclophosphamide, agent cytotoxique de loin le plus efficace dans cette indication, en a transform6 le pronostic (19). Fauci et coll. (25) notent en 1974 15 remissions complStes sur 18 cas avec un recul moyen de 4 ans. Israel en 1977 (14) obtient 9 r6ponses favorables sur 10 cas trait~s. Le protocole de traitement comprend la prise quotidienne de faibles doses de cyclophosphamide par voie orale (1 St 2 mg/kg). La posologie est modul6e en fonction de la gravite et de l'evolutivit6 de la maladie, de la reponse au traitement et de la tol6rance h6matologique. La duree du traitement est prolong6e 1 an apres le retour St la normale de la vitesse de sedimentation (6). Ce traitement n'est pas constamment efficace, en particulier lorsqu'il est debute tardivement, mais les resultats permettent un pronostic optimiste de la granulornatose de Wegener qui peut desormais 6tre consideree comme curable, bien que des rechutes tardives aient et6 signalees (15).
b) Le traitement de la granulomatose lymphomatoide a repos6 longtemps sur la corticoth6rapie qui a St son actif des r6missions temporaires. Des series de la litt6rature ont fait etat d'une resistance de la maladie au cyclophosphamide (14). Les travaux de Fauci et coll. (6, 7) ont montre l'efficacite de l'association corticotherapie-cyclophosphamide qui permet 7 r6missions complStes avec un recul moyen de plus de 5 arts sur 13 cas traites. L'analyse de cette s6rie, la plus importante de la litterature, permet de souligner deux points: la resistance au traitement signifie presque toujours la transformation de la maladie en lymphome malin, et enfin le debut du traitement St un stade precoce de la maladie constitue un 616ment important de bon pronostic. c) L'utilisation de la plasmapherese est trop recente pour que sa place soit bien definie. Elle s'adresse, en theorie, aux formes possedant un taux d'immuns complexes circulants 61ev6 ou aux formes resistantes au traitement (10). L'absence de donn6es bibliographiques n'autorise pas de commentaire sur le manque d'efficacite chez notre malade.
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d) Dans cette observation, corticotherapie, cyclophosphamide ont une influence manifeste sur l'6volutivit6 de la maladie, mais insuffisante aux doses utilisables sans risque leucop6nique. L'absence de donn6e necropsique ne permet pas de preciser une 6ventuelle transformation en lymphome. 4. Etiopathogenie. L'etiopathogenie de ces affections reste obscure. Une r6action immunologique d'hypersensibilite est sugg6ree par le type des 16sions histologiques et dans certains cas l'efficacit6 des traitements immunosuppresseurs ( 5 ) , avec correlation entre le degre d'immunosuppression et l'efficacit6 (4). Ces reactions immunologiques <
> (6) feraient intervenir des reactions a mediation cellulaire de type IV de la classification de Gell et Coombs (11) et surtout des r6actions du type III responsables de la vascularite et de la glom6rulon6phrite. Des immuns complexes circulants sont inconstamment retrouv6s (12). En fait le r61e pathog6ne des immuns complexes, suspect6s dans toutes les ang6ites n6crosantes, n'est pas demontr6 (10, 12). On ne connait pas d'antigene responsable defini. I1 est logique de penser, sur des arguments cliniques, que sa porte d'entree est respiratoire: il s'agirait d'un antigone inhale (3, 5). Dans l'observation rapport6e, la coincidence dans le temps entre le d6but des sympt6mes et la manipulation d'un produit volatil contenant un solvant organique (hydrocarbure d6rive du p6trole) et un insecticide organochlore n'est pas suffisante pour affirmer une relation etiologique, mais merite d'&re signalee. I1 n'a pas 6t6 retrouve d'autre cas de vascularite pulmonaire en relation avec une intoxication aigu6 ou chronique par les organochlor6s ou par les hydrocarbures. La toxicite de ces produits est essentiellbment neurologique (22). L'experimentation animale a montre cependant que des organochlor6s m616s a l'alimentation sont susceptibles chez le lapin d'induire des alterations aussi bien de l'immunite cellulaire que de l'immunite humorale (21). S'il existe une relation de cause ~t effet entre l'ang6ite pulmonaire et la manipulation du produit <>, celui-ci peut intervenir comme antig&ne ou comme agent modifiant une reaction immunologique pathog~ne.
CONCLUSION
Cette observation illustre le tableau radioclinique des angeites et granulomatoses pulmonaires, souligne la difficult6 d'un diagnostic nosologique precis ; elle est exceptionnelle par la survenue d'une h6morragie digestive en rapport avec une lesion colique specifique et enfin elle met en question le r61e de l'inhalation d'un produit irritant dans son etiologie.
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Malgre la rarete de ces maladies, la connaissance du syndrome radioclinique pulmonaire ster6otyp6 doit conduire it un diagnostic histologique rapide de vascularite et granulomatose pulmonaire. En effet la pr6cocite du traitement immunosuppresseur est probablement un el6ment essentiel du pronostic. Le diagnostic nosologique precis, parfois difficile, n'a finalement pas beaucoup d'importance therapeutique immediate. I1 constitue surtout un el6ment pronostic. Le probl6me respiratoire est rapidement au second plan, et ces maladies exigent dans leur prise en charge une vigilance particuli6re afin d'en deceler l'expression polymorphe imprevisible et trompeuse. L'etude de l'environnement aerien des malades ne doit pas ~tre n6gligee, elle permettra peut-6tre de preciser une physiopathologie encore obscure.
SUMMARY A case of rapidly progressive, necrotising angiitis with atypical pulmonary granulomatosis resistant to therapy, involving the gastrointestinal tract and giving rise to hemorrhage is reported. The classification, physiopathological and therapeutic aspects of this condition are discussed and the responsability of organic chlorine derivatives is suggested.
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Vascularites el granulomatoses pulmonaires
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