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Kinesither Rev 2015;15(157):5–7 Actualités Actualités professionnelles À savoir Véronique Dubard 1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté-sous-Jouarre, ...

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Kinesither Rev 2015;15(157):5–7

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À savoir Véronique Dubard 1, boulevard Pasteur, 77260 La Ferté-sous-Jouarre, France

HAS : recommandations concernant le dépistage et la prise en charge du syndrome apathique dans la maladie d'Alzheimer et maladies apparentées Soixante pour cent des patients atteints de la maladie d'Alzheimer sont affectés par l'apathie, syndrome souvent confondu à tort avec un syndrome dépressif. Mieux repérer et prendre en charge l'apathie, tels sont les objectifs de cette recommandation de bonne pratique. Elle a été élaborée dans le cadre du plan Alzheimer 2008–2012. Définition de l'apathie C'est un déficit persistant acquis de la motivation, rapporté par le sujet ou par son entourage. Cet état contraste avec le niveau antérieur de fonctionnement du sujet ou avec les standards d'âge et de culture. Les structures cérébrales atteintes et fréquemment associées à la présence de l'apathie sont, entre autres, les zones du cortex cingulaire antérieur, le cortex orbito-frontal, le cortex préfrontal ventrolatéral.

Il est recommandé de procéder à une hétéro-évaluation effectuée par un soignant et/ou un proche aidant et aussi d'essayer de recueillir, lorsque cela est possible, une évaluation par le patient lui-même. Des outils diagnostiques sont recommandés en cas de doute :  l'inventaire neuropsychiatrique (NPI pour Neuropsychiatric Inventory). Il évalue la fréquence et la sévérité de 12 symptômes parmi les plus fréquemment rencontrés au cours de la maladie d'Alzheimer et maladies apparentées. Les scores sont obtenus en multipliant la sévérité par la fréquence de chaque catégorie diagnostique ;  l'inventaire apathie. Il permet une auto- et une hétéro-évaluation des composantes symptomatiques de l'apathie. Le NPI est aussi utilisé pour évaluer le retentissement du fardeau ressenti par le proche aidant ou l'aidant professionnel. À noter, des versions réduites ou destinées aux proches aidants (NPIR), au personnel soignant en établissement de santé (NPI-ES) et aux médecins existent.

Signes cliniques Le syndrome apathique se manifeste selon trois composantes :  comportementales (démotivation, absence d'initiatives, absence de réponse et de spontanéité aux sollicitations de l'environnement et de l'entourage, désintérêt pour des sujets de conversation retenant habituellement son intérêt, appauvrissement des activités sociales) ;  cognitives ;  émotionnelles (peu réactif à l'annonce d'évènements nouveaux importants pour le sujet ou ses proches, peu d'émotions exprimées concernant des évènements positifs ou négatifs). Cet état persiste depuis plus de 4 semaines.

Diagnostic différentiel L'apathie et l'état dépressif comprennent des symptômes similaires : diminution ou perte d'intérêt, ralentissement psycho-moteur, asthénie, apparente diminution des capacités introspectives, sentiment de manque d'énergie. La sujet apathique ne se reconnaît pas excessivement triste ou déprimé, alors que le sujet dépressif manifestera une humeur triste pathologique car persistante ou particulièrement intense ou des ruminations dépressives, pessimisme, surgénéralisation morbide, autodévalorisation, culpabilité, sentiment de désespoir, idéations suicidaires. . . Ces deux entités sont, malgré tout, retrouvées fréquemment intriquées.

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Un syndrome peu spécifique Le syndrome apathique est présent dans de nombreuses pathologies autres

que la maladie d'Alzheimer ou maladies apparentées :  maladie de Parkinson, traumatisme cranio-cérébral, sclérose en plaques, tumeurs cérébrales, hydrocéphalie, pathologies cérébro-vasculaires, syndrome de Korsakoff, démences VIH. . .  maladies psychiatriques : épisodes dépressifs majeurs, troubles bipolaires, troubles dissociatifs, stress posttraumatique ;  maladies endocriniennes : hypothyroïdie, intoxication médicamenteuse, carence en vit B12 ;  insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, cancer. Le retentissement de l'apathie Sur le sujet :  intrication potentielle de l'apathie avec d'autres manifestations psychologiques et comportementales ;  émoussement affectif ;  retentissement somatique : état nutritionnel, soins corporels d'hygiène ou de plaies, observance médicamenteuse ;  autonomie et qualité de vie. Sur le proche aidant :  psychologiques : anxiété, stress, irritabilité, humeur dépressive, altération de la qualité du sommeil, altération de l'appétit, sentiment d'impuissance, découragement voire désespoir ;  sentiment de fardeau ;  détérioration de l'état de santé ;  risque de négligence voire de maltraitance envers le sujet apathique ;  épuisement à pallier l'inactivité du sujet en cherchant continuellement à le stimuler. Recommandations pour la prise en charge du sujet apathique Utilisation de techniques de soins appropriées. Elles reposent sur des attitudes comme la bienveillance (« il est apathique et non fainéant »), la recherche des potentialités préservées à solliciter, valoriser et ne pas mettre en échec, stimuler en fonction des centres d'intérêt et des capacités du patient, préférer les environnements familiers et rassurants.

http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.10.003 5

V. Dubard

Actualités Actualités professionnelles Utilisation de thérapies de stimulation cognitive, de réhabilitation psychosocio-cognitive écologique, d'évocations du passé, d'activités de groupe liées à la vie quotidienne. Sur le plan pharmacologique, la recommandation préconise d'arrêter, dans la mesure du possible, les médicaments à risque d'effets secondaires favorisant l'apathie. Les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase et la mémantine ne sont pas recommandés mais peuvent être prescrits dans le cadre de la prise en charge globale d'une maladie d'Alzheimer. Les anti-dépresseurs sont à utiliser avec précaution car favorisent l'apathie. Les proches aidant doivent être soutenus par les réseaux amical, familial, social. Leur charge de travail doit être diminuée en ayant recours aux services d'aide à domicile, en utilisant l'accueil de jour, de nuit, accueil temporaire. http://www.has-sante.fr/portail/jcms/ c_1660673/fr/maladie-d-alzheimer-etmaladies-apparentees-diagnostic-etprise-en-charge-de-l-apathie?cid= fc_1249601.

Prix Nobel de médecine 2014 Trois chercheurs, John O'Keefe, May Britt-Moser et Edvard Moser ont été récompensés du prestigieux prix Nobel de médecine pour leurs travaux démontrant l'existence d'un système de géolocalisation et de navigation situé dans le cerveau. Grâce à lui, nous pouvons savoir où nous sommes, nous déplacer d'un point à un autre, retrouver un chemin emprunté dernièrement. En 1971, John O'Keefe met en évidence l'existence de cellules nerveuses dédiées au positionnement dans l'espace. Il remarque que ce sont toujours les mêmes cellules qui s'activent lorsqu'un rat est positionné à un endroit précis d'une pièce. Ces cellules qu'il nomme « place cells » ou cellules de positionnement se situent au niveau de l'hippocampe. En 2005, May Britt-Moser et Edvard Moser découvrent qu'en complément des cellules de positionnement, d'autres cellules s'activent dans une région proche de l'hippocampe, le cortex entorhinal. Ces cellules, appelées « grid cells » ou cellules grilles, sont disposées selon une sorte de grille hexagonale traduisant l'existence d'un système de coordonnées spatiales. Elles permettent de naviguer dans l'espace. Ainsi, ces cellules de positionnement et cellules grilles associées à d'autres

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cellules nerveuses du cortex entorhinal qui reconnaissent la position de la tête et les limites d'une pièce permettent au rat de savoir où il se trouve et de se déplacer sans se tromper. Des recherches récentes en imagerie cérébrale et l'observation de patients ayant subi une neurochirurgie ont apporté la preuve de l'existence de ces cellules chez l'être humain. Chez des patients souffrant de maladie d'Alzheimer, l'hippocampe et le cortex entorhinal sont fréquemment atteints, ce qui expliquerait que ceux-ci se perdent dans des lieux familiers ou ne savent pas retrouver leur chemin. Ces découvertes concernant l'existence de cellules spécialisées collaborant entre elles à l'origine d'une fonction cognitive supérieure sont fondamentales. Elles ouvrent de nouvelles voies de compréhension pour d'autres processus cognitifs tels que la mémoire, le raisonnement, la planification. http://www.nobelprize.org/nobel_prizes/ medicine/laureates/2014/press.pdf.

La maladie d'Alzheimer Une démence dégénérative C'est la forme la plus commune des démences dont la définition selon l'OMS [1], est « une altération progressive de la mémoire et de l'idéation, suffisamment marquée pour handicaper les activités de la vie de tous les jours. Cette altération doit être apparue depuis au

moins six mois et être associée à un trouble d'au moins une des fonctions suivantes : le langage, le calcul, le jugement, la pensée abstraite, les praxies, les gnosies, ou modification de la personnalité ». Les démences sont réparties en deux catégories : dégénératives et non dégénératives. La Maladie d'Alzheimer fait partie des démences dégénératives. En France [2], elle concerne 850 000 malades, 1 million de malades attendu en 2020. Le nombre de personnes atteintes augmente avec l'âge : 0,5 % des personnes avant 65 ans, entre 2 et 4 % après 65 ans et 15 % à 80 ans. Au sein d'une même classe d'âge, on compte 3 femmes pour 2 hommes. Clinique Les symptômes sont de trois types : un déficit des fonctions intellectuelles (en premier lieu les troubles de la mémoire (Encadré 1) : oubli de faits récents), une réduction des activités quotidiennes associée à une modification du comportement, et une modification de l'humeur. Les lésions cérébrales Sur le plan physiopathologique [2], deux types de lésion sont responsables de la maladie. D'une part, les « plaques amyloïdes » formées par le dépôt d'une protéine à l'extérieur du neurone, le peptide bêta-amyloïde. D'autre part, des « dégénérescences neurofibrillaires » caractérisées par l'agrégation d'une

Encadré 1

Cinq types de mémoire. La mémoire de travail (lobe frontal) ou mémoire à court terme permet de stocker et de manipuler des informations pendant de courtes périodes et lors de la réalisation d'une activité. La mémoire procédurale (cortex moteur, ganglions de la base, cervelet) concerne les habiletés motrices, les savoir-faire, les gestes habituels. Elle est très fiable et conserve des souvenirs même s'ils ne sont pas activés pendant des années (faire du vélo, tenir une fourchette,. . .). La mémoire perceptive (cortex somato-sensoriel, cortex gustatif, cortex olfactif, cortex auditif, cortex visuel) enregistre de façon automatique et involontaire une trace des images, odeurs, sons, goûts auxquels nous sommes exposés. Cette mémoire des sensations faciliterait l'encodage des souvenirs. La mémoire sémantique (lobe frontal gauche, lobe temporal gauche) stocke nos connaissances générales acquises, un dictionnaire interne en quelque sorte. La mémoire épisodique (cortex préfrontal, hippocampe) enregistre tous les évènements biographiques. Cela englobe les faits eux-mêmes, leur contexte temporel, spatial et émotionnel.

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protéine à l'intérieur du neurone, la protéine Tau. Cependant, le lien entre accumulation de plaques amyloïdes et le déclin cognitif n'est pas certain alors qu'il l'est avec la dégénérescence neurofibrillaire. L'atrophie du cerveau est d'abord hippocampique puis temporale puis frontale. Les astrocytes et les cellules microgliales prolifèrent pour phagocyter les lésions cérébrales participant ainsi à une réaction inflammatoire délétère. À cela s'ajoute l'atteinte des systèmes de neurotransmetteurs. L'activité de l'enzyme de synthèse de l'acétylcholine, la choline acétyl transférase est anormalement basse dans le cerveau surtout dans les régions atteintes par la maladie comme l'hippocampe et le cortex cérébral [3]. Facteurs prédisposant Il existe un terrain génétique favorisant le développement de cette maladie ainsi que des facteurs environnementaux et comportementaux. Selon les chercheurs, une prévention de la maladie permettrait de retarder son apparition voire de l'éviter à défaut d'un traitement médicamenteux peu efficace de nos jours. Selon les travaux de Deborah Barnes cités par Sciences et Avenir [4], les facteurs favorisant seraient :  un faible niveau d'éducation (augmentation de 19 % du risque de contracter la maladie) ;  le tabagisme, + 14 % ;  l'inactivité physique + 13 % ;  la dépression (+ 11 %),  l'hypertension artérielle du milieu de vie (+ 5 %) ;

Encadré 2

La fabrication d'un souvenir. Lorsque vous vivez un événement, des neurones de chacune des aires sensorielles du cerveau sont sollicités générant des « motifs d'activités neuronales ». Ces motifs sont combinés par le cortex entorhinal en un seul signal (véritable carte spatio-temporelle des zones du cerveau activées) et transmis à l'hippocampe. Celui-ci active alors certains de ses neurones selon un motif unique qui correspond au souvenir de la scène. Ce réseau de neurones hippocampiques est consolidé et le souvenir devient durable. Lorsqu'une composante du souvenir apparaît, elle réactive le réseau tracé dans l'hippocampe. Ce dernier mobilise alors l'ensemble des régions cérébrales qui ont participé à la formation du souvenir. D'après [5].

 le diabète (+ 2 %) ;  l'obésité du milieu de vie (+ 2 %).

La prévention En conséquence, il est fortement recommandé de poursuivre des études le plus longtemps possible afin d'augmenter la réserve cérébrale, de pratiquer régulièrement une activité physique (30 à 60 minutes par jour), de traiter son cholestérol, hypertension et diabète, d'optimiser son alimentation (fruits, légumes, poissons, huiles riches en oméga 3, vin, café) et de stimuler son cerveau en restant actif le plus longtemps possible (Encadré 2). [1] www.who.int/mediacentre/factsheets/ fs362/fr/ consulté le 22 octobre 2014. [2] Hancok C, Alzheimer, le défi à la médecine. Sciences et Vie, no 268, 81, 82.

[3] http://nzaher710.free.fr/site/epicure/mw/ EMC_Alz_2006.pdf consulté le 24 octobre 2014. [4] Sender E, Alzheimer, objectif prévention, Sciences et Avenir 2014, no 812, 30–5. [5] Mérat MC, Sciences et Vie 2014;(268 S): 23–5.

Pour en savoir plus, deux dossiers parus dans les revues suivantes : Sciences et Vie, hors série, septembre 2014, no 268: la mémoire, ses secrets, ses troubles. Sciences et Avenir, octobre 2014, no 812: on peut prévenir Alzheimer. Les 5 recommandations des scientifiques pour se protéger.

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