Vers une politique de gestion des risques en réanimation

Vers une politique de gestion des risques en réanimation

Réanimation 14 (2005) 417–418 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/ Éditorial Vers une politique de gestion des risques en réanimation The devel...

70KB Sizes 24 Downloads 164 Views

Réanimation 14 (2005) 417–418 http://france.elsevier.com/direct/REAURG/

Éditorial

Vers une politique de gestion des risques en réanimation The development of risk management in intensive care units P.E. Bollaert Service de réanimation médicale, hôpital Central, 54035 Nancy cedex, France Reçu et accepté le 3 mars 2005

Le risque est indissociable de la pratique de la médecine. Longtemps, il a été perçu comme essentiellement inhérent aux conséquences directes ou indirectes de la maladie. Le risque iatrogène, c’est-à-dire au sens étymologique du terme, directement engendré par le médecin, fait l’objet d’une préoccupation beaucoup plus récente. La progression des technologies médicales d’exploration, le développement de médicaments efficaces (et parfois dangereux), la fragilité plus grande des malades de plus en plus âgés pourrait l’expliquer. Pourtant, beaucoup d’indicateurs font plutôt penser que le rapport bénéfice–risque de beaucoup de prises en charge médicales évolue plutôt dans un sens favorable au bénéfice. La prise en compte du risque iatrogène est en fait beaucoup plus liée à l’évolution sociale des pays industrialisés. Sans doute à juste titre, les malades comprennent de moins en moins bien que de draconiennes procédures de sécurité appliquées dans une entreprise de transport aérien, n’aient pas d’équivalent dans des pratiques médicales au moins aussi risquées que la mise en route d’une ventilation assistée chez un malade en insuffisance respiratoire aiguë. En France, les drames du sang contaminé et de l’hormone de croissance, certaines épidémies d’infections nosocomiales ainsi que les retraits médiatisés de médicaments innovants ont aussi contribué à changer les relations entre les malades et leurs médecins. La confiance est maintenue, mais elle est armée. Plusieurs textes législatifs ou réglementaires dont la loi du 4 mars 2002 témoignent du désir des pouvoirs publics d’évoluer vers une véritable politique de gestion des risques liés aux soins. Pour plusieurs raisons, la réanimation est concernée au premier plan par la gestion des risques. Les technologies développées dans les suppléances des défaillances vitales, la manipulation de médicaments chez des malades en état précaire, la vulnérabilité considérable des malades séjournant dans les unités de réanimation vis-à-vis du risque nosocomial, la lourAdresse e-mail : [email protected] (P.E. Bollaert).

deur des comorbidités des malades traités, expliquent l’incidence des événements iatrogènes, atteignant selon les séries et le mode de recueil de 10 à plus de 30 % des malades séjournant dans ces unités [1–4]. Les conséquences en matière de morbimortalité ne font aucun doute, de même que le surcoût qu’elles entraînent. Fait important le caractère évitable de l’événement, est avéré dans prés de 50 % des cas. Il faut enfin observer que le séjour de prés de 10 % des patients de réanimation est lui-même motivé directement par la survenue d’un événement iatrogène [5]. Il était donc logique que la Société de réanimation de langue française en association avec la Société française d’anesthésie–réanimation inscrive cette thématique « transversale » au programme de sa 7e journée de formation médicale continue qui s’est déroulée le 29 avril 2004. Les textes publiés dans ce supplément spécial consacré à cette journée, s’ils ne résument pas de façon exhaustive l’ensemble du contenu de cette réunion témoignent de divers aspects de la question. A. Farge-Broyart et C. Roland soulignent toute l’importance d’une politique nationale de santé dont la déclinaison doit se faire à l’échelon régional et local [6]. I. Auriant et al. relatent une expérience originale de description des incidents et accidents iatrogènes liés à la ventilation mécanique, de la méthodologie possible de prévention et des difficultés de sa mise en œuvre [7]. D. Floret décrit le recueil des données d’un service de réanimation pédiatrique en distinguant les événements iatrogènes et les erreurs médicales [8]. Il souligne que plus de 80 % d’entre-elles concernent les médicaments. Le risque lié à l’utilisation des médicaments chez les adultes a été souligné à l’aide de deux exemples : celui du risque néphrotoxique en réanimation dans le rapport de F. Schortgen [9] et celui des antithrombotiques dans l’article de J.L. Diehl et al. [10]. Le risque directement lié à des erreurs de prescription médicamenteuses a été également parfaitement illustré par une présentation lors de cette réunion. Enfin, l’information du malade et de ses proches, soit préalablement à la réalisation d’un geste à risque, soit

1624-0693/$ - see front matter © 2005 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.reaurg.2005.03.001

418

P.E. Bollaert / Réanimation 14 (2005) 417–418

lors d’un accident iatrogène a fait l’objet de deux textes de ce numéro. Le point de vue du réanimateur y est abordé par J.M. Boles et al., soulignant les obligations législatives, réglementaires et déontologiques de la profession vis-à-vis de ces situations [11] ; le point de vue du juriste a été exprimé par C. Sicot qui souligne les grands dangers de l’absence de transparence [12]. Le caractère évitable de la plupart des événements iatrogènes implique la mise en place d’une politique de gestion des risques, composante importante de la démarche d’amélioration continue de la qualité. Celle-ci suppose une méthodologie [13], la possibilité d’y consacrer du temps, une volonté communautaire et sans doute beaucoup de courage et de patience... En effet, la réussite passe par l’acquisition durable d’une véritable culture de la prévention des risques. Nul doute que celle-ci est déjà en marche, au moins dans les esprits. Les bonnes intentions et les expériences encourageantes des services pionniers de ce domaine ne doivent pas faire méconnaître les difficultés : faible valorisation des personnes qui s’y consacrent, par comparaison à la recherche ou à l’activité de soins, politique institutionnelle souvent peu lisible voire inexistante, et quoi qu’on en dise, relative tolérance des malades et de leurs proches vis-à-vis des événements iatrogènes (pour combien de temps encore ?). Sans doute plus que d’autres spécialistes, les réanimateurs sont à même de montrer à la communauté médicale que le développement d’une véritable politique de gestion des risques au sein d’un service ou maintenant d’un pôle peut être un motif de satisfaction et d’accomplissement professionnel. Dans la négative, il ne restera malheureusement que la séculaire méthode de la carotte et du bâton. À nous de choisir sans tarder...

[2]

Giraud T, Dhainaut JF, Vaxelaire JF, Joseph T, Journois D, Bleichner G, et al. Iatrogenic complications in adult intensive care units: a prospective two-center study. Crit Care Med 1993;21:40–51.

[3]

Soufir L, Alberti C, Melot C, Romand JA, Damas P, Schaller MD, et al. Incidence of iatrogenic adverse events in intensive care unit: a multicenter study. Intensive Care Med 2000;26(Suppl 3):S271 (abstract).

[4]

Bracco D, Favre JB, Bissonnette B, Wasserfallen JB, Revelly JP, Ravussin P, et al. Human errors in a multidisciplinary intensive care unit: a 1-year prospective study. Intensive Care Med 2001;27:137–45.

[5]

Darchy B, Le Miere E, Figueredo B, Bavoux E, Domart Y. Iatrogenic diseases as a reason for admission to the intensive care unit: incidence, causes, and consequences. Arch Intern Med 1999;159:71–8.

[6]

Farge Broyart A, Rolland C. Politique nationale de gestion des risques en établissements de santé. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter.

[7]

Auriant I, Pibarot ML, Tenaillon A, Raphael JC. Evènements Iatrogènes et ventilation mécanique. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter.

[8]

Floret D, Gay CL. La pathologie iatrogène en réanimation pédiatrique. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter.

[9]

Schortgen F. Néphrotoxicité et médicaments. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter.

Références

[13] Beckmann U, Bohringer C, Carless R, Gillies DM, Runciman WB, Wu AW, et al. Evaluation of two methods for quality improvement in intensive care: facilitated incident monitoring and retrospective medical chart review. Crit Care Med 2003;31:1006–11.

[1]

Abramson NS, Wald BS, Grenvik AN, Robinson D, Snyder JV. Adverse occurrences in intensive care units. JAMA 1980;244:1582–4.

[10] Diehl JL, Bornstain C, Sztrymf B, Lerolle N. Risque des antithrombotiques en réanimation. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter. [11] Boles JM, Boumediene A, Dy L, Prat G, L’Her E, Renault A. Evènements iatrogènes en réanimation : comment informer le patient et sa famille? Le point de vue du réanimateur. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter. [12] Sicot C. Comment informer le patient et sa famille? Le point de vue juridique. Réanim 2005; dans ce numéro à compléter.