Formation Fenêtre sur cours
Kinesither Rev 2007;(66):24-7
L’arthrose : pour en savoir plus B. P E T I T D A N T (1), P. G O U I L LY (2)
Après avoir décrit le cartilage hyalin, les auteurs font une synthèse des données actuelles concernant la physiopathologie de l’arthrose. Des connaissances fondamentales pour le kinésithérapeute qui agit régulièrement sur cette structure.
MOTS CLÉS
Arthrose Cartilage Thérapeutique
Ce texte est tiré du livre Comprendre la kinésithérapie en rhumatologie, Masson, 2006.
Le cartilage hyalin Étymologiquement, « hyalin » signifie « qui ressemble au verre ». C’est le plus courant, le cartilage des surfaces articulaires, des cartilages costaux. Les chondrocytes sont enfermés dans des logettes : les chondroplastes, disposés en file ou en cercle. Les fibres de collagène représentent 43 % du poids du tissu sec ou 15 à 20 % du poids du cartilage frais. La substance fondamentale est riche en eau (70 %), elle contient également des sels de sodium, les protéoglycanes. Le cartilage se répartit en 4 couches (figures 1 et 2) : – une couche superficielle C1 qui occupe 5 à 10 % de la hauteur ; les chondrocytes y sont nombreux, aplatis, parallèles à la surface, les fibres collagènes sont disposées tangentiellement à la surface et sont de petit calibre ; – une couche intermédiaire C2, encore appelée tridimensionnelle en raison de l’enchevêtrement en tous sens des fibres de collagène qui représentent 40 % de la hauteur, les chondrocytes sont plus arrondis et disposés de façon éparse ; – une couche profonde C3, dont la hauteur est la même que C2, les chondrocytes sont sphériques et agencés en colonne, Dans les couches C2 et C2 se trouve le plus de substance fondamentale. Sa fréquence de renouvellement est de 3 ans. Dans C2 et C3 les fibres de collagène sont plus grosses et prennent une direction de plus en plus radiaire vers la profondeur. – une couche C4 calcifiée qui constitue un système d’ancrage solide servant de transition avec l’os. Les
chondrocytes et les fibres de collagène y sont donc rares. C’est la “Tidemark”.
Le processus arthrosique L’arthrose est une maladie articulaire chronique caractérisée par une détérioration structurale du cartilage articulaire. Macroscopiquement on reconnaît 4 stades lésionnels : – stade I : ramollissement du cartilage (chondromalacie) ; – stade II : fibrillation, fissures superficielles (figure 3a) ;
Article reçu le 11/05/06. Accepté le 11/05/06.
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(1) Clinique de traumatologie et d’orthopédie NANCY, (2) CHR Metz Thionville E-mail :
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Figure 1. Coupe tridimensionnelle de cartilage.
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– stade III : fissures profondes aspect dit en chair de crabe ou soulèvement de clapets cartilagineux (figure 3b) ; – stade IV : ulcération avec mise à nu de l’os sous chondral (figure 3c). Microscopiquement, on voit une fragmentation des fibres de collagène avec déperdition des protéoglycanes,
les chondrocytes sont hyperactifs, mais il y a une perte de la régulation de l’activité d’anabolisme et de catabolisme au profit du catabolisme entraînant une libération d’enzymes aggravant la dégradation des protéoglycanes et du collagène.
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« L’arthrose est une maladie articulaire chronique caractérisée par une détérioration structurale du cartilage articulaire.»
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Figure 2. Coupe de cartilage (les flèches visualisent les chondrocytes).
L’autre élément de l’unité fonctionnelle, l’os, présente également des réactions. Une prolifération de néo-formation osseuse, les ostéophytes, apparaît à la jonction capsulo-synoviale. Dans la zone de charge existe une condensation osseuse sous-chondrale. Au-delà de ce front d’ostéocondensation peut apparaître une zone d’ostéosclérose constituée de géodes intra-osseuses. La synoviale est normale ou fibreuse sauf lors des poussées congestives d’arthrose où existe une réaction inflammatoire aux débris libérés dans l’articulation. La synoviale a une capacité phagocytaire, mais elle se révèle insuffisante face aux débris cartilagineux voire osseux provenant de l’abrasion. Une synovite réactionnelle s’en suit. Dans les premiers stades avant l’atteinte osseuse, cette synovite serait à l’origine des douleurs puisque le cartilage n’est pas innervé. Par la suite, l’os étant innervé, les contraintes l’atteignant directement, les douleurs seraient aussi osseuses. Le collagène se renouvellerait en 400 ans, la substance fondamentale en 3 ans ; le cartilage n’a donc qu’une faible possibilité de régénération. Seuls les chondrocytes bordant la lésion cartilagineuse augmentent légèrement leur activité métabolique et un fibro cartilage aux résistances mécaniques moindres apparaît. Si la lésion atteint l’os sous chondral, les cellules issues de la moelle osseuse déclenche une réaction inflammatoire.
Figure 3. Processus de l’arthrose.
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B. P ETITDANT, P. G OUILLY
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Figure 5. Ostéonécrose de la tête fémorale. Figure 4. Dysplasie coxo-fémorale. Comparer la hanche droite dysplasique et la gauche normale.
L’arthrose est une maladie chronique, mais elle évolue par poussées, l’alternance de période de ramollissement, amincissement, réparation avant d’en arriver à l’ulcération explique ces poussées. Le ramollissement puis la destruction d’une pellicule de cartilage produit des débris, libère des enzymes de dégradation qui entraînent une réaction inflammatoire douloureuse de l’articulation. Les dégradations s’auto entretiennent si l’articulation n’est pas au repos ; souvent la douleur fait mettre l’articulation au repos. Une réparation lente peut pallier alors à certains dégâts. La réaction inflammatoire entraîne une surproduction de synovie qui dilue les débris et lubrifie l’articulation. La poussée inflammatoire douloureuse assure donc la mise au repos, le nettoyage, la lubrification et une réparation minimum du cartilage. Une période indolore ou moins douloureuse est possible jusqu’à un nouveau cycle de ramollissement, amincissement, destruction. Quand l’os sous-chondral est à nu, les douleurs sont permanentes et des poussées persistent chaque fois qu’une portion de cartilage restant est détruite. Une vingtaine d’années peuvent séparer les premières douleurs et l’ulcération complète de la zone portante. Ces douleurs ne sont pas toujours violentes, ce qui les fait négliger et l’arthrose est découverte à un stade avancé. Toute douleur régulière d’une articulation devrait conduire à une consultation médicale. L’évolution se fait vers une aggravation progressive se traduisant par une augmentation de la gêne fonctionnelle sans corrélation immédiate avec la radiographie.
Étiopathogénie En essayant de dresser une liste exhaustive des étiologies, on reconnaît : – les dysplasies qui entraînent une diminution de la congruence et des surfaces portantes (figure 4) ;
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Figure 6. La même tête vue en coupe. Noter la zone d’os sous chondral effondrée en zone portante et plus blanche au pôle supérieur correspondant à d’autres travées ostéonécrosées.
« La poussée inflammatoire douloureuse assure donc la mise au repos, le nettoyage, la lubrification et une réparation minimum du cartilage. » – les troubles statiques, désaxation même mineure ou instabilité ; – les surcharges fonctionnelles ou pondérales qui pour certains ont un rôle important, qui au contraire seraient à minorer pour d’autres sauf chez le sportif de haut niveau ; – les séquelles de traumatismes ; – les séquelles d’infections aiguës ou chroniques (germes banals ou BK) ; – les séquelles d’inflammation ; – les séquelles d’hémarthrose (hémophilie) ; – l’ischémie osseuse comme l’ostéonécrose (figures 5 et 6) ; – les dystrophies (maladie de Paget, etc.) ; – les troubles métaboliques (chondrocalcinose, goutte, etc.) ; – les troubles nerveux (arthropathie neurotrophique, etc.) ; – les troubles endocriniens (acromégalie) ; – l’hérédité (maladie arthrosique) ;
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– l’âge. Si le cartilage subit des altérations avec l’âge, celuici semble insuffisant à lui seul pour créer une arthrose, certains lui accorde cependant une place importante.
Classification Il existe une classification arthrose primitive qui survient donc sans cause particulière, et arthrose secondaire à l’une des étiologies citées. Selon les auteurs consultés, 40 à 60 % des arthroses seraient primitives, ce qui n’est guère satisfaisant pour l’esprit. Nous préférons suivre Ficat, pour qui toute arthrose repose soit
« Selon les auteurs consultés, 40 à 60 % des arthroses seraient primitives, ce qui n’est guère satisfaisant pour l’esprit. » isolément, soit en association sur une modification des 3 facteurs suivants : – les formes ; – les forces ; – la structure. Dans le cas de modification de formes et de forces même minime, le trouble est fonctionnel et résulte d’une malformation anatomique ou physiologique. Bien que sain et de structure normale, le cartilage dégénère sous l’action des sollicitations exagérées ; on parlera de chondrose mécanique ou arthrose vraie. Dans le cas de modification de structure, le cartilage est lésé au préalable et même si l’articulation est normale, le cartilage dégénérera car ses capacités sont diminuées ; on parlera de chondrose structurale ou encore de chondropathie.
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séparées par un intervalle libre de 2 mois, mais quelquefois en traitements continus. Ces traitements comportent : – des constituants du cartilage comme la chodroïtine sulfate, Structum®, Chondrosulf® ; – des produits visant à bloquer la dégradation des cartilages Art 50®‚ Zondar® ; – des extraits insaponifiables d’avocat et soja. Piasclédine® ; – l’acide hyaluronique en injection intra-articulaire Synvisc®‚ Adant®‚ Sinovial®‚ Arthrum®‚ Viscornéal®.
Traitements chondro-protecteurs Ils sont censés ralentir la destruction du cartilage ; les traitements symptomatiques d’action retardée et rémanente ont cette propriété mise en évidence sur des cultures cellulaires et l’arthrose expérimentale animale. La diminution de la vitesse de pincement de l’interligne est établie dans la coxarthrose pour l’Art 50‚ et dans la gonarthrose pour le Chondrosulf‚.
Traitements chondro-restaurateurs Ils sont censés faire repousser le cartilage, tous sont expérimentaux. P OU R E N SAVOI R P LUS
Brooks L et al. The Comprehensive Osteoarthritis Test: a Simple Index for Measurement of Treatment Effects in Clinical Trials. J Rheumatol 2004 ; 31 : 1180-6. Snelgrove T et al. Association of collagen genes and primary idiopathic in OA’. The Canadian Rheumatology Association Meeting, 2004, Podium Presentations J Rheumatol 2004;31:1425-6. Lin L et al. Efficacy of topical non-steroidal anti-inflammatory drugs in the treatment of osteoarthritis: meta-analysis of randomised controlled trials. BMJ 2004;329:324.
Traitements médicamenteux de l’arthrose Traitements symptomatiques d’action immédiate Sous cette rubrique se trouvent les antalgiques et antiinflammatoires non stéroïdiens (AINS). Les AINS sont en général réservés aux poussées d’arthrose. Les injections intra-articulaires de corticoïdes couramment appelées infiltrations sont également réservées aux poussées, l’asepsie doit être rigoureuse.
Mosher TJ et al. Age dependency of cartilage magnetic resonance imaging T2 relaxation times in asymptomatic women. Arthritis & Rheumatism 2004; 50: 2820-8. Schurman D et al. Osteoarthritis : current treatment and future prospects for surgical, medical and biologic intervention. Clin. Orthop. Rel. Res. 2004;1: S183-9. Rossignol M et al. Primary osteoarthritis of hip, knee, and hand in relation to occupational exposure. Occup Environ Med 2005 ; 62 : 772-7.
Traitements symptomatiques d’action retardée et rémanente Ces traitements agissent sur la douleur et la gêne fonctionnelle de façon retardée (de quelques semaines) et rémanente (persistant à l’arrêt du traitement). Ces traitements sont classiquement donnés par cures de 6 mois 27