Augmentation des naissances gémellaires et conséquence de la gémellité sur la santé à la naissance

Augmentation des naissances gémellaires et conséquence de la gémellité sur la santé à la naissance

Archives de pédiatrie 11 (2004) 653–655 www.elsevier.com/locate/arcped Table ronde : la gémellité Augmentation des naissances gémellaires et conséqu...

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Archives de pédiatrie 11 (2004) 653–655 www.elsevier.com/locate/arcped

Table ronde : la gémellité

Augmentation des naissances gémellaires et conséquence de la gémellité sur la santé à la naissance Increasing number of twins and its consequences on health at birth B. Blondel Unité de recherches épidémiologiques sur la santé périnatale et la santé des femmes, Inserm U149, 16, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94807 Villejuif cedex, France Disponible sur internet le 08 mai 2004

Les jumeaux représentent un groupe préoccupant en raison de l’augmentation très forte du nombre d’enfants et des risques de mortalité et de morbidité observés chez ces enfants. Dans cette revue, l’état de santé des jumeaux et des enfants uniques est analysé à partir de données en populations générales, définies sur des bases géographiques, et non pas sur des populations hospitalières qui sont souvent influencées par le type de recrutement des services. 1. Augmentation des naissances gémellaires Après une baisse des taux d’accouchements gémellaires après la seconde guerre mondiale, une augmentation a été constatée dans la plupart des pays occidentaux à partir du milieu des années 1970. En France, le taux d’accouchement gémellaires (nombre de femmes ayant eu des jumeaux sur l’ensemble des femmes ayant accouché une année donnée) est passé de 8,8 pour 1000 en 1972 à 15,0 pour 1000 en 2001, soit une augmentation de 70 % [1]. Le taux d’accouchements triples n’a pas suivi la même évolution : il a augmenté de 0,9 pour 10 000 en 1972 à 4,5 pour 10 000 en 1989, puis il a diminué pour atteindre 2,9 pour 10 000 en 2001. Si le taux d’accouchements gémellaires n’avait pas augmenté depuis 1972, nous aurions eu, en 2001, 13 400 jumeaux au lieu de 23 000, soit environ 9600 jumeaux en moins. 2. Facteurs ayant contribué à l’augmentation 2.1. Aˆge maternel Le risque d’accouchement gémellaire augmente avec l’âge. Ainsi en 1972, avant le développement des traitements Adresse e-mail : [email protected] (B. Blondel). © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.arcped.2004.03.060

de la stérilité, le taux d’accouchement gémellaire était minimum avant 20 ans (5,8 pour 1000) et maximum entre 35 et 39 ans (13,0 pour 1000) [1]. Au cours des 25 dernières années il s’est produit un report des naissances vers des âges plus élevés et l’âge moyen à la naissance est passé de 26,5 ans en 1977 à 29,4 ans en 2001. On estime dans différents pays qu’un quart à un tiers de l’augmentation des taux d’accouchements gémellaires s’explique par l’augmentation de l’âge maternel [2]. 2.2. Traitements de la stérilité Les traitements de la stérilité s’accompagnent d’une augmentation des grossesses multiples [2]. Quand des inducteurs de l’ovulation sont utilisés seuls, le pourcentage de grossesse gémellaire est de 6 à 8 % avec le citrate de clomiphène, et peut atteindre 20 à 30 % avec les gonadotrophines. Le risque est également très élevé après insémination intrautérine avec induction de l’ovulation et après fécondation in vitro (FIV) ou des méthodes voisines. En France, en 2001, selon les statistiques du registre FIVNAT, 26 % des accouchements après FIV comprenaient des jumeaux et 24 % des accouchements après ICSI (Intra Cystoplasmic Sperm Injection) [3]. Les traitements de la stérilité contribuent donc pour une large part au nombre élevé de jumeaux. En France en 1998, on a constaté que 31 % des naissances gémellaires se produisaient après un traitement de la stérilité et, au cours de cette même période, le pourcentage atteignait presque 50 % dans une région de Belgique [2]. La contribution de la FIV et des méthodes voisines est assez bien connue en raison de l’existence de nombreux registres sur ce sujet. Ainsi, en Finlande, 26 % des naissances gémellaires survenues en 1998–1999 avaient eu lieu après une FIV et ce pourcentage était de 24 % en Flandre en 1992–1997.

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3. Conséquences de la gémellité sur la santé des enfants

sies cérébrales était de 1,6 pour 1000 chez les enfants uniques nés entre 1980 et 1989 vs 7,3 pour 1000 chez les jumeaux, soit un risque multiplié par 5 [6].

3.1. Caractéristiques de santé

3.2. Rôle respectif de la gémellité et des autres caractéristiques de l’enfant

Les jumeaux ont un risque très élevé de prématurité et de petit poids à la naissance. En France, selon les données regroupées des deux enquêtes nationales périnatales sur un échantillon représentatif des naissances, 43,7 % des jumeaux nés vivants avaient moins de 37 semaines à la naissance, au lieu de 4,6 % des enfants uniques, soit un risque multiplié par 9 (Tableau 1) [4]. Par ailleurs, 52,7 % des jumeaux pesaient moins de 2500 g, au lieu de 4,8 % des enfants uniques, soit un risque multiplié par 11.

L’excès de mortalité ou d’anomalies du développement peuvent provenir d’anomalies liées au type de placenta et aux échanges in utero. Une autre question est de savoir si les problèmes de santé proviennent d’un excès de prématurité ou de petit poids à la naissance ou s’ils s’expliquent par la gémellité. L’analyse de la mortalité et des paralysies cérébrales suivant l’âge gestationnel montre que, pour les jumeaux comme pour les enfants uniques, les risques sont élevés chez les grands prématurés, ils diminuent ensuite, atteignent un minimum puis augmentent [7,8]. La courbe correspondante est proche d’un J inversé. Toutefois l’âge gestationnel pour lequel le risque est minimum est plus bas pour les jumeaux (37–38 semaines) que pour les enfants uniques [8,9]. Les courbes ne sont donc pas parallèles et la position relative des jumeaux par rapport aux singletons varie suivant l’âge gestationnel. Les jumeaux présentent un excès de risques s’ils sont grands prématurés ; ils ont des risques plus faibles en cas de prématurité modérée et ont de nouveau un excès de risque à terme [7,8]. La situation particulièrement favorable des jumeaux prématurés modérés pourrait s’expliquer par l’origine de la prématurité : l’accouchement entre 32 et 36 semaines proviendrait plus souvent d’une pathologie d’origine maternelle ou fœtale chez les enfants uniques alors que chez les jumeaux il serait plus souvent expliqué uniquement par la gémellité.

La mortalité in utero et dans les premières années est également plus élevée en cas de naissance multiple. En France nous ne disposons pas de statistiques nationales suivant le nombre d’enfants nés, mais en Angleterre-Pays de Galles, où le niveau de la mortalité est voisin du nôtre, la mortalité néonatale était de 23,9 pour 1000 chez les jumeaux au lieu de 3,4 pour 1000 pour les enfants uniques, soit un risque multiplié par 7 [5]. L’excès de mortalité des jumeaux par rapport aux enfants uniques s’observe pendant les premières années de l’enfance et disparaît ensuite. Les jumeaux ont également un risque accru d’anomalies du développement neurologique. Ceci a été étudié en particulier pour les paralysies cérébrales, car plusieurs registres permettent de comparer les enfants uniques et les enfants multiples. En Australie occidentale, la fréquence des paraly-

Tableau 1 État de santé chez les enfants uniques et les jumeaux dans différentes populations Uniques Jumeaux Risque IC à 95 % relatif ˆ ge gestationnel a A < 33 SA total < 36 SA Poids a < 1500 g total < 2500 g Mortalité b mortinatalité mortalité néonatale mortalité post néonatale Paralysie cérébrale c

p 100 p 100

0,7 4,6

8,1 43,7

11,0 9,5

8,3–14,5 8,6–10,4

p 100 p 100

0,5 4,8

7,4 52,7

13,7 11,0

10,2–18,5 10,1–12,0

p 1000 p 1000 p 1000 p 1000

5,1 3,4 1,8 1,6

17,4 23,9 4,7 7,3

4,6

3,2–6,4

SA : semaines d’aménorrhée a Enquêtes nationales périnatales 1995–1998, naissances vivantes [4] b Statistiques d’état civil de l’Angleterre Pays de Galles 1996, ONS [5] ; les mort-nés sont enregistrés à partir de 24 SA. c Registre des paralysies cérébrales d’Australie occidentale, générations 1980-1989 [6] ; fréquence calculée parmi les enfants vivants à un an.

4. Conclusion Les jumeaux présentent des risques de mortalité et de handicap très élevés par rapport aux enfants uniques qui s’expliquent en partie par un accouchement très prématuré et un faible poids à la naissance. La croissance des taux d’accouchements gémellaires montre des signes de ralentissement, mais en l’absence d’une diminution clairement prononcée, les charges liées à la prise en charge médicale et sociale des jumeaux vont demeurer très élevées.

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