Arch PCdjatr 2001 : 8 Suppl. 1 : 77-80 0 2001 Editions scientifiques et mkdicales Elsevier SAS. Tous droits rCservCs
Confkrence de consensus
Virologie F. Freymuth*
L’aspect virologique de la prise en charge des bronchiolites comporte des donnees se rapportant a l’epidemiologie, la physiopathologie, le diagnostic biologique, le traitement specifique et la prevention. Ces differents points ont fait l’objet de revues recentes [ l31, et la plupart d’entre eux seront abordes plus loin. Le diagnostic virologique doit faire partie du bilan d’entree des enfants hospitalises pour bronchiolite. I1 est moins repandu en pathologie communautaire. Pendant les quatre a cinq mois oti evolue l’epidemie a virus respiratoire syncytial humain (VRS), l’etiologie des bronchiolites est largement dominee par cette infection. Nous verrons les conditions dans lesquelles ce diagnostic peut etre realid, les outils mis a disposition des biologistes, et l’interpretation qui peut etre faite des resultats. Mais d’autres virus peuvent de temps a autre etre isoles au tours des bronchiolites de l’enfant. Nous verrons de quels virus il s’agit, et comment les detecter. VIRUS RESPIRATOIRE
SYNCYTIAL
Le VRS appartient au genre Pneumovirus (famille des Pnrumyxoviridue) avec plusieurs virus animaux donnant des pathologies voisines de la bronchiolite. C’est un virus enveloppe (done fragile) dont les Cl& ments constitutifs importants sont les deux glycoproteines externes : G, responsable de l’attachement du virus aux cellules, et F, responsable de la pen&ration intracellulaire du virus et de la diffusion tissulaire de l’infection. Les reponses humorales et cellulaires induites par ces deux proteines sont a l’origine de la guerison d’une infection a VRS et de la protection antivirale, mais elles peuvent paradoxalement gene-
rer des lesions pulmonaires. Le VRS infecte Clectivement les cellules du tractus nasobronchique, et entraine une pathologie bronchique dont le determinisme decoule en partie de la reponse inflammatoire et immunitaire de l’individu. L’infection est anormalement peu immunisante, et les frequentes reinfections sont parfois generatrices de pathologies (bronchiolite, crise d’asthme.. .). Recherche du VRS dans la hronchiolite La majorite des bronchiolites du nourrisson resultant d’une primo-infection, la proliferation virale y est intense, s’accompagne d’une n&rose Cpitheliale &endue et d’une reaction inflammatoire importante. L’excretion virale dans le nez est importante des le debut de la maladie ; la charge virale du prelevement varie de lo2 a lo4 doses infectieuses 50 par mL [3], et la detection virale est en principe aisee. Mais il existe aussi quelques situations ou la maladie peut resulter, du moins en partie, d’un processus immunopathologique, dans lequel la charge virale peut etre faible. Des phenomenes bronchoconstricteurs, notamment medies par des IgE specifiques, peuvent etre declenches par des charges virales reduites, et l’on sait que dans les formes tres dyspneisantes d’infections a VRS, il y a significativement plus d’histamine et d’IgE anti-VRS dans les secretions nasales que chez les enfants infect& non dyspneiques. Dans la bronchiolite, les virus ou leurs constituants sont recherches au niveau de l’epithelium respiratoire, par un prelevement nasal, et non pharynge qui contient environ trois fois moins de virus [4]. Le recueil de secretions est fait par Ccouvillonnage nasal a l’aide d’un coton tige, ou mieux par aspiration a l’aide d’une petite sonde reliee a un flacon a prelevement. Nous avons montre qu’il n’existe pas de dif-
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F. Freymuth
f&ewe significative dans les resultats de la recherthe de VRS dans le nez ou les branches, quelle que soit la technique utilisee. 11est done inutile, chez le nourrisson, d’utiliser des techniques plus invasives, en dehors des manceuvres de kinesitherapie respiratoires qui permettent le recueil d’excellents d’echantillons. Le plus souvent, le recueil est facilite par la persistance de la rhinite qui debute en general la bronchiolite. II existe neanmoins des situations ou le nez de l’enfant est relativement set, et ou l’aspiration ne ramene pas d’exsudat. Dans les formes s&&es de bronchiolites, la pathologie bronchiolaire peut etre decalee de quelques jours par rapport a la multiplication virale, et les reinfections peuvent se produire sans rhinite. Dans ces cas, on peut utiliser soit un lavage nasal, soit un Ccouvillonnage nasal apres avoir humidifie le coton de l’ecouvillon dans le milieu de transport, et en rep&ant l’operation plusieurs fois avec le m&me Ccouvillon, soit idealement utiliser des secretions tracheobronchiques obtenues apres kinesitherapie. Pour la recherche des antigenes viraux par immunofluorescence (IF) ou immunocytochimie (EIA), les secretions sont transmises telles quelles au laboratoire si le delai de conservation a temperature ambiante n’excede pas une heure. Dans les cas oti le delai entre le recueil de l’echantillon et l’arrivee au laboratoire est superieur, et si on veut effectuer un isolement viral, l’utilisation d’un milieu de transport protecteur et son maintien au froid sont indispensables. Les outils traditionnels virologique
du diagnostic
L’examen de deux serums, preleves a au moins dix jours d’intervalle, permet de rechercher une seroconversion en cas de primo-infection, ou une elevation significative des anticorps en cas de reinfection. Outre le delai de plus d’une semaine necessaire a l’obtention du diagnostic, cet examen a peu d’indret chez le nourrisson qui Clabore des quantites faibles de certains anticorps, notamment anti-G, anti-F et neutralisants [5], et chez lequel la presence quasi constante d’anticorps anti-VRS d’origine maternelle gene l’interpretation des rbsultats. 11existe des trousses ELISA permettant la recherche des anticorps antiVRS. Le diagnostic d’une infection B VRS s’appuie done essentiellement sur la detection immunologique d’antigenes viraux dans les secretions respiratoires et sur l’isolement en culture de cellules.
Recherche d’antig&e en IF ou EIA
VRS par examen direct
La recherche d’antigene VRS par examen microscopique direct en IF des secretions nasales a CtCintroduite en France en 1980, a la suite des travaux de Gardner [6, 71. La methode est largement employee dans le diagnostic etiologique des bronchiolites en raison de sa simplicite, de sa rapidite et de son tout relativement mod&C. De nombreux reactifs utilisant des anticorps monoclonaux sont disponibles en France, et leur sensibilite n’est pas significativement differente. Comme nous l’avons montre, les resultats de 1’1F concordent avec ceux de la culture dans plus de 90 % des cas, mais elle permet aussi de detecter environ 6 % de prelevements infect& par le VRS qui sont negatifs en culture, parce que l’isolement de ce virus en cultures de cellules est diflicile et souvent limit6 par la thermolabilite virale ou la presence d’inhibiteurs de la croissance virale dans le prelevement [8]. Dans quelques cas (2 a 3 %), 1’IF est negative, alors que l’isolement en culture est positif. 11 s’agit souvent d’examens dont la lecture est ininterpi-&able (prelevements contenant trop peu de cellules, ou cellules trop alterees...), en raison de mauvaises conditions de recueil ou de transport. 11 peut s’agir aussi d’bchantillons contenant de faibles charges virales, decelables uniquement grace a l’amplification lice a la culture. Quatre trousses EIA sont actuellement disponibles pour la recherche directe d’antigene de VRS dans les secretions nasales : Abbott test Pack RSV, Directigen RSV Becton Dickinson, Pathfinder RSV Biorad, Vidas RSV bioM& rieux. Nous avons Cvalue la sensibilite analytique de trois de ces trousses sur cinq series de dilutions d’un stock de cellules MRC5 infectees par cinq souches de VRS (cinq VRS A, deux VRS B), et en comparaison avec un test d’IF directe (Dako”), I’isolement sur culture de cellules MRCS, et une recherche de sequence virale par une technique de RT-PCR hybridation [9]. La limite de detection est de lop2 pour le test EIA Biorad, lo-’ pour les tests EIA Abbott et bioMerieux, 10“ pour l’IF, lo-” pour la culture et la PCR. Dans une etude anterieure sur des echantillons cliniques, nous avions montre que la sensibilite du test EIA Directigen atteint celle de 1’IF et depasse celle du test Abbott [lo]. Ces methodes EIA ont le grand avantage de ne pas necessiter de precautions particulieres pour le recueil et le transport des echantillons, comme c’est le cas pour la recherche en IF
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ou par culture. L’examen se fait sur les antigenes viraux obtenus par extraction, et le maintien de l’integrit6 cellulaire ou de la viabilite virale n’est pas necessaire. Isolement du VRS en culture La recherche de VRS par isolement en culture de cellules n’a plus grand inter& en pratique, en raison de l’existence des methodes de diagnostic rapide. Plusieurs types cellulaires : MRCS, Hep2, NCIH292.. . permettent la croissance du VRS, mais son isolement est toujours diffkile car de nombreux facteurs g&rent la culture virale : l’instabilite du VRS, qui exige l’utilisation de milieux de transports specifiques et une inoculation rapide du prelevement ; la congelation, meme B une temperature adequate (< - 70 “C), qui entraine une chute du titre infectieux ; les inhibiteurs eventuellement presents dans I’aspiration nasale : anticorps, interferons.. . ; et enfin la contamination bacterienne obligatoire des Cchantillons, qui peut lyser les cultures ou masquer la presence virale. De plus, les lesions cellulaires specifiques (effet cytopathique) apparaissent tardivement, entre le cinquieme et le dixiemejour de culture. L’isolement du VRS en culture de cellules est done reserve essentiellement a la recherche, pour les etudes structurales, le genotypage, les modeles experimentaux, l’etude de la sensibilite aux antiviraux. L’isolement en culture de cellules represente un systeme d’amplification virale, une seule particule infectieuse pouvant, en theorie, aboutir a une culture positive. Ayant dans l’absolu la sensibilite la meilleure, la culture a Cte longtemps consideree comme la technique de reference. Les mbthodes de virologie moltkulaire Comme d’autres Cquipes, nous avons evalue des techniques de reverse transcription-PCR pour rechercher des sequences de VRS dans les Cchantillons respiratoires d’enfants atteints de bronchiolites [ 1I- 131. En depit de grandes differences dans les techniques : nature du prelevement, type d’extraction, choix du gene amplifie, revelation des amplicons.. . , ces techniques sont capables de detecter entre 57,4 % et 62,4 % d’echantillons positifs, alors que la moyenne de la capacite de detection des methodes conventionnelles est voisine de 43,6 % [ 141. On voit done
qu’environ un tiers de resultats positifs supplementaires est obtenu apres amplification genique. Ces outils moleculaires offrent d’interessantes perspectives dans le diagnostic des viroses respiratoires communes. Mais plusieurs obstacles s’opposent a leur utilisation actuelle : leur manque de standardisation, la comparaison des performances avec les techniques traditionnelles qui est tres difftcile, la fait que la technique PCR detecte aussi bien les particules virales infectieuses que non infectieuses, et enfin la signification de la detection de sequences virales qui n’est pas Ctablie dans le cadre du diagnostic d’infection virale.
LES AUTRES
VIRUS DES BRONCHIOLITES
Le VRS est l’agent Ctiologique majeur des bronchiolites, mais on isole de temps en temps des virus parainfluenza, des rhinovirus ou des virus influenza dans ces atteintes [ 151. A l’acme de l’epidemie ZtVRS, en decembre ou janvier, la majorite des bronchiolites est like B cette infection virale. Par contre, en octobre ou novembre, ou en fevrier et mars, la circulation d’autres virus respiratoires peut masquer le debut ou la fin de l’epidemie B VRS. Les virus parainfluenza 3 et les rhinovirus provoquent frequemment chez les jeunes enfants des infections de type rhinites ou rhinobronchites sifflantes, qui ressemblent tout a fait aux atteintes a VRS. La recherche du virus parainfluenza 3 est realisable en IF sur la lame d’aspiration nasale. En periode Cpidemique d’infections a VRS et virus influenza, plus de 90 % des aspirations nasales des enfants hospitalises pour une infection respiratoire sont positives. Sur l’ensemble des Cchantillons recus annuellement, 38,4 % seulement sont positifs [ 151. Le deficit en detection souligne les limites des outils traditionnels utilises pour rechercher certains virus respiratoires, et en particulier ceux qui circulent B l’automne et au printemps. Les rhinovirus en representent une part importante. 11srepresentent d’authentiques agents de bronchiolites [ 13, 161, mais leur mise en evidence ne peut se faire par detection antigenique directe. Sur plus d’une centaine de serotypes distincts, seuls quelques-uns sont isolables en culture de cellules, et la detection des rhinovirus doit en fait utiliser les methodes de PCR [ 131.
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