Anémie persistante chez une patiente atteinte de la MG et d’une drépanocytose hétérozygote

Anémie persistante chez une patiente atteinte de la MG et d’une drépanocytose hétérozygote

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Cas clinique

Presse Med 2009;38:2S53-2S55 © 2009, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

Anémie persistante chez une patiente atteinte de la MG et d’une drépanocytose hétérozygote Hélène Desmurs-Clavel

Service de Médecine Interne, Hôpital Edouart Herriot, place d’Arsonval, 69003 Lyon, France.

Correspondance : H. Desmurs-Clavel, Service de Médecine Interne, Hôpital Edouart Herriot, place d’Arsonval, 69003 Lyon, France. [email protected]

Nous présentons le cas d’une patiente atteinte de maladie de Gaucher de type 1 associée à une drépanocytose hétérozygote. Le traitement enzymatique substitutif a permis d’améliorer tous les signes biologiques de la maladie de Gaucher en dehors de l’anémie. Après des investigations exhaustives, se pose la question de l’origine de cette anémie persistante.

Cas clinique Mademoiselle K., née en 1969, était adressée en août 2004 par le médecin du travail dans le service de médecine interne pour exploration et prise en charge thérapeutique d’une maladie de Gaucher de type 1. Ce diagnostic venait d’être réalisé sur le myélogramme sur la présence de cellules de Gaucher effectué dans le cadre d’une thrombopénie à 88 000/mm3 et d’une anémie à 9 g/dl. À l’interrogatoire, mademoiselle K était d’origine tunisienne, issue de parents consanguins (cousins germains). Elle avait une sœur de deux ans son aînée. Elle travaillait comme maniDesmurs-Clavel H. Anémie persistante chez une patiente atteinte de la maladie de Gaucher et d’une drépanocytose hétérozygote. Presse Med 2009;38:2S53-2S55 © 2009, Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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pulatrice radiologique à l’hôpital. Elle n’avait pas d’enfant. Les symptômes cliniques avaient débuté en 1992 par une asthénie, des douleurs lombaires non explorées. En 1996, l’asthénie était décrite comme invalidante, responsable d’arrêts de travail fréquents, avec persistance des douleurs lombaires et abdominales. Biologiquement était notée dans le dossier de médecine du travail une anémie à 10,4 g/dl, microcytaire associée à une thrombopénie à 130 × 106/l. Aucun examen complémentaire n’avait alors été demandé. Un traitement martial « d’épreuve » était prescrit pour deux mois sans amélioration des symptômes cliniques ou biologiques. Entre 1996 et 2004, la patiente surveillait elle-même son hémogramme. L’anémie était relativement stable entre 9 g/dl et 10,5 g/dl et la thrombopénie fluctuait entre 80 000 et 130 000/mm3. En août 2004, les plaintes étaient toujours dominées par l’asthénie, les douleurs lombaires mécaniques et les douleurs abdominales. L’examen clinique révélait un abdomen sensible à la palpation avec une splénomégalie modérée. Biologiquement, l’hémoglobine était à 8,8 g/dl avec un VGM à 81 fl3. Les plaquettes étaient à 81 000/mm3, le fer sérique était normal et la ferritine à 478 µg/l. L’électrophorèse de l’hémoglobine était en faveur d’une drépanocytose hétérozygote. Dans le cadre de la maladie de Gaucher, la recherche génétique confirmait chez notre patiente la mutation homozygote N370S. La sœur n’était pas porteuse de la mutation. L’électrophorèse de l’hémoglobine effectuée dans la famille confirmait

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Introduction

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H Desmurs-Clavel

la drépanocytose hétérozygote chez le père et la sœur aînée. Les marqueurs biologiques d’activité de la maladie de Gaucher étaient élevés avec une chitotriosidase à 5 502 nmol/h. ml, des phosphatases acides tartrate résistantes (PATR) à 16 UI/l, une enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA) à 178 UI/l (n = 12-68) et une ferritine à 478 µg/l (n = 10-290). Les radiographies des os longs et du bassin ainsi que la colonne lombaire ne montraient pas d’anomalie. L’échographie abdominale confirmait la splénomégalie mesurée à 14 cm de grand axe, sans autre anomalie. L’ostéodensitométrie décelait une ostéoporose sur les critères de l’OMS. La scintigraphie osseuse fixait sur les métaphyses des os longs et l’articulation de l’épaule droite. La patiente était alors traitée par enzymothérapie (cerezyme 60 U/kg toutes les 2 semaines) à partir de décembre 2004. Les paramètres biologiques et radiologiques de la patiente étaient surveillés tous les 6 mois (tableau I). Progressivement sous traitement, on constatait une amélioration de l’asthénie avec reprise d’une activité professionnelle à plein temps, atténuation des douleurs lombaires. La splénomégalie disparaît cliniquement et radiologiquement (rate mesurée à 7 cm en décembre 2006). Biologiquement, la thrombopénie disparait en trois mois, les marqueurs d’activité s’amélioraient. Seule persistait une hémoglobine à 10,8 g/dl. L’ostéodensitométrie montrait un gain de 8 % sur la densité minérale osseuse en 2 ans. En décembre 2006, soit à deux ans de traitement, les examens biologiques montraient des plaquettes à 287 000/mm3, une hémoglobine à 10,8 g/dl, une chitotriosidase à 750 nmol/h. ml avec des PATR à 2,3 UI/l, une ECA à 15 UI/l et une ferritine à 108 µg/l. Devant la persistance de l’anémie, nous avions repris les investigations. Il s’agissait d’une anémie microcytaire non régénérative. Le bilan martial était normal. La recherche d’une malabsorption

était tout de même effectuée, d’autant que la vitamine D était trouvée basse (25 OHD3 à 6 UI/l (n = 12-40 UI/l). Le bilan de coagulation était normal ainsi que le dosage de vitamine A et E, test au D xylose normal, gastroscopie avec biopsie duodénale normale en dehors d’une infection à Helicobacter pylori. Les anticorps antitransglutaminase étaient négatifs). La recherche d’une hémolyse était négative (haptoglobine et LDH normales, bilirubine normale, test de Coombs négatifs. Le bilan immunologique avait comporté en plus la recherche d’anticorps antinucléaires négatifs. La recherche d’une hémoglobinopathie avait comporté un contrôle de l’électrophorèse de l’hémoglobine révélant un phénotype d’hémoglobine S à l’état hétérozygote (hémoglobine A2 à 3,6 %, hémoglobine F à 0,9 % et hémoglobine anormale 35,4 %). La recherche d’une délétion commune par PCR était négative. La recherche d’un déficit en G6PD était négative. Au total, les deux « maladies » identifiées chez notre patiente sont la maladie de Gaucher et la drépanocytose hétérozygote.

Discussion La maladie de Gaucher est une maladie lysosomale rare responsable d’anémie, de thrombopénie, d’organomégalie et d’atteinte osseuse avec crises douloureuses. Le diagnostic repose sur la mise en évidence du déficit enzymatique en bêtaglucocérébrosidase et également sur la présence des cellules de Gaucher sur le myélogramme et parfois sur l’examen histologique d’une pièce de splénectomie. Les mutations les plus fréquentes sont les mutations N370S ou L 444 P. L’enzymothérapie permet l’amélioration ou la correction de ces anomalies dans un délai variable. Les anomalies hématologiques se corrigent en moyenne en 6 mois de traitement [1].

Tableau I Évolution des paramètres biologiques de la patiente sous traitement. Date

02/08/04

02/06/05

09/12/05

09/06/05

15/12/06

Durée de traitement

diagnostic

6 mois

12 mois

18 mois

24 mois

Plaquettes (106/l)

81

212

275

271

287

8,8

10,8

10,6

10,4

10,8

Chitotriosidase (nmol/h. ml)

5 502

2 019

930

837

750

PATR (UI/l)

16

9,6

5,9

5,8

2,3

178

35

NR

24

15

478

207

217

92

108

(n = 150-400) Hémoglobine (g/dl) (n = 120-160)

(n < 10) ECA (UI/l) (n = 12-68) Ferritine (µg/l)

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(n = 10-290)

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Le diagnostic de maladie de Gaucher est formel chez notre patiente avec un tableau clinique compatible (anémie, thrombopénie et splénomégalie, ostéoporose) et une confirmation par la présence de cellules de Gaucher sur le myélogramme, le déficit en bêtaglucocérébrosidase et la présence de la mutation génétique N 370S à l’état homozygote. La persistance d’une anémie après deux ans de traitement, alors que la thrombopénie s’était corrigée en trois mois, que la splénomégalie avait régressé en 6 mois, nous a fait rechercher une autre étiologie à cette anémie. Le bilan réalisé n’a pas trouvé de carence martiale ou vitaminique. Il n’y a pas d’argument pour une malabsorption ou une maladie cœliaque. La recherche d’une hémolyse est négative, qu’elle soit d’origine auto-immune, ou secondaire à la splénomégalie. Un déficit en G6PD ou la possibilité d’un trait thalassémique alpha ou bêta ont été recherchés et écartés. La relecture du myélogramme ne trouve pas d’argument pour une myélodysplasie. La seule autre anomalie est donc une drépanocytose hétérozygote. La drépanocytose hétérozygote est considérée comme totalement

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asymptomatique [2]. Cependant, il a été décrit des associations d’événement vaso-occlusifs, normalement décrits dans les formes homozygotes, (priapisme, infarctus rénaux.) chez des patients drépanocytaires hétérozygotes. Cette atteinte hétérozygote peut donc de façon exceptionnelle être symptomatique, associée à des symptômes cliniques habituellement attribués à la seule forme homozygote.

Conclusion Notre patiente avait une maladie de Gaucher typique dont la thrombopénie et la splénomégalie ont bien et rapidement (entre trois et six mois) répondu au traitement enzymatique substitutif. La persistance de l’anémie nous a fait rechercher une autre cause. La seule anomalie est l’existence d’une drépanocytose hétérozygote. Cependant, il reste difficile de conclure formellement sur la cause de cette anémie persistante. Conflits d’intérêts : l’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts.

Références Weinreb NJ, Aggio MC, Andersson HC, Andria G, Charrow J, Clarke JT, et al. Gaucher disease type 1: revised recommandations on evaluation and monitoring for adult patients. Semin Hematol 2004;41:15-22.

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Galacteros F. Drépanocytose. Encyclopédie orphanet. Création : juillet 1997. Mise à jour : février 2000. http://www.orpha. net/data/patho/FR/fr-drepanocy.pdf.

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