Bull Cancer 2015; 102: 716–718
Lettre à la rédaction
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Applications mobiles en oncologie : offre pour les utilisateurs francophones et questionnement sur le modèle de développement Mobile applications in oncology available for French users: Who's behind? Mots clés E-santé, M-santé, Applications mobiles, Oncologie Keywords E-health, M-health, Mobile applications, Oncology, Digital health Parmi les applications développées pour téléphones, tablettes et autres appareils mobiles, il existe un nombre croissant d'outils en rapport avec des questions de santé, offrant de nouvelles perspectives dans le domaine de l'information, de la prévention et du suivi de diverses pathologies. Le domaine de la cancérologie représente notamment un enjeu de développement important avec des applications destinées à la population, aux patients atteints de cancer ou aux professionnels de santé
[1–3]. Une recherche sur les stores permet ainsi aisément d'identifier de nombreux outils mais se pose alors la question pour l'utilisateur d'identifier les applications pertinentes. Nous avons dans cet esprit conduit une étude in silico sur les plateformes de téléchargements des applications pour mobile (stores), App Store (Apple) et Play Store (Google), afin d'analyser le profil des différentes applications disponibles (public cible, objectifs) en colligeant également les modalités de validation scientifique affichées sur la présentation et le mode de financement. La partie anglophone de cette étude a été présentée lors du dernier congrès de l'European Society of Medical Oncology [4] et la présente lettre à la rédaction a pour objet de rapporter les données spécifiques aux applications francophones. L'étude a été conduite du 7 décembre 2013 au 27 décembre 2013 par 5 professionnels de santé (médecins, pharmaciens et cadres de santé) et les mots-clés utilisés ont été « cancer », « oncologie », « chimiothérapie » et « radiothérapie ». Quatre-vingt-huit applications ont été identifiées dont les objectifs sont essentiellement liés à l'information des utilisateurs (tableau I). On note qu'une validation scientifique des applications, qu'il s'agisse de l'implication d'un professionnel de santé, d'une société savante ou d'un établissement ou réseau de santé, est mentionnée sur la présentation de l'application sur les stores dans 57 % des cas, ce qui est supérieure à ce qui a été observée pour les applications en langue anglaise
TABLEAU I Description des applications francophones en oncologie Total
Par public cible Non malades
n Nombre d'applications
716
Objectifs de l'application
%
88
Patients
Professionnels de santé
n
%
n
%
n
%
23
26
16
18
49
56
1
Formation/information
50
57
7
30
11
69
32
65
Suivi de congrès
17
19
0
0
1
6
16
33
Aide à la prescription
16
18
0
0
0
0
16
33
Monitoring
12
14
0
0
9
56
3
6
Dépistage
9
10
7
30
0
0
2
4
Sevrage tabagique
6
7
6
26
0
0
0
0
Prévention
3
3
3
13
0
0
0
0
Soutien des patients
3
3
3
13
0
0
0
0
Autres
9
10
3
13
4
25
2
4
tome 102 > n89 > septembre 2015
TABLEAU I (Suite). Total
Par public cible Non malades
Patients
Professionnels de santé
n
%
n
%
n
%
n
%
Tumeurs digestives
7
8
2
9
0
0
5
10
Peau
7
8
4
17
1
6
2
4
Sein
6
7
2
9
2
13
2
4
Appareil génital féminin
5
6
2
9
0
0
3
6
Appareil génital masculin
3
3
1
4
0
0
2
4
Système hématopoïétique
2
2
0
0
0
0
2
4
Voies aéro-digestives supérieures
2
2
1
4
0
0
1
2
Appareil respiratoire
1
1
0
0
0
0
1
2
Appareil urinaire
1
1
0
0
0
0
1
2
SNC
1
1
0
0
0
0
1
2
Toutes néoplasies
53
60
11
48
13
81
29
59
Éditeur de logiciel
21
24
7
30
3
19
11
22
Individu
16
18
6
26
1
6
9
18
Société savante
16
18
2
9
2
13
12
24
Éditeur classique
7
8
2
9
1
6
4
8
Fondation
7
8
2
9
3
19
2
4
Industriel pharmaceutique
7
8
0
0
1
6
6
12
Université/établissement de santé
6
7
2
9
4
25
0
0
Journal
1
1
0
0
0
0
1
2
Réseau de cancérologie
1
1
0
0
0
0
1
2
Non identifiable
3
3
1
4
0
0
2
4
Autres
3
3
1
4
1
6
1
2
Médecine
65
74
10
43
11
69
44
90
Forme et santé
13
15
9
39
4
25
0
0
Autres
10
11
4
17
1
6
5
10
Oui
50
57
11
48
10
63
29
59
Non
38
43
12
52
6
38
20
41
Pathologies concernées
Lettre à la rédaction
Applications mobiles en oncologie : offre pour les utilisateurs francophones et questionnement sur le modèle de développement
Auteur de l'application
Catégorie dans les stores
Mention d'une validation scientifique
Pourcentages supérieurs à 100 %, une application pouvant avoir plusieurs objectifs.
tome 102 > n89 > septembre 2015
717
1
Lettre à la rédaction
B. Brouard, P. Bardo, C. Bonnet, M. Vignot, S. Vignot
Figure 1 Mode de financement et liens avec l'industrie pharmaceutique annoncés pour les applications francophones en oncologie (d'après leur présentation sur les stores)
(37 %) mais sur un effectif qui était plus important (539 applications). L'absence de mention des modalités de validation scientifique ne remet pas en cause la valeur réelle de l'ensemble de ces applications mais doit interroger sur la diffusion d'informations dont la pertinence n'est pas évaluée et la valeur n'est pas hiérarchisée. Aucune validation médicale des applications de santé n'est en effet nécessaire pour mettre en ligne ce type d'application, les stores s'assurant juste de la fonctionnalité et de l'absence de contenu répréhensible. Il n'existe pas à ce jour de labellisation des applications comme cela a pu être par le passé proposé pour les sites internet. Le mode de financement des applications de santé dédiées à l'oncologie mérite également d'être considéré. Seuls 12,5 % sont payantes tandis qu'un soutien de l'industrie pharmaceutique est annoncé sur la présentation de l'application dans 26,1 % des cas (figure 1). Les possibles financements indirects (soutien à l'éditeur ou publicité) sont-ils visibles et vérifiables ? Sans remettre en cause non plus à ce niveau les contenus, la question de la transparence doit être prise en compte. Relecture scientifique indépendante et déclaration des conflits d'intérêts ont permis à la presse professionnelle de développer un cadre pour une information validée et vérifiable. Les utilisateurs, et l'ensemble des professionnels de santé, doivent être bien conscients que les applications de santé, quelle que soit la qualité de leur contenu, ne s'inscrivent pas à ce jour dans une telle démarche. La mention claire des modalités de validation et celle des sources de financement paraissent des éléments minimaux exigibles dans la présentation d'une application de santé sur les stores.
718
Déclaration d'intérêts : B.B. et S.V. ont participé au développement d'applications de santé. B.B. est devenu salarié de Withings après la réalisation de cette étude et son interprétation. Cette société n'a pas été
impliquée dans l'étude ou sa publication qui est conduite par B.B. à titre privé.
Références [1]
[2]
[3]
[4]
Brouard B, Bardo P, Vignot M, Bonnet C, Vignot S. E-santé et m-santé : état des lieux en 2014 et apports potentiels en oncologie. Bull Cancer 2014;101(10):940–50. Pandey A, Hasan S, Dubey D, Sarangi S. Smartphone apps as a source of cancer information: changing trends in health information-seeking behavior. J Cancer Educ 2013;28(1):138–42. Bender JL, Yue RY, To MJ, Deacken L, Jadad AR. A lot of action, but not in the right direction: systematic review and content analysis of smartphone applications for the prevention, detection, and management of cancer. J Med Internet Res 2013;15(12):e287. Brouard B, Bardo P, Bonnet C, Vignot M, Even C, Tossen G, et al. Use of mobile applications in oncology: is it possible for patients and healthcare professionals to easily identify relevant tools?In: ESMO Congress; 28 September 2014 [abstract 1.397].
Benoît Brouard1, Pascale Bardo2, Clément Bonnet3, Marina Vignot4, Stéphane Vignot5 1 75013 Paris, France Hôpital Henri-Mondor, pharmacie, 94010 Créteil, France 3 Hôpital Cochin, service d'oncologie médicale, 75014 Paris, France 4 Institut hospitalo-universitaire ICAN, pôle cardiométabolique, 75013 Paris, France 5 Hôpital Louis-Pasteur, service d'oncologie-hématologie, 28630 Chartres-Le-Coudray, France 2
Correspondance : Stéphane Vignot, hôpital Louis-Pasteur, service d'oncologie-hématologie, 4, rue Claude-Bernard, 28630 Chartres-Le-Coudray, France
[email protected] Reçu le 27 mai 2015 Accepté le 11 juin 2015 Disponible sur internet le : 30 juillet 2015 http://dx.doi.org/10.1016/j.bulcan.2015.06.007 © 2015 Société Française du Cancer. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
tome 102 > n89 > septembre 2015