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ASSOCIATION NATIONALE DE MÉDECINE DU TRAVAIL ET D’ERGONOMIE DU PERSONNEL DES HÔPITAUX
hors mission, auquel cas il peut s’autoriser à faire valoir certains droits ? Et s’il est atteint dans son aptitude à exercer son métier, n’est-ce pas qu’il est personnellement fragile ? L’écueil est ici double : se craindre en recherche de ce que l’on dénomme des bénéfices secondaires, se penser comme inapte ou incompétent. CONCLUSION Face à ces manifestations problématiques, signes d’une déstabilisation plus ou moins grave, voire signes d’un véritable trauma, suffit-il de rassurer le soignant et de le conforter dans sa compétence ? La réponse est bien évidemment non, du moins doit-on penser que cela ne saurait suffire à le restaurer durablement comme professionnel. Un accompagnement spécifique est à penser et à mettre en œuvre, dont les principes restent encore grandement à élaborer mais qui peut s’inspirer du travail développé depuis longtemps par les associations d’aide aux victimes dans un autre espace que celui du travail, l’espace judiciaire. L’implication de l’ensemble de l’établissement représente le cadre indispensable au développement d’une telle forme d’accompagnement et de la réflexion collective autour de la mission collective, du métier de soignant et de son exercice, son cadre indispensable. Car la violence comme problème est aussi à entendre comme le symptôme d’une crise plus générale de l’institution concernée, à un moment historiquement important de son histoire.
Vers une cohérence institutionnelle du soutien aux victimes dans le champ professionnel E. LE BEZVOËT Centre hospitalier Guillaume Régnier, 35703 Rennes Cedex 7. Depuis janvier 2002, je travaille au Centre hospitalier Guillaume Régnier en tant que psychologue clinicien attaché à la médecine du travail. Ce poste à mi-temps a été créé afin d’apporter un soutien aux différents professionnels de l’hôpital confrontés à des situations violentes telles qu’agressions, décès, mais aussi à d’autres difficultés découlant de leurs exercices professionnels telles qu’épuisement, relations conflictuelles, etc. Financé par le contrat d’objectifs et de moyens, ce dispositif a été défini dans le cadre du projet social d’établissement. En ce qui concerne le soutien aux soignants touchés par des situations violentes et potentiellement traumatisantes, il m’a fallu prendre en compte les spécificités du champ professionnel dans lequel a lieu l’accident et le soutien à la victime : comment rendre opérant ce soutien au travers d’une prise en compte de l’institution dans laquelle il s’inscrit ? En effet, il ne suffit pas de créer un poste de psychologue pour que l’on considère qu’il existe un dispositif de soutien à proprement parler. Je l’ai très vite constaté du fait du peu de soignants rencontrés dans les premiers mois de mon activité.
sujet pour survivre psychiquement à l’épisode violent. Pour F. Lebigot, le trauma est une effraction, la pénétration à l’intérieur de l’appareil psychique d’une image qui ne devrait pas s’y trouver, l’image de soi comme mort. L’événement traumatique se spécifie alors par l’impossibilité dans laquelle a été la victime de l’assimiler, de l’intégrer. Suite à cette rencontre, qui peut être par exemple une agression, le sujet se sentira extrêmement fragilisé dans son identité profonde. Ainsi, il aura pu se sentir, durant quelques secondes à peine, comme un objet, une petite chose qui peut très facilement être anéantie : « j’ai rebondi sur le mur comme une balle...il m’a secoué comme une poupée de chiffon ». L’urgence pour le sujet ayant vécu cette expérience sera de très vite se mettre à distance du risque d’anéantissement et d’effondrement narcissique. Pas question pour lui alors d’y revenir au travers d’un appel à l’aide qui mettrait encore plus à nu sa vulnérabilité. C’est pourquoi les pratiques visant à soutenir les sujets traumatisés insistent sur la nécessité d’une initiative venant d’abord des aidants afin d’amorcer une reprise dans le langage et dans le lien de ce que la victime a vécu d’innommable. Le soutien apporté par le psychologue prendra souvent la forme du débriefing individuel. Il s’agira de favoriser chez la victime une mise en mot progressive et la construction d’un récit sur ce qui n’a pu être exprimé. Le sentiment de se ré-approprier l’événement, puis la possibilité de le relativiser, de le dédramatiser, apparaîtra avec cette mise en récit de ce qui jusque là était en dehors des mots et seulement dans une réalité à l’état brut. On comprend alors très bien que le rôle du psychologue ne puisse se limiter à attendre une éventuelle demande et qu’il ne puisse non plus se détourner de l’institution et de ses effets potentiels de soutien ou au contraire de sur-victimisation. Ainsi, certains soignants ont vécu la proposition qui leur a été faite de me rencontrer comme un véritable abandon de la part de leurs supérieurs. Rencontrer le psychologue, c’était pour eux « aller se faire voir...ou entendre ailleurs », alors qu’ils attendaient avant tout qu’au sein de leurs services les uns et les autres se sentent concernés. L’accident traumatique avait produit une première cassure que la réaction d’indifférence autour d’eux et la délégation du problème ne faisait qu’aggraver. Pour rendre opérant ce dispositif, il fallait qu’il s’inscrive dans une continuité institutionnelle avec une implication collective. Avec d’autres professionnels, nous avons donc essayé de tisser des fils à différents niveaux : celui du soignant, de l’équipe, du service et de l’établissement dans son ensemble. Ceci afin que le soignant en souffrance puisse glisser sur ces fils sans qu’il y ait d’autres ruptures à se surajouter au sentiment d’abandon déjà présent dans le contexte du traumatisme. C’est cette liaison institutionnelle qui en elle même peut produire un premier effet de réparation. A l’inverse, le cloisonnement entre les réparations administrative, médicale, psychologique et corporative ne peut être vécu par la victime que comme une prise en compte toujours partielle de sa situation. Ce souci de la dimension institutionnelle est en train de prendre plusieurs formes : courrier au domicile, contacts entre les différents intervenants, rencontres avec les équipes soignantes, etc.
LA PRISE EN COMPTE DU TRAVAIL RÉEL L’IMPLICATION GLOBALE DE L’INSTITUTION DANS LE SOUTIEN A LA VICTIME Comme dans tout dispositif de soutien aux victimes, j’ai été amené à prendre en compte les défenses mises en place par le
Toutefois, ce dispositif se confronte actuellement à une limite constituée par les exigences implicites du travail réel. Le travail réel est celui qui n’est pas officiellement prescrit mais qui est réellement demandé.
RENNES LES 1-2-3 OCTOBRE 2003
Ainsi, les hommes peuvent être sollicités pour leur force physique lorsqu’ils sont appelés en renfort dans une autre unité pour contenir un patient agité. Chaque jour en venant au travail, ils savent donc qu’ils peuvent être sollicités à tout moment auprès d’un patient et dans un contexte qu’ils ne connaissent pas. Ils savent également qu’ils seront appelés parce qu’ils sont des hommes capables éventuellement de faire la preuve de leur force physique et d’une certaine invulnérabilité. Pour tenir à distance cette réalité d’un risque toujours encouru et pour accepter de tenir cette place implicitement exigée par l’organisation du travail, le soignant n’a pas d’autres choix que de se préserver au travers de stratégies défensives, souvent collectives. La virilité peut alors être une manière de défier la peur, de la tourner en dérision et de la dépasser pour aller quotidiennement au travail sans que la charge psychique ne devienne trop lourde. Ces défenses ne préservent pas du risque réel mais plutôt de la souffrance à le penser. Par conséquent, l’adhésion à ce type de défense implique la mise en sourdine de ses propres mécanismes de défense. On peut à ce propos se demander si l’engourdissement partiel de son propre appareil psychique n’augmenterait pas les risques de traumatismes au moment de l’épisode violent. Dans ce contexte, la rencontre avec le psychologue suite à une agression peut être appréhendée comme un risque. L’expression émotionnelle des sentiments de vulnérabilité et d’impuissance dans un cadre individuel ne permettant plus au sujet d’adhérer à l’illusion groupale d’invulnérabilité. Le sujet aurait alors l’impression de prendre le risque de se désolidariser de l’idéologie défensive du groupe dans lequel il travaille. Là encore, il nous faudra travailler à une certaine cohérence institutionnelle en prenant en compte l’organisation du travail réel. Autrement dit, on ne peut pas demander au soignant de répondre aux exigences implicites du travail — prendre sur soi — et en même temps d’exprimer un vécu où se mêlent des sentiments de vulnérabilité, d’impuissance, de peur et de culpabilité. C’est donc bien un dispositif impliquant toute l’institution qui est à construire lorsqu’il est question de soutien psychologique aux soignants.
Le réseau hôpital sans tabac
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application des dispositions réglementaires de la loi de 1991 sur le tabagisme dans les lieux publics (Loi Evin) et des textes qui l’ont complétée (circulaire du 3 avril 2000...). A cette fin, le Réseau hôpital sans tabac a élaboré une charte en 10 points qui constitue le fondement de son action, reprise pour le Réseau européen des hôpitaux sans tabac en 1999. Début 2003, le Réseau hôpital sans tabac rassemble près de 300 établissements publics ou privés de toute taille au sein desquels une stratégie de communication vers les patients, leur famille et les personnels a été mise en place. Des formations ont été instituées pour modéliser l’action des médecins, des soignants et des personnels administratifs dans la prévention et la prise en charge du tabagisme. Le Réseau joue ainsi un double rôle : fédérateur à l’échelon national, catalyseur des initiatives des professionnels de santé au niveau local. Poursuivant sur sa lancée, le Réseau hôpital sans tabac intègre depuis 2 ans les Maternités sans tabac et travaille dès à présent sur l’organisation de la prévention du tabagisme au sein des établissements psychiatriques qui est une de ses priorités pour 2004. Dans le même temps, la régionalisation de ses actions se traduira par la formation des étudiants en soins infirmiers à l’approche du fumeur à l’hôpital. Parmi les opérations réalisées en 2003, on retiendra : — le Baromètre tabac personnel hospitalier sur 300 hôpitaux, avec un objectif de 60 000 questionnaires retournés. Projet en cours de réalisation. Analyse des données janvier 2004, publication du rapport final printemps 2004, — l’Opération ce mois-ci j’arrête, aide à l’arrêt du tabac pour les personnels hospitaliers, sur 150 hôpitaux toujours en cours jusqu’à fin octobre. Plus de 3 500 participants. Rapport d’évaluation décembre 2003, — l’Évaluation de l’application de la Charte hôpital sans tabac prévue pour octobre, réalisation auprès de l’ensemble des établissements adhérents avec un questionnaire spécifique. Rapport d’évaluation début 2004, — le projet URCAM/Maternité sans tabac. Le Réseau s’est positionné comme partenaire du projet régional de prévention et prise en charge du tabagisme des femmes enceintes conduit par l’URCAM d’Ile-de-France. Il en assurera le suivi pour les données épidémiologiques.
F. BONFILS, L. JOSSERAND Hôpital Broussais, Ilots des Mariniers, 102, rue Didot, 705014 Paris. Fondé en juillet 1996 par le Pr. G. Brücker au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, le Réseau hôpital sans tabac a très rapidement pris une dimension nationale grâce à son co-fondateur, la Mutuelle nationale des hospitaliers et des personnels de santé (M.N.H.) sous la direction d’Y. Lemarié. Le Réseau hôpital sans tabac fédère les établissements de soins autour de la prévention et la prise en charge du tabagisme en
CONCLUSION Ces missions positionnent le Réseau hôpital sans tabac comme une pièce maîtresse de la prévention du tabagisme à l’hôpital. Le programme de formations qui débutera en janvier 2004 viendra en appui de ce dispositif alliant communication et actions de terrain. Les prochaines années verront le renforcement de ces dispositifs dans une perspective européenne, au sein de laquelle il constitue déjà un modèle.