Revue des Maladies Respiratoires Actualités (2014) 6, 89-91
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QUE RETENIR DES CLASSIFICATIONS DU CBNPC POUR LA PRATIQUE ?
Vers une classiÀcation moléculaire du cancer bronchique Towards a molecular classiÀcation of lung cancer Article rédigé par M.-A. Cornetto (Paris)*, d’après la communication de F. Barlési (Marseille)1 1Service
d’Oncologie Multidisciplinaire et Innovations Thérapeutiques, Hôpital Nord, AP-HM, Chemin des Bourrely, 13915 Marseille cedex 20 ; Aix Marseille Université
L
a réalisation d’une classiÀcation moléculaire sousjacente à la classiÀcation anatomopathologique permet une caractérisation plus précise de la pathologie tumorale et une prise en charge adaptée. On note une différence majeure entre la survie des patients traités par un traitement bioguidé et celle des patients qui ont reçu un traitement standard. Concernant le cancer bronchique, la caractérisation moléculaire est encore très incomplète contrairement à d’autres domaines comme l’hématologie [1], mais elle tend à se développer ces dernières années. Différents types de cancers peuvent avoir des caractéristiques biologiques communes liées à des anomalies du même gène. C’est le cas des mutations de BRAF qui concernent 50 % des mélanomes (93 % de mutation V600E) et 3 % des adénocarcinomes bronchiques primitifs (50 % de mutation V600E) [2]. Ainsi la caractérisation biologique du cancer rend compte du mécanisme physiopathologique en cause plus que le phénotype de la tumeur en lui-même et semble donc primordiale. Les essais thérapeutiques dans lesquels l’administration du traitement est conditionnée par la présence ou non d’un biomarqueur permettent d’obtenir une mise sur le marché plus rapide du traitement. En effet si un résultat très positif est retrouvé en phase I, la procédure peut passer directement à la phase III (Fig. 1). Ainsi pour une stratégie classique, par exemple pour une chimiothérapie,
la probabilité que ce traitement soit utilisé au quotidien est de 11 %, alors qu’elle est de 31 % pour un traitement ciblé et de 62 % si ce traitement est bioguidé car administré en cas de bio marqueur positif [3]. L’objectif de la cartographie moléculaire est de dépister des anomalies biologiques dans les voies de signalisation elles-mêmes impliquées dans la cancérogenèse. L’inhibition de ces anomalies va permettre une inversion entre les
Nelle drogue
Bio-marqueur connu ou potentiel : Phase I bio-guidée
Signal +
Signal –
Phase III
STOP ?
Phl standard
Nouveau biomarqueur potentiel
Figure 1. Protocole d’une étude bioguidée (Àgure originale).
*Auteur correspondant. Adresse e-mail :
[email protected] (Marie-Alice Cornetto).
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Pas de bio-marqueur
90
F. Barlési
signaux de survie et de mort cellulaire et ainsi une régression tumorale. Dans le cas de l’adénocarcinome bronchique la transduction du signal en aval des récepteurs EGFR/HER2 s’effectue par 2 voies principales : la première celle de i, AKT et mTor et la seconde de RAS, RAF, MEK et ERK. Le screening moléculaire en France préconisé par l’INCa cible 7 biomarqueurs : EGFR (résistance, mutation et activation), KRAS et les marqueurs émergents : HER2, BRAF, PI3K, ALK. Aux États-Unis les mutations NRAS et MEK et l’ampliÀcation de MET, impliquée dans les résistances aux anti-tyrosines kinases, sont également recherchées. Sur une cohorte de patients français atteints d’un cancer bronchique en 2013, une anomalie moléculaire était présente dans un cas sur 2. La mutation EGFR était retrouvée chez 10 % des patients [4,5]. La cartographie ne doit pas être la plus large possible mais doit avoir un impact thérapeutique. Par exemple la mutation p53 est retrouvée dans plus de 60 % des cas [6] mais toutes les tentatives de traitement ciblé sur cette anomalie se sont soldées par des échecs, sa recherche n’est donc pas préconisée. À l’inverse, l’administration d’un traitement ciblé par crizotinib chez les patients présentant un réarrangement de ALK, beaucoup moins fréquent que la mutation de p53, permettrait d’améliorer la survie à 2 ans de 12 à 55 % [7]. Ce très bon résultat justiÀe une recherche du réarrangement de ALK. Les données actuelles retrouvent un impact majeur des techniques d’immunohistochimie (cMet ampliÀcation), de FISH (ALK, ROS, EGFR), et de biologie moléculaire ciblée (KRAS, BRAF, HER2 et PI3K). Ces techniques sont qualiÀées d’a priori car l’anomalie recherchée est connue et leur but est de caractériser le pourcentage de tumeur sur lequel la dite anomalie est présente. La deuxième technique est le séquençage de type SANGER qui permet une analyse du gène dans son ensemble et la découverte de nouvelles cibles. Toutes ces techniques de cartographie moléculaire nécessitent plus de matériel pour leur réalisation. Une congélation de tissu et l’envoi centralisé du matériel doivent parfois être réalisés [8]. Les patients doivent également être inclus dans des protocoles de recherche. Il existe également des mutations dans le carcinome épidermoïde. Les plus fréquentes sont les mutations de FGFR1, KRAS, EGFR, DDR2 et PI3K (Fig. 2) [9]. In Àne une cartographie moléculaire globale pour les deux types de cancer adénocarcinome et épidermoïdes pourrait voir le jour.
Le but est de faire évoluer la prise en charge des patients atteints d’un cancer bronchique vers une médecine personnalisée, qui utilise à la fois les informations génétiques de la tumeur et du patient pour l’instauration d’un traitement ciblé. En effet la cartographie moléculaire de la tumeur n’est pas sufÀsante. Le génome du patient pourrait avoir un impact sur la prise en charge avec notamment les données de pharmacogénétique. Une étude actuellement réalisée en France sous l’égide de l’Intergroupe Francophone de Cancérologie Thoracique (IFCT) et d’Unicancer a pour objectif de montrer la supériorité du traitement bioguidé dans les stades IV de CBNPC non muté EGFR et sans réarrangement de ALK. Les patients bénéÀcient pendant leur traitement d’induction d’une analyse complète par hybridation génomique comparative sur réseau d’ADN (CHG) et séquençage de nouvelle génération (NGS) de leur proÀl moléculaire. Pour les patients non progresseurs, chez qui l’anomalie moléculaire est isolée une randomisation est réalisée entre un traitement bioguidé (selon anomalie) ou traitement par traitement standard (chimiothérapie ou traitement ciblé recommandé). EnÀn, l’immunothérapie représente une perspective encourageante dans la prise en charge des patients avec un carcinome bronchique. En effet des inhibiteurs de PD1 dans une étude de phase 1 ont montré des résultats intéressants dans le cancer bronchique et sont d’autant plus efÀcaces que l’expression de PDL1 est importante sur les cellules cancéreuses (83 % de taux de réponse en phase I) [10]. La recherche de l’expression de PDL1 sur les tumeurs va probablement être réalisée de façon systématique à l’avenir. Par ailleurs la combinaison de stratégies thérapeutiques peut permettre d’améliorer la survie des patients. C’est le cas de l’association d’un TKI et d’un inhibiteur de CTLA4 pour les patients qui présentent une mutation d’EGFR et qui progressent sous TKI. En conclusion, la cartographie moléculaire actuelle permet d’utiliser des traitements bioguidés au quotidien. Ces traitements sont à intégrer avec les autres traitements classiques. Dans l’avenir le but est de poursuivre le démembrement des 2 voies de transduction du signal pour augmenter le nombre de cibles potentielles dans le cancer bronchique. De nombreux essais cliniques bioguidés sont en cours. Des traitements devraient obtenir rapidement l’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez les patients porteurs d’une mutation BRAF de type V600.
Liens d’intérêts 20
FGFR1-amp
F. Barlési et M.-A. Cornetto : aucun.
KRAS-mut EGFR-mut
6 5
60 4 3 2
DDR2-mut
Références
PIK3CA-mut
[1]
BRAF-mut not defined
Figure 2. Répartition des mutations génétiques des carcinomes épidermoïdes, d’après [9].
[2]
[3]
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